L'audiovisuel extérieur français est un puissant outil de rayonnement, dans le contexte de tensions internationales fortes, alors que les valeurs de la démocratie et de l'État de droit sont attaquées de toutes parts.
Mais notre audiovisuel extérieur répond aussi à une attente, dans de nombreux pays, où il bénéficie d'audiences significatives et d'opinions très majoritairement favorables.
L'année 2022 a été marquée par les suspensions de France 24 et de RFI en Russie et au Mali. En Russie, cette interdiction touche 27 millions de foyers. L'ensemble des chaînes internationales -DW, CNN, BBC- ont été touchées. TV5Monde n'a pas subi d'interdiction, pour sa part, car c'est une chaîne généraliste, mais a dû se retirer de sa propre initiative pour ne pas faire courir à ses journalistes un fort risque sur le plan pénal, ce qui a privé 15 millions de foyers russes de la chaîne.
Le modèle multilatéral de TV5Monde, chaîne de la francophonie, s'est révélé particulièrement intéressant. Ce modèle lui permet en effet de continuer à émettre au Mali. TV5Monde est, en outre, le seul opérateur français en Chine.
La perception des médias français par les populations est, de façon générale, très marquée par l'actualité internationale : ainsi le taux d'opinions favorables à France 24 au Maghreb a diminué entre 2020 et 2021, en lien avec la dégradation des relations de ces pays entre eux et avec nous. Les perceptions de nos médias n'ont toutefois jamais été aussi favorables en Afrique. Leur notoriété est aussi en croissance au Mali. FMM est un puissant outil de rayonnement avec 244 millions de contacts hebdomadaires en 2021.
Le projet de loi de finances prévoit une contribution de l'État à l'audiovisuel extérieur de 365 millions d'euros, dont 285 millions d'euros pour France Médias Monde (+ 3,5 %) et 80 millions d'euros pour TV5Monde (+ 4 %).
Ces augmentations s'entendent hors compensation des effets de la réforme du financement de l'audiovisuel public. La contribution à l'audiovisuel public a en effet été remplacée par l'affectation au secteur audiovisuel d'une fraction du produit de la TVA. Ce mode de financement confirme que les médias français sont des médias de service public et non des médias d'État : c'est une distinction qui est cruciale, à l'international, pour conforter l'indépendance de notre audiovisuel extérieur et en asseoir la crédibilité.
Ce mode de financement n'est toutefois acté que jusqu'au 31 décembre 2024. Or le ministère de la culture semble considérer qu'une budgétisation du financement aurait peu d'impact. Il nous semble, au contraire, qu'une budgétisation serait extrêmement préjudiciable. D'ores et déjà, les autorités compétentes du Land de Berlin ont, par exemple, fait savoir qu'une budgétisation du financement pourrait remettre en cause l'attribution à RFI d'une fréquence FM.
C'est pourquoi, aussi, l'autonomie des chaînes de l'audiovisuel extérieur est essentielle. Là encore, les incertitudes perdurent. L'idée d'une fusion éventuelle des différentes sociétés audiovisuelles publiques n'est pas abandonnée. Or c'est une évolution qui nuirait probablement à l'image de France Médias Monde à l'international car elle ferait passer les enjeux internationaux au second plan, dans un cadre unique, où les médias nationaux domineraient.
Face à ces risques, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères doit s'impliquer pleinement pour défendre les spécificités de l'audiovisuel extérieur.
Je terminerai en mentionnant que la BBC dispose d'une Charte royale en date de 2016 qui garantit son indépendance. La mise en place d'une Charte de ce type serait probablement un facteur de crédibilisation supplémentaire pour France Médias Monde, en plus des considérations relatives au financement et à l'organisation des chaînes, déjà mentionnées.
Sous réserve de ces remarques, l'augmentation des crédits est un signe positif, qui appelle à mon sens un avis favorable aux crédits du compte de concours financiers de la mission « Avances à l'audiovisuel public » pour ce qui concerne ces deux programmes.