Intervention de Cyril Pellevat

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 6 décembre 2022 à 17h00
Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'union européenne dans les domaines de l'économie de la santé du travail des transports et de l'agriculture procédure accélérée — Examen du rapport pour avis et des amendements sur les articles délégués au fond

Photo de Cyril PellevatCyril Pellevat, rapporteur pour avis :

Notre commission est saisie pour avis avec délégation au fond des quatre articles du titre III, qui regroupe des dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de transports.

Je regrette les délais extrêmement serrés dans lesquels nous avons eu à examiner ce texte particulièrement technique. Déposé le 23 novembre dernier, nous avons disposé de moins de dix jours pour conduire un travail de fond sur les articles qui nous ont été délégués. Pour autant, j'ai conduit une dizaine d'auditions, qui m'ont permis d'entendre les principales parties prenantes concernées par ces articles qui, au-delà de leur aspect purement technique, ont une portée résolument concrète pour la vie quotidienne de nos concitoyens.

L'article 26 transpose la dernière version de la directive relative à la taxation des véhicules pour l'utilisation de certaines infrastructures, dite directive « Eurovignette ».

Cette directive prévoit des règles nouvelles de modulation et de majoration des péages applicables aux véhicules lourds de transport de marchandises et de personnes. Dans sa précédente version, elle imposait de moduler les péages en fonction des émissions de polluants atmosphériques des véhicules, c'est-à-dire en fonction de leur classe « EURO ». Cette obligation, mise en oeuvre dans les contrats de concession conclus après 2010, n'a eu qu'une portée assez limitée : seuls 235 des 9 200 kilomètres du réseau routier national concédé sont concernés par cette modulation. De plus, la grande majorité des véhicules lourds relèvent aujourd'hui de la classe EURO VI, la classe la plus stricte en matière d'émissions de polluants atmosphériques. Dès lors, comme l'a confirmé l'Autorité de régulation des transports (ART), cette modulation perd de sa pertinence. La Commission a présenté le 10 novembre dernier une proposition visant à définir de nouvelles normes EURO VII.

La version révisée de la directive « Eurovignette » prévoit quant à elle une modulation en fonction des émissions de CO2 : c'est la première obligation fixée par la directive.

En second lieu, la directive prévoit l'obligation d'appliquer une redevance pour coûts externes liée à la pollution atmosphérique due au trafic à compter du 25 mars 2026.

Enfin, la troisième obligation impose de faire varier les péages applicables aux camionnettes et minibus en fonction de leur performance environnementale à compter de 2026.

Au-delà de ces éléments obligatoires, la directive donne aux États membres la possibilité de mettre en place d'autres dispositifs facultatifs, tels que la création d'un surpéage sur des tronçons saturés ou encore d'une redevance de congestion.

L'article 26 transpose dans le code de la voirie routière, de manière fidèle, les seules dispositions obligatoires de la directive. Pour éviter de remettre en cause les règles tarifaires des contrats autoroutiers et de bouleverser l'équilibre économique des contrats en cours, il prévoit, en conformité avec le droit européen, de n'appliquer ces nouvelles obligations qu'aux contrats de concession conclus postérieurement au 24 mars 2022.

Au-delà de cette transposition des seules obligations de la directive « Eurovignette », je vous proposerai plusieurs amendements ouvrant le recours à certains des dispositifs facultatifs prévus par la directive, ceci pour relever l'ambition du texte et mieux accompagner le mouvement de décarbonation du transport routier. Je pense notamment à la possibilité d'exonérer de redevance pour coûts externes les véhicules relevant de la classe EURO la plus stricte pendant quatre ans, ce qui permettra d'encourager le renouvellement des flottes, ou encore à la possibilité d'appliquer une modulation en fonction de la congestion du trafic.

Par ailleurs, j'ai constaté que la transposition proposée par cet article 26 se contentait de modifier les seules dispositions relatives aux contrats de concession autoroutiers. Or, l'ordonnance relative à l'instauration d'une taxe sur le transport de marchandises par la Collectivité européenne d'Alsace (CEA) obéit également aux règles fixées par la directive « Eurovignette ». La taxe alsacienne doit ainsi être actualisée au regard du droit européen révisé. Aussi, il nous revient, pour donner davantage de visibilité à la CEA dans la mise en oeuvre de sa taxe, de transposer a minima les obligations prévues par la dernière directive. Je vous proposerai donc un amendement en ce sens.

L'article 28 du projet de loi, ensuite, met en application le règlement sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires.

Afin de mieux les protéger en cas de retard, d'annulation ou de discrimination, ce texte procède à une refonte du règlement de 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires. Plusieurs améliorations sont proposées par ce texte européen, en matière d'assistance aux personnes handicapées et aux personnes à mobilité réduite, en faveur de l'accroissement de la place des vélos dans le système ferroviaire et du renforcement de l'information des voyageurs. Il prévoit également de meilleures conditions de remboursement, de réacheminement, d'indemnisation et d'assistance en cas de retard ou d'annulation d'un train.

La présidente de la commission des transports du Parlement européen y a vu un « pas en avant », même si le Parlement était plus ambitieux pour étendre les droits des consommateurs. La portée de ce nouveau règlement doit, en effet, être relativisée parce que le droit national est déjà souvent plus favorable que la « norme minimale » européenne - par exemple s'agissant du nombre de places de vélos ou des droits à l'information des voyageurs - mais aussi parce que le Gouvernement en a restreint le champ d'application aux services urbains, suburbains et régionaux de transport ferroviaire, en recourant à un certain nombre de dérogations. J'entends cependant son argument, en particulier sur le nombre de voyageurs beaucoup plus élevé dans ces transports du quotidien et les caractéristiques différentes des conditions de voyage - notamment l'absence de billet nominatif, contrairement aux TGV et Intercités.

De plus, à un article près, le Gouvernement a choisi la dérogation au règlement la plus étendue possible en n'appliquant à ces services que les articles qui concernent l'ensemble des modes de transport ferroviaire, sachant qu'en tout état de cause, il ne s'applique pas aux services de transport guidé que sont le métro, le tramway et, au moins pour partie, le RER.

Pour l'essentiel, nous sommes donc conduits à nous prononcer sur le champ des exceptions aux principes fixés par le règlement.

Si l'équilibre proposé par l'article 28 est globalement satisfaisant, je vous proposerai quelques ajustements.

Je vous proposerai de renforcer les droits des personnes handicapées ou à mobilité réduite en prévoyant une obligation d'indemnisation par les entreprises ferroviaires et les gestionnaires des gares en cas de perte ou d'endommagement d'équipements de mobilité, comme les fauteuils roulants, de dispositifs d'assistance, ou la blessure d'un chien d'assistance.

Je vous proposerai aussi de reporter à 2025 l'entrée en vigueur, pour les services ferroviaires régionaux, de certaines dispositions relatives au remboursement, à l'indemnisation et à l'assistance des voyageurs qui disposent d'un billet direct pour effectuer un voyage. En l'état actuel, cette disposition est de nature à créer des ruptures d'égalité entre différentes catégories de voyageurs, d'une part, et à entraver le bon déroulement de l'ouverture à la concurrence, d'autre part.

Je vous proposerai, enfin, de prévoir une évaluation des dérogations aux obligations fixées par le règlement européen, dans un délai de cinq ans. Cette évaluation pourrait être l'occasion d'ajuster le champ de ces dérogations, afin d'améliorer davantage les droits des voyageurs ferroviaires et d'accroître la part modale du transport ferroviaire.

Enfin, les deux autres articles qui nous ont été renvoyés au fond, les articles 27 et 29, apportent des corrections rédactionnelles qui n'appellent pas d'observation particulière. Je vous proposerai, dans un souci de sécurité juridique, de ratifier l'ordonnance qui transpose une directive européenne relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires.

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