Intervention de Daniel Gremillet

Commission des affaires économiques — Réunion du 14 décembre 2022 à 9h30
Relance du nucléaire — Audition de Mm. Luc Rémont président-directeur général d'edf bernard doroszczuk président de l'autorité de sûreté nucléaire françois jacq administrateur général du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives thomas veyrenc directeur exécutif du pôle stratégie prospective et évaluation de réseau de transport d'électricité et guillaume dureau président d'orano projets sas directeur innovation - r&d - nucléaire médical

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet, rapporteur :

Je souhaite, à mon tour, remercier nos intervenants de leur participation à cette table ronde. De mémoire sénatoriale, c'est une première que de vous réunir tous aujourd'hui. Je remercie également le rapporteur pour avis Pascal Martin.

Comme vous le savez, nous préparons actuellement l'examen du très attendu projet de loi d'accélération du nucléaire ; nous avons largement entamé nos auditions et avons entendu, juste avant vous, devant le groupe d'études « Énergie », M. Michel Badré, président de la formation de la CNDP chargée du débat public sur la construction de nouveaux réacteurs, dont ceux de Penly.

S'agissant de la méthode retenue par le Gouvernement, je regrette qu'il légifère dans le désordre : pour bien faire, il aurait fallu soumettre à l'examen parlementaire la programmation, puis le nucléaire, puis le renouvelable. Je déplore également qu'il impose des délais d'examen très resserrés puisque ce texte serait examiné en séance publique mi-janvier : plus d'organisation, plus d'anticipation et plus de coconstruction auraient été nécessaires sur un sujet aussi important. Où est la nouvelle méthode promise par le Gouvernement ?

Concernant l'évolution proposée par le Gouvernement, nous ne pouvons que nous réjouir de la relance du nucléaire, tout en rappelant que cette relance intervient tardivement et partiellement : les annonces du Gouvernement font, pour l'instant, davantage office de « rattrapage » que de « relance ». Je rappelle que la commission des affaires économiques a alerté sur l'impact de la crise de la Covid-19 sur les prix des énergies et le décalage du programme d'arrêts de tranches, dès son rapport sur cette crise de juin 2020 ; elle a aussi alerté sur l'impact de la guerre russe en Ukraine et du phénomène de corrosion sous contrainte, dès son rapport sur le risque de black-out de février 2022.

Comme l'a indiqué notre présidente, nous avons aussi plaidé pour une relance complète du nucléaire, dans notre rapport de juillet 2022. La position de notre commission a donc été celle de la constance, avant et, bien souvent, contre celle du Gouvernement ! Ce ne fut pas simple de décaler de dix ans le calendrier de fermeture des réacteurs existants, dans la loi « Énergie-Climat » de 2019. Ce ne fut pas simple d'interdire toute fermeture de réacteur, dès lors qu'elle présente un risque sur la sécurité d'approvisionnement, la sûreté nucléaire ou les émissions de gaz à effet de serre (GES), dans la loi « Climat-Résilience » de 2021. Nous étions bien seuls à l'époque !

Mais cessons de remuer le passé pour évoquer l'avenir, celui de la filière nucléaire et, au-delà, de notre compétitivité économique et notre vie sociale. C'est pourquoi je compléterais brièvement les questions posées par notre présidente.

En premier lieu, je souhaiterais que le PDG d'EDF nous indique où en est la résolution du phénomène de corrosion sous contrainte : avez-vous une visibilité sur les indisponibilités prévisibles pour les prochains mois ?

Un mot sur l'application du programme Excell serait également précieux : sommes-nous prêts, sur le plan de la formation et des compétences, pour la construction annoncée de nouveaux réacteurs. C'est un sujet de préoccupation relevé par notre commission dans son rapport sur la filière nucléaire, de juillet dernier. Un mot aussi sur les modalités de financement : la Cour des comptes a clairement indiqué qu'EDF ne pouvait financer seul cette relance du nucléaire. Qu'en pensez-vous ? Faut-il préférer un financement par fonds propres, par emprunt, par prix régulé ou encore par participations de consommateurs électro-intensifs, comme pratiqué ailleurs en Europe ?

En second lieu, je voudrais que l'ASN nous indique son opinion sur les EPR2 et les SMR qui pourraient être construits ? Sont-ils plus sûrs que les réacteurs plus anciens ? Sont-ils moins producteurs de déchets ? Je m'interroge notamment sur les risques liés à la construction des nouveaux réacteurs. Les extensions de sites existants impliquent-elles des risques cumulés, dont la gestion par les collectivités territoriales ou les services déconcentrés concernés ne doit pas être simple ? Les implantations d'installations en bord de mer présentent-elles des risques spécifiques, liés par exemple à la submersion ou à l'érosion ? Si oui, comment les prévenir ?

Concernant le CEA, j'aimerais qu'il nous précise si la recherche nucléaire lui semble pouvoir être davantage prise en compte dans le projet de loi : au-delà de la construction d'EPR2, peut-on y développer les SMR ? Peut-on y promouvoir le couplage nucléaire-hydrogène ?

Pour ce qui est du groupe Orano, je souhaiterais qu'il fasse état de son opinion sur le devenir des usines de retraitement-recyclage. L'État ne devrait-il pas prendre une décision sur leur pérennisation, car on sait que ces installations arriveront à leur cinquantième année de fonctionnement dès 2040 ?

S'agissant enfin de RTE, je ne pourrais résister à la question que tous mes collègues et beaucoup de Français se posent : quelles sont vos prévisions sur la sécurité d'approvisionnement électrique ? Combien de délestages risquent de se produire cet hiver ? Pouvez-vous nous préciser les périodes et les régions les plus critiques ?

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