Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 30 octobre 2007 à 16h15
Finances locales — Rejet des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la consolidation de la décentralisation postérieure aux réformes initiées par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, a placé les budgets des collectivités locales au coeur de profondes réformes, tant en niveau qu'en structure. À la suite de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, le législateur a décliné à deux reprises les principes constitutionnels de libre administration et d'autonomie financière des collectivités locales.

Les finances locales ont ainsi subi de multiples allégements fiscaux. En 2005 et 2006, pour ne citer que les plus récents, ont été votés l'exonération de 20 % des bases de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et le plafonnement à 3, 5 % du calcul de la cotisation de taxe professionnelle des entreprises.

Or l'ensemble de ces réformes a paradoxalement conduit à renforcer le poids de l'État. La part des compensations et dégrèvements est passée de 22 % au milieu des années quatre-vingt-dix à près de 34, 6 % en 2003. L'intégration de ces compensations dans la DGF a fait artificiellement chuter ce ratio à 26, 9 % en 2006. Le Conseil constitutionnel a dû rappeler à de nombreuses reprises que l'autonomie financière est l'indispensable corollaire de la libre administration des collectivités locales. Mais l'Observatoire des finances locales a montré que le ratio d'autonomie financière pour 2005 avait encore reculé pour les communes.

En tant qu'élu du premier département agricole de France, je tiens, monsieur le secrétaire d'État, à me faire le porte-parole des élus des communes rurales, qui s'inquiètent de la dégradation constante de leurs ressources. Je ne m'appesantirai sur la complexité croissante des réglementations, souvent peu intelligibles pour les élus et leurs administrations. De plus, la modification en 2005 de la dotation « élu local » a majoré artificiellement la richesse de nombreuses communes et privé une majorité d'entre elles d'un mécanisme financier pourtant vital en zone rurale pour la formation des élus.

Je m'attarderai, en revanche, sur les conséquences des réformes successives.

La plupart des transferts de compétence intervenus depuis 2003 ont concerné les départements, les régions et les EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale. Les dernières lois de finances ont eu à en tirer les conséquences, en octroyant à ces catégories de collectivités des compensations plus favorables. Mais les communes rurales ont été superbement ignorées.

Si la dotation de solidarité urbaine s'appuie sur des critères objectifs de solidarité au profit des communes à faible potentiel fiscal, les règles de calcul de la fraction « bourgs-centres » de la dotation de solidarité rurale aboutissent à une inégalité de traitement entre les communes, ce qui aggrave encore les disparités d'un monde rural déjà fragilisé par ses difficultés économiques.

Une autre inégalité toujours aussi frappante est la différence de traitement entre les multiples catégories d'EPCI, sans que le degré d'intégration de l'établissement public justifie à lui seul les écarts de niveaux de dotation. En 2006, le montant de la DGF par habitant des communautés de communes à taxe professionnelle unique simple a atteint 21, 95 euros, contre 42, 38 euros pour les communautés d'agglomération et même 83, 60 euros pour les communautés urbaines. Monsieur le secrétaire d'État, vous devez mettre fin à une situation aussi inéquitable.

Parallèlement, près de 35 000 communes bénéficient du produit de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. La part de cette dernière dans les ressources fiscales des 21 000 communes de moins de 500 habitants est la plus importante et dépasse même 50 % pour 2 200 d'entre elles. Malheureusement, la réforme votée en 2006 prévoit l'indexation de la compensation versée par l'État sur l'année 2005, ce qui induit une réduction mécanique des ressources dont disposeront les communes rurales. Pour maintenir un niveau de ressources constant, celles-ci seront obligées d'augmenter les autres taxes, alors même que leur potentiel fiscal demeure très faible.

Ce résultat n'est-il pas en contradiction flagrante avec l'autonomie de décision des collectivités territoriales ? Une solution consisterait à prévoir un ratio de réévaluation annuelle de la compensation de l'État, du moins avant que la législation fiscale ne change à nouveau ...

À l'heure de la grande compétition internationale, la taxe professionnelle constitue un double handicap.

Elle est, d'une part, un handicap pour les communes qui avaient sagement fait preuve de modération fiscale, car celles-ci pâtissent du plafonnement de la valeur ajoutée à 3, 5 %. L'instauration d'un plafond de participation revient à pénaliser les petites communes, lesquelles ne peuvent désormais plus moduler librement leur taux sans une perte de recettes fiscales. Certaines communes préfèrent, aujourd'hui, attirer des entreprises qui ne créent pas d'emplois, plutôt que de compenser le coût du dégrèvement.

Elle est, d'autre part, un handicap pour les entreprises, car elle demeure un frein à leur compétitivité, quand bien même ses bases ont été plafonnées.

Ce dispositif, si franco-français, désarçonne les entrepreneurs étrangers désireux de s'installer dans notre pays.

C'est en effet aujourd'hui une véritable concurrence fiscale, assez malsaine, qui s'instaure entre les collectivités locales, et les communes rurales sont, une fois de plus, moins bien armées que les autres catégories de collectivités pour y faire face.

Plutôt que de cristalliser les compensations de l'État sur des bases fixes et rapidement obsolètes, pourquoi ne pas chercher à asseoir les ressources propres des petites communes sur des bases dynamiques ? Pourquoi ne pas mettre en place un mécanisme simple de progression des dotations ?

Il n'est pas concevable que les communes les plus modestes soient de plus en plus dépendantes du seul bon vouloir de l'État. J'en veux pour preuve la récente décision d'indexer le contrat de croissance sur la seule inflation. Pourquoi, d'un côté, brider l'autonomie fiscale et, de l'autre, réduire encore les moyens de subsistance de ces petites communes ?

La proposition de loi de François Marc soulève, à ce titre, un vrai problème, celui de la péréquation des ressources. Selon un rapport du Commissariat général du Plan de 2004, les inégalités de ressources demeurent en effet très importantes.

En 2001, comme l'a rappelé notre collègue, le pouvoir d'achat par habitant de la commune la mieux dotée représente 8 500 fois celui de la commune la moins bien pourvue ; 1 % des communes les plus riches disposent de 44 fois plus de pouvoir d'achat que 1 % des plus pauvres, soit 7 403 euros contre 168 euros par habitant ; 10 % des communes les plus riches, soit 10, 3 % de la population française, bénéficient de 28, 7 % du pouvoir d'achat. À l'opposé, 10 % des communes les plus pauvres, soit 3, 3 % de la population française, disposent de 1, 3 % seulement du pouvoir d'achat.

Les dotations constituent la principale source de réduction en niveau des inégalités : 64 % pour les communes, 83 % pour les départements et 89 % pour les régions. Seul un accroissement des dotations expressément péréquatrices peut remplir un rôle de correction des inégalités. Rapportés au pouvoir d'achat moyen, les effets redistributifs des transferts produisent un effet péréquateur pour 71 % des communes, sur-péréquateur pour 21% des communes et contre-péréquateur pour 8 % des communes. Ainsi, au lieu de réduire les inégalités, les dotations les augmentent dans plus du quart des communes.

Les données relatives à la péréquation sont aujourd'hui clairement insuffisantes. Il n'est cependant ni possible ni souhaitable de réformer l'ensemble de la péréquation au travers d'une seule proposition de loi. Une telle réforme nécessite que soit conduite une réflexion très approfondie, associant l'ensemble des représentants des collectivités locales. Il revient sans doute au Sénat, « Grand Conseil des communes de France », d'amorcer cette réflexion « transpartisane ».

Pour l'heure, il est un peu tôt pour prendre position, c'est du moins l'opinion de la majorité du groupe du RDSE.

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