Intervention de Gérard Miquel

Réunion du 30 octobre 2007 à 16h15
Finances locales — Rejet des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Gérard MiquelGérard Miquel :

...alors que le département du Rhône se plaçait un peu différemment.

Le potentiel fiscal par habitant du département du Rhône est ainsi de 647, 07 euros, celui du Lot de 322, 43 euros. L'écart avec la moyenne est de plus 15, 31 % pour le Rhône et de moins 27, 72 % pour le Lot.

Le potentiel financier est, par habitant, de 641, 29 euros pour le Rhône et de 474, 58 euros pour le Lot. L'écart avec la moyenne est de plus 14, 17 % pour le Rhône et de moins 15, 51 % pour le Lot.

Ces quelques chiffres tendent à démontrer qu'il est nécessaire de faire une réforme et de mettre en place des mécanismes de péréquation appropriés.

Permettez-moi, mes chers collègues, de citer encore quelques données relatives aux départements.

Dans nos 102 départements, 25 milliards d'euros de dépenses sociales sont engagées, et ces dépenses ont progressé de 37 % entre 2002 et 2006.

Les départements participent pour un tiers à l'effort national d'investissement.

Ils entretiennent 6 750 collèges publics.

Sept millions de personnes sont suivies, à un titre ou à un autre, par leurs services sociaux et médicosociaux.

Ils entretiennent également 385 000 kilomètres de routes d'intérêt départemental ou national.

Mais quel état des lieux peut-on dresser de la situation financière à laquelle sont confrontés les départements ?

En trois ans et demi, leurs compétences et leurs responsabilités se sont considérablement accrues.

La conséquence de l'exercice de ces compétences supplémentaires a été immédiate : nos budgets ont fortement augmenté - 50 % en moyenne -, nos effectifs de personnels se sont sensiblement accrus avec, notamment, l'arrivée de 43 000 TOS exerçant dans les collèges et de 30 000 agents de l'équipement, soit en moyenne 700 agents supplémentaires par département.

De nouvelles dispositions ont été prises depuis le début de l'année 2007, notamment dans le cadre de la loi créant un droit opposable au logement ou de la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui modifiera prochainement l'organisation des tutelles.

Cela continue avec le projet de loi, annoncé par le Gouvernement, sur le transfert des parcs de l'équipement.

Un certain nombre de questions demeurent en suspens.

Ainsi, l'expérimentation du RSA, le revenu de solidarité active, est prévue pour trois années mais sa généralisation est envisagée dès 2008, de même que la fusion des minima sociaux.

Le Gouvernement a prévu d'inscrire un crédit de 25 millions d'euros pour financer le surcoût du RSA, mais nous savons bien que cette somme sera largement insuffisante.

Le transfert du RMI aux départements va générer, fin 2007, une surcharge financière qui s'élèvera à 2, 3 milliards d'euros, comme le montre l'étude récente effectuée par Dexia Crédit Local.

Face à ce constat, beaucoup considèrent que la réforme des finances locales aurait dû être un préalable indispensable à tout nouveau transfert de compétences.

Je citerai à cet égard le président de notre assemblée, Christian Poncelet, dont chacun connaît la pertinence du propos, en ce qui concerne la gestion des départements en particulier, et qui disait récemment que le renforcement de l'autonomie des collectivités était une « absolue nécessité ». Nous devrions, nous disait-il encore, aboutir à de meilleurs résultats « par une plus grande autonomie de gestion des compétences transférées ». « Les départements, ajoutait-il, n'ont pas vocation à devenir des sous-traitants de l'État. »

Ce contexte vient renforcer le décalage structurel qui existe en France entre l'importance du mouvement de décentralisation institutionnelle engagé depuis vingt-cinq ans et les carences de la décentralisation financière qui l'accompagne.

Plus de responsabilités pour les conseils généraux, cela veut dire aussi plus d'autonomie financière.

Par conséquent, il convient - et je cite toujours Christian Poncelet - « de doter les collectivités territoriales d'impôts locaux modernes, justes et dynamiques » et de veiller à ne pas creuser les inégalités territoriales en permettant « la mise en oeuvre de nouveaux mécanismes de péréquation ».

L'exigence de modernisation des impôts locaux est nécessaire pour une plus grande justice sociale. Les impôts locaux reposent sur des bases archaïques et sont source d'injustices, aussi bien pour les contribuables que pour les collectivités.

Les correctifs apportés pour pallier ces carences n'ont finalement conduit qu'à plafonner certains prélèvements locaux plutôt qu'à réformer la structure de ces prélèvements.

De récentes études - celle de l'ODAS, l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, et celle de Dexia - soulignent la forte progression des dépenses d'action sociale des départements, avec plus 7 % en 2006, et montrent les difficultés des conseils généraux à maîtriser cette évolution.

Pour l'essentiel, il s'agit de prestations dont nous ne maîtrisons ni les montants ni les critères d'attribution.

Nous devons faire face à cette progression de nos dépenses de fonctionnement, mais nos recettes proviennent des dotations et compensations de l'État ainsi que de la fiscalité locale. Or, qu'observons-nous ?

Les compensations sont gelées à la date du transfert ; je pense, en particulier, au RMI.

Les dotations ne vont plus progresser qu'en fonction de l'inflation avec l'abandon annoncé du contrat de croissance et de solidarité.

La fiscalité locale est, je l'ai dit, obsolète et injuste.

La seule ressource dynamique, la taxe professionnelle, ne progresse pratiquement plus depuis sa récente réforme.

Quant aux droits de mutation, ils n'augmentent plus au rythme que nous avons connu ces dernières années. Il arrive même parfois, dans certains secteurs, qu'ils régressent !

Les derniers rapports publiés sur ce sujet sont unanimes : une réforme du système financier local est aujourd'hui nécessaire pour éviter sa « surchauffe ».

Jean-Pierre Fourcade a souhaité à cette tribune une expérimentation : pourquoi pas une expérimentation à l'échelon départemental ?

La décision du ministre de l'intérieur d'affecter aux départements une part des recettes provenant des amendes de police générées par les radars placés le long des routes départementales constitue un début de réponse au problème du financement des départements. Cependant, les 30 millions d'euros annoncés représentent moins de 10 % du total des recettes des radars.

Cette attribution doit évoluer au même rythme que les recettes, qui vont progresser du fait de l'installation de nombreux radars supplémentaires. Il est souhaitable de répartir cette dotation en fonction de l'importance du réseau routier départemental et non du nombre de radars, de manière à respecter le principe de la péréquation.

Comme l'a souligné l'ADF, il faut imposer à l'État de ne plus intervenir dans la fiscalité locale sous la forme de dégrèvements, confirmer le financement de la protection de l'enfance et instaurer un financement national pour les allocations individuelles de solidarité nationale - allocation personnalisée d'autonomie, prestation de compensation du handicap, RMI, RSA - tout en maintenant une mise en oeuvre de proximité au niveau départemental.

Nous devons aussi renforcer la solidarité financière entre les territoires.

Aucune réforme de la fiscalité locale ne peut aujourd'hui se concevoir sans y adjoindre un dispositif de péréquation horizontale, car les ressources fiscales, quelle qu'en soit l'assiette, sont par nature inégalement réparties sur le territoire national. Pour remédier à la disparité de ressources entre les collectivités territoriales, une volonté de renforcement des politiques de péréquation doit être affirmée.

Pour réduire les écarts, il convient de créer un fonds de solidarité départemental qui serait alimenté par un dispositif de péréquation verticale ainsi que par un dispositif de péréquation horizontale.

En conclusion, une réforme profonde du financement des collectivités territoriales s'impose et doit être engagée dès aujourd'hui.

Cette réforme devra répondre aux exigences de simplification et de lisibilité.

Elle devra s'accompagner de la mise en place d'une solidarité effective entre les collectivités locales, qui seule pourra compenser l'hétérogénéité des situations financières des départements.

Cette réforme est d'autant plus nécessaire que les départements, comme les autres collectivités, vont devoir faire face aux conséquences de la mise en place du bouclier fiscal, de la réforme de la taxe professionnelle, de la suppression du contrat de croissance et de solidarité, puisque celui-ci se compose, pour une large part, de dotations compensant une fiscalité dynamique.

Ces décisions, engagées ou annoncées, vont se traduire par une moindre progression des ressources des départements à un moment où leurs dépenses sociales continuent inexorablement de croître à un rythme supérieur à l'inflation.

Les travaux du groupe de travail « finances locales et décentralisation » ont abouti en septembre 2006. Je rappellerai deux des cinq axes de réforme des finances locales que le rapport a permis de dégager : d'une part, le renforcement des mécanismes de péréquation verticale et le développement de nouveaux outils de péréquation horizontale ; d'autre part, l'instauration d'une CSG locale au profit des départements, à laquelle le président du Sénat est très favorable.

La proposition de loi, en développant ces deux axes, a pour objet d'amorcer la réforme ; j'espère, mes chers collègues, que vous la voterez très majoritairement.

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