Intervention de Alain Lambert

Réunion du 30 octobre 2007 à 16h15
Finances locales — Rejet des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Alain LambertAlain Lambert :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si je suis tout fait partisan de l'élargissement des « niches » réservées, dans l'ordre du jour, à l'initiative parlementaire, je souhaiterais que la qualité des propositions de loi que nous adoptons soit exemplaire. Or je ne suis pas sûr que nous parvenions, ce soir, à cette qualité.

Je me suis, en effet, totalement retrouvé dans les réserves que Jean-Pierre Fourcade a exprimées au nom de notre groupe tant sur le fond que sur les principes et sur la méthode.

Je voudrais, mes chers collègues, appeler notre assemblée à répondre collectivement à une sorte d'impératif de cohérence, cohérence de méthode législative d'abord, cohérence financière et cohérence économique ensuite.

S'agissant de la méthode législative, il y a quelque paradoxe. En effet, d'un côté, nous nous plaignons en permanence du manque de concertation préalable avec les élus locaux quant à l'élaboration des normes qui les concernent et, de l'autre, nous voterions soudain une proposition de loi d'orientation - excusez du peu ! -, sur les finances locales, sans avoir consulté en amont ni le comité des finances locales ni les associations d'élus locaux, et sans tenir aucun compte des nombreux travaux en cours !

La péréquation est une question très importante, comme les intervenants l'ont démontré, et ses implications sont multiples, selon les territoires et les types de collectivités.

Modifier aujourd'hui la notion de potentiel financier en lui fixant des objectifs sans avoir effectué des simulations et sans avoir consulté les organismes compétents, ce serait faire courir aux collectivités locales des risques budgétaires et cela irait totalement à l'encontre de la culture du dialogue, qui, seul, peut permettre d'édifier la législation responsable, efficace et stable que nous demandons en permanence.

En 2003 et 2004, le comité des finances locales a effectué un important travail préparatoire en vue de modifier les règles de répartition interne des dotations. En février 2007, il a mis en place un nouveau groupe de travail pour prendre en compte les résultats du recensement, associant les parlementaires de l'opposition et de la majorité, qui est chargé d'examiner la question de la péréquation.

Dès lors, ne serait-il pas plus raisonnable de laisser travailler le comité des finances locales, dont nous connaissons l'esprit constructif et de dialogue, afin d'avoir des propositions de qualité ?

De surcroît, le Premier ministre a installé, le 4 octobre dernier, la Conférence nationale des exécutifs, afin de mieux associer les collectivités locales à l'élaboration des normes nationales - le sujet dont nous débattons concerne non seulement les recettes, mais aussi les dépenses, ainsi que M. Michel Mercier l'a excellemment souligné -, au suivi de la législation européenne et à la réforme de la fiscalité locale que nous appelons tous de nos voeux.

Cette réforme doit être examinée dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires, qui sera conduite par Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, là encore en totale concertation avec tous les élus concernés.

Pour ma part, j'anime modestement - j'y consacre toutes mes journées - un groupe de travail spécifique sur les relations entre l'État et les collectivités locales, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques qui est engagée par le Gouvernement. Nous avons auditionné des représentants des collectivités locales, de toutes catégories, et nous envisageons de déposer notre rapport le 15 novembre prochain.

Le dialogue préalable avec les élus de terrain est, à mes yeux, la clé de la réussite de toute nouvelle réforme en matière de fiscalité locale et de répartition des dotations.

À cet instant, j'en appelle à notre fierté de sénateur. Ne pensons-nous pas, souvent à juste titre d'ailleurs, que nous sommes un législateur sage et que, lorsque nous écrivons la loi, à défaut de le faire « d'une main tremblante », nous nous inspirons de la pensée de Portalis ? Lui serions-nous fidèles, dans l'esprit, si nous adoptions le présent texte ce soir ?

Certes, lorsque Michel Mercier enseigne le droit à la faculté, il ne peut dire à ses étudiants que chaque loi que nous votons est un modèle de méthode législative. Néanmoins, il faudrait que le Sénat, premier représentant des collectivités territoriales aux termes de la Constitution, fasse preuve de sagesse au regard de cette exigence de méthode et de cohérence en veillant à ce que les élus locaux soient associés à l'élaboration des réformes qu'il vote.

S'agissant de l'impératif de cohérence financière, je serai bref, Michel Mercier ayant largement développé ce point à la fois dans son intervention et dans son rapport.

À l'article 1er, François Marc utilise la notion de potentiel financier. Elle représente, comme Michel Mercier l'explique très bien dans son rapport, le thermomètre servant à évaluer la richesse des collectivités territoriales et, actuellement, à répartir les dotations de péréquation.

En proposant de la modifier de manière quelque peu « brutale », selon le qualificatif utilisé par certains intervenants, vous prenez le risque de l'élargir considérablement et de la rendre floue, ce qui aurait, pour certaines collectivités territoriales, des conséquences importantes et imprévisibles, puisque nous ne disposons pas de simulation.

M. Mercier nous en donne un exemple : inclure les dotations de péréquation dans le potentiel fiscal pose déjà le problème de leur répartition, qui dépend précisément du potentiel financier lui-même.

Par conséquent, la cohérence financière est un impératif indissociable des relations entre l'État et les collectivités locales, qu'il s'agisse, je le répète, des dépenses ou des recettes.

. Jean-Pierre Fourcade a souligné tout à l'heure que la péréquation avait progressé, même si elle reste insuffisante. Ainsi, le taux de péréquation au sein de la dotation globale de fonctionnement est passé de 6, 66 % en 1994 à 15, 05 % en 2007, tandis que la masse totale des crédits a plus que doublé, atteignant 5, 9 milliards d'euros en 2007, contre 2, 8 milliards d'euros en 2002.

Si la répartition actuelle des concours de l'État est jugée encore trop forfaitaire et insuffisamment péréquatrice, nous pouvons tout de même tous nous accorder sur le fait que cet élément s'inscrit dans un cadre plus large et qu'il serait dangereux de le traiter séparément.

Enfin, je veux insister sur l'impératif de cohérence économique et budgétaire.

Nos collectivités territoriales ne vivent pas en vase clos ; elles sont inscrites dans l'univers des comptes publics et se trouvent dans un contexte de compétitivité. Si la création d'une part additionnelle à la CSG au sein du partage des produits de cette contribution constitue une piste intéressante, qui a d'ailleurs déjà été évoquée à plusieurs reprises sur toutes les travées de cette assemblée, prévoir un rapport spécifique à ce titre serait, à mes yeux, excessivement dangereux et frôlerait l'improvisation.

La CSG ayant pour finalité de financer les dépenses de sécurité sociale, l'augmenter par la création d'une taxe additionnelle aurait des implications financières, dépassant largement les problématiques locales.

La réforme de la fiscalité locale doit être examinée dans le cadre d'une réforme globale de notre système des prélèvements obligatoires, tant fiscaux que sociaux, en prenant en compte les impératifs locaux, financiers et économiques.

Lorsqu'il a mis en place la Conférence nationale des exécutifs, le Premier ministre a souligné - je parle sous votre contrôle, monsieur le secrétaire d'État - que la réforme fiscale devrait être effectuée sans accroître la pression fiscale globale sur les ménages et les entreprises, qu'elle devrait garantir l'autonomie financière des collectivités tout en conciliant justice sociale et efficacité économique, qu'elle devrait éviter des transferts abrupts d'imposition qui la rendraient inacceptable et permettre de limiter à terme la part de la fiscalité locale pesant sur l'État.

Tel est le sens de la revue générale des prélèvements obligatoires.

Pour toutes ces raisons, je m'oppose à cette proposition de loi, dans sa rédaction actuelle.

Les recommandations de la commission des finances visent - pardonnez-moi l'expression - à « limiter les dégâts ». Si nous votions ce texte, nous aurions non pas accompli une avancée législative majeure, mais simplement évité le pire.

Je me tourne vers nos collègues du groupe socialiste : il ne me paraît pas raisonnable de persévérer dans la rédaction qu'ils proposent et, je le répète, à titre personnel, je voterai résolument contre toute initiative visant à la maintenir.

Si nous étions vraiment raisonnables, nous attendrions quelques semaines, le temps de déterminer une meilleure façon de légiférer sur le sujet.

Nous éviterions ainsi l'aventure dans laquelle nous nous engageons aujourd'hui, qui augure mal - je le dis comme je le pense -, de l'ordre du jour réservé au Parlement, sachant que nous devrions précisément donner l'exemple à l'exécutif de la bonne qualité législative. Or ce n'est pas ce que nous nous apprêtons à faire ce soir !

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