Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les normes sont un enjeu essentiel de la souveraineté. Pour les entreprises, la norme, c’est la notation, et la notation, c’est l’accès au crédit, voire au marché. Cette loi s’applique particulièrement à la RSE et à la publication d’informations que toutes les entreprises, ou presque, devront prochainement produire pour évaluer leur performance, guider les choix de gestion de leurs dirigeants et orienter les investissements.
Au début des années 2000, l’Europe avait perdu la bataille des normes comptables, et les standards américains se sont imposés. Une nouvelle défaite ne saurait être subie, d’autant que les normes et les entreprises européennes sont en avance dans ce domaine, l’Europe étant le continent d’un capitalisme plus responsable.
Dans le rapport d’information de la délégation aux entreprises adopté en octobre dernier, nous avons pointé trois défis.
Le premier est celui d’un standard unique des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), car un double standard mondial créerait une complexité inutile. À cet effet, le dialogue entre les trois entités que sont le Groupe consultatif européen sur l’information financière, le Bureau international des normes comptables (IASB) et le gendarme de la Bourse américaine doit déboucher sur un pacte mondial assorti de normes, de guides et de recommandations communs.
Le deuxième défi est celui du contenu de l’information permettant d’évaluer la performance d’une entreprise. Une telle évaluation ne peut plus se fonder uniquement sur les performances économiques et financières de l’entreprise, mais doit tenir compte de son comportement à l’égard de l’environnement, de son respect des valeurs sociales et de l’éthique, de son engagement sociétal et de son gouvernement d’entreprise.
Il n’y a donc pas, d’un côté, l’information financière, de l’autre, l’information extrafinancière. Cette nouvelle donne suppose l’abandon de la conception friedmanienne de l’entreprise, laquelle ne saurait se réduire à la seule création de profit. Il reste, sur ce terrain, des esprits à faire évoluer, notamment aux États-Unis !
Enfin, le troisième défi est celui de la reconquête de l’autonomie et de la souveraineté en matière de notation et de publication des données des entreprises. Les agences de notation européennes sont toutes passées sous contrôle américain. Leurs méthodologies respectives diffèrent. La nouvelle directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) permet une harmonisation européenne bienvenue.
Comme le recommandait l’Autorité française des marchés financiers en mars 2021, l’Autorité européenne des marchés financiers doit devenir le point d’accès européen unique pour les données financières et extrafinancières des sociétés cotées. Où en est cette proposition, madame la ministre ?