Séance en hémicycle du 10 janvier 2023 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • PME
  • RSE
  • directive
  • délégation
  • environnementale
  • l’entreprise
  • norme

La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi ordinaire n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des finances a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – dix-neuf voix pour, aucune voix contre – sur la nomination de M. Éric Lombard aux fonctions de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises, sur les conclusions du rapport d’information Faire de la RSE une ambition et un atout pour chaque entreprise (rapport d’information n° 89).

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.

Madame la ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé une place dans l’hémicycle.

La parole est à Mme Martine Berthet, au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Berthet

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) s’inscrit dans une nouvelle grammaire de l’économie. Elle affecte profondément les modalités de production et de commercialisation et constitue un enjeu de pouvoir au sein des grandes entreprises cotées. Ces dernières sont les principales cibles de la législation tant européenne que nationale et de la soft law internationale des normes et labels, dont le rapport d’information de la délégation aux entreprises de juin 2020 avait souligné le caractère foisonnant.

Nous avions alors proposé d’harmoniser le champ d’application des obligations de publication de données extrafinancières, d’éviter les informations redondantes et de se focaliser sur celles qui sont significatives. Le choc de complexité en matière de RSE, que nous avons relevé dans notre deuxième rapport, publié en octobre 2022 et adopté à l’unanimité, est un défi pour les grandes entreprises, comme l’a souligné l’Autorité des marchés financiers au mois de décembre 2021.

Que dire alors pour les PME ! Elles sont elles aussi concernées, en effet, directement ou indirectement, lorsqu’elles appartiennent à des chaînes de valeur, ce qui est souvent le cas. Personne n’a chiffré le coût, humain et financier, que représente l’obligation, pour elles, de fournir un volume d’indicateurs toujours plus important, toujours plus complexe, toujours plus redondant. Le projet de standards du Groupe consultatif européen sur l’information financière (Efrag) comptait 130 items… C’est trop, d’autant que ces indicateurs seront complétés par des informations spécifiques à chaque branche.

Les normes européennes ou nationales doivent également s’appliquer très progressivement aux PME, et ce rythme doit prendre en considération l’environnement économique, actuellement très dégradé. N’ajoutons pas à l’inflation monétaire une inflation réglementaire. Ce millefeuille doit être simplifié ; sinon, il sera indigeste !

La délégation aux entreprises propose, dans son rapport, un principe de proportionnalité, fonction de la taille et des moyens de l’entreprise, sans oublier le respect de la confidentialité de sa stratégie, principe qui devrait se décliner par une approche sectorielle différenciée.

Enfin, et surtout, nos entreprises doivent pouvoir se battre à armes égales. À cet égard, il faut veiller à ce que les entreprises non européennes soient soumises à des exigences équivalentes en matière de publication d’informations extrafinancières. Il y a là une condition de la durabilité de la compétitivité de nos PME.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

La parole est à M. Jacques Le Nay, au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Le Nay

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les normes sont un enjeu essentiel de la souveraineté. Pour les entreprises, la norme, c’est la notation, et la notation, c’est l’accès au crédit, voire au marché. Cette loi s’applique particulièrement à la RSE et à la publication d’informations que toutes les entreprises, ou presque, devront prochainement produire pour évaluer leur performance, guider les choix de gestion de leurs dirigeants et orienter les investissements.

Au début des années 2000, l’Europe avait perdu la bataille des normes comptables, et les standards américains se sont imposés. Une nouvelle défaite ne saurait être subie, d’autant que les normes et les entreprises européennes sont en avance dans ce domaine, l’Europe étant le continent d’un capitalisme plus responsable.

Dans le rapport d’information de la délégation aux entreprises adopté en octobre dernier, nous avons pointé trois défis.

Le premier est celui d’un standard unique des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), car un double standard mondial créerait une complexité inutile. À cet effet, le dialogue entre les trois entités que sont le Groupe consultatif européen sur l’information financière, le Bureau international des normes comptables (IASB) et le gendarme de la Bourse américaine doit déboucher sur un pacte mondial assorti de normes, de guides et de recommandations communs.

Le deuxième défi est celui du contenu de l’information permettant d’évaluer la performance d’une entreprise. Une telle évaluation ne peut plus se fonder uniquement sur les performances économiques et financières de l’entreprise, mais doit tenir compte de son comportement à l’égard de l’environnement, de son respect des valeurs sociales et de l’éthique, de son engagement sociétal et de son gouvernement d’entreprise.

Il n’y a donc pas, d’un côté, l’information financière, de l’autre, l’information extrafinancière. Cette nouvelle donne suppose l’abandon de la conception friedmanienne de l’entreprise, laquelle ne saurait se réduire à la seule création de profit. Il reste, sur ce terrain, des esprits à faire évoluer, notamment aux États-Unis !

Enfin, le troisième défi est celui de la reconquête de l’autonomie et de la souveraineté en matière de notation et de publication des données des entreprises. Les agences de notation européennes sont toutes passées sous contrôle américain. Leurs méthodologies respectives diffèrent. La nouvelle directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) permet une harmonisation européenne bienvenue.

Comme le recommandait l’Autorité française des marchés financiers en mars 2021, l’Autorité européenne des marchés financiers doit devenir le point d’accès européen unique pour les données financières et extrafinancières des sociétés cotées. Où en est cette proposition, madame la ministre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Blatrix Contat

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la RSE doit être un atout pour chaque entreprise, car elle porte en elle l’exigence de la transition climatique, la réduction des gaz à effet de serre étant l’un des indicateurs de performance environnementale, sociale et de gouvernance (ESG).

À cet effet, dans le rapport Perrier de mars 2022, dont l’objet est de définir un cadre d’actions pour faire de la place de Paris une référence en matière de transition climatique, il est proposé d’instaurer une comptabilité carbone, mesure qu’avait évoquée notre délégation dès juin 2020. Quelles ont été les suites données à cette proposition ?

Ainsi que nous l’avions recommandé dans le rapport de la délégation aux entreprises adopté en octobre dernier, le Medef préconise, dans la nouvelle version de son code de gouvernance, que la RSE soit placée au cœur des missions du conseil d’administration des entreprises cotées et devienne un élément important de la rémunération de leurs dirigeants. Mais il recommande que les orientations stratégiques pluriannuelles ne soient présentées que tous les trois ans et que la formation des administrateurs aux enjeux de la RSE soit une simple possibilité.

Il faut être plus ambitieux, concernant notamment la formation des salariés administrateurs, qui devrait être un droit, voire une obligation.

Pour être durable, la démarche RSE des entreprises doit être crédible. Or la publication d’une enquête de médias européens, fin novembre, a confirmé les craintes relatives à la notion de finance durable que nous avions évoquées dans notre rapport. Déjà, le rapport de l’inspection générale des finances sur le label public « investissement socialement responsable » (ISR) appelait à sa réforme. La présidente du comité du label s’y attelle depuis le mois de mars 2021. Ses orientations sont attendues. Pouvez-vous nous en dire plus, madame la ministre ?

Cette réforme semble d’autant plus urgente que l’enquête journalistique dont je viens de faire mention a souligné que la moitié des fonds dits durables, y compris les fonds « super verts », investissaient encore dans les énergies fossiles, en contradiction flagrante avec la réglementation européenne. Pourtant, au mois de mars 2021, le ministre de l’économie indiquait qu’il fallait l’assurance que la finance verte n’est pas du greenwashing.

Cette situation, outre qu’elle révèle l’hétérogénéité des notations ESG, remet également en question la crédibilité des engagements climatiques de certaines entreprises, ainsi que le modèle d’audit des entreprises, financières ou non. Les professionnels du chiffre, capables de décrypter la comptabilité financière des entreprises et de vérifier l’exactitude des données, seront-ils désormais capables, sans formation spécifique, d’évaluer aussi la sincérité d’engagements sociaux et environnementaux ? Quel rôle doit être dévolu aux experts-comptables, interlocuteurs privilégiés des PME ? Un immense chantier de formation doit s’ouvrir, comme il est proposé dans le rapport, afin de rendre obligatoire pour tous ceux qui se destinent au monde de l’entreprise la formation aux enjeux de la RSE.

Nous vous remercions, madame la ministre, et espérons que ce sujet important pour notre économie sera porté au-delà de ce débat. C’est ce qu’attendent nos entreprises.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous souhaite à tous une très belle année, une bonne santé, de la joie ; chacun y a droit, malgré les difficultés.

Je vous suis reconnaissante d’avoir pris le temps, en dépit des différentes urgences majeures qui nous occupent tous, d’organiser ce débat, même s’il se tient en cette heure tardive, qui fait suite au rapport d’information si intéressant et approfondi de la délégation sénatoriale aux entreprises et qui porte sur un sujet absolument essentiel pour la compétitivité de nos entreprises. Pour avoir été pendant plus de deux ans secrétaire d’État à l’économie responsable, je sais bien ce que l’on dit de la responsabilité sociale de nos entreprises : « C’est très bien, c’est très important, mais là n’est pas vraiment l’urgence. » Tout le monde s’accorde donc à dire qu’il faut faire quelque chose, mais ce n’est jamais le bon moment…

Votre mobilisation au sein de la délégation aux entreprises et votre présence ce soir, mesdames, messieurs les sénateurs, démontre que nous pouvons affirmer le contraire. Les trois rapporteurs, en introduction à ce débat, ont abordé de nombreux sujets qui demanderaient – c’est frustrant – un peu plus que les deux minutes dont je dispose… Je veux d’ailleurs vous dire que je ne pourrai pas toujours apporter des réponses exhaustives dans le temps qui m’est imparti aux propos des différents orateurs, compte tenu de la profondeur de ces sujets. Mais, le cas échéant, je prends l’engagement devant la délégation aux entreprises et devant chaque sénatrice et chaque sénateur de vous répondre ultérieurement de manière plus détaillée.

Je veux surtout profiter de ce propos liminaire pour partager l’état d’esprit qui est le mien. La France et l’Europe – cela a été dit – avancent à grands pas sur ces sujets de RSE. La France est en avance ; il nous faut préserver cette avance et il nous faut accompagner toutes nos entreprises, les grandes entreprises, les entreprises de taille intermédiaire, qui sont directement concernées par le champ de la directive CSRD, et nos PME, qui le seront aussi – vous l’avez très bien dit –, directement ou indirectement.

La question est celle du comment. Comment accompagner chacune d’entre elles proportionnellement à sa taille et à ses moyens ? J’aurai à cœur de vous répondre aussi exhaustivement que possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

La parole est à Mme Martine Berthet, au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Berthet

Je vous remercie, madame la ministre. Nous souhaitons également vous alerter sur le risque de surtransposition de la directive européenne. La transposition se fera vraisemblablement sous forme d’ordonnance. Nous souhaiterions être associés à ce travail, afin d’éviter la surtransposition. C’est important pour nos entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Dans la suite du débat, la parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la RSE, c’est la prise en compte des enjeux de développement durable, environnementaux, sociaux et de gouvernance par les entreprises. Parfois caricaturée en saupoudrage de bonne conscience entrepreneuriale, la RSE est le dépassement de la logique purement comptable ou financière et la prise en compte des logiques responsables des entreprises, une amélioration normative.

Cette notion a été rendue nécessaire ces dernières années, car la nature même des entreprises n’est pas fondamentalement sensible aux trois piliers du développement durable. La RSE, élan destiné principalement aux consommateurs, aux investisseurs et au monde associatif, est un mouvement complémentaire au mouvement social et écologique. L’amélioration des normes de RSE doit rendre les entreprises les plus vertueuses et compétitives.

La société a des attentes de plus en plus fortes à l’égard des entreprises. Elle attend de celles-ci que leur impact environnemental soit le plus réduit possible, voire – soyons ambitieux – qu’il soit positif : que l’entreprise non seulement traite bien ses employés, mais aussi qu’elle soit vigilante quant à son impact global. La rationalité économique ne doit plus être l’ennemie du vivant.

Si la RSE a été, à ses débuts, un mouvement volontaire de la part des entreprises, nous sommes désormais entrés dans une phase plus contraignante et – heureusement – plus exigeante.

Plus contraignante, cette phase l’est notamment par l’édification de normes et de référentiels communs. Comme le montre très bien le rapport dont nous examinons les conclusions aujourd’hui, l’Europe est un continent en pointe sur ces questions. C’est ainsi l’Union européenne qui fut à l’origine, en 2013, de la déclaration de performance extrafinancière pour les grandes entreprises. Complétée en 2018 par la directive sur le reporting extrafinancier (NFRD), partie intégrante de la taxonomie verte européenne, cette déclaration extrafinancière doit inclure des informations sur l’entreprise relatives aux questions environnementales, sociales et de personnels, de respect des droits de l’homme et de lutte contre la corruption.

C’est également l’Europe qui décide d’assujettir les grandes entreprises au devoir de vigilance et qui – c’est ce qui nous intéresse aujourd’hui – a mis en avant le concept de double matérialité dans la directive CSRD. Ce concept est assez avancé, puisqu’il prévoit que les entreprises devront non seulement examiner les conséquences de la dégradation des conditions sociales et environnementales sur leurs activités, mais aussi mesurer la manière dont l’activité de l’entreprise influe sur ces mêmes conditions, dans une double relation de cause à effet.

Ces directives s’accompagnent principalement d’obligations nouvelles en matière de reporting. C’est ce qui inquiète particulièrement les entreprises. C’est ce à quoi, essentiellement, répond le rapport que nous examinons aujourd’hui.

Parmi les propositions avancées par nos rapporteurs, nous trouvons tout d’abord la nécessaire proportionnalité des exigences en matière de RSE, qui doivent être imposées selon la taille de l’entreprise. On ne demande pas la même chose à une PME ou à une multinationale. Cet objectif s’entend parfaitement.

Nos rapporteurs appellent ensuite de leurs vœux un renforcement du rôle de l’Autorité européenne des marchés financiers, un effort d’harmonisation des normes, une montée en puissance de la formation, ou encore l’introduction d’une notion d’« offre écologiquement la plus avantageuse » dans le code des marchés publics.

Le groupe écologiste salue naturellement ces propositions, qui vont dans le bon sens et sont autant d’ajustements bienvenus à la montée en puissance de la RSE.

Si le reporting et la transparence sont des outils nécessaires de régulation et d’information des consommateurs et parties prenantes, en tant qu’écologistes, nous sommes convaincus que la solution réside aussi et surtout dans le changement profond des modes de production, de consommation et de gouvernance. La nécessité d’intégrer des logiques non financières dans la marche de l’entreprise devient une évidence, ce que n’est pas encore l’impératif consistant à encastrer l’économie dans les limites planétaires.

Communiquer, comme le fait TotalEnergies par exemple, sur des efforts de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030 tout en continuant d’ouvrir de nouvelles exploitations et de rechercher de nouveaux gisements d’énergie fossile relève d’une hypocrisie rare qui nous conduit tous vers la catastrophe. Ce n’est pas la RSE, mais bien la contrainte publique, qui nous sortira de cette situation.

Le changement doit être plus profond, plus radical, plus contraignant aussi. Et la RSE ne parviendra pas, seule, à changer les règles. Elle ne saurait suffire comme outil de régulation de l’impact du monde économique sur nos vies et sur notre avenir.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Monsieur le sénateur, je commencerai par dresser un tableau de l’ensemble des coalitions nationales dans lesquelles la France a joué un rôle moteur : la TCFD, Taskforce on Climate-related Financial Disclosures, et la TNFD, Taskforce on Nature- related Financial Disclosures, qui se consacre à la prise en compte des enjeux de biodiversité et à l’action de laquelle vous êtes particulièrement sensible. Un travail de titan, passionnant, est en train d’être mené sur les ressources naturelles de notre planète, sur nos espèces et sur la façon dont l’activité économique affecte notre nature et la biodiversité.

De multiples coalitions mondiales se sont donc créées, pour partie sous l’impulsion de la France, moteur en Europe, qui alimente beaucoup ces institutions. Pour y avoir siégé et avoir contribué pendant plus de deux ans aux côtés du Président de la République, ma conviction est qu’il nous faut aussi être vigilants quant à l’action de ces coalitions. Comme toujours, trop de coalitions tuent les coalitions ; du moins, on peut s’y perdre… Je fais donc trop attention, depuis Bercy, avec Bruno Le Maire, à ce que l’on n’empile pas des coalitions qui en réalité seraient fortes de déclarations d’intention plutôt que d’actes fermes. Je nous invite donc tous, Gouvernement, parlementaires, à la vigilance.

Je souhaite évoquer la proportionnalité, que vous avez mentionnée. Ce n’est en effet pas la même histoire pour une grande entreprise, pour une entreprise de taille intermédiaire et pour une PME. Je veux juste vous dire, monsieur le sénateur, que la directive CSRD – j’aurai l’occasion d’en reparler – s’appliquera dans un premier temps aux seules entreprises de plus de 250 salariés, avant que son périmètre s’étende aux PME cotées.

Je suis acquise à la proportionnalité. Voilà pour les déclarations. Mais il faut maintenant en vérifier l’effectivité dans les actes, notamment dans les actes délégués qui vont nous être transmis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous penchons ce soir sur un sujet qui est très « tendance ». Mais je veux avant tout tirer mon chapeau à la constance dont, en la matière, a su faire preuve le Sénat : il s’agit de son deuxième rapport sur le sujet. Et il est en effet important de suivre la mise en œuvre des obligations de RSE.

Depuis les premiers travaux effectués sur ce thème, dans les années 1950 et 1960, depuis la prise de conscience symbolisée par le sommet de Rio en 1992, force est de constater qu’il existe une ébullition et une émulation collectives. La France, c’est vrai, y prend toute sa part, de façon positive : article 116 de la loi relative aux nouvelles régulations économiques (NRE), lois Grenelle I et II et, plus récemment, loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) ; vous avez vous-même contribué, madame la ministre, à l’introduction dans ce texte du statut de société à mission.

Mais, c’est vrai aussi, le risque existe d’un simple affichage, comme cela a été pointé dans le rapport Rocher ; d’où la nécessité, au-delà des tendances, de revenir à l’essence de ce qu’est la RSE, à savoir, tout simplement, l’idée que l’entreprise n’est pas une fin en soi, mais un moyen. C’est simple : nous, citoyens, avons des droits et des devoirs ; l’entreprise, elle, se voit reconnaître des libertés économiques, mais elle a aussi des responsabilités économiques, dont elle est redevable. C’est bien de cela qu’il s’agit : l’entreprise évolue dans un environnement, sur lequel elle a un impact et qui a un impact sur elle, positif comme négatif ; c’est le concept de double matérialité.

On le voit bien sur le sujet des retraites, qui nous occupe en ce moment. Où en sommes-nous sur l’emploi des seniors ? En tout cas, nous ne sommes pas là où il faudrait être ! Les entreprises ont, de ce point de vue, une responsabilité sociale. Il est d’ailleurs un peu dommage de constater qu’il faut toujours y aller à coups de menaces de quotas et de sanctions pour espérer faire bouger les lignes.

D’où l’importance, en tout cas, des perspectives tracées par le Président de la République et des chantiers qu’il a annoncés : celui du partage de la valeur, celui qui consiste à conditionner la rémunération des dirigeants au respect des objectifs environnementaux et sociaux de l’entreprise, qu’il évoquait pendant sa campagne. Peut-être Mme la ministre pourra-t-elle nous éclairer sur la suite de la mise en œuvre de cet engagement.

Comment passer des principes généraux et généreux à une mise en œuvre qui doit répudier tout angélisme ? Au regard de la compétition mondiale dans laquelle nous sommes engagés, nous ne devons pas perdre de vue nos intérêts, ceux de nos entreprises, ceux de nos PME ; à cet effet, nous devons mieux les accompagner. Tel est l’objet des recommandations n° 2, 3 et 4 du rapport de la mission : de la proportionnalité, de la simplicité, de la progressivité. Progressivité et simplicité sont acquises avec la directive CSRD, la mesure entrant en vigueur en 2026 pour les PME. L’Efrag travaille en outre sur des normes spécifiques pour les PME. Tout cela va dans le bon sens.

Mon sentiment est qu’il ne faut pas retarder le moment où les PME doivent adopter cet état d’esprit, car il s’agit d’une demande du consommateur, du citoyen, de l’investisseur. C’est donc un service à rendre à ces entreprises que de les aider à emprunter cette voie. De ce point de vue, madame Berthet, je déplore qu’une petite occasion ait été manquée ici même au Sénat. Nous aurions pu y pourvoir par l’article 8 du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture.

La transposition de la directive permettra aussi des mesures de simplification, dans le sens indiqué dans un rapport du Haut Comité juridique de la place financière de Paris. Et la double matérialité est affirmée dans cette directive. On est là, d’ailleurs, au cœur des enjeux normatifs à l’échelon mondial : matérialité versus double matérialité, vision états-unienne versus vision européenne.

Dans ce monde de guerre économique, gardons-nous de toute naïveté : les Américains ne nous ont pas prévenus au moment d’élaborer leur Inflation Reduction Act ; nous devons agir de la même manière. Il est heureux, d’ailleurs, que la directive CSRD permette aux États membres d’autoriser des entreprises à omettre certaines informations quand des intérêts commerciaux majeurs sont en jeu. Cela montre bien que nous ne sommes pas des naïfs.

Il faut prendre en compte aussi l’équité dans la concurrence. À cet égard, l’une des recommandations du rapport, la recommandation n° 5 est d’assurer un traitement identique de reporting pour les entreprises non européennes ; j’y adhère, nous devons y adhérer. La directive CSRD est de ce point de vue un peu perfectible : elle ne s’applique qu’aux entreprises non européennes qui ont au moins une filiale ou une succursale dans l’Union européenne. Nous devrons aller plus loin dans la directive sur le devoir de vigilance – telle est d’ailleurs l’ambition que défend la France – et y inclure toutes les entreprises de pays tiers, qu’elles aient ou non des filiales en Europe. Vous pouvez très bien faire du chiffre d’affaires en Europe sans pour autant disposer d’établissements implantés sur le sol européen…

Encadrons aussi l’activité des agences de notation ESG. Comme l’ont pointé nos rapporteurs, celles-ci sont majoritairement sous contrôle américain. Il serait opportun d’introduire une réglementation à l’échelon européen, afin d’améliorer leur transparence, de gérer les problèmes de conflits d’intérêts, d’organiser leur supervision par l’Autorité européenne des marchés financiers.

Gardons notre avance ! Mme la ministre soulignait cette avance française et européenne. Ne nous laissons pas faire par ceux qui – souvenez-vous : les États-Unis et Cuba, alliance improbable s’il en est, s’étaient retrouvés côte à côte – ont voté contre la norme ISO 26000. Notre spécificité européenne, nous devons la défendre. Ne transigeons pas sur les valeurs qui sont au cœur de la RSE, celles de la dignité de l’homme et du respect de notre environnement.

D’ailleurs – c’est assez comique –, la préhistoire de la RSE, à bien y regarder, c’est à la fois Proudhon et le pape Léon XIII, l’auteur du Système des contradictions économiques et celui de l’encyclique Rerum novarum. Tous les deux avaient à cœur, entre autres, le juste salaire, tout simplement parce qu’ils avaient à cœur la dignité humaine.

Il s’agit bien de cela : d’enjeux supérieurs, prioritaires. Les objectifs de développement durable (ODD), c’est l’affaire de tous, de l’État, des entreprises – saluons le réseau France du Pacte mondial –, des collectivités, qui doivent, elles aussi, embarquer ; et 2030 c’est demain. Nous sommes tous des pays en voie de développement durable : retroussons-nous les manches !

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Si M. le sénateur Lemoyne l’accepte, je lui emprunterai volontiers cette expression : nous sommes tous des pays en voie de développement durable. Même si la France, en la matière, n’est ni en reste ni en retard, ce n’est pas une raison pour nous satisfaire des progrès que nous avons pu faire tous ensemble, parlementaires, Gouvernement, au cours des dernières années.

M. Lemoyne a relevé de nombreux points très intéressants. J’aimerais répondre à sa sollicitation concernant la corrélation qui pourrait être instaurée entre la rémunération des dirigeants et la performance extrafinancière de l’entreprise qu’ils dirigent. Au-delà d’une telle corrélation, il faut soulever l’enjeu – objet de la recommandation n° 8 du rapport d’information – de la formation RSE des membres des conseils d’administration et des comités de direction. J’irai même jusqu’à leur adjoindre les administrateurs salariés ; vous en avez dit un mot en introduction, madame la sénatrice Blatrix Contat.

La formation des administrateurs et des mandataires sociaux est un levier essentiel ; j’ai assez souvent ce débat avec le Medef. En la matière, nous devons être vigilants tous ensemble. Le Président de la République en a fait une proposition pendant la campagne ; je le sais bien pour l’y avoir lourdement poussé.

Il y a des marges d’amélioration. Il existe en effet des perspectives pour établir au sein du code Afep-Medef, que vous connaissez et qui fait autorité, dans le cadre d’un droit souple, une corrélation entre la performance extrafinancière et la rémunération des dirigeants. Nous devrons être vigilants et suivre cette évolution, notamment s’agissant de l’intégration d’un ou de plusieurs critères environnementaux et sociaux. Des critères quantitatifs devront également être privilégiés. Le Medef et l’Afep sont plutôt favorables, par le truchement du droit souple, à évolution en ce sens de la rémunération des dirigeants à l’aune de la performance extrafinancière. Je ne manquerai pas de vous tenir informé dès que j’en saurai plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Cardon

Je commencerai bien évidemment en remerciant mes collègues qui ont œuvré à la réalisation du rapport d’information.

Si des propositions me semblent particulièrement pertinentes, voire pour certaines triviales – je pense notamment à la différence de traitement pour les TPE –, d’autres me semblent sujettes à débat.

C’est ce débat que j’ai le plaisir d’ouvrir pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, en espérant que nos échanges seront enrichissants. Car, le rapport le montre bien, la RSE est un sujet complexe et, sur certains aspects, paradoxal.

Ainsi, d’un côté, la RSE souffre d’une déferlante de normes qui inquiète, notamment les petites et moyennes entreprises (PME), et, de l’autre, elle est encore un fourre-tout, malgré justement l’existence de ces normes.

En effet, derrière la RSE, nous pouvons retrouver la simple conformité à des référentiels ou à des normes de qualité ou environnementales, la constitution de fondations pour financer des projets sociaux, culturels, ainsi que des politiques sociales particulièrement engagées, comme des congés paternité de plusieurs mois qu’oseraient à peine espérer certains mouvements féministes !

La RSE est définie par la Commission européenne comme l’intégration volontaire – j’insiste sur ce terme – par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et à leurs relations avec les parties prenantes.

Le champ des possibles est encore immense. Si les normes sont déjà nombreuses pour imposer cette démarche volontaire, il reste des zones libres, pour ne pas dire de non-droit. Cela fait naître d’inévitables inégalités entre les entreprises.

Une proposition que j’aurais personnellement aimé voir inscrite bien plus haut dans la liste – elle arrive en dernier – est la modification du code des marchés publics.

Les entreprises qui s’engagent volontairement dans une démarche vertueuse, socialement bénéfique et durable doivent évidemment être reconnues et encouragées pour cela. Nous touchons là à la notion d’exemplarité de l’État, qui doit, par un code des marchés publics modernisé, favoriser les candidats vertueux.

L’expérience montre malheureusement que si l’on attend que les entreprises s’y mettent spontanément, on peut attendre longtemps ! Qui aurait pu prédire que le non-partage des superprofits se transformerait en superdividendes ? Madame la ministre, il est encore temps d’agir sur le sujet !

Ensuite, et sans remettre en cause les propositions qui sont faites, puisque la production de chiffres extrafinanciers tend à se développer et qu’il s’agit d’une occasion à saisir, il me semble que nous devrions nous interroger sur l’intérêt et la pertinence même de la RSE, notamment eu égard aux inégalités qu’elle peut engendrer entre les entreprises de tailles différentes.

Il est facile, en effet, pour les grands groupes internationaux de financer une politique RSE généreuse quand ils se sont, de fait, extraits de leur responsabilité sociétale en pratiquant l’optimisation fiscale !

Or la première contribution sociétale d’une entreprise n’est-elle pas de participer à la mise en place des services publics, qu’il s’agisse des infrastructures de transport, des services de santé et des autres services régaliens ?

Pour le dire autrement, est-ce le rôle de l’entreprise de financer directement des services sociaux à l’attention de ses seuls salariés ou revient-il à l’État d’en assurer le juste équilibre pour l’ensemble du pays ?

Madame la ministre, à l’heure où nous cherchons à équilibrer le financement de nos retraites, une fiscalité plus juste et, surtout, plus effective, quelle que soit la taille de l’entreprise, ne serait-elle pas souhaitable ? Ce serait bien plus acceptable socialement, et cela nous éviterait bien des grèves à venir. Mais ça, c’est votre choix !

Enfin, pour reprendre une des propositions du rapport que j’ai déjà évoquée, à savoir la modification du code des marchés publics, il faudrait aussi, me semble-t-il, y intégrer la contribution fiscale des entreprises. De la sorte, les PME, qui bien souvent ne peuvent optimiser à outrance leur fiscalité, auraient une bien meilleure note que les grands groupes, qui, eux, usent de ces optimisations !

De nombreux exemples ont montré l’incompatibilité du RSE avec une recherche de revenus à court terme des entreprises. Le cas le plus marquant en la matière est, de mon point de vue, le limogeage du président du groupe Danone, dont la politique pourtant exemplaire n’était pas du goût des actionnaires. Ainsi, les meilleures politiques de RSE servent souvent avant tout les intérêts des entreprises au détriment d’un intérêt commun supérieur.

Madame le ministre, n’y a-t-il pas danger à laisser ces entreprises financer des services sociaux supralégaux au détriment du plus grand nombre ?

Plus globalement, je souhaite que le Gouvernement reprenne les propositions bienvenues du rapport et en profite pour prendre davantage de recul, afin de s’interroger philosophiquement sur le bien-fondé et les limites de la RSE.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Monsieur le sénateur, votre intervention est intéressante et étayée.

Il fut un temps, dans les années 2000, où l’on parlait de développement durable. Chaque entreprise – peu importe sa taille – faisait un peu ce que bon lui semblait, communiquait et d’ailleurs ne prenait pas beaucoup de risques, puisque les vérifications étaient peu nombreuses. Cela faisait de beaux rapports annuels, mais ne changeait pas véritablement la vie des entreprises…

Puis, en 2014, les choses sont devenues un peu plus sérieuses grâce à la déclaration de performance extrafinancière (DPEF), ou Non Financial Reporting Directive (NFRD), qui a obligé toutes les entreprises européennes de plus de 500 salariés à publier des informations relatives aux questions environnementales, sociales, de personnel, de respect des droits de l’homme et de lutte contre la corruption. Depuis environ dix ans, c’est donc un peu moins fourre-tout, pour reprendre votre expression.

Après la NFRD, arrive maintenant la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). Alors que nos grandes entreprises ont huit ans de pratique de déclaration de performance extrafinancière à partir de critères assez exhaustifs, mais variables d’une entreprise à l’autre – on en reparlera, mais chacun faisait un peu en fonction de ses envies –, les voilà face à la grande révolution de la CSRD. Chacune devra à présent travailler à partir d’indicateurs convergents. Il sera donc enfin possible de comparer la performance extrafinancière environnementale, sociale et de gouvernance de chaque entreprise sur la base des mêmes indicateurs.

Je rappelle qu’il y aura non plus 130, mais 80 indicateurs devant permettre d’établir des comparaisons. Est-ce à dire que je ne suis pas favorable au fait que les entreprises puissent aussi communiquer plus spécifiquement sur certains indicateurs très en lien avec leur politique sociale ou environnementale ? Cela ne me choque pas. Je suis à la fois favorable à une CSRD mettant en place des indicateurs et au fait de laisser aux entreprises la liberté de communiquer sur les questions qu’elles souhaitent mettre en avant plus particulièrement.

Pour vous répondre, je ne suis pas sûr qu’il y ait d’opposition entre la RSE et la déclaration de performance extrafinancière. Je pense, au contraire, que la déclaration de performance extrafinancière est enfant de la RSE, qui est elle-même enfant du développement durable !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Cardon

Madame la ministre, le gouvernement auquel vous appartenez a choisi de décerner le prix Choose France à la société Procter & Gamble à Amiens, et ce malgré le fait que cette dernière pratique notoirement une optimisation fiscale contestable. Cette dernière, légale, mais amorale, prive les salariés d’une juste prime d’intéressement et de participation. Un tel décalage est décevant. C’est sans doute là encore une subtilité du « en même temps » macronien qui m’échappe. Comment peut-on appeler les entreprises à partager la valeur tout en les laissant faire le contraire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Je remercie tout d’abord les rapporteurs de la délégation aux entreprises de leur travail mettant en lumière les conséquences de l’application des nouvelles normes environnementales, sociales ou de gouvernance sur nos entreprises, en particulier par rapport aux autres pays européens.

Le rapport pointe un grand décalage entre les discours et les actes, entre les objectifs définis et les politiques adoptées. Il illustre par exemple que la France est particulièrement mal classée dans le rapport mondial sur le développement durable en raison de son niveau élevé d’importations. Celles-ci représentent la moitié des émissions nationales dans le bilan carbone de notre pays.

Agir efficacement pour des relocalisations industrielles, comme dans le secteur de l’industrie pharmaceutique, alors que nous sommes dans un état d’hyperdépendance aux économies du Sud-Est asiatique notamment, apparaît donc, de ce point de vue aussi, comme une nécessité.

De même, en 2017, la France a été la première, avec la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, à définir la responsabilité des entreprises, et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et l’environnement dans leur chaîne d’approvisionnement. Mais la directive sur le devoir de vigilance approuvée par le Conseil européen en décembre dernier n’inclut ni l’usage qui est fait des produits commercialisés par les entreprises, ni les activités des clients des entreprises de services, ni les exportations d’armes.

Sous la pression de la France, les banques sont quasiment exclues du champ et les entreprises ne sont pas tenues de cesser leur relation avec un fournisseur qui viole les droits humains, si cela est préjudiciable à leur activité.

Il est urgent d’encadrer de façon stricte l’activité et la responsabilité sociale, économique et environnementale des entreprises multinationales. Le rapport de la délégation aux entreprises présente plusieurs recommandations intéressantes en ce sens, qu’il s’agisse de renforcer la formation des membres des conseils d’administration et du comité de direction, d’instaurer des modules de formation sur les enjeux de RSE pour les étudiants ou encore de prévoir des mesures de progressivité.

La responsabilité sociétale des entreprises ne doit pas se limiter à la seule lutte contre le réchauffement climatique, mais doit inclure les aspects sociaux ou de gouvernance pour mieux devenir une responsabilité sociale des entreprises.

À l’opposé des ordonnances Macron, qui ont affaibli les pouvoirs des représentants des salariés dans les entreprises, la consultation du comité social et économique (CSE) sur les orientations stratégiques de l’entreprise devrait devenir une obligation.

Les salariés pourraient ainsi s’opposer à des décisions de délocalisation contraires à l’intérêt général ou promouvoir des diversifications de production à même de développer des entreprises.

J’ai en tête l’équipementier Compin, dans l’Eure, qui délocalise des productions, licencie la moitié des salariés de son site d’Évreux, alors même qu’il s’est engagé à le mobiliser pour équiper le matériel ferroviaire financé par la région Normandie.

Afin de mieux valoriser les démarches de RSE des entreprises, l’introduction dans le code de la commande publique d’un droit de préférence pour les offres des entreprises présentant des atouts en la matière, à égalité de prix ou à équivalence d’offre, apparaît judicieuse.

L’accès aux appels d’offres des PME locales doit être une priorité. Cela demande de cesser de promouvoir des collectivités XXL, qui surenchérissent les niveaux d’appel d’offres, et les groupements hospitaliers toujours plus gigantesques, qui éloignent d’autant les TPE et les PME de la réponse à ces appels d’offres.

Il faut au contraire considérer que la politique sociale et environnementale des entreprises peut permettre de dépasser les logiques de dumping social.

Nombre de collectivités sont prêtes à jouer pleinement ce rôle. Mais elles-mêmes, soumises aux règles européennes de concurrence, prétendument libres et non faussées, sont empêchées d’utiliser comme elles le devraient le levier de la commande publique.

L’État doit également donner l’exemple en la matière. Or ce n’est malheureusement pas toujours le cas.

L’État actionnaire, d’abord : je pense notamment à l’entreprise Renault, particulièrement implantée dans mon département de Seine-Maritime, où elle accompagne la stratégie de démantèlement qui menace emplois, sites industriels et nécessaires transitions énergétiques.

L’État, tout court, ensuite : il n’est pas très sérieux de se féliciter que les TPE accèdent à l’énergie à un coût de 280 euros le mégawattheure, c’est-à-dire cinq ou six fois supérieur aux coûts de production en France.

Vous le savez, nous sommes évidemment diamétralement opposés à un Milton Friedman, qui considérait que l’entreprise a pour seule responsabilité d’accroître son profit. Mais, à l’inverse, nous estimons que l’État et la puissance publique ont aujourd’hui une responsabilité à l’égard de toutes nos entreprises face aux coûts de l’énergie.

Or les réponses apportées par le Gouvernement ne sont pas à ce stade à la hauteur. Vous avez parlé d’urgence : voilà, je le crois, un sujet particulièrement urgent qui préoccupe nos entreprises aujourd’hui !

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Ironie du sort, j’ai choisi ce soir d’honorer ma présence au Sénat, comme c’était prévu, plutôt que de participer au débat à l’Assemblée nationale sur la mise en œuvre des mesures de soutien face à l’augmentation des coûts de l’énergie. Ne mélangeons pas tout, si vous le voulez bien, je vous répondrai très prochainement sur les aides relatives à l’énergie. Mais évidemment, comme vous l’avez rappelé, nous sommes diamétralement opposés sur ces questions, puisque j’aurai à cœur de défendre un tarif à 280 euros le mégawattheure lissé sur l’année.

En ce qui concerne l’empreinte carbone et les importations, vous avez trois fois raison. Vous m’accorderez que la meilleure façon de faire baisser le bilan carbone de nos importations, c’est de créer les conditions d’une réindustrialisation forte et verte dans notre pays. Ce sera l’objet d’un projet de loi robuste qui vous sera présenté par Bruno Le Maire dans les semaines et mois qui viennent.

Sur le devoir de vigilance, je rappelle que la France est un pays moteur. C’est la loi du député Dominique Potier en 2017 qui a permis de faire avancer la France et l’Europe aujourd’hui. Soulignons quand même que les Allemands ont emboîté le pas des Français et rappelons que l’Europe est aujourd’hui en train de porter le devoir de vigilance à partir de l’influence française. La France a donc joué un rôle absolument moteur en la matière.

Au risque de vous étonner – mais j’aime bien être étonnante –, je ne suis pas très éloignée de vous sur le CSE. Si l’on souhaite que l’extrafinancier soit incarné et vive dans nos entreprises, si l’on veut se montrer responsable en matière d’empreinte sociale, environnementale et de gouvernance, il me semble effectivement important que les salariés soient, à un moment ou à un autre, parties prenantes de cette dynamique. Je ne vais, certes, pas aussi loin que vous, mais vos remarques me semblent intéressantes. Nous pourrions donc en reparler ultérieurement ensemble.

M. Thomas Dossus s ’ en félicite.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Vous avez également évoqué la question majeure des marchés publics. C’est un sujet qui avait été abordé à l’article 35 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, sur laquelle je me suis engagée. Mais je vous rappelle que nous avons été repris par le Conseil d’État. Celui-ci a précisé dans son avis qu’il n’était possible en droit européen de promouvoir la notion d’offre écologiquement la plus avantageuse. C’est un vaste problème, auquel je travaille depuis des années. C’est donc avec plaisir que j’en reparlerai avec vous, madame la sénatrice Brulin.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à féliciter la délégation aux entreprises de la qualité des travaux entrepris dans ce deuxième rapport d’information sur la responsabilité sociétale des entreprises, notamment l’investissement de son président Serge Babary, ainsi que celui des rapporteurs Martine Berthet, Florence Blatrix Contat et Jacques Le Nay.

Plus qu’un acronyme, la RSE est désormais au cœur de la vie de nos entreprises. Pratiques de management, exigences comptables ou encore transparence des données : aucun pan de la vie d’une entreprise n’y échappe.

Si les plus importantes de nos sociétés n’ont pas de difficulté à se saisir du sujet, ce n’est pas le cas pour nos entreprises de taille intermédiaire (ETI) et PME, qui n’ont bien souvent pas les moyens humains ou financiers de mettre en œuvre des stratégies de RSE ambitieuses.

Pourtant, cette mise en œuvre revêt une importance déterminante tant pour notre planète que pour la compétitivité de nos entreprises.

Le défi de la transition écologique et de l’adaptation au changement climatique ne doit pas être uniquement l’affaire des collectivités locales : il doit aussi concerner les habitants et les entreprises. Ces dernières détiennent un véritable pouvoir pour changer le comportement des consommateurs en proposant des biens et services durables, conçus dans une responsabilité sociétale.

Souvent en économie et en marketing, l’offre crée la demande. Proposez des produits responsables et qualitatifs : ils trouveront preneurs ! Les consommateurs sont très attentifs aux engagements sociaux et environnementaux des entreprises.

La disparition de la taxe professionnelle et l’annonce de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pourraient distendre les liens entre le territoire et les entreprises. La RSE permet de les retisser. Les plus petites entreprises auront d’ailleurs tendance à avoir un lien de proximité externe « à leur taille » pour témoigner d’une implication sociétale, avec l’école du village ou du quartier, la commune ou des associations locales.

La norme ISO 26000, standard international, qui définit le périmètre de la RSE autour de sept thématiques centrales, prévoit des obligations en matière de communautés et de développement local.

Afin de faire de la RSE un véritable atout pour toutes nos entreprises, y compris les plus petites, il est donc urgent d’agir à triple titre.

Premièrement, nous devons mettre en œuvre un choc de simplification en matière de RSE, afin que chaque entreprise puisse respecter les obligations françaises et européennes, notamment dans le cadre de la future directive CSRD. Cela passera notamment par la création d’un référentiel RSE adapté aux ETI et aux PME.

Deuxièmement, nous devons promouvoir un modèle de RSE complet, car deux des trois piliers des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), la mise en œuvre d’une politique sociale et l’existence d’une gouvernance transparente, évoluent aujourd’hui dans l’ombre de la lutte contre le réchauffement climatique. La RSE n’est pas une responsabilité environnementale des entreprises, mais elle est une responsabilité sociétale de celles-ci.

Troisièmement, les pouvoirs publics doivent davantage prendre leur part, afin de rendre la RSE opérante. L’obligation d’une clause environnementale dans des marchés publics d’ici à 2025 est une première étape. Cependant, nous devons aller plus loin. À ce titre, je salue la proposition des rapporteurs d’intégrer un droit de préférence pour les offres des entreprises ayant une stratégie en matière de RSE, à égalité de prix ou à équivalence d’offre. Un tel droit sera un outil précieux pour faire de la RSE un atout pour la compétitivité d’une entreprise.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, si avec les membres du groupe Union Centriste nous saluons la montée en puissance de la RSE au sein de nos entreprises, nous estimons qu’elle doit être accessible à l’ensemble.

Nous devons continuer de travailler pour faire de ce principe une véritable réalité sur le terrain et un outil pour la compétitivité des entreprises les plus vertueuses. Ainsi, la RSE deviendra un atout pour notre économie et nos entreprises.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Le Gouvernement est attaché à deux fondamentaux que vous avez abordés, madame la sénatrice : la proportionnalité et la progressivité, notamment à l’endroit des entreprises de taille intermédiaire que vous avez mentionnées.

L’objectif pour la France est désormais de transposer au cours de l’année 2023, et en tout état de cause d’ici à juillet 2024, la directive CSRD entrée en vigueur le 14 décembre dernier. Il n’est pas possible, par conséquent, de redéfinir le périmètre des entreprises concernées ou de revenir sur le principe des informations publiées.

En revanche, durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, le Gouvernement a veillé – j’y ai travaillé très personnellement – à ce que la directive soit proportionnée pour nos entreprises. C’est le cas pour le périmètre des entreprises concernées, puisque les PME qui n’ont pas émis d’actions ou d’obligations sur les marchés réglementés ne sont pas concernées.

En outre, les PME cotées seront exemptées de toute obligation si elles sont couvertes par le rapport de durabilité de leur société mère.

Par ailleurs, dans le cadre de la consultation sur les projets d’indicateurs de rapportage, la France sera particulièrement attentive au nécessaire respect de la confidentialité d’un certain nombre d’informations. La directive permet d’ailleurs aux États membres d’autoriser les entreprises à ne pas publier certaines informations dans des cas exceptionnels dûment motivés lorsque cela nuirait gravement à la position commerciale de l’entreprise face à ses concurrents.

Au-delà de la proportionnalité, permettez-moi de citer quelques dates concernant la progressivité. En 2025 seront concernées les grandes entreprises de plus de 500 salariés cotées sur le marché ou exerçant dans les secteurs de la banque et de l’assurance. En 2026 viendra le tour des grandes entreprises de 250 à 500 salariés. En 2027, seront concernées les PME cotées, avec possibilité de report d’une année, et en 2029 les filiales et succursales de grandes entreprises extraeuropéennes.

Nous avons donc veillé à la proportionnalité, tout particulièrement pour ce qui concerne les PME. L’idée n’est pas de pantoufler et de ne rien faire jusqu’en 2027. Nous avons cinq années devant nous pour les accompagner, les prévenir et, surtout, ne pas effrayer, ce que vous ne faites pas, mais d’autres ne s’en privent pas, celles qui ne seraient pas concernées par le champ de la directive.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Responsabilité sociétale des entreprises, RSE pour les initiés, ou comment assumer sa responsabilité face à la société ?

Si elle mérite d’être connue, la norme ISO 26000 publiée en 2010 a apporté un consensus à la RSE. Cinq ans de travail pour quatre-vingt-dix-neuf pays qui y ont planché. Pourtant, sa notoriété laisse à désirer.

Dans une enquête destinée aux maires de mon département, 39 % des élus ne savent pas ce qu’est la responsabilité sociétale des entreprises. Sur dix-sept étudiants en master 2 de droit rencontrés cette semaine, 100 % ne savaient pas quels enjeux l’entourent. Douze ans après, il est donc primordial d’enfoncer le clou.

La délégation aux entreprises s’est emparée voilà deux ans du sujet avec un rapport d’information dont le titre, Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : une exemplarité à mieux encourager, était sans ambiguïté.

Car il s’agit bien de cela : l’exemplarité, que ce soit dans la gouvernance, dans le respect des droits de l’homme, dans les conditions de travail, dans la contribution au développement local, dans les bonnes pratiques, dans la protection du consommateur et, évidemment, de l’environnement.

D’abord destinée aux grandes entreprises, la RSE s’est adaptée et s’est ouverte aux PME et aux ETI, avec une évaluation concentrée sur cinq principes au lieu de sept. Les enjeux sont environnementaux, sociétaux et économiques, collant au triptyque du développement durable.

Dans ce rapport, la délégation aux entreprises présente avec réalité un monde qui n’est pas celui des Bisounours. Certains ont détourné les enjeux éthiques en affichant une image avant les actes, voire sans les actes. Greenwashing ou purpose washing, la manipulation reste la même : on profite de la vague des bonnes intentions pour surfer sur le faux.

Dans un contexte d’après-covid et de crise économique, énergétique, certaines entreprises ont démissionné du processus. D’autres se sont désengagées ou ont baissé la garde, ce qui a entraîné leur expulsion de la labélisation. Certaines, du coup, critiquent ce qui les avait pourtant motivées.

L’enjeu d’image est primordial dans un contexte de concurrence mondiale ; le dénigrement du label est une revanche pas très fair-play pour des groupes qui s’en sont servis sans limites dans leur stratégie de communication…

C’est précisément ce contexte de concurrence mondiale qui doit pousser la France et l’Europe à défendre la norme ISO 26000 qu’il faut réaffirmer plutôt, d’ailleurs, que le reporting, qui ne fait référence à aucune norme.

Les experts savent que les Américains, qui ne partagent pas les mêmes valeurs de l’entreprise, ont toujours voté contre cette norme et ont créé B-Corp, une norme moins robuste et moins crédible. Concrètement, pas d’évaluation sur site et pas d’écoute des parties prenantes externes et internes. Un vrai chant des sirènes pour certaines entreprises qui se disent qu’elles bénéficieront de l’image de la labélisation sans grosse contrainte. C’est là tout le danger…

Danger encore, concernant l’espionnage qui s’organise via des structures d’évaluation étrangères.

L’Europe doit défendre sa vision humaniste, éthique et environnementale de l’entreprise. Il y a donc, comme le souligne ce rapport, une nécessité à accompagner les petites entreprises dans la mise en œuvre de la RSE, incontournable dans les cinq ans. Mais cela doit se faire dans le respect des textes fondateurs que sont la CSRD et la norme ISO 26000.

La CSRD est publiée au Journal officiel de l ’ Union européenne depuis le 1er janvier et devra être rapidement appliquée en France : elle précise le nouveau cadre européen de reporting de durabilité.

Concernant la norme ISO 26000, rappelons qu’il s’agit du seul guide méthodologique reconnu internationalement. Il est souvent question de reporting, mais cela n’est pas une fin en soi. Ce qu’il faut soutenir, c’est la RSE dans la stratégie d’organisation des structures. Le reporting, ça vient après. Plus simplement dit, ce n’est pas l’outil qui fait l’artisan !

Enfin, je ne manquerai pas l’occasion de ce débat pour vous livrer un scoop, madame la ministre. Mon cabinet vient de recevoir hier l’attestation de Label Engagé RSE, niveau exemplaire que nous avons atteint en 2019. Il est toujours le seul en France à être labélisé. Ma directrice de cabinet et mon attachée parlementaire, que je tiens à remercier publiquement, soutiennent avec motivation et détermination cet engagement à mes côtés.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Stratégie de mandat, télétravail et covoiturage avant que ce ne soit la mode, comptabilité avant que ce ne soit obligatoire, indicateurs de résultats, etc. Bref, nous avons mis en place une méthode simple, sans usine à gaz.

Je remercie également Afnor Certification, qui nous a fait confiance en 2015, quand nous avons indiqué à cette société notre intention d’engagement.

Mon projet est de créer la responsabilité sociétale des élus. Quelque 72 maires héraultais m’ont déjà affirmé leur intention de participer à un groupe de travail que j’ai lancé : c’est une force à mes côtés. Je vous rappelle que nos cabinets ont tous un numéro Siret et que nous pouvons donc nous engager dans une démarche de RSE.

En effet, mes chers collègues, qui mieux que nous, dans ce contexte de défiance, devrait s’engager face aux citoyens ? Ne pouvons-nous être exemplaires, comme nous le demandons aux entreprises, auxquelles nous imposons des obligations toujours plus lourdes ? C’est facile pour les autres, mais plus difficile pour soi-même… C’est pourtant le sens même de l’exemplarité : montrer la voie. Le défi est lancé !

M. Éric Gold applaudit.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Chiche, monsieur le sénateur Cabanel !

Tout d’abord, je serais très intéressée de prendre connaissance de la labellisation dont vous avez fait l’objet.

Ensuite, je suis tout à fait sensible à ce que vous avez dit sur l’exemplarité et a priori plutôt favorable à votre démarche, même si les élus, ici, sont plutôt sociétalement responsables et engagés ; c’est d’ailleurs au cœur de la fonction de l’élu. Votre initiative est particulièrement pertinente, et ce n’est pas un mot en l’air ; j’aimerais que l’on en reparle, car elle m’intéresse.

Par ailleurs, vous avez dit que 80 % des étudiants en master ne savaient pas ce qu’était la responsabilité sociale des entreprises ou ce qu’elle recouvrait. Or, parallèlement, il y a de plus en plus de chaires, de masters et de formations, continues ou secondaires, y compris dans de prestigieux instituts français, sur ces enjeux. La RSE se déploie donc, mais peut-être pas suffisamment dans les cursus universitaires plus classiques ; ce sujet important a été mentionné dans le rapport sénatorial.

Comme M. Jourdain avec la prose, de nombreuses entreprises font de la RSE sans le savoir, notamment les plus petites d’entre elles. C’est le cas, par exemple, quand un directeur de PME ou de TPE partage la valeur, donne des actions et conduit une politique associative. Même s’il ne sait pas forcément qu’il s’agit de rapportage extrafinancier, d’une démarche de développement durable ou de responsabilité sociale, tel est bien le cas !

Je suis en désaccord avec vous sur un point. Je crois, pour ma part, que l’outil va faire l’artisan. Il est indispensable que l’on avance ensemble, en Europe, sur ces 80 macro-indicateurs transversaux avant d’enclencher un travail plus sectoriel en fonction des secteurs d’activité. Même si l’outil est un peu lourd et nécessite d’être adapté aux PME, il doit être homogène, pour que nous parlions le même langage.

Cela fait vingt ans que je suis passionnée par ces sujets et que je me désole que l’on compare des choux, des carottes, des tomates et des politiques sociales…

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

J’espère que cet outil indispensable donnera lieu à une RSE homogène dans les entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Vous avez raison, madame la ministre, l’outil est indispensable. Mais il importe aussi de disposer de la philosophie adéquate pour s’engager dans la RSE. Je parle ici en tant qu’agriculteur qui s’est engagé dans le bio et qui sait que d’autres ont fait la même démarche pour bénéficier de retombées financières…

En ce qui concerne ma propre démarche RSE, je reste bien entendu à votre disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Sautarel

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord saluer le travail de la délégation aux entreprises du Sénat sur la responsabilité sociétale des entreprises, un travail inscrit dans la durée, sous l’impulsion de son président, Serge Babary.

La RSE doit être à la portée de toutes les entreprises, ce qui nécessite une adaptation des exigences à l’échelle de chacune d’entre elles et dans un cadre européen. En ce sens, je souscris aux propositions de la délégation aux entreprises.

Toutefois, la RSE est aussi et d’abord une question de culture, d’état d’esprit, avec un rôle essentiel des conseils d’administration, qui confère à l’entreprise une mission nouvelle d’intérêt général. Je veux donc profiter du temps qui m’est imparti pour élargir le débat, tout en m’inscrivant, je le crois, au cœur de celui-ci.

La RSE, c’est d’abord la sincérité et l’exemplarité. Au-delà de la sincérité du dirigeant, qui ne peut s’ancrer que dans la durée et dans l’exemplarité, le cadre collectif et le cadre juridique sont susceptibles d’aider à réaliser cette ambition. C’est ainsi que la RSE s’inscrit dans le dépassement de l’entité, en direction à la fois d’un intérêt collectif qui la transcende et d’une attention individuelle réelle et sincère qui l’habite.

La RSE est un moyen de s’engager de manière forte et sincère, des tiers certificateurs garantissant cet engagement. Cette intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales constitue une réelle avancée.

À l’occasion de la préparation de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte, Nicole Notat et Jean-Dominique Senard ont produit un rapport intitulé L ’ Entreprise, objet d ’ intérêt collectif sur la relation entre entreprise et intérêt général.

Leur rapport, qui avait vocation à être pris en compte dans l’élaboration de la loi Pacte, présente un intérêt certain pour asseoir la légitimité, l’authenticité et la sincérité indispensables à l’émergence d’une telle approche, qui peut être qualifiée d’« humaniste ».

La loi Pacte, dont l’ambition était de donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois, n’a pas encore donné toute sa mesure et mériterait une évaluation dynamique d’envergure, tant sa portée est considérable. Je suis certain, madame la ministre, que vous partagez cet objectif.

Cette loi a posé le principe selon lequel l’entreprise se fixe un second objectif, parallèlement à sa profitabilité : sa raison d’être.

La raison d’être peut se définir par l’expression d’un futur désirable pour le collectif – parties constituantes et parties prenantes –, justifiant la coopération et rendant compte d’un enjeu d’innovation. Cette raison d’être, but propre de l’entreprise en tant que personne morale, pourrait permettre de renforcer l’engagement des salariés, en étant porteuse de sens.

La réappropriation par l’entreprise de sa responsabilité comme d’une raison d’être, associée à une officialisation stratégique, voire juridique, semble être une bonne piste.

La responsabilité sociétale est ainsi décryptée à travers trois niveaux d’engagement : la considération des impacts sociaux et environnementaux liés à son activité ; la réflexion sur son environnement à long terme ; le statut de « société à mission ».

Longtemps considérées comme contribuant au problème, nombre d’entreprises souhaitent aujourd’hui faire partie de la solution.

Ces défis écologiques, sociaux, scientifiques, de plus en plus d’entrepreneurs ambitionnent de les relever au travers de l’entreprise. Il y a là une occasion historique d’ouvrir la voie à de nouvelles formes d’entreprises, qui pourraient bien dessiner les contours d’un capitalisme du XXIe siècle plaçant l’intérêt des humains et de la planète au cœur de ses finalités et intégrant de nouveaux modes de partage de la valeur créée.

À cet égard, l’évaluation de la RSE, mais aussi de la mise en œuvre de la raison d’être par un tiers indépendant et de la reddition publique par les organes de gouvernance, est une nécessité absolue. La loi doit aider les entreprises à placer au cœur de leur projet la résolution des enjeux de société, sociaux et environnementaux. Elle doit aider à crédibiliser la démarche.

Les pouvoirs publics pourraient ainsi transférer ou partager avec l’entreprise la définition de l’intérêt général pour la société, mettant le chef d’entreprise, c’est-à-dire les organes dirigeants, au cœur d’une mission politique et historique. Ce serait un changement radical de l’organisation française.

Ainsi, on pourrait espérer que l’époque soit non plus à la défiance, mais à la confiance, cette dernière étant assise sur la sincérité des engagements et des convictions. Il semble que cette approche peut et doit permettre que la performance durable devienne une excellence.

La sincérité est première dans cette démarche. C’est pourquoi les cinq propositions de la délégation doivent être mises en œuvre pour franchir une nouvelle étape. J’espère, madame la ministre, que vous pourrez, à votre niveau, prendre en compte ces propositions.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, la loi Pacte. Votée à cinq heures douze du matin, le 22 mai 2019, elle fait partie de ces lois que l’on n’oublie pas…

Trois ans plus tard, le temps de l’évaluer est peut-être venu, et vous me trouverez toujours à vos côtés pour le faire, voire pour renforcer et améliorer ce texte.

Au reste, je n’ai pas attendu que trois ans passent pour faire avancer la loi Pacte, notamment son chapitre III, et pour travailler sur les sociétés à mission et sur la raison d’être, comme vous l’avez rappelé. Je suis très sensible à la notion de sincérité que vous avez mentionnée à plusieurs reprises, monsieur le sénateur. Celle-ci, comme la confiance, n’exclut pas le contrôle.

Vous vous souvenez, mesdames, messieurs les sénateurs, que j’avais confié une mission à M. Bris Rocher, lequel a formulé des propositions pertinentes, dont certaines sont soutenues dans le rapport de la délégation aux entreprises.

Je suis plutôt réactive en ce qui concerne les enjeux représentés par les sociétés à mission, mais je rappelle que nous avons été frappés de plein fouet par la crise de la covid-19 ; de ce fait, les premiers bilans des organismes tiers indépendants (OTI), qui sont chargés de contrôler la qualité de la mission annoncée par l’entreprise, n’ont pas été remis en temps et en heure.

Les premières sociétés à mission sont nées dès la fin de 2019, et nous commençons seulement à recevoir les rapports des OTI sur ces missions et leur adéquation avec le cœur de métier des entreprises ; il arrive en effet, vous l’avez dit, qu’une mission en soit quelque peu éloignée.

D’ici à quelques semaines ou à quelque mois, nous disposerons d’un plus grand nombre de rapports d’OTI, ce qui permettra d’améliorer la sincérité des missions. Quant à l’intégration de la raison d’être dans les statuts, je suis totalement acquise à cette idée.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la notion de responsabilité sociétale des entreprises est essentielle. Pourtant, force est de constater que la « culture RSE » traverse une période difficile. La crise sanitaire a mis nos entreprises à rude épreuve.

Le contexte économique tendu que nous connaissons, tout particulièrement avec la hausse des coûts de l’énergie, inscrit nos entreprises dans une course d’endurance ardue. Bon nombre d’entre elles sont inquiètes.

Au même moment – on l’a entendu –, une petite musique se fait entendre : la raison d’être des acteurs économiques ne serait, pour certains, que de l’esbroufe destinée à donner une bonne image à des entreprises faussement engagées. Bref, de l’écoblanchiment ou, en bon français, du purpose washing.

Dans ce contexte, le rapport alerte sur un point : certaines entreprises pourraient être tentées, voire forcées, de négliger leurs engagements environnementaux et sociétaux. Pour couronner le tout, la complexification des obligations en matière de RSE ne cesse de croître et nous interroge sur leur accessibilité pour l’ensemble des entreprises. Ces risques doivent nous mobiliser, tant la RSE, bien loin d’être superflue, constitue au contraire un atout majeur pour gagner en compétitivité.

La RSE participe à garantir la vitalité de nos entreprises, à pérenniser leur implantation et, ainsi, à renforcer le tissu économique local. Pour atteindre ces objectifs, nous devons la revoir avec un œil neuf, nous interroger sur l’inflation normative et adapter les règles aux enjeux actuels.

C’était justement l’objet d’une proposition de notre groupe, à la suite de la mission d’information conduite par Vanina Paoli-Gagin. Il s’agit d’élargir les critères de responsabilité sociétale des grands groupes, en incitant leur collaboration avec les start-up et les PME innovantes.

Dans le même sens, si nous parlons de RSE, nous ne pouvons oublier une notion en développement : la RTE, la responsabilité territoriale des entreprises, une question que nous n’avons pas encore abordée, me semble-t-il.

La RTE permet d’appréhender le territoire d’implantation comme un espace d’ancrage responsable, d’engagement sur le temps long et de collaboration entre le public et le privé.

Dans une logique écosystémique, la RTE représente un axe fort de valorisation, dont témoigne l’enquête dévoilée en novembre 2022 par ESS France, la chambre française de l’économie sociale et solidaire. Selon celle-ci, les missions prioritaires des entreprises sont la création d’emplois, la prise en compte de la transition écologique, enfin le soutien aux filières locales. L’interdépendance progressive entre les acteurs économiques d’un même territoire ne peut qu’inspirer une approche globale de développement mutuel.

Enfin, les études montrent que les salariés sont en attente de formations, pour participer activement aux engagements de leur entreprise et donner du sens à leurs missions quotidiennes. Développer l’accès à la formation permet de changer les mentalités et d’atteindre de vrais résultats par la mobilisation collective à toutes les échelles.

Notre rôle est de continuer à bâtir un environnement propice à la bonne santé économique de nos entreprises. En concrétisant des politiques de RSE et de RTE, elles en sortiront renforcées et pourront contribuer au développement de leur territoire d’implantation.

Dès lors, madame la ministre, j’émets le souhait, au nom du groupe Les Indépendants, que la notion de territorialité soit davantage prise en compte par les entreprises dans leur activité.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Monsieur le sénateur Capus, j’approuve totalement vos propos, qui sont frappés au coin du bon sens, et je vous en remercie.

Le combat que nous menons, dont la France est le moteur, consiste à défendre ce sujet à l’échelon européen, auprès des 27 États membres, notamment des pays d’Europe de l’Est dans lesquels la culture de la RSE – vous avez été nombreux à le dire – est très différente de la nôtre, quand elle n’est pas naissante ou balbutiante.

Vous l’avez dit, et M. Cabanel l’avait souligné avant vous, nous avons la volonté de défendre notre modèle de capitalisme européen. Les premiers intervenants de ce débat ont fait état du devoir de vigilance ; Mme Brulin a ainsi évoqué les droits de l’homme. C’est un combat titanesque qu’il nous faut mener pour partager, au-delà des indicateurs, ces pratiques d’entreprises dans l’ensemble des pays européens, dans les domaines environnemental, social et de gouvernance.

Je m’inscris dans la dynamique suivante : comment la France peut-elle encourager l’Europe à accroître ses exigences en la matière ? Mais je considère aussi qu’il ne faut pas oublier l’échelon local. D’ailleurs, l’un n’exclut pas l’autre !

Il ne me semble pas hors sujet de travailler sur des indicateurs territoriaux, dans le cadre de la performance extrafinancière des entreprises que nous portons au sein de l’Europe. Il est toujours utile de rappeler le bon sens !

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Blatrix Contat

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie tout d’abord le président Serge Babary d’avoir proposé ce débat portant sur la proposition de résolution de la délégation sénatoriale aux entreprises.

Développer la RSE est important pour l’ensemble de nos entreprises, bien sûr, mais aussi pour notre économie, car notre monde est en pleine mutation. L’effort important que nous devons consentir pour nous y adapter concerne aussi nos entreprises, c’est-à-dire les valeurs qui les fondent, les hommes et les femmes qui y travaillent, les objectifs qu’elles visent et les produits qu’elles fabriquent.

Nos entreprises en France et en Europe sont confrontées à trois défis majeurs.

Le premier, déjà ancien, est celui de la compétitivité face à une concurrence internationale toujours plus aiguisée.

Le deuxième défi, fondamental, est celui de la transition énergétique et écologique, qui nécessite d’adapter tout le processus de production de biens et de services aux impératifs du changement climatique.

Enfin, le troisième défi est celui du capital humain. Nos entreprises peinent à conserver dans la durée leurs cadres, soucieux de plus d’autonomie et d’une responsabilité différente. Elles peinent aussi à attirer les plus jeunes et les meilleurs diplômés par la seule promesse d’une stabilité professionnelle et d’une bonne rémunération. Là encore, la crise sanitaire a rendu cette réalité tangible à tous : le bien-être au travail et la quête de sens dans le travail sont aujourd’hui au cœur des problématiques de recrutement.

Dans ce contexte général, face à ces trois défis majeurs, les entreprises françaises disposent globalement d’atouts solides. La France a joué un rôle de précurseur en matière de RSE ; il s’agit aujourd’hui de conserver ce leadership et d’en faire un atout pour nos entreprises.

Depuis des années maintenant, la RSE a essaimé un peu partout. Les grands groupes et les entreprises s’en sont saisis et communiquent beaucoup sur cette démarche. Je m’en réjouis, mais il s’agit de faire plus et mieux : il ne faut plus dire que l’on fait, mais faire réellement. La RSE doit être partie intégrante du business model de l’entreprise, pour lui conférer des atouts à la mesure de ses engagements.

L’accélération normative – particulièrement celle de l’Union européenne, mais aussi celle voulue par les autorités françaises – est très importante en ce domaine. Le rapport en rend compte de façon détaillée.

Ainsi, depuis le 1er janvier de cette année, les entreprises de plus de 250 salariés réalisant 40 millions d’euros de chiffres d’affaires ou 20 millions d’euros en total du bilan doivent réaliser un « bilan des émissions de gaz à effet serre » particulièrement exigeant et précis. C’est un élément à souligner.

La directive CSRD, qui prévoit d’harmoniser et de standardiser ce reporting, est entrée en vigueur le 5 janvier dernier.

Elle élargit considérablement le périmètre des sociétés et entreprises potentiellement soumises à la publication d’informations extrafinancières. Selon les évaluations, cela concernerait plus de 50 000 entreprises européennes, soit cinq fois plus qu’actuellement. Cela aura un impact sur nombre de petites et moyennes entreprises sous-traitantes ou cocontractantes, affectant donc largement notre tissu de PME.

Nous avons proposé – je m’exprime ici également en tant que rapporteure des travaux de la délégation aux entreprises – que cette information extrafinancière soit harmonisée sous le contrôle d’une autorité publique européenne.

Enfin, s’agissant des PME, si le reporting et son contrôle sont essentiels, il paraît indispensable d’aller au-delà de ce contrôle formel et d’accompagner réellement ces entreprises, dont les finances sont contraintes, dans l’évolution de leurs pratiques. Il me semble également important d’accompagner les auditeurs des PME, qui n’ont pas les moyens des Big Four en matière de conseil.

La RSE est non pas un effet de mode, mais un levier au bénéfice des économies et des entreprises européennes, pour que celles-ci se dotent d’un atout majeur.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Je vous répondrai tout d’abord, madame la rapporteure, sur les professions du chiffre.

Les commissaires aux comptes (CAC) joueront un rôle important dans l’application de la directive CSRD, et ils le savent. La Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) est déjà très active pour former ces professionnels. La performance extrafinancière fait en effet appel à des compétences nouvelles. Ce chantier est en cours, et j’y suis attentive.

Par ailleurs, je travaille avec le ministère de la justice sur les moyens de faciliter l’accès au stage de commissariat aux comptes pour les professionnels du développement durable, ce qui pourrait se traduire par une admission sur dossier plutôt que par concours. Cela permettrait deux types d’approches, celle du chiffre et celle du développement durable. Le contrôle des pratiques en matière environnementale, sociale et de gouvernance suppose en effet de maîtriser des connaissances autres que comptables.

Pour ce qui concerne l’Esma (European Securities and Markets authority), l’Autorité européenne des marchés financiers, la France a défendu à de nombreuses reprises l’introduction à l’échelon européen d’une réglementation encadrant l’activité des agences de notation – le sénateur Lemoyne l’avait mentionné. Une telle réglementation devrait être proposée par la Commission européenne dans les tout prochains mois. Outre la directive sur les agences de notation, la France suit de très près ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Moga

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux, moi aussi, remercier le président Babary et la délégation aux entreprises d’avoir proposé de débattre de ce sujet.

Si l’on reprend le fil de l’histoire, la responsabilité sociétale des entreprises s’est établie comme concept intellectuel dans le courant des années 2000. D’abord facultative et volontaire, cette approche méthodologique a permis de fournir une grille d’analyse nouvelle pour la compréhension du rôle des entreprises, non seulement dans le système économique, mais plus globalement au sein de la société.

Il faut envisager l’avènement de la RSE comme un contre-pied à la libéralisation et à la financiarisation de l’économie opérées à partir de la fin des années 1980.

Ce phénomène a fini par apporter son lot de questionnements. Quel doit être le rôle des actionnaires dans l’économie ? L’investissement, notamment privé, doit-il viser d’autres buts que la simple rentabilité financière ? Les entreprises ont-elles le devoir de compenser les externalités négatives liées à leurs activités ? Doivent-elles avoir comme objectif de produire un maximum d’externalités positives ? De cette question est plus ou moins issu le statut d’« entreprise à mission ».

La RSE, dans un premier temps, a permis de conceptualiser la manière dont les entreprises pouvaient affecter positivement leurs écosystèmes respectifs. Néanmoins, on assiste depuis quelques années à une influence juridique croissante de la RSE.

Étant limité par le temps, je souhaiterais aborder un aspect précis de cette influence juridique croissante.

L’impact de la RSE sur le secteur financier a été particulièrement spectaculaire au cours de la décennie qui vient de s’achever. Je pense que l’orientation de l’épargne des entreprises et des ménages vers des activités vertueuses sur le plan environnemental ou social constitue indéniablement une avancée importante. Mais cet élargissement des critères extrafinanciers n’est pas sans poser de difficultés.

La première d’entre elles est la qualité de l’information non financière dont disposent les investisseurs sur les structures dans lesquelles ils investissent. Le règlement dit SFDR (Sustainable Finance Disclosure), entré en application en 2021, devrait permettre d’unifier cette documentation. Mais la marche à franchir pour les entreprises est très grande et le calendrier très serré.

La seconde difficulté majeure réside dans une conception trop restrictive de la taxonomie européenne. Plusieurs secteurs font régulièrement savoir qu’ils éprouvent de grandes difficultés à trouver des financements. Je pense notamment à l’industrie de la défense, qui n’entre pas dans les critères de la taxonomie européenne, alors qu’elle concourt à l’indépendance de notre pays, ainsi qu’à la défense de nos intérêts vitaux.

Cette problématique ne concerne pas seulement les groupes intermédiaires. Depuis quelques années, certains de nos plus grands groupes de défense se retrouvent en difficulté pour lever des financements.

Par effet collatéral, la concentration de l’épargne sur des secteurs labellisés comme « verts » pourrait conduire au sous-financement d’autres secteurs tout aussi importants pour l’économie française et européenne.

Ma question est donc simple, madame la ministre : dans quelle mesure le Gouvernement peut-il favoriser l’accès des entreprises stratégiques à l’épargne privée, notamment dans le secteur de la défense, et éviter que l’application des critères de la taxonomie conduise à un sous-financement chronique de certains secteurs ?

Mme Françoise Férat applaudit.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Monsieur le sénateur Moga, vous venez d’évoquer, dans la première partie de votre question, le fameux règlement SFDR. Cela me fait plaisir de l’entendre, car il m’est arrivé d’être assez seule pour en parler et y travailler…

Le cadre européen, qui définit, via le règlement SFDR, les exigences spécifiques de reporting pour les acteurs financiers s’inspire largement, vous le savez, de l’article 173 de la loi française relative à la transition énergétique du 17 août 2015.

La France est restée fer de lance sur le sujet, avec l’adoption, en 2021, de l’article 29 de la loi relative à l’énergie et au climat, dite Énergie-climat, qui a fait l’objet d’un décret d’application. Ce nouveau cadre réglementaire confirme notre forte ambition en matière de finance durable et établit un reporting plus ambitieux, en particulier s’agissant de l’alignement des investissements sur les objectifs climatiques et de biodiversité, ainsi que sur la gestion des risques.

Pour autant, le règlement SFDR pourrait être renforcé et précisé : j’emploie le conditionnel, car il s’agit d’une option qui est actuellement envisagée par la Commission européenne. Un certain nombre d’éléments ne figurent pas dans ce règlement, et nous avons engagé des discussions avec la Commission pour éviter que, sous couvert de produits financiers divers, d’autres actifs ne soient intégrés dans la taxinomie verte.

Vous avez également mentionné une question très importante : le risque d’éviction que pourraient subir des industries stratégiques, par exemple du secteur de la défense. Mais comme j’ai déjà dépassé mon temps de parole de quinze secondes, je vous propose, monsieur le sénateur, de vous répondre sur ce point par écrit dans les jours qui viennent.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plus de vingt ans, la France s’est engagée à développer ce que l’on appelle la « responsabilité sociétale des entreprises », en demandant à ces dernières de rendre des comptes sur autre chose que leurs performances financières.

La loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a ainsi posé les premiers fondements du cadre législatif en matière de RSE. Elle prévoit notamment que les entreprises cotées en Bourse indiquent dans leur rapport annuel une série d’informations relatives aux conséquences sociales et environnementales de leurs activités.

Avec les lois Grenelle I et II, le concept de RSE a été démocratisé et élargi à toutes les entreprises de plus de 500 salariés avec un bilan supérieur à 100 millions d’euros.

Les exigences en matière de RSE n’ont eu de cesse de se renforcer, au plan tant national qu’européen. Afin d’accélérer le changement, la commande publique a un rôle important à jouer. La loi de 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire impose d’ailleurs désormais aux acheteurs publics un seuil minimal de 20 % d’acquisition de produits issus du réemploi ou du reconditionnement.

La commande publique a également été affectée par la loi Climat et résilience de 2021. Ainsi, le Plan national pour des achats durables 2022-2025 a pour grand objectif d’accompagner les acheteurs publics dans la mise en œuvre de cette loi.

Les objectifs sont ambitieux : d’ici à 2025, quelque 100 % des marchés publics devront intégrer des considérations environnementales et 30 % devront comprendre des considérations sociales.

La RSE n’a jamais été qu’un simple instrument de communication, comme peuvent l’affirmer certains de ses détracteurs : elle constitue un levier de résilience, qui permet à l’entreprise de se développer et de s’adapter à l’évolution de son environnement. Les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont nécessaires, notamment pour aborder l’ensemble des transitions qui doivent être mises en œuvre.

Pour autant, la RSE ne doit pas être synonyme de choc de complexité, comme le souligne le rapport d’information. C’est pourtant ce que laisse craindre l’adoption par le Parlement européen, le 10 novembre dernier, de la directive dite CSRD sur la communication des données de durabilité, qui élargit l’obligation de diffusion d’informations sociales et environnementales à un grand nombre d’entreprises européennes jusqu’alors non concernées, notamment les PME.

Ce sont donc environ 50 000 PME, en plus des entreprises cotées en Bourse, qui devront se soumettre à cette nouvelle directive. Légitimement, nous pouvons nous interroger sur la question de l’impact de cette décision sur les PME qui n’ont pas encore l’ingénierie nécessaire pour répondre à ces nouvelles obligations.

La RSE doit être intégrée au développement de l’entreprise, mais elle ne doit pas la pénaliser. Imposer la RSE à marche forcée aux petites entreprises, qui sont d’ailleurs souvent les plus vertueuses, est contre-productif. Comme l’indique le rapport, il est nécessaire de proportionner ces nouvelles exigences à la taille de l’entreprise.

Enfin, je rappellerai combien la bataille des normes évoquée dans le rapport est cruciale.

Une domination des normes et d’une notation extrafinancière américaines constituerait un véritable handicap pour les entreprises européennes. Comment imaginer que ces dernières soient jugées sur des critères non européens, s’opposant parfois à notre culture, tels que les critères ethniques dans l’insertion professionnelle ? Il faut donc aller vers des normes européennes, qui imposeront un référentiel clair dans l’Union.

Je terminerai cette intervention en soulignant que, en France, la majorité des PME repose sur un modèle de capitalisme familial, comme je le constate dans mon beau département de la Mayenne. Ces entreprises ont dans leur ADN un engagement naturel en faveur des territoires sur lesquels elles sont implantées et une attitude bienveillante à l’égard de leurs salariés.

Les entreprises françaises n’ont pas attendu qu’on leur dicte des normes RSE pour s’impliquer. Continuons à les encourager à aller en ce sens et, surtout, veillons à ne pas les pénaliser à propos d’un sujet sur lequel elles font déjà preuve d’un grand volontarisme.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Vous avez abordé, monsieur le sénateur, un certain nombre de sujets.

Je commencerai par répondre à votre dernière remarque. Peut-être ne l’ai-je pas souligné assez clairement, mais nous sommes tous d’accord pour dire que la France est plutôt en avance en matière de RSE, ce qui constitue une bonne raison pour participer à la rationalisation de la RSE au plan européen.

De nombreuses PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire) ont des pratiques responsables à l’endroit de leurs salariés, de leur territoire, de leurs fournisseurs et de l’environnement. C’est justement pour mieux les valoriser et les comparer à d’autres PME européennes, moins vertueuses, que la directive CSRD présente un intérêt pour la France. J’assume totalement mon propos : ce règlement est un outil de compétitivité pour les entreprises européennes et pour nos PME.

J’ai évoqué il y a quelques instants, en réponse à Mme la sénatrice Férat, la proportionnalité et la progressivité : le calendrier et les indicateurs appliqués à nos PME, aussi bien en termes de profondeur que d’ampleur du travail, ne seront pas les mêmes.

Je le rappelle, le champ de la directive ne concerne que les PME cotées, même si la directive peut avoir des incidences plus larges dans le cadre de la chaîne de sous-traitance. J’y insiste, car, même si cela n’a pas été votre cas, monsieur le sénateur, certains jouent à se faire peur : les PME françaises non cotées ne seront pas contraintes par les 80 indicateurs macrosectoriels de la directive CSRD. Nous avons assez de raisons d’être angoissés pour ne pas en rajouter !

Nos PME ont de l’avance. Et, comme j’aurai l’occasion de le dire en conclusion dans quelques minutes, elles sont plutôt allantes, et pas seulement les PME familiales. Vous l’avez rappelé, notre code du travail est assez exigeant, nous n’avons pas de retard en matière de considérations environnementales et, en ce qui concerne la gouvernance, nous avons saisi la balle au bond. Nos PME peuvent donc tirer profit de cette législation.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

La taille de l’entreprise est prise en compte ; la progressivité et la proportionnalité sont acquises. L’adoption de la directive le 24 février dernier nous a permis de gagner sur ces points. À nous maintenant de mettre en œuvre ce texte : nous avons cinq ans pour l’appliquer à nos PME cotées.

Nous sommes tout à fait capables de le faire, en accompagnant au mieux nos entreprises ; c’est un point que j’évoquerai en conclusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

En conclusion du débat, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’aimerais tout d’abord remercier les auteurs de ce rapport et le président de la délégation aux entreprises, M. Babary.

Je veux les remercier de la qualité de leur travail et de leur détermination s’agissant de la RSE, année après année. Je me réjouis que, malgré les divergences politiques – elles enrichissent le débat ! –, nous partagions les mêmes constats et, je le crois, les mêmes préoccupations. De même, pour la plupart d’entre vous, vous souscrivez aux mêmes objectifs et proposez les mêmes moyens pour les atteindre.

Nous sommes d’accord sur l’importance, pour ne pas dire sur l’urgence, de la transition écologique, sociale, mais aussi de gouvernance de nos entreprises. Une fois dit cela, il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que nous sommes en train de construire des outils dont on ne sait pas encore s’ils seront parfaitement opérants face aux défis immenses que pose l’adaptation de nos sociétés et de nos économies à la nouvelle donne climatique.

En tant que secrétaire d’État à l’économie responsable, mon problème était de faire en sorte que les entreprises soient force de propositions. Désormais, en tant que ministre déléguée chargée des PME, il est de faire en sorte que toutes les entreprises puissent adopter ces nouvelles règles du jeu.

La réglementation extrafinancière, telle qu’elle se présente aujourd’hui pour des non-initiés – ne nous voilons pas la face, c’est le cas d’une immense majorité de nos entreprises, notamment de nos PME – représente un choc de complexité, pour reprendre à mon compte l’expression employée par plusieurs d’entre vous.

Cette complexité est une évidence aujourd’hui, mais tout l’enjeu est d’éviter qu’elle ne devienne une réalité demain. Vous l’avez dit et je l’ai répété il y a quelques instants, les PME ne sont pas directement concernées par la plupart des réglementations en cours d’élaboration, mais il faut admettre qu’elles le seront indirectement.

Elles le seront structurellement, parce que la transition écologique suppose un changement de modèle pour toutes les entreprises, et pas uniquement pour les plus grandes d’entre elles.

Elles le seront socialement, parce que les consommateurs demandent des biens et des services plus durables, mais aussi parce que, pour faire tourner nos belles entreprises, il faut des salariés.

Or, vous l’avez dit, madame la sénatrice Blatrix Contat, les jeunes salariés n’arbitrent pas entre les différentes entreprises où ils pourraient travailler selon le seul critère de la performance financière. La RSE est un enjeu d’attractivité majeur dans la bataille des compétences que nos PME doivent gagner. Je suis parfois inquiète d’entendre – cela n’a pas été le cas ce soir et je vous en remercie – des discours assez radicaux du style : « Surtout pas nos PME ! »

Dans dix ans se tiendront ici même des débats au cours desquels on se demandera quelle mouche nous avait piqués pour laisser les PME passer à côté de cette révolution environnementale, sociale et de gouvernance !

En effet, si nous agissons ainsi, nous aurons dans dix ou quinze ans des entreprises à deux vitesses : celles qui mèneront une réelle politique de RSE attireront les talents, et les autres, dont nous savons pertinemment qu’elles manquent déjà de compétences, se retrouveront sur le bord du chemin.

En tant que ministre déléguée aux PME, ce sujet m’interpelle tout particulièrement. Je sais que la RSE est plus difficile à mettre en œuvre par ces entreprises, mais je sais aussi que s’abstenir de le faire serait irresponsable. Ne pas embarquer nos PME dans la révolution de l’extrafinancier et de la responsabilité sociale des entreprises reviendrait à les condamner ou à insulter leur avenir.

Elles le seront juridiquement, enfin, parce que, comme nous l’avons relevé, les donneurs d’ordres de nombreuses TPE et PME réclameront de plus en plus d’informations environnementales et sociales dans le cadre de la chaîne de valeur.

J’ai demandé à la direction générale des entreprises (DGE) de travailler à l’amélioration de la plateforme impact.gouv.fr, que je chéris – car, oui, on peut chérir des plateformes !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Je l’ai lancée il y a un peu plus d’un an, et l’on m’avait dit à l’époque, au-delà du fait que cela ne marcherait jamais, que les PME ne l’utiliseraient pas… Je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à prendre le temps d’aller consulter ce site : la majorité des entreprises sont des PME, qui donnent les informations qu’elles peuvent recueillir sur leur bilan carbone et leur bilan social, en jouant le jeu de la transparence en matière de RSE.

J’ai proposé à la DGE d’en faire l’outil public de référence, pour permettre aux entreprises, notamment aux PME, de se conformer à la réglementation, en simplifiant leur parcours et en les accompagnant auprès des administrations. Impact.gouv.fr va donc évoluer, pour devenir une plateforme d’accompagnement dans la mise en œuvre des référentiels qui deviendront obligatoires pour nos ETI et nos PME.

Une nouvelle version du site sera déployée dans les prochains mois. Ce n’est pas parce que j’ai changé de poste que je ne suis pas attentivement l’évolution de cette plateforme qui, j’y insiste, permettra de mieux accompagner nos entreprises, notamment les PME, qu’elles soient cotées ou non. Je pourrais de nouveau évoquer avec vous ce sujet à l’avenir si cela vous intéresse.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Babary

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la qualité de nos échanges justifie que nous ayons porté au débat les conclusions de notre rapport.

Nous nous intéressons depuis quelque temps déjà à la responsabilité sociétale des entreprises. Ainsi que l’ont rappelé les trois rapporteurs en introduction, la délégation aux entreprises s’est penchée à deux reprises, en juin 2020 et en octobre dernier, sur le sujet.

Dès 1972, Antoine Riboud, PDG de Danone, expliquait aux assises nationales du Conseil national du patronat français (CNPF) que « la responsabilité de l’entreprise ne s’arrête pas au seuil des usines ou des bureaux. Son action se fait sentir dans la collectivité tout entière et influe sur la qualité de la vie de chaque citoyen. » Presque trente ans plus tard, la même définition était reprise par la Commission européenne, dans son livre vert de juillet 2001. La France s’est voulue, et a été, pionnière en la matière, emportant l’Union européenne vers une nouvelle définition de l’entreprise.

Ce mouvement s’est cependant traduit parallèlement par une accumulation de normes, volontaires et légales, européennes et nationales, visant principalement les grandes entreprises, d’abord cotées, puis, par ruissellement, les ETI et les PME. Notre collègue Martine Berthet en a décrit pertinemment le processus.

En effet, les émetteurs de normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) raisonnent verticalement et produisent en silos, tandis que le chef d’entreprise est souvent bien seul, surtout dans une PME, avec d’autres préoccupations et priorités.

Qui a chiffré le coût organisationnel, humain et financier de ces normes qui, individuellement, sont toutes justifiées, mais qui, alignées, cumulées, sédimentées, sont en capacité d’affaiblir la compétitivité de nos entreprises, surtout si leurs concurrents non européens s’en exonèrent ?

Certes, la RSE est un atout. Elle devient un critère désormais déterminant des investisseurs, même si la finance verte reste encore bien grise, comme l’a souligné notre collègue Florence Blatrix Contat… Mais la nécessité de simplifier, d’harmoniser et d’adapter, notamment pour les PME, évoquée dans le premier rapport de la délégation de 2020, reste plus que jamais d’actualité.

Plus généralement, la simplification de notre appareil administratif et de nos normes économiques ou financières doit redevenir une politique publique. C’est la raison pour laquelle la délégation lance un nouveau cycle d’auditions sur ce sujet. Les entreprises attendent toujours un véritable choc de simplification, et je sais que vous y êtes, madame la ministre, extrêmement sensible.

Avec la loi Pacte, les entreprises se sont vu proposer une sorte de « statut RSE » pour transformer leur nature juridique, afin de prendre en considération les impacts tant positifs que négatifs sur leurs parties prenantes. Il faut les protéger dans cette démarche.

C’est pourquoi nous avons proposé, dans notre rapport d’information d’octobre 2022, qu’un investisseur puisse être obligé de préciser ses intentions lorsqu’il conteste la démarche RSE d’une société, afin de permettre à cette dernière d’accélérer l’alignement de sa stratégie sur les objectifs ESG qu’elle se propose d’atteindre.

Je me réjouis de constater que le Club des juristes a rejoint les conclusions de la délégation aux entreprises dans la mise à jour de décembre 2022 de son rapport d’information de 2019 sur l’activisme actionnarial. Il suggère que l’Autorité des marchés financiers (AMF) propose une recommandation visant à ce que tout investisseur prenant publiquement des positions en vue d’influencer la stratégie, la situation financière ou la gouvernance d’un émetteur déclare ses niveaux de participation à l’émetteur et, plus généralement, au public au-delà des obligations déclaratives résultant d’un franchissement de seuil.

Nous avons tous en mémoire l’affaire Danone – elle a été citée. Cette entreprise était engagée dans une démarche RSE qui a déplu à des fonds activistes craignant un moindre profit…

Je rejoins également notre collègue Jacques Le Nay quant à la nécessité d’une harmonisation mondiale des normes ESG, sans sacrifier la double matérialité, qui est une véritable valeur ajoutée européenne. Pour cela, ce dossier doit être porté au plus haut niveau de l’État et bénéficier d’un suivi attentif du Conseil européen.

La métrique des émissions carbone et la comptabilité extrafinancière restent à construire. L’Union européenne ne peut se défausser sur des acteurs privés, a fortiori américains, pour les définir. Il y va de la reconquête de notre souveraineté économique.

C’est à ces conditions – simplification, consolidation, unification – que l’ambition de la RSE doit devenir un atout pour chaque entreprise, française ou européenne, quelle que soit sa taille.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Nous en avons terminé avec le débat sur les conclusions du rapport Faire de la RSE une ambition et un atout pour chaque entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 11 janvier 2023 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente :

Débat d’actualité sur le thème « La crise du système de santé »,

Débat sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Le soir :

Débat sur la politique du logement dans les outre-mer.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures vingt.

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l ’ éducation et de la communication.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Véronique Del Fabro est proclamée membre de la commission de la culture de l ’ éducation et de la communication, en remplacement de M. Philippe Nachbar, démissionnaire.