Intervention de Rémi Cardon

Réunion du 10 janvier 2023 à 21h30
Faire de la rse une ambition et un atout pour chaque entreprise — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la délégation sénatoriale aux entreprises

Photo de Rémi CardonRémi Cardon :

Je commencerai bien évidemment en remerciant mes collègues qui ont œuvré à la réalisation du rapport d’information.

Si des propositions me semblent particulièrement pertinentes, voire pour certaines triviales – je pense notamment à la différence de traitement pour les TPE –, d’autres me semblent sujettes à débat.

C’est ce débat que j’ai le plaisir d’ouvrir pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, en espérant que nos échanges seront enrichissants. Car, le rapport le montre bien, la RSE est un sujet complexe et, sur certains aspects, paradoxal.

Ainsi, d’un côté, la RSE souffre d’une déferlante de normes qui inquiète, notamment les petites et moyennes entreprises (PME), et, de l’autre, elle est encore un fourre-tout, malgré justement l’existence de ces normes.

En effet, derrière la RSE, nous pouvons retrouver la simple conformité à des référentiels ou à des normes de qualité ou environnementales, la constitution de fondations pour financer des projets sociaux, culturels, ainsi que des politiques sociales particulièrement engagées, comme des congés paternité de plusieurs mois qu’oseraient à peine espérer certains mouvements féministes !

La RSE est définie par la Commission européenne comme l’intégration volontaire – j’insiste sur ce terme – par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et à leurs relations avec les parties prenantes.

Le champ des possibles est encore immense. Si les normes sont déjà nombreuses pour imposer cette démarche volontaire, il reste des zones libres, pour ne pas dire de non-droit. Cela fait naître d’inévitables inégalités entre les entreprises.

Une proposition que j’aurais personnellement aimé voir inscrite bien plus haut dans la liste – elle arrive en dernier – est la modification du code des marchés publics.

Les entreprises qui s’engagent volontairement dans une démarche vertueuse, socialement bénéfique et durable doivent évidemment être reconnues et encouragées pour cela. Nous touchons là à la notion d’exemplarité de l’État, qui doit, par un code des marchés publics modernisé, favoriser les candidats vertueux.

L’expérience montre malheureusement que si l’on attend que les entreprises s’y mettent spontanément, on peut attendre longtemps ! Qui aurait pu prédire que le non-partage des superprofits se transformerait en superdividendes ? Madame la ministre, il est encore temps d’agir sur le sujet !

Ensuite, et sans remettre en cause les propositions qui sont faites, puisque la production de chiffres extrafinanciers tend à se développer et qu’il s’agit d’une occasion à saisir, il me semble que nous devrions nous interroger sur l’intérêt et la pertinence même de la RSE, notamment eu égard aux inégalités qu’elle peut engendrer entre les entreprises de tailles différentes.

Il est facile, en effet, pour les grands groupes internationaux de financer une politique RSE généreuse quand ils se sont, de fait, extraits de leur responsabilité sociétale en pratiquant l’optimisation fiscale !

Or la première contribution sociétale d’une entreprise n’est-elle pas de participer à la mise en place des services publics, qu’il s’agisse des infrastructures de transport, des services de santé et des autres services régaliens ?

Pour le dire autrement, est-ce le rôle de l’entreprise de financer directement des services sociaux à l’attention de ses seuls salariés ou revient-il à l’État d’en assurer le juste équilibre pour l’ensemble du pays ?

Madame la ministre, à l’heure où nous cherchons à équilibrer le financement de nos retraites, une fiscalité plus juste et, surtout, plus effective, quelle que soit la taille de l’entreprise, ne serait-elle pas souhaitable ? Ce serait bien plus acceptable socialement, et cela nous éviterait bien des grèves à venir. Mais ça, c’est votre choix !

Enfin, pour reprendre une des propositions du rapport que j’ai déjà évoquée, à savoir la modification du code des marchés publics, il faudrait aussi, me semble-t-il, y intégrer la contribution fiscale des entreprises. De la sorte, les PME, qui bien souvent ne peuvent optimiser à outrance leur fiscalité, auraient une bien meilleure note que les grands groupes, qui, eux, usent de ces optimisations !

De nombreux exemples ont montré l’incompatibilité du RSE avec une recherche de revenus à court terme des entreprises. Le cas le plus marquant en la matière est, de mon point de vue, le limogeage du président du groupe Danone, dont la politique pourtant exemplaire n’était pas du goût des actionnaires. Ainsi, les meilleures politiques de RSE servent souvent avant tout les intérêts des entreprises au détriment d’un intérêt commun supérieur.

Madame le ministre, n’y a-t-il pas danger à laisser ces entreprises financer des services sociaux supralégaux au détriment du plus grand nombre ?

Plus globalement, je souhaite que le Gouvernement reprenne les propositions bienvenues du rapport et en profite pour prendre davantage de recul, afin de s’interroger philosophiquement sur le bien-fondé et les limites de la RSE.

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