Intervention de Céline Brulin

Réunion du 10 janvier 2023 à 21h30
Faire de la rse une ambition et un atout pour chaque entreprise — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la délégation sénatoriale aux entreprises

Photo de Céline BrulinCéline Brulin :

Je remercie tout d’abord les rapporteurs de la délégation aux entreprises de leur travail mettant en lumière les conséquences de l’application des nouvelles normes environnementales, sociales ou de gouvernance sur nos entreprises, en particulier par rapport aux autres pays européens.

Le rapport pointe un grand décalage entre les discours et les actes, entre les objectifs définis et les politiques adoptées. Il illustre par exemple que la France est particulièrement mal classée dans le rapport mondial sur le développement durable en raison de son niveau élevé d’importations. Celles-ci représentent la moitié des émissions nationales dans le bilan carbone de notre pays.

Agir efficacement pour des relocalisations industrielles, comme dans le secteur de l’industrie pharmaceutique, alors que nous sommes dans un état d’hyperdépendance aux économies du Sud-Est asiatique notamment, apparaît donc, de ce point de vue aussi, comme une nécessité.

De même, en 2017, la France a été la première, avec la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, à définir la responsabilité des entreprises, et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et l’environnement dans leur chaîne d’approvisionnement. Mais la directive sur le devoir de vigilance approuvée par le Conseil européen en décembre dernier n’inclut ni l’usage qui est fait des produits commercialisés par les entreprises, ni les activités des clients des entreprises de services, ni les exportations d’armes.

Sous la pression de la France, les banques sont quasiment exclues du champ et les entreprises ne sont pas tenues de cesser leur relation avec un fournisseur qui viole les droits humains, si cela est préjudiciable à leur activité.

Il est urgent d’encadrer de façon stricte l’activité et la responsabilité sociale, économique et environnementale des entreprises multinationales. Le rapport de la délégation aux entreprises présente plusieurs recommandations intéressantes en ce sens, qu’il s’agisse de renforcer la formation des membres des conseils d’administration et du comité de direction, d’instaurer des modules de formation sur les enjeux de RSE pour les étudiants ou encore de prévoir des mesures de progressivité.

La responsabilité sociétale des entreprises ne doit pas se limiter à la seule lutte contre le réchauffement climatique, mais doit inclure les aspects sociaux ou de gouvernance pour mieux devenir une responsabilité sociale des entreprises.

À l’opposé des ordonnances Macron, qui ont affaibli les pouvoirs des représentants des salariés dans les entreprises, la consultation du comité social et économique (CSE) sur les orientations stratégiques de l’entreprise devrait devenir une obligation.

Les salariés pourraient ainsi s’opposer à des décisions de délocalisation contraires à l’intérêt général ou promouvoir des diversifications de production à même de développer des entreprises.

J’ai en tête l’équipementier Compin, dans l’Eure, qui délocalise des productions, licencie la moitié des salariés de son site d’Évreux, alors même qu’il s’est engagé à le mobiliser pour équiper le matériel ferroviaire financé par la région Normandie.

Afin de mieux valoriser les démarches de RSE des entreprises, l’introduction dans le code de la commande publique d’un droit de préférence pour les offres des entreprises présentant des atouts en la matière, à égalité de prix ou à équivalence d’offre, apparaît judicieuse.

L’accès aux appels d’offres des PME locales doit être une priorité. Cela demande de cesser de promouvoir des collectivités XXL, qui surenchérissent les niveaux d’appel d’offres, et les groupements hospitaliers toujours plus gigantesques, qui éloignent d’autant les TPE et les PME de la réponse à ces appels d’offres.

Il faut au contraire considérer que la politique sociale et environnementale des entreprises peut permettre de dépasser les logiques de dumping social.

Nombre de collectivités sont prêtes à jouer pleinement ce rôle. Mais elles-mêmes, soumises aux règles européennes de concurrence, prétendument libres et non faussées, sont empêchées d’utiliser comme elles le devraient le levier de la commande publique.

L’État doit également donner l’exemple en la matière. Or ce n’est malheureusement pas toujours le cas.

L’État actionnaire, d’abord : je pense notamment à l’entreprise Renault, particulièrement implantée dans mon département de Seine-Maritime, où elle accompagne la stratégie de démantèlement qui menace emplois, sites industriels et nécessaires transitions énergétiques.

L’État, tout court, ensuite : il n’est pas très sérieux de se féliciter que les TPE accèdent à l’énergie à un coût de 280 euros le mégawattheure, c’est-à-dire cinq ou six fois supérieur aux coûts de production en France.

Vous le savez, nous sommes évidemment diamétralement opposés à un Milton Friedman, qui considérait que l’entreprise a pour seule responsabilité d’accroître son profit. Mais, à l’inverse, nous estimons que l’État et la puissance publique ont aujourd’hui une responsabilité à l’égard de toutes nos entreprises face aux coûts de l’énergie.

Or les réponses apportées par le Gouvernement ne sont pas à ce stade à la hauteur. Vous avez parlé d’urgence : voilà, je le crois, un sujet particulièrement urgent qui préoccupe nos entreprises aujourd’hui !

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