Intervention de Jean-Pierre Moga

Réunion du 10 janvier 2023 à 21h30
Faire de la rse une ambition et un atout pour chaque entreprise — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la délégation sénatoriale aux entreprises

Photo de Jean-Pierre MogaJean-Pierre Moga :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux, moi aussi, remercier le président Babary et la délégation aux entreprises d’avoir proposé de débattre de ce sujet.

Si l’on reprend le fil de l’histoire, la responsabilité sociétale des entreprises s’est établie comme concept intellectuel dans le courant des années 2000. D’abord facultative et volontaire, cette approche méthodologique a permis de fournir une grille d’analyse nouvelle pour la compréhension du rôle des entreprises, non seulement dans le système économique, mais plus globalement au sein de la société.

Il faut envisager l’avènement de la RSE comme un contre-pied à la libéralisation et à la financiarisation de l’économie opérées à partir de la fin des années 1980.

Ce phénomène a fini par apporter son lot de questionnements. Quel doit être le rôle des actionnaires dans l’économie ? L’investissement, notamment privé, doit-il viser d’autres buts que la simple rentabilité financière ? Les entreprises ont-elles le devoir de compenser les externalités négatives liées à leurs activités ? Doivent-elles avoir comme objectif de produire un maximum d’externalités positives ? De cette question est plus ou moins issu le statut d’« entreprise à mission ».

La RSE, dans un premier temps, a permis de conceptualiser la manière dont les entreprises pouvaient affecter positivement leurs écosystèmes respectifs. Néanmoins, on assiste depuis quelques années à une influence juridique croissante de la RSE.

Étant limité par le temps, je souhaiterais aborder un aspect précis de cette influence juridique croissante.

L’impact de la RSE sur le secteur financier a été particulièrement spectaculaire au cours de la décennie qui vient de s’achever. Je pense que l’orientation de l’épargne des entreprises et des ménages vers des activités vertueuses sur le plan environnemental ou social constitue indéniablement une avancée importante. Mais cet élargissement des critères extrafinanciers n’est pas sans poser de difficultés.

La première d’entre elles est la qualité de l’information non financière dont disposent les investisseurs sur les structures dans lesquelles ils investissent. Le règlement dit SFDR (Sustainable Finance Disclosure), entré en application en 2021, devrait permettre d’unifier cette documentation. Mais la marche à franchir pour les entreprises est très grande et le calendrier très serré.

La seconde difficulté majeure réside dans une conception trop restrictive de la taxonomie européenne. Plusieurs secteurs font régulièrement savoir qu’ils éprouvent de grandes difficultés à trouver des financements. Je pense notamment à l’industrie de la défense, qui n’entre pas dans les critères de la taxonomie européenne, alors qu’elle concourt à l’indépendance de notre pays, ainsi qu’à la défense de nos intérêts vitaux.

Cette problématique ne concerne pas seulement les groupes intermédiaires. Depuis quelques années, certains de nos plus grands groupes de défense se retrouvent en difficulté pour lever des financements.

Par effet collatéral, la concentration de l’épargne sur des secteurs labellisés comme « verts » pourrait conduire au sous-financement d’autres secteurs tout aussi importants pour l’économie française et européenne.

Ma question est donc simple, madame la ministre : dans quelle mesure le Gouvernement peut-il favoriser l’accès des entreprises stratégiques à l’épargne privée, notamment dans le secteur de la défense, et éviter que l’application des critères de la taxonomie conduise à un sous-financement chronique de certains secteurs ?

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