Intervention de Serge Babary

Réunion du 10 janvier 2023 à 21h30
Faire de la rse une ambition et un atout pour chaque entreprise — Conclusion du débat

Photo de Serge BabarySerge Babary :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la qualité de nos échanges justifie que nous ayons porté au débat les conclusions de notre rapport.

Nous nous intéressons depuis quelque temps déjà à la responsabilité sociétale des entreprises. Ainsi que l’ont rappelé les trois rapporteurs en introduction, la délégation aux entreprises s’est penchée à deux reprises, en juin 2020 et en octobre dernier, sur le sujet.

Dès 1972, Antoine Riboud, PDG de Danone, expliquait aux assises nationales du Conseil national du patronat français (CNPF) que « la responsabilité de l’entreprise ne s’arrête pas au seuil des usines ou des bureaux. Son action se fait sentir dans la collectivité tout entière et influe sur la qualité de la vie de chaque citoyen. » Presque trente ans plus tard, la même définition était reprise par la Commission européenne, dans son livre vert de juillet 2001. La France s’est voulue, et a été, pionnière en la matière, emportant l’Union européenne vers une nouvelle définition de l’entreprise.

Ce mouvement s’est cependant traduit parallèlement par une accumulation de normes, volontaires et légales, européennes et nationales, visant principalement les grandes entreprises, d’abord cotées, puis, par ruissellement, les ETI et les PME. Notre collègue Martine Berthet en a décrit pertinemment le processus.

En effet, les émetteurs de normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) raisonnent verticalement et produisent en silos, tandis que le chef d’entreprise est souvent bien seul, surtout dans une PME, avec d’autres préoccupations et priorités.

Qui a chiffré le coût organisationnel, humain et financier de ces normes qui, individuellement, sont toutes justifiées, mais qui, alignées, cumulées, sédimentées, sont en capacité d’affaiblir la compétitivité de nos entreprises, surtout si leurs concurrents non européens s’en exonèrent ?

Certes, la RSE est un atout. Elle devient un critère désormais déterminant des investisseurs, même si la finance verte reste encore bien grise, comme l’a souligné notre collègue Florence Blatrix Contat… Mais la nécessité de simplifier, d’harmoniser et d’adapter, notamment pour les PME, évoquée dans le premier rapport de la délégation de 2020, reste plus que jamais d’actualité.

Plus généralement, la simplification de notre appareil administratif et de nos normes économiques ou financières doit redevenir une politique publique. C’est la raison pour laquelle la délégation lance un nouveau cycle d’auditions sur ce sujet. Les entreprises attendent toujours un véritable choc de simplification, et je sais que vous y êtes, madame la ministre, extrêmement sensible.

Avec la loi Pacte, les entreprises se sont vu proposer une sorte de « statut RSE » pour transformer leur nature juridique, afin de prendre en considération les impacts tant positifs que négatifs sur leurs parties prenantes. Il faut les protéger dans cette démarche.

C’est pourquoi nous avons proposé, dans notre rapport d’information d’octobre 2022, qu’un investisseur puisse être obligé de préciser ses intentions lorsqu’il conteste la démarche RSE d’une société, afin de permettre à cette dernière d’accélérer l’alignement de sa stratégie sur les objectifs ESG qu’elle se propose d’atteindre.

Je me réjouis de constater que le Club des juristes a rejoint les conclusions de la délégation aux entreprises dans la mise à jour de décembre 2022 de son rapport d’information de 2019 sur l’activisme actionnarial. Il suggère que l’Autorité des marchés financiers (AMF) propose une recommandation visant à ce que tout investisseur prenant publiquement des positions en vue d’influencer la stratégie, la situation financière ou la gouvernance d’un émetteur déclare ses niveaux de participation à l’émetteur et, plus généralement, au public au-delà des obligations déclaratives résultant d’un franchissement de seuil.

Nous avons tous en mémoire l’affaire Danone – elle a été citée. Cette entreprise était engagée dans une démarche RSE qui a déplu à des fonds activistes craignant un moindre profit…

Je rejoins également notre collègue Jacques Le Nay quant à la nécessité d’une harmonisation mondiale des normes ESG, sans sacrifier la double matérialité, qui est une véritable valeur ajoutée européenne. Pour cela, ce dossier doit être porté au plus haut niveau de l’État et bénéficier d’un suivi attentif du Conseil européen.

La métrique des émissions carbone et la comptabilité extrafinancière restent à construire. L’Union européenne ne peut se défausser sur des acteurs privés, a fortiori américains, pour les définir. Il y va de la reconquête de notre souveraineté économique.

C’est à ces conditions – simplification, consolidation, unification – que l’ambition de la RSE doit devenir un atout pour chaque entreprise, française ou européenne, quelle que soit sa taille.

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