Intervention de Bernard Jomier

Réunion du 11 janvier 2023 à 15h00
Crise du système de santé — Débat d'actualité

Photo de Bernard JomierBernard Jomier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’imagine que, si le président et le bureau du Sénat nous ont invités à débattre d’un tel sujet aujourd’hui, c’est évidemment au regard de l’état actuel de notre système de santé.

Beaucoup de Français, beaucoup de nos compatriotes se demandent comment il est possible que, dans un pays qui consacre 55 % de ses moyens à la dépense publique, laquelle a augmenté de neuf points en vingt ans, la justice et les infrastructures ferroviaires soient dans un tel état, et que le système de santé, que nous croyions jusqu’il y a encore quelques années être le meilleur au monde, soit en train de s’effondrer, tant à l’hôpital qu’en ville.

Il faut leur fournir une réponse. Du reste, on se trompe en ne le faisant pas, car, sans cette réponse, on ne peut pas élaborer le cadre politique approprié pour agir.

À regarder de près cette dépense publique qui a progressé de neuf points en vingt ans, on s’aperçoit en fait que, ce qui s’est accru, ce sont les transferts vers les ménages et les entreprises : ils ont augmenté de dix points en vingt ans.

Le budget consacré aux services publics, quant à lui, a régressé. Et c’est là l’explication principale de l’état actuel de nos services publics : celui-ci ne représente plus qu’un tiers de la dépense publique.

Le secteur de la santé n’a que très partiellement échappé à cette évolution. Si sa part dans la dépense publique a bénéficié d’une hausse de 8 % depuis les années 1980, les plus de soixante ans, pour prendre cet exemple, cette population qui représente l’essentiel de la dépense, a quant à elle progressé de plus de 30 % dans le même temps. Nous consacrons donc, en 2022 et en 2023, moins de moyens à la santé que nous n’en consacrions à la fin du septennat de Valéry Giscard d’Estaing.

Intéressons-nous maintenant à la rémunération des professionnels, y compris ceux qui travaillent dans le privé – en effet, s’il y a des acteurs privés, le financement est, vous le savez très bien, essentiellement public – : sa part dans le PIB a baissé de 2 points depuis 1995.

Mes chers collègues, nous pourrons aborder tous les thèmes et engager tous les débats essentiels relatifs à la gouvernance et à la conception du système de santé, la répartition des tâches entre les uns et les autres, tous ces points qu’Alain Milon a d’ailleurs listés tout à l’heure en posant sa question d’actualité au Gouvernement, mais tant que nous resterons dans ce cadre général, nous ne ferons que gérer la pénurie.

La maison France sous-finance ses services publics depuis au moins vingt ans. Et cela n’a pas changé ces six dernières années ! Cela continue puisque nous avons adopté un budget de la sécurité sociale qui, pour la première fois depuis que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) existe, progressera moins que l’inflation. Ce sont des faits incontestables.

Malgré tout, il faut se pencher sur les différents chantiers en cours.

Aussi, j’ai entendu, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt le chef de l’État.

Il y a six ans, j’étais comme un certain nombre d’entre vous à l’Élysée et j’avais applaudi à la fin du discours du Président consistant à présenter Ma santé 2022 et ses dix chantiers prioritaires.

Lors de ses vœux aux professionnels de santé la semaine dernière, j’ai constaté que les propositions du chef de l’État étaient restées les mêmes six ans plus tard : six ans de perdus !

La réforme de la tarification à l’activité, la T2A, figurait déjà dans Ma santé 2022. Elle est nécessaire, mais n’a toujours pas été menée. Et l’épidémie de covid-19 n’explique pas tout, loin de là !

Affirmer que la santé est une politique prioritaire de notre pays, que préserver le service public de santé revient à préserver un haut niveau de soins et un égal accès aux soins pour nos concitoyens constitue donc une nécessité politique. Ce n’est qu’ensuite, et ensuite seulement, que l’on pourra discuter des différents sujets et faire en sorte que cette discussion ne soit pas un simple instrument de gestion de la pénurie, mais permette d’impulser un nouvel élan à la politique de santé de notre pays.

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