Sans prétendre faire une synthèse de tout ce qui a été dit, chacun faisant son miel de ce qu’il a pu entendre, je soulignerai l’intérêt de cette mission voulue par la commission des finances. Je remercie également certains de nos collègues non-membres de la commission des finances d’avoir participé à ce débat et d’avoir donné leur avis sur les sujets qui ressortaient de nos échanges.
Le premier axe, rappelé par plusieurs intervenants, c’est le sujet de l’évaluation de la fraude fiscale et des « zones de risque » dans ce domaine. C’est un exercice délicat, qui ne sera d’une certaine manière jamais totalement abouti, car les techniques de fraude évoluent au fur et à mesure. Néanmoins, en termes d’équité fiscale, il est indispensable de connaître l’ampleur des sommes qui sont soustraites à l’impôt pour avoir une approche la plus fine possible.
Le Gouvernement doit mettre des moyens pour réaliser davantage d’études sur le sujet. Pour sa part, la commission des finances s’est engagée depuis plusieurs années sur le sujet de la lutte contre la fraude à la TVA, avec des mesures concrètes qui ont été adoptées, notamment sur la responsabilité solidaire des plateformes en ligne pour le paiement de la TVA. Au départ, il n’a pas été évident de convaincre sur ce point, mais cela a produit ses effets. Il faut aller encore plus loin dans ce domaine en développant les partages d’informations entre les administrations publiques en matière de déclaration de TVA.
Un deuxième axe, qui a été mis en lumière par les travaux de la mission d’information et pour lequel nous attendons une implication du Gouvernement, car tout ne dépend pas du législateur, est l’approfondissement et la fluidification de la coopération entre l’administration fiscale et l’autorité judiciaire. Elle est bien meilleure aujourd’hui qu’elle n’a été dans le passé, mais il reste encore des progrès à accomplir.
Depuis la réforme du verrou de Bercy, davantage de dossiers de fraude fiscale sont traités par la justice. Or la question de la fraude fiscale n’est pas le sujet central pour notre justice : il faut donc une impulsion, mais aussi une formation des magistrats et des moyens dédiés pour que ce sujet, très technique, prenne toute sa place.
Par ailleurs, certains critiquent les instruments de justice négociée comme les conventions judiciaires d’intérêt public et les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité, mais il me semble qu’il faut surtout déployer tous les moyens possibles pour permettre de faire revenir dans les caisses de l’État les sommes qui lui sont dues, sans oublier bien sûr la responsabilité pénale des fraudeurs lorsqu’elle est avérée.
Un troisième axe me semble résider dans les enjeux de coopération européenne et internationale. Ils sont évidemment très importants. La fraude peut démarrer par les logiciels de caisse non certifiés chez des petits commerçants, mais la plus difficile à combattre est celle qui implique des mouvements transfrontaliers et des intermédiaires financiers spécialisés dans ce type de montages, quand ce ne sont pas des États eux-mêmes qui se spécialisent dans ce domaine.
Il existe des circuits extraordinairement sophistiqués pour éluder l’impôt par le biais de montages offshore. Nous avons vu le sujet particulièrement complexe et, me semble-t-il, non résolu des CumEx Files. Un important effort doit être réalisé pour lutter contre ces montages et faire « rentrer dans le rang » les États qui ne coopèrent pas en matière d’échange d’informations fiscales.
Enfin, nous devons tous être attentifs à la conciliation entre respect des libertés individuelles et lutte contre la fraude, sans tomber dans l’excès de protection des fraudeurs. Les libertés individuelles ne sauraient être brandies pour échapper au contrôle fiscal.
L’accès à des données « librement accessibles » sur les réseaux sociaux, et non plus seulement à celles qui sont « publiquement accessibles » au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, permettrait des avancées concrètes.
Soyez sûr, monsieur le ministre, que la commission des finances du Sénat restera mobilisée sur ce sujet important, tant ces questions de fraude ou d’évasion fiscale sont insupportables pour nos concitoyens, comme tous les intervenants l’ont souligné à juste titre.
J’espère que le Gouvernement saura entendre les propositions du Sénat et trouver les moyens d’aller toujours plus loin sur ce sujet.