Intervention de Guillaume Gontard

Réunion du 11 janvier 2023 à 21h30
Politique du logement dans les outre-mer — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux outre-mer

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le président Artano vous a présenté succinctement les axes majeurs du riche rapport de la délégation aux outre-mer La politique du logement dans les outre-mer.

Mes excellents corapporteurs, Micheline Jacques et Victorin Lurel, que je remercie de leur confiance pour m’avoir laissé m’exprimer au nom de la délégation, vous préciseront nos travaux et nos propositions sur les deux premières parties du rapport.

La première partie vise à refonder les cadres de la politique du logement outre-mer, qu’il s’agisse des financements, mais également du besoin de penser une politique plus adaptée à chaque territoire et plus en appui des collectivités locales.

La deuxième partie vise à faciliter l’accès des populations à un habitat décent, en diminuant le coût des opérations immobilières, notamment via une adaptation normative, mais aussi en résorbant l’habitat indigne, en réhabilitant le parc existant et en accélérant la construction de logements sociaux.

Pour ma part, je me concentrerai sur la troisième partie du rapport que j’ai plus directement pilotée. Au-delà des difficultés structurelles dont le constat est posé dans ce rapport, l’habitat dans les outre-mer peut être un modèle d’adaptation et d’innovation pour répondre aux nouveaux défis de la politique du logement, et ce pour trois raisons principales.

D’abord, les outre-mer sont de véritables laboratoires des évolutions des besoins de logement et des modes d’habitat. Ensuite, ils sont déjà un terrain d’expérimentation pour l’adaptation de dispositifs et de procédures innovants. Enfin, les outre-mer ont un formidable potentiel de systèmes constructifs locaux, adaptés aux nouveaux défis du logement, comme le réchauffement climatique, qu’il conviendrait surtout de mieux promouvoir et mutualiser.

Autrement dit, comment sortir de la standardisation de la production de logement et du tout béton ? Comment réduire les coûts de construction tout en améliorant la qualité ? Comment limiter la dépendance énergétique des logements et respecter les ambitions de la stratégie bas-carbone ? Comment renforcer la résilience du bâti face aux catastrophes naturelles ? Comment construire pour s’adapter aux évolutions démographiques, notamment au vieillissement et aux modes de vie tournés vers le plein air, tout cela en favorisant les économies locales ?

La bonne nouvelle, c’est que la réponse à tous ces défis est presque unique : développer une filière locale du bâtiment en s’appuyant sur le savoir-faire des architectes ultramarins, notamment sur la mémoire de l’habitat vernaculaire, sur les matériaux locaux et biosourcés – le bois, le bambou, la brique de terre compressée, etc. –, pour bâtir de nouvelles formes d’habitats légers, ouverts, moins gourmands en énergie et plus résilients face aux risques climatiques. À rebours de notre jacobinisme historique, l’enjeu est de s’adapter aux spécificités de chaque territoire ultramarin.

Cela passe naturellement par un assouplissement ou par une adaptation des normes en vigueur que le rapport détaille. Pour ne prendre qu’un exemple, il est indispensable de faciliter la certification des matériaux biosourcés venant des pays voisins de nos Drom pour leur permettre de raccourcir les circuits d’approvisionnement. Cela passe également par une meilleure utilisation des financements publics pour soutenir notamment des éco-quartiers.

Cela doit permettre de penser un habitat, notamment social, plus ouvert et inclusif, avec des espaces extérieurs et des espaces verts, favorisant une meilleure aération, une diminution des frais de climatisation et un mode de vie souvent plus collectif qu’en métropole, tourné vers l’extérieur.

S’agissant des risques sismiques et cycloniques, la problématique est grande. L’habitat léger est plus résilient face au risque sismique, l’habitat en béton plus résilient face au risque cyclonique. Pour concilier les deux et rester cohérent avec sa philosophie générale, le rapport suggère de favoriser l’habitat léger et de prévenir le risque cyclonique en prévoyant des pièces sécurisées dans les logements, ainsi que des refuges collectifs.

C’est donc une filière économique complète et totalement locale – architecture, matériaux majoritairement biosourcés, bureaux d’études, maîtrise d’œuvre, etc. – qu’il nous faut développer, une filière pourvoyeuse d’activité économique et d’emplois, une filière écologiquement beaucoup plus vertueuse, une filière permettant de bâtir mieux pour moins cher.

Pour ce faire, nous préconisons l’organisation d’assises pour la construction ultramarine, qui réuniraient l’ensemble des acteurs publics et privés et auraient notamment pour objet de valoriser les initiatives, les techniques, les matériaux et les expériences locales. L’objectif serait également de mutualiser les bonnes pratiques, les réussites et les retours d’expérience, ainsi que de proposer une révision des normes de construction, etc.

Faisons de nos territoires ultramarins un laboratoire de l’innovation écologique et sociale en matière de logement. Monsieur le ministre, nous n’attendons que votre signal !

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