Intervention de Daniel Salmon

Réunion du 11 janvier 2023 à 21h30
Politique du logement dans les outre-mer — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux outre-mer

Photo de Daniel SalmonDaniel Salmon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les problématiques de la politique du logement outre-mer sont nombreuses et le très riche rapport d’information de la délégation aux outre-mer dont nous discutons aujourd’hui en brosse un portrait éloquent.

Parmi les nombreux sujets soulevés par le rapport d’information et les 77 recommandations qu’il formule, j’ai souhaité concentrer mon propos, dans le temps qui m’est imparti, sur la dernière série de recommandations. Celles-ci sont relatives aux nécessaires évolutions de la construction pour s’adapter tout à la fois aux besoins des territoires et au dérèglement climatique, avec son corollaire de catastrophes naturelles qui n’épargnent pas, tant s’en faut, nos territoires ultramarins.

Inventer l’habitat résilient de demain, construit à partir de matériaux biosourcés, est un impératif quand le bâtiment représente les trois cinquièmes des déchets du pays. Les matériaux doivent être produits localement à partir de filières durables, comme le bois, la terre, la paille de chanvre, le bambou. L’habitat doit être imaginé par des architectes pour répondre aux besoins spécifiques des territoires, en tenant compte de leur géographie, de leur climat et des modes de vies de leurs habitants. Il doit aussi être plus économe en énergie et plus résilient face aux catastrophes naturelles qui vont se multiplier. Au-delà des outre-mer, inventer cet habitat de demain est un défi pour l’ensemble du pays.

Fidèles à leur tradition décentralisatrice, les écologistes ont toujours plaidé pour la différenciation des territoires, l’adaptation des normes et le renforcement des tissus économiques locaux. Ce qui est vrai pour résorber la fracture territoriale en métropole prend une dimension bien supérieure dès qu’il s’agit des territoires ultramarins.

De nombreuses préconisations du rapport ont un intérêt majeur. Elles permettraient de renforcer et de créer des tissus économiques locaux, de créer des emplois pour tout niveau de qualification, de créer de la richesse et de limiter l’exode de la jeunesse ultramarine, exode responsable également du vieillissement évoqué dans le rapport d’information.

Au-delà des nombreux bénéfices écologiques de ces propositions, sur lesquelles je reviendrai dans un instant, leur mise en œuvre permettrait de doter les territoires ultramarins d’outils concrets pour prendre à bras-le-corps le défi du logement dont nous débattons ce soir.

Chaque territoire ultramarin dispose de savoir-faire traditionnels qu’il faudrait non seulement sauvegarder, mais aussi valoriser. Ainsi, la renaissance de la filière de la brique de terre comprimée à Mayotte doit être soutenue et étendue à d’autres expérimentations.

Dans tous les territoires, les potentialités sont multiples. J’en citerai quelques-unes pour vous faire voyager : pin des Caraïbes, bambou, bagasse, vétiver, falcata, amarante appelée aussi bois violet, angélique, gaïac, wacapou, wapa, etc. L’exemple de l’écomusée Te Fare Natura à Moorea en Polynésie française, conçu pour mettre en avant le bois et le style local, doit être érigé en modèle. Avec les matériaux biosourcés, c’est l’habitat vernaculaire qu’il faut réhabiliter.

Partout où une alternative existe, il faut substituer au béton des matériaux locaux moins onéreux, plus vertueux et beaucoup plus efficaces compte tenu des conditions climatiques – ils résistent souvent mieux à l’humidité et à la salinité de l’air. Ils sont également plus efficaces pour concevoir des logements mieux aérés, diminuant les besoins en climatisation, et mieux isolés pour limiter les besoins thermiques. Ils sont enfin plus efficaces face au risque sismique.

Si le béton a d’indéniables qualités, s’il résiste notamment mieux au risque cyclonique, c’est également une ressource non renouvelable et importée. Des alternatives doivent être trouvées pour limiter son usage au strict nécessaire. Comme les auteurs du rapport d’information, nous pensons qu’il faut plutôt privilégier les techniques locales et déjà expérimentées plutôt que de durcir la réglementation paracyclonique. Les architectes auditionnés ont rappelé qu’ils savaient concilier les différents risques dans la conception de l’habitation, mais aussi proposer des solutions de refuge adaptées.

Plus largement, nous sommes entièrement favorables à la promotion d’une architecture bioclimatique performante, reposant sur des savoir-faire traditionnels sublimés par les connaissances de notre siècle. À ce titre, comme le suggère le rapport d’information, les territoires ultramarins sont, et peuvent être davantage encore, de véritables laboratoires à ciel ouvert, des terres d’innovation et d’expérimentation.

Considérant les besoins de logements neufs, la réglementation environnementale 2020 (RE2020) trouvera en outre-mer une application proportionnellement plus massive qu’en métropole. Faisons de nos territoires ultramarins le modèle de nos nouvelles ambitions écologiques en matière de construction, en associant matériaux naturels et production d’énergies renouvelables ! On pourra ainsi constater que construction vertueuse, confort de vie et développement économique se conjuguent favorablement. Tout ira ainsi de mieux en mieux !

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