Intervention de Marie-Laure Phinera-Horth

Réunion du 11 janvier 2023 à 21h30
Politique du logement dans les outre-mer — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux outre-mer

Photo de Marie-Laure Phinera-HorthMarie-Laure Phinera-Horth :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la délégation sénatoriale aux outre-mer a publié, il y a tout juste dix-huit mois, un rapport d’information très intéressant sur la politique du logement dans les outre-mer.

La problématique de l’habitat informel a retenu l’attention de mes collègues et méritait d’être débattue dans cet hémicycle. Aussi, je profite de l’occasion pour remercier le président de la délégation, Stéphane Artano, de cette initiative, ainsi que les rapporteurs Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel du travail accompli.

Pour répondre à la problématique du logement en outre-mer, le Parlement adoptait au moins deux novembre 2018, dans le cadre de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite Élan, des dispositions spécifiques à la Guyane et à Mayotte pour lutter contre l’habitat informel. Dans ces territoires, le législateur donnait ainsi aux représentants de l’État le pouvoir d’ordonner aux occupants des habitats informels d’évacuer les lieux et aux propriétaires de procéder à la démolition des structures dès lors que celles-ci présentaient des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique.

La nouveauté résidait dans le fait que les préfets pouvaient ordonner les démolitions sans passer par une décision judiciaire.

Nous pouvons le dire, la loi Élan a suscité un formidable espoir au sein de nos populations, éprouvées par le développement des habitats sans droit ni titre. La Guyane et Mayotte sont confrontées à l’accroissement de l’habitat spontané qui se développe sous la pression démographique, conséquence d’une très forte immigration.

En Guyane, un logement sur quatre a été construit sans droit ni titre. À Saint-Laurent-du-Maroni, commune frontalière avec le Surinam, l’habitat informel représente 60 % des logements. Aussi, dès que la mairie envisage un projet de construction, le terrain est occupé. Il en est de même pour une opération d’intérêt national dont la mission première est d’enrayer la dynamique du logement informel et d’anticiper la démographie galopante en créant près de 30 000 logements d’ici à 2030.

Paradoxalement, de nombreuses zones d’habitat spontané sont installées sur du foncier appartenant à l’État, le premier propriétaire foncier de Guyane. L’impuissance de certains acteurs ne rassure guère les petits propriétaires, qui ont le désagréable sentiment d’être privés de leurs droits, mais aussi du fruit de leur dur labeur.

L’ancienne maire que je suis a fréquemment été confrontée aux difficultés liées à l’occupation illégale de logements et au développement de zones d’habitat informel.

L’ancienne maire que je suis a souvent eu à intervenir face à la colère des habitants, des propriétaires, désabusés par les occupations illégales de certains bâtiments et de nos espaces publics.

En tant que maire, je devais m’employer à calmer l’exaspération des citoyens face à l’inaction de l’État. En 2018, alors même que les parlementaires, ici au Sénat, discutaient des contours de la loi Élan, une foule vindicative avait procédé au délogement d’une dizaine de familles d’un squat à Cayenne. Nous avons évité de peu un drame. Alors, moi aussi, j’avais placé beaucoup d’espoir dans cette loi.

Quatre ans après, quel bilan pouvons-nous tirer de cette loi ? En s’appuyant sur son article 197, les préfets de Guyane et de Mayotte ont certes ordonné la démolition de plusieurs zones d’habitat spontané, des opérations ont permis de raser des dizaines de squats où se côtoyaient insalubrité, misère et insécurité, mais nous devons avoir la franchise et l’honnêteté de dire que ces opérations n’ont malheureusement pas eu les résultats escomptés.

Face à la pression migratoire qui frappe ces deux territoires et à la multiplication des contentieux qui ralentissent les procédures, plusieurs limites sont à souligner.

À Mayotte comme en Guyane, le législateur a voulu, au travers de cette loi, faciliter l’expulsion des occupants de terrain sans droit ni titre. Le passage de la théorie à la pratique est toutefois bien plus complexe que prévu.

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