Intervention de Victoire Jasmin

Réunion du 11 janvier 2023 à 21h30
Politique du logement dans les outre-mer — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux outre-mer

Photo de Victoire JasminVictoire Jasmin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question du logement dans les outre-mer a déjà fait l’objet de nombreux débats. Pour autant, elle demeure une préoccupation majeure de nos populations.

Le rapport d’information n° 728 sur la politique du logement dans les outre-mer de Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel comprend de nombreuses recommandations destinées à permettre la mise en œuvre d’un plan pluriannuel pour favoriser la construction de logements sociaux et résorber l’habitat insalubre.

Cela a été dit, le premier Plom, de 2015 à 2019, a été un échec. La non-prise en compte de nos spécificités locales n’a pas permis de conduire une politique de logement efficace.

Les mesures déployées sans réelle ingénierie locale ont laissé nos territoires avec les mêmes problématiques : habitat indigne et insalubre, dents creuses, friches, inadéquation entre l’offre et la demande, sans même parler des problématiques liées à l’indivision successorale.

L’objectif d’« assurer un habitat pour toutes les populations dans leurs diversités » n’a pas été atteint. Avec la mise en place du Plom 2 entre 2019 et 2022, on a tenté de rattraper le retard accumulé pour résorber l’habitat indigne et construire efficacement sur l’ensemble de l’archipel.

Au sein de notre population, ce sont 80 % des ménages qui sont éligibles au logement social. Il y a clairement une inadéquation entre l’offre de logement et les besoins exprimés.

Il nous appartient aujourd’hui, collectivement, de trouver des solutions innovantes pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens.

Ces réponses devront s’inscrire dans l’esprit de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS, en apportant des solutions différenciées, car, si la plupart de nos territoires sont exposés aux mêmes risques naturels majeurs, ils font cependant face à des contraintes différentes, liées en grande partie à leur position géographique, mais aussi à la densité de la population de leur territoire.

Plus de cinq ans après la production du rapport d’information de 2017, Le BTP outre-mer au pied du mur normatif : faire d ’ un obstacle un atout par nos collègues de la délégation sénatoriale aux outre-mer Éric Doligé, Karine Claireaux et Vivette Lopez, nous pouvons constater que certaines des recommandations formulées n’ont pas eu d’applications concrètes au sein des territoires ultramarins. Nous avons malheureusement pu en mesurer les conséquences après le passage des ouragans Irma et Maria en 2017 et Fiona récemment. Tout comme vous, monsieur le ministre, puisque vous vous êtes rendu sur place, nous avons vu les dégâts qu’ils ont occasionnés.

Il paraît indispensable de mieux prendre en compte nos modes de construction pour faire face aux risques naturels majeurs, mais aussi de repenser l’aménagement de nos territoires.

La réalité socioéconomique de nos populations doit aussi conduire notre réflexion et guider notre action.

Comment permettre au plus grand nombre de ménages d’accéder à la propriété, avec des coûts de construction modérés dans un contexte d’inflation ?

Quelles mesures pouvons-nous prendre pour diminuer notre impact énergétique lors de la construction des habitations, mais aussi dans les usages du quotidien ?

Nos politiques publiques doivent être la caisse de résonance de la dimension sociale, environnementale et économique de la vision stratégique qui doit inspirer nos débats sur les orientations des politiques de logement dans les outre-mer, afin qu’elles s’inscrivent à court, moyen et long termes.

Nous devons nous servir des exemples de constructions d’une particulière longévité comme base pour adapter nos pratiques, en appliquant, bien évidemment, les nouvelles normes.

Je pense à la maison Boc, une habitation en bois édifiée dans le centre-ville de Grand-Bourg de Marie-Galante, construite en 1900, et à la maison Zévallos, une maison coloniale de 1870, en bois, située dans la commune du Moule. Ces deux maisons toutes deux en bois et primées par le Loto du patrimoine pour faciliter leur rénovation interpellent par leur longévité et leur résistance aux aléas climatiques.

S’inspirer des modes de construction traditionnels et des styles architecturaux de l’époque en les adaptant à nos modes de vie actuels est un enjeu, notamment environnemental, que nous devons relever de façon efficiente.

La mutualisation des expertises locales sur les modes de construction adaptée aux territoires ultramarins doit faire l’objet d’un véritable projet qui pourrait se traduire par la création d’un laboratoire de recherche.

Maîtriser les coûts des constructions en édifiant des maisons en bois, plus respectueuses de notre environnement, moins coûteuses, grâce à la mise en place de circuits d’acheminement plus courts, favorisant aussi la diminution de l’empreinte carbone, est un double enjeu.

Enfin, je terminerai mon propos en rappelant qu’habiter un logement dans les Drom expose aux aléas climatiques et qu’il est important d’assurer son habitation. Si les risques sont importants, il nous appartient de veiller à maîtriser les coûts assurantiels, car nous n’en retirons pas toujours les effets escomptés.

Cela a été dit, le souhait de nombreux architectes est de construire différemment, selon de nouvelles normes. Le 20 janvier prochain, les architectes de la Guadeloupe et de la Martinique organiseront un colloque sur la construction en bois dans les outre-mer. Nous sommes sur le bon chemin et les propositions que vous avez formulées vont dans le bon sens, monsieur le ministre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion