Intervention de Viviane Malet

Réunion du 11 janvier 2023 à 21h30
Politique du logement dans les outre-mer — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux outre-mer

Photo de Viviane MaletViviane Malet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à commencer mon propos en saluant l’initiative de la délégation sénatoriale aux outre-mer qui a demandé un débat sur la thématique de la politique du logement outre-mer.

Il s’agit d’un sujet fondamental pour les habitants de nos territoires frappés par une crise du logement sans équivalent, qui mérite que notre assemblée travaille sur cette question plus longuement qu’à la marge d’un projet national et hexagonal.

Les chiffres que je vais livrer ont déjà été moult fois donnés dans cet hémicycle. D’ailleurs, vous les connaissez, monsieur le ministre.

Je l’ai indiqué à cette même tribune le 1er décembre dernier, le logement, c’est tout d’abord un « constat saisissant » : « 80 % des Ultramarins sont éligibles à un logement social, mais 15 % d’entre eux seulement en disposent. » C’est d’autant plus préoccupant que nos populations vieillissent et que leurs revenus sont plus faibles que dans l’Hexagone.

Il est donc impératif de répondre au besoin annuel en logements sociaux, lequel est estimé entre 9 000 et 10 000.

Autre chiffre alarmant : les logements indignes et insalubres représentent près de 13 % du parc de logements dans les outre-mer, contre 1, 3 % dans l’Hexagone.

Dans le seul département de La Réunion, plus de 100 000 habitants sont mal logés, 17 000 logements privés sont identifiés comme insalubres et 25 000 familles primo-accédantes sont en attente d’un logement social. Au 30 juin 2022, près de 38 000 demandes de logement social sont enregistrées, alors que 2 000 logements à peine ont été livrés par an en moyenne dans les cinq dernières années.

La production de logements outre-mer est en crise profonde. Les Plom 1 et 2 n’ont pas répondu aux attentes, ainsi que tout le monde en convient. Il est temps de redresser la barre, afin de présenter aux Ultramarins une politique du logement ambitieuse et efficace.

Une fois ce diagnostic posé, nous devons proposer ensemble des actions concrètes afin d’améliorer la situation. De multiples solutions existent ; encore faut-il les appliquer.

Pour que les crédits de la ligne budgétaire unique soient mieux consommés, nous devons tout d’abord mettre en adéquation les financements proposés avec les besoins réels. À La Réunion par exemple, les T1 et les T2 sont construits non seulement en nombre insuffisant, mais aussi à un coût trop élevé. La question de l’adaptation des normes et des matériaux doit être posée.

La rareté et la cherté du foncier, ainsi que le surcoût des matériaux, doivent nous obliger à changer de logiciel. Il faut impérativement diriger les financements vers les logements pour les seniors ou vers les petites surfaces à destination des jeunes ménages et des personnes seules.

Sans une adaptation de l’offre, mais aussi de la gouvernance, avec une décentralisation accrue de la gestion de ses crédits, la LBU ne sera pas mieux consommée et ne gagnera pas en efficacité.

L’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) joue, par ailleurs, un rôle important dans nos territoires, mais elle doit impérativement revoir ses maquettes financières validées avant la crise sanitaire et économique, car les conséquences du covid-19 associées au contexte insulaire ont fait exploser les surcoûts.

La ville de Saint-Pierre, à La Réunion, est par exemple confrontée à ce problème. Elle a contractualisé avec l’Anru au mois de mars 2020, à la veille de la crise du covid-19, et se voit désormais contrainte de solliciter une modification du calendrier ainsi qu’une subvention supplémentaire pour finaliser son programme de rénovation urbaine, qui concerne 500 logements.

Nous avons identifié un autre combat à mener : l’Anah devrait pouvoir intervenir pleinement dans les Drom. Il est impératif de rendre les propriétaires occupants ultramarins éligibles à ses aides ; une telle disparité entre l’Hexagone et les outre-mer ne saurait perdurer.

Ajoutons que le déploiement des résidences autonomie, attendu depuis longtemps, est désormais possible grâce à la loi 3DS.

Enfin, l’accompagnement de l’autoréhabilitation des logements par leurs occupants constitue un autre levier. Certains centres communaux d’action sociale (CCAS) mènent avec succès cette politique, qu’il convient d’encourager et d’étendre. Le département de La Réunion s’est engagé dans cette voie en doublant le nombre de dossiers d’amélioration de l’habitat, le passant de 2 000 à 4 000 par an.

Je conclus mon propos en saluant la concertation opérée par l’association des maires du département de La Réunion, laquelle s’est autosaisie de cette problématique et a conduit un travail de fond en auditionnant tous les intervenants pour déboucher sur des propositions concrètes.

Selon les mots de son président, Serge Hoarau, la feuille de route qu’elle a établie « marque une étape importante, mais n’est en rien un aboutissement. ». Il ajoute : « Il est désormais de notre responsabilité à tous de la faire vivre… »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion