Il faudrait un colloque pour répondre à toutes vos questions - elles sont si nombreuses que j'ai l'impression de n'avoir pas été clair ni complet, et je ne sais pas par quoi commencer...
La restauration des toiles de maître était nécessaire après le dépôt de poussière de plomb lié à l'incendie. Elle concerne 22 grands formats et elle est réalisée dans un endroit tenu secret, pour des raisons de sécurité. Le résultat est tout simplement spectaculaire, vous ne réalisez pas la qualité de ces peintures devant lesquelles vous êtes probablement passés, par exemple cette Nativité de Le Nain - la restauration la révèle, et il en est de même pour la splendeur des pierres, des chapelles, merci de m'avoir donné l'occasion de le rappeler, et de dire que ces restaurations sont financées par la souscription.
Quel est l'état sanitaire de nos troupes ? Il est excellent, nous n'avons à déplorer, pour l'ensemble du chantier, qu'une fracture du tibia d'un compagnon qui est malencontreusement tombé, nous n'avons donc aucun accident à déplorer depuis le début des travaux. Ce résultat est bien sûr lié à l'intérêt précis, bienveillant, exemplaire et utile de l'Inspection du travail, et au fait que nous sommes très attentifs aux conditions de sécurité.
Nous n'avons aucun indice de difficulté avec l'utilisation du plomb, et sur cette question il y a deux sujets : le plomb résiduel après l'incendie, et celui que nous utilisons pour la restauration. S'agissant du plomb résiduel, je vous assure que le respect minutieux des consignes nous garantit contre les risques. Comme ancien chef d'état-major des armées qui a visité les unités où les armes nucléaires sont produites, j'ai de quoi comparer - et je peux vous dire que les conditions sur notre chantier sont très strictes : chacun, pour pénétrer sur la zone dite « sale », y compris le Président de la République, doit se dénuder, vêtir des sous-vêtements spécifiques, une combinaison, puis prendre une douche à la sortie avant de se rhabiller, nous éliminons ainsi tout risque avec les résidus et je peux vous assurer aussi que nul enfant ne pénètre dans cette zone dite « sale »... Quant à l'usage du plomb pour la restauration, soit vous me dites que la décision a été prise à la légère - mais ce n'est pas le cas, puisque la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture a pris cette décision conformément aux règles de restauration des monuments historiques -, soit vous vous inquiétez de ce que des enfants se promènent sur les toits ou viennent lécher la flèche, à quoi je vous réponds que le risque est nul... Le risque éventuel, en réalité, est lié aux eaux de ruissellement et nous sommes précurseurs en la matière puisque nous mettrons en place un dispositif qui recueillera l'intégralité de ces eaux, pour les analyser avant qu'elles ne soient rejetées dans la Seine : cela n'a jamais été fait - vous pouvez être rassurée, madame la Sénatrice, aucun enfant ne sera malade du fait du plomb de Notre-Dame. En prenant mes fonctions, j'aimais à dire que je commandais « la task force de Notre-Dame » mais en réalité, je ne peux rien faire sans qu'un contrôle nourri et assidu ne soit déclenché, surtout sur une question comme le plomb, où le document préalable que nous avons dû produire est un chef d'oeuvre du droit administratif, littéralement, toutes les précautions sont prises. Je vous signale aussi que ce n'est pas moi qui signe les autorisations de travaux, mais le Préfet de Paris, c'est dire les garanties sur la conformité du contrôle préalable... Je ne vois donc pas quels dangers nous ferions courir. L'autorisation de travaux a été affichée, conformément aux règles, et aucun recours n'a été déposé contre elle. Je crois qu'il faut faire preuve d'humilité face à l'ampleur de la tâche, mais qu'une fois la décision prise, dans les formes, il faut l'accepter et aller de l'avant, sinon il faudrait un demi-siècle au moins pour reconstruire Notre-Dame.
Les observations sur la comptabilité analytique ont déjà été faites, nous disposons de tous les outils demandés. Je signale que nos comptes sont examinés de près par le comité des donateurs, auquel nous présentons nos actions et projets, que nous avons un comité d'audit et des investissements, prévu par la loi et présidé par Jean-Pierre Weiss, inspecteur général du patrimoine, ce comité vérifie toutes nos demandes de travaux et son intervention est préalable à l'obtention des crédits. Je signale aussi l'existence du comité spécifique auquel participent les présidents des commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui se réunit sous la présidence du président de la Cour des comptes. Bien entendu, comme pour tout établissement public, nos décisions sont par ailleurs votées par notre conseil d'administration. Je vois donc difficilement ce qu'on pourrait faire de plus pour contrôler l'emploi des fonds qui sont mis à notre disposition.
La participation au financement des travaux aux abords de la cathédrale a été réglée dès le début : c'est la Ville de Paris qui en est chargée, l'État n'y participe pas, ni la souscription nationale. Les choses ont été précisées après l'épisode tragi-comique de la taxe municipale pour l'utilisation du domaine communal, la Ville de Paris a annoncé retirer de la souscription les 50 millions d'euros qu'elle avait promis, et qu'elle affecte directement aux abords, c'est légitime.
La restauration et le remplacement des objets liturgiques sont intégralement financés par le diocèse de Paris, l'État ne déboursera pas 1 euro pour l'autel du baptistère. La loi de 1905 est parfaitement respectée, le financement n'en n'est pas assuré par la souscription.
Pourquoi refaire la charpente en bois, après un incendie, et tirons-nous les enseignements de l'incendie ? Nous avons pris des mesures pour prévenir l'incendie. Nous avons réduit la présence de l'électricité dans les combles, nous allons installer une détection de la fumée par aspiration, des parois coupe-feu, nous redimensionnons les colonnes sèches, nous mettrons en place un nouveau PC sécurité incendie ouvert 24 heures sur 24, nous aménagerons des pièces d'accès sécurisées à proximité de la charpente, pour les services de secours, la Ville de Paris augmentera l'alimentation en eau de l'île de la Cité et nous installerons une brumisation automatique sur la charpente rénovée.
En matière d'archéologie préventive, nous appliquons strictement la loi : nous avons engagé des fouilles préventives dans les espaces qui allaient être ouverts, en l'occurrence dans le transept - notre objet n'est pas d'engager des fouilles systématiques pour retrouver les traces des édifices des premiers temps de la chrétienté. Les fouilles dans le transept ont permis de retrouver les restes du jubé abattu au XVIIIème siècle, ainsi que deux sarcophages - Viollet-le-Duc en avait retrouvé huit, sur les quelques 400 personnes enterrées sous la cathédrale... Ces fouilles d'archéologie préventive ont été conduites en respectant toutes les règles de l'art, mais mon objectif est aussi de ne pas retarder le chantier. Nous avons travaillé en bonne intelligence avec l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), contrairement à ce que j'ai lu dans la presse, en particulier dans Le Canard Enchaîné, et je signale au passage que les médias n'ont pas parlé des fouilles que nous avons réalisées sur le parvis, aussi au titre de l'archéologie préventive...