Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, jour après jour, l’impact des prix de l’énergie sur les usagers, nos entreprises, nos collectivités territoriales donne à voir l’ampleur de la crise qui est devant nous.
Le mythe de la libéralisation du secteur de l’énergie et de ses mécanismes concurrentiels, qui devaient faire baisser les prix, n’a pas passé l’épreuve de la réalité. Ces mécanismes n’ont pas protégé les consommateurs et les consommatrices, pas plus que les économies européennes. Je pense en outre qu’il vaut mieux s’en tenir aux faits au lieu de respecter des dogmes.
Nous proposons aujourd’hui de sortir du marché européen de l’énergie et de ce mécanisme de construction des prix, de prendre un autre chemin que celui de l’Europe du marché et des traders. Nous voulons construire ensemble une Europe de l’énergie répondant aux besoins humains, aux besoins vitaux, aux exigences climatiques et qui protégeant les peuples européens les plus fragiles.
Mais, avant toute chose, je veux rectifier une contre-vérité ânonnée par un certain nombre de membres du Gouvernement : sortir du marché européen reviendrait à sortir de l’interconnexion européenne et à se replier sur soi.
D’emblée, je souhaite pointer un problème : le marché européen a été créé à Barcelone en 1997. Or les premières interconnexions européennes entre la France, l’Allemagne et la Suisse ont eu lieu en 1967. Je propose donc que ceux qui répètent une telle contre-vérité arrêtent et que nous la laissions aux experts des plateaux de télévision de BFM Business. Concentrons-nous plutôt sur les faits.
Tout comme nous pouvons faire du commerce sans traités de libre-échange climaticides, puisque l’on commerce depuis l’Antiquité, nous pouvons maintenir les interconnexions et les échanges solidaires sans laisser les traders faire du profit.
Mes chers collègues, le marché européen actuel ne peut pas fonctionner, car il repose sur trois illusions.
La première est que l’électricité est une marchandise comme une autre et que l’on pourrait organiser de toutes pièces un marché où l’offre rencontrerait la demande.
Sauf qu’un marché s’organise, certes, avec une offre et une demande, mais surtout avec un stock ! Si l’offre est supérieure à la demande, le prix est faible ; et inversement.
Or, précisément, dans le cas du marché européen de l’électricité, les dés sont pipés, dans la mesure où le producteur doit produire ce que la demande veut à l’instant t. Vous pouvez donc vendre votre électricité à 1 euro, 10 euros, 100 euros ou 1 000 euros par mégawattheure, la demande devra l’acheter à ce prix-là. Sans compter que les autorités régulatrices, chez nous RTE (Réseau de transport d’électricité), pourront toujours venir au secours des fournisseurs au dernier moment pour ajuster les besoins en cas de risque.
Cela ne peut pas fonctionner ainsi, d’autant plus qu’avec le marché de gros et le marché spot, le système favorise le trading.
Nous continuerons donc à dire que l’électricité, et plus largement l’énergie, parce qu’elles sont nécessaires à la vie, doivent être sorties du secteur marchand et reconnues comme un bien commun de l’humanité.
J’aimerais ensuite revenir sur une deuxième illusion : il existe un seul marché européen, mais plusieurs stratégies et unités de production nationales. C’est comme si nous avions un marché européen de l’automobile, au sein duquel certains fabriqueraient des Lada, d’autres des Twingo, des Ferrari et des Mercedes, et que toutes ces voitures étaient vendues au même prix. Vous pourriez m’opposer que c’est impensable, sauf que c’est précisément ce qui se passe pour l’électricité !
Quel que soit le mix énergétique français, qu’il repose sur les énergies fossile, renouvelable, hydraulique ou nucléaire, on fixe le même prix à l’échelon européen selon une tarification reposant sur le coût marginal. C’est un fonctionnement qui s’entend pour une stratégie nationale, mais qui ne peut pas fonctionner à l’échelon européen.