Séance en hémicycle du 12 janvier 2023 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de la proposition de résolution proposant au Gouvernement de sortir le système électrique des mécanismes concurrentiels, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par MM. Fabien Gay, Pierre Laurent, Mme Marie-Noëlle Lienemann et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 176).

Dans la discussion générale, la parole est M. Fabien Gay, auteur de la proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, jour après jour, l’impact des prix de l’énergie sur les usagers, nos entreprises, nos collectivités territoriales donne à voir l’ampleur de la crise qui est devant nous.

Le mythe de la libéralisation du secteur de l’énergie et de ses mécanismes concurrentiels, qui devaient faire baisser les prix, n’a pas passé l’épreuve de la réalité. Ces mécanismes n’ont pas protégé les consommateurs et les consommatrices, pas plus que les économies européennes. Je pense en outre qu’il vaut mieux s’en tenir aux faits au lieu de respecter des dogmes.

Nous proposons aujourd’hui de sortir du marché européen de l’énergie et de ce mécanisme de construction des prix, de prendre un autre chemin que celui de l’Europe du marché et des traders. Nous voulons construire ensemble une Europe de l’énergie répondant aux besoins humains, aux besoins vitaux, aux exigences climatiques et qui protégeant les peuples européens les plus fragiles.

Mais, avant toute chose, je veux rectifier une contre-vérité ânonnée par un certain nombre de membres du Gouvernement : sortir du marché européen reviendrait à sortir de l’interconnexion européenne et à se replier sur soi.

D’emblée, je souhaite pointer un problème : le marché européen a été créé à Barcelone en 1997. Or les premières interconnexions européennes entre la France, l’Allemagne et la Suisse ont eu lieu en 1967. Je propose donc que ceux qui répètent une telle contre-vérité arrêtent et que nous la laissions aux experts des plateaux de télévision de BFM Business. Concentrons-nous plutôt sur les faits.

Tout comme nous pouvons faire du commerce sans traités de libre-échange climaticides, puisque l’on commerce depuis l’Antiquité, nous pouvons maintenir les interconnexions et les échanges solidaires sans laisser les traders faire du profit.

Mes chers collègues, le marché européen actuel ne peut pas fonctionner, car il repose sur trois illusions.

La première est que l’électricité est une marchandise comme une autre et que l’on pourrait organiser de toutes pièces un marché où l’offre rencontrerait la demande.

Sauf qu’un marché s’organise, certes, avec une offre et une demande, mais surtout avec un stock ! Si l’offre est supérieure à la demande, le prix est faible ; et inversement.

Or, précisément, dans le cas du marché européen de l’électricité, les dés sont pipés, dans la mesure où le producteur doit produire ce que la demande veut à l’instant t. Vous pouvez donc vendre votre électricité à 1 euro, 10 euros, 100 euros ou 1 000 euros par mégawattheure, la demande devra l’acheter à ce prix-là. Sans compter que les autorités régulatrices, chez nous RTE (Réseau de transport d’électricité), pourront toujours venir au secours des fournisseurs au dernier moment pour ajuster les besoins en cas de risque.

Cela ne peut pas fonctionner ainsi, d’autant plus qu’avec le marché de gros et le marché spot, le système favorise le trading.

Nous continuerons donc à dire que l’électricité, et plus largement l’énergie, parce qu’elles sont nécessaires à la vie, doivent être sorties du secteur marchand et reconnues comme un bien commun de l’humanité.

J’aimerais ensuite revenir sur une deuxième illusion : il existe un seul marché européen, mais plusieurs stratégies et unités de production nationales. C’est comme si nous avions un marché européen de l’automobile, au sein duquel certains fabriqueraient des Lada, d’autres des Twingo, des Ferrari et des Mercedes, et que toutes ces voitures étaient vendues au même prix. Vous pourriez m’opposer que c’est impensable, sauf que c’est précisément ce qui se passe pour l’électricité !

Quel que soit le mix énergétique français, qu’il repose sur les énergies fossile, renouvelable, hydraulique ou nucléaire, on fixe le même prix à l’échelon européen selon une tarification reposant sur le coût marginal. C’est un fonctionnement qui s’entend pour une stratégie nationale, mais qui ne peut pas fonctionner à l’échelon européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Cette tarification est d’ailleurs une création non pas du marché européen, mais de Marcel Boiteux, directeur de cette grande entreprise que fut EDF de 1967 à 1987. Simplement, à l’époque, il avait raison, car cela répondait à une stratégie nationale.

À l’inverse, il s’agit d’une aberration lorsqu’on l’applique à l’échelon européen. En effet, peu importe que l’on dépende peu du gaz, comme c’est le cas de la France – moins de 1 % –, ou beaucoup comme en Allemagne, où cette part s’élève à 40 % : on paye tous le même prix !

Et contrairement à la promesse ronflante de départ, cela ne pousse pas les États membres à décarboner leurs productions ou à investir dans les énergies renouvelables. Car, quoi qu’il arrive, et même sans investissement, ils payeront le même prix que leurs voisins.

Troisième illusion : le marché européen mettrait en lien producteurs et acheteurs. Mais là où il y a un marché, il y a des traders. C’est justement ce que nous avons vécu cet été lorsque le marché s’est emballé et que le prix de l’électricité s’est envolé au-delà de 1 000 euros par mégawattheure. Ce n’est pas sérieux, d’autant que le phénomène ne reposait pas sur l’évolution des coûts de production ou des prix, mais découlait du trading !

Pour vous donner une idée de l’étendue des dégâts – car il faut rappeler les chiffres et les faits –, il n’est qu’à regarder ce qui s’est passé pour GEMS (Global Energy Management & Sales), la filiale de trading d’Engie. Écoutez-moi bien, mes chers collègues : en 2021, elle réalisait 365 millions d’euros de bénéfices ; en 2022, en pleine crise énergétique, ceux-ci se sont établis à 2 milliards d’euros !

Autre exemple, Mint Energie, qui a profité de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) et d’un prix de 46, 5 euros par mégawattheure, a revendu son électricité sur le marché au prix de 257 euros ! Sans rien produire et en quelques jours, elle a ainsi réalisé 6 millions d’euros net de bénéfices.

Et le pire du scandale, c’est que l’État a financé ce fournisseur d’énergie en le laissant percevoir 12 millions d’euros au titre du bouclier tarifaire. Mint Energie, qui ne produit rien et rançonne les usagers, a perçu 18 millions d’euros net de bénéfices. Il faut arrêter ce massacre et ce racket organisé !

Oui, il est possible de faire autrement ! D’ailleurs, beaucoup de monde, même à droite, est désormais d’accord avec nous pour délier les prix du gaz et de l’électricité. Très bien ! Mais comment faire sans sortir de ce système ?

Vous allez me répondre qu’il suffit de maintenir la tarification sur la base du coût marginal, sauf pour le gaz. C’est du reste ce que fait le Gouvernement, madame la ministre, en plafonnant son prix. Mais cela soulève trois problèmes.

Premièrement, cela revient à subventionner une énergie fossile, ce qui, vous en conviendrez, n’est pas bon pour la planète.

Deuxièmement, les Allemands bloquent. Évidemment ! Dans un système qui lie les prix du gaz et de l’électricité, ceux-ci ont un avantage comparatif.

Troisièmement, l’horizon 2023 et 2024 est très dégradé. Aujourd’hui, la Chine est à l’arrêt, mais lorsque l’activité repartira, elle va devoir acheter du gaz à n’importe quel prix. Si, actuellement, nous importons du gaz américain et qatari, qu’en sera-t-il les années suivantes compte tenu de cette compétition internationale qui va faire flamber les prix ?

En bref, tous ceux qui, au sein du marché européen, ont tout intérêt à conserver ce lien entre les prix du gaz et de l’électricité continueront à bloquer.

Alors oui, nous l’affirmons, il est possible d’emprunter un autre chemin en demandant dès maintenant une dérogation. Et il faut arrêter de nous dire que ce n’est pas possible, car le Portugal et l’Espagne ont démontré le contraire.

Cela ne signifie pas qu’il faille copier ces pays ou que nous soyons dans la même situation qu’eux, car ils sont en bout de chaîne tandis que nous sommes au cœur du réseau, mais ces voisins ont montré qu’il était possible que certains États membres bénéficient d’une dérogation. Alors, emboîtons-leur le pas !

J’ajoute que l’Allemagne, elle, n’a pas demandé de dérogation, mais a mis 200 milliards d’euros sur la table pour subventionner son économie.

À titre dérogatoire, nous proposons en premier lieu de réactiver les tarifs réglementés pour tout le monde ; l’Assemblée des départements de France (ADF) y est favorable. Il faut d’urgence protéger les plus fragiles : les usagers, les TPE et nos collectivités territoriales.

Entre nous, affirmer que nous avons obtenu des énergéticiens que le prix de l’électricité soit « bloqué » à 280 euros par mégawattheure relève de la blague et de l’aberration : les mêmes fournisseurs qui pratiquent ce tarif ont payé, pour 70 % du total de l’électricité qu’ils vendent, 42 euros par mégawattheure, au prix de l’Arenh. Et même s’ils achetaient les 30 % restants sur le marché au prix de 800 euros par mégawattheure, ils continueraient à réaliser des profits…

Il est donc temps de rétablir les tarifs réglementés. Bien entendu, cette mesure coûte de l’argent – c’est évalué à 3, 5 milliards d’euros –, mais combien a-t-on versé l’an dernier au nom du bouclier tarifaire ou du filet de sécurité ? 43 milliards d’euros !

Nous proposons d’en finir avec l’Arenh. Vous comprendrez que ce système dépouille et rackette EDF et ses usagers.

Je pense enfin que nous devons faire notre retour à la tête de l’Europe pour sortir de ce mécanisme européen des traders et de ce marché libéral. Et nous le pouvons, car nous sommes la France, un pays respecté !

Nous voulons conserver les interconnexions, maintenir un système qui protège l’ensemble des consommateurs et des consommatrices et qui, surtout, repose sur un mix électrique national.

Nous devons faire valoir notre intérêt, celui du nucléaire, mais nous devons aussi aider celles et ceux qui dépendent fortement des énergies fossiles en inventant des règles fondées, non pas sur la compétition, mais sur la coopération, pour sortir l’ensemble de l’Europe des énergies fossiles et répondre aux besoins vitaux des peuples qui auront toujours besoin d’énergie.

Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. Henri Cabanel applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonneau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis près d’un an, le marché de l’énergie connaît des perturbations historiques, notamment en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022. Ce contexte international, inédit au XXIe siècle, place le marché énergétique en tension et a été le révélateur d’une crise du marché électrique sous-jacente.

En effet, avec le système actuel, le prix du mégawattheure a atteint des niveaux sans précédent, passant de 40 euros début 2021 à 400 euros en septembre 2022.

De telles hausses, même si le prix du mégawattheure a eu tendance à baisser récemment, aux alentours de 137 euros, ne sont acceptables et supportables ni pour nos entreprises ni pour l’ensemble des particuliers. Elles s’expliquent en partie par le fonctionnement actuel du marché électrique européen, qui nous place de facto en économie de guerre. En effet, le prix de l’électricité étant indexé sur celui du gaz, peu importe le coût réel de la production, le prix final dépend du contexte international que nous ne pouvons pas contrôler.

S’il convient de noter les interventions de l’État pour contenir la hausse du prix de l’électricité à l’aide du bouclier tarifaire, du dispositif « amortisseur électricité » ou encore des chèques énergie, le problème de fond n’est pas réglé. D’une part, de telles aides coûtent à l’État et ne peuvent perdurer. D’autre part, la crise de notre système électrique est également structurelle.

L’Arenh nous conduit aujourd’hui à vendre notre production électrique nucléaire à bas coût pour la racheter ensuite plus cher sur le marché européen. Ce système en pleine crise est une aberration qui profite aux revendeurs : ce sont les consommateurs français qui en payent le prix fort ! C’est d’autant plus vrai qu’il s’accompagne d’une extension progressive des tarifs réglementés de vente dont le coût se répercute, une fois de plus, sur nos concitoyens et sur les entreprises nationales.

Rappelons d’ailleurs que les énergies renouvelables sont prioritaires lors de l’injection sur le réseau, ce qui conduit à presque arrêter les structures de production électrique pilotables lorsqu’il y a du vent notamment. Quelque part, cela nous fait payer deux fois la production, puisque nous n’avons pas la maîtrise du stockage de l’énergie.

À l’inverse, lorsque les énergies renouvelables sont à l’arrêt, nous n’avons plus suffisamment de pilotable disponible à fournir, notamment à cause de l’Arenh, et nous payons jusqu’à dix fois le prix, ce qui est insensé !

À cela s’ajoute la mauvaise gestion interne d’EDF, avec un déficit financier structurel étalé sur plusieurs années. Cette situation particulièrement préoccupante contraint aujourd’hui l’État à reprendre la main. C’est aussi la gestion de l’entretien du parc nucléaire par l’entreprise qui nous place dans une situation complexe.

Fin octobre, plus de la moitié du parc nucléaire était hors d’usage. En cause, des problèmes d’érosion sur des réacteurs qui ont nécessité une intervention rapide et fait émerger des critiques sur une potentielle négligence eu égard à l’entretien des centrales.

Rappelons que, au 11 janvier de cette année, douze des cinquante-six réacteurs de ce qui fut par le passé un fleuron industriel français permettant une production décarbonée, pilotable et à bas coût étaient à l’arrêt.

L’électricité n’est pas un produit de consommation comme un autre, elle ne doit pas dépendre uniquement de l’offre et de la demande. Tant pour sa production que pour sa disponibilité auprès des usagers, il importe de définir un cadre souverain devant dépasser les seules lois du marché.

La proposition de résolution soumise à notre examen aujourd’hui vise à sortir le système électrique des mécanismes concurrentiels. S’il est une certitude, c’est effectivement que nous ne pouvons pas nous contenter du statu quo actuel.

Tout d’abord, parce que les particuliers sont aujourd’hui touchés de plein fouet par la crise. Ils ne pourront donc pas, en plus de l’inflation générale, supporter à long terme et sans aides des factures électriques dont le montant est doublé, triplé, quadruplé, voire plus si la situation ne venait pas à évoluer. Un certain nombre de nos concitoyens sont déjà en précarité énergétique. Notre devoir est de les accompagner !

Ensuite, parce que les collectivités territoriales sont asphyxiées : sans elles, ce sont des territoires, des services et une certaine qualité de vie qui sont menacés ! Il s’agit d’une préoccupation majeure dans chaque commune. Les maires doivent désormais choisir entre chauffer convenablement leur école, permettre à leurs administrés de faire du sport ou défendre des projets pour leur commune.

Certains m’opposeront qu’au nom de la libre concurrence, nous ne pouvons plus aider nos collectivités financièrement. Soit. Mais nous devons nous battre collectivement pour leur permettre d’accéder à un tarif attractif ne faisant pas l’objet de spéculation, afin qu’elles puissent continuer d’exercer, pour ceux qui l’auraient oublié, leurs missions de service public !

Enfin, nous ne pouvons pas nous contenter du statu quo actuel, parce que le monde économique est menacé. Réalisme ou défaitisme, le spectre d’un mur des faillites causé par la hausse des prix de l’énergie se dresse d’ores et déjà devant nous. Nos boulangers baissent le rideau, nos restaurateurs commencent à manifester leurs craintes, nos artisans arrivent à bout de leurs capacités, certaines grandes entreprises préfèrent ne plus produire et recourir au chômage partiel. Le marché européen nous asphyxie !

Je le dis clairement, si nous ne pouvons pas aider plus nos collectivités, nos particuliers, nos TPE-PME, c’est à la base du problème et avec courage qu’il faut s’attaquer ! Les Français nous le demandent !

Pour agir concrètement désormais, deux voies s’offrent à nous : une réforme du marché de l’électricité européen ou une sortie du marché européen, afin de contrôler directement les prix de l’électricité.

Pour bien mesurer l’action à mettre en œuvre, le premier point crucial est de s’interroger sur la place du nucléaire en France. Aujourd’hui, nous sommes pénalisés si nous n’utilisons pas assez d’énergies renouvelables alors même que l’électricité produite par la France est quatre fois plus décarbonée que celle qui est produite par l’Allemagne.

Des pistes européennes existent, avec notamment une refonte du marché de l’électricité. Elles devront s’accompagner d’une réflexion approfondie sur la place que doivent prendre les différentes énergies, notamment les renouvelables et le nucléaire.

Une révision complète des règles relatives au marché européen de l’électricité a été annoncée par la Commission européenne le 18 octobre 2022. C’est une annonce salvatrice, mais qui tarde à être concrétisée dans les faits.

Parmi les pistes évoquées ou actées lors des derniers conseils européens, on propose de découpler les prix du gaz et de l’électricité, afin de mettre fin au système du merit order, qui conduit à une hausse artificielle du prix de l’électricité. On propose également de plafonner le prix du gaz, et donc par extension de l’électricité, via la bourse TTF, le marché gazier de référence à l’échelle européenne, mais le contexte international ne nous y aide pas.

Au-delà, il y a également la piste pour la France de sortir temporairement du marché électrique européen. C’est une piste pertinente qu’il ne faut pas exclure.

La dérogation temporaire aux règles du marché de l’électricité accordée aux deux pays de la péninsule ibérique peut faire des émules. Il convient malgré tout de noter qu’il s’agit d’une dérogation, donc une mesure d’exception, qui a été accordée eu égard au faible nombre d’interconnexions électriques du Portugal et de l’Espagne.

La majorité du groupe Union Centriste estime qu’une sortie dérogatoire et temporaire du marché européen de l’électricité peut être opportune.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonneau

Rien ne semble expliquer qu’un pays comme la France ne puisse en bénéficier également. Les mêmes opportunités doivent pouvoir être offertes à l’ensemble des États membres de l’Union européenne.

Face à l’inaction gouvernementale, nous l’avions souligné le 7 décembre dernier en séance publique lors de l’examen de la proposition de loi visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l’énergie en leur permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l’énergie, une résolution est l’outil parlementaire adéquat pour alerter sur le caractère européen de la problématique structurelle que constitue la crise de l’électricité.

Nous avions également précisé que nous soutiendrions un texte sans idéologie ni dogmatisme qui mettrait en lumière les dysfonctionnements du marché européen de l’électricité.

Si nous saluons la volonté et les objectifs initiaux des auteurs du texte, nous ne souscrivons aucunement à l’ensemble des propos tenus par les auteurs de cette proposition de résolution dans l’exposé des motifs. N’accusons pas le libéralisme de tous les maux !

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonneau

Un monopole et une économie administrée n’ont jamais permis de préserver durablement le pouvoir d’achat…

Nous ne prônons aucunement une fin de l’intégration européenne. Nous sommes en faveur d’un assouplissement des règles et d’une refonte complète de celles-ci. Tout cela est primordial.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si les études du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) n’avaient pas réussi à convaincre certains jusque-là, la crise actuelle de l’énergie sonne le glas de l’illusion de son abondance.

Notre impréparation généralisée conduit à ce que les États soient dans l’obligation de répondre en urgence à des situations de pénurie. La prospective devient indispensable en matière de stratégie énergétique, qui doit pouvoir être souple tant les incertitudes sont nombreuses pour assurer notre sécurité d’approvisionnement, préserver nos concitoyens, maintenir la vie économique du pays et les emplois.

Si l’électricité constitue un bien de première nécessité, comme l’a admis le Conseil d’État, ce statut n’a malheureusement pas été reconnu pour le gaz, justifiant ainsi en droit la suppression progressive des tarifs réglementés de vente.

Les différents intervenants de la table ronde organisée au Sénat au mois de décembre dernier par la commission des affaires économiques l’ont souligné : le marché européen a été conçu pour gérer l’abondance d’énergie. Depuis sa création, la situation a profondément évolué du fait d’une combinaison de crises sanitaire, géopolitique et climatique. Si les premières n’étaient pas prévisibles, la fin des énergies fossiles et le réchauffement climatique l’étaient bel et bien.

Ainsi, le marché tel qu’il fonctionne aujourd’hui ne peut pas être adapté à ces défis. Des économistes le reconnaissent, ce marché n’incite pas à l’investissement sur le long terme. Il ne répond plus aux promesses avancées au moment de sa création : meilleur coût pour les usagers, sécurité d’approvisionnement, indépendance énergétique.

Comme l’a constaté la Cour des comptes dans un rapport publié au mois de juillet 2022 : « […] les tarifs réglementés de vente (TRV) sont de plus en plus exposés aux variations des prix de marché, au risque de s’éloigner plus nettement des coûts de production d’EDF ». L’intégration du coût d’approvisionnement des fournisseurs alternatifs sur les marchés de gros dans le calcul de ces tarifs pour assurer leur contestabilité provoque leur renchérissement.

Mettons donc fin au système de l’Arenh instauré par la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite Nome, qui crée une concurrence subventionnée, pénalise EDF et donc les investissements dans la production d’énergie décarbonée, au profit de fournisseurs alternatifs, qui n’ont que très peu produit et sont de simples traders.

Cependant, l’échec actuel du marché n’explique pas tout. Nous avons accumulé un retard considérable sur tous les fronts : renouvelable, nucléaire, efficacité énergétique, économies d’énergie ou résilience des réseaux.

Que l’on préserve des mécanismes concurrentiels ou non, je ne crois pas, pour ma part, que les prix de l’énergie puissent artificiellement baisser. Ils doivent en effet couvrir les coûts de production, qui, eux, augmenteront dans les années à venir au regard du mur d’investissements qui nous attend. Il n’y a pas de magie ! Aussi, la sortie de la France du marché européen de l’énergie, plus qu’une solution, se révélerait fortement déstabilisatrice. Les échanges transfrontaliers doivent être maintenus, sinon développés.

En attendant, assurons-nous que ces prix n’excèdent pas le coût de production auquel il serait ajouté une « marge raisonnable ». C’est le sens de l’adoption en loi de finances de la taxe sur la rente inframarginale, qui devrait rapporter entre 7 milliards d’euros et 11 milliards d’euros en 2023.

Peut-on réellement conjurer la volatilité des prix et la spéculation ? Oui, je le pense. La piste des contrats de long terme pour d’autres énergies que les renouvelables semble avancer, afin de donner de la visibilité à tous les acteurs, de calmer le jeu et de permettre d’investir dans de nouvelles capacités de production avec un peu plus de sérénité.

Certes, l’Union européenne n’a, pour l’instant, proposé que des solutions temporaires. Il est regrettable que chaque État membre continue de négocier des dérogations dans son coin, créant une concurrence faussée. Il est regrettable également que l’on paye l’influence de l’Allemagne sur l’architecture du marché, qui a conduit à des décisions prises aux dépens de ses voisins, en premier lieu de la France. Je pense à la sortie du nucléaire et au soutien fort apporté au gaz pour compenser l’intermittence de leurs énergies renouvelables. Le merit order et la détermination du prix de l’électricité par le coût de la dernière centrale appelée, le plus souvent le gaz, leur bénéficie pleinement !

La réforme doit être étudiée et discutée, afin de dessiner un mécanisme à la fois juste et solidaire au niveau européen. Surtout, le Parlement devrait être informé de manière permanente de l’état de ces négociations et des solutions envisagées.

Le Gouvernement plaide à l’échelon européen pour une décorrélation du prix de l’électricité de celui du gaz, pour un plafonnement du prix de l’énergie sur le marché de gros, qui vient d’être acté, mais la réalité est surtout que la demande est supérieure à l’offre. Ce problème de volume ne constitue pas une situation provisoire.

Aussi, la solution à la flambée des prix de l’énergie n’est pas aussi simple que de sortir le système électrique des mécanismes concurrentiels, ni techniquement, ni économiquement, ni juridiquement.

M. André Gattolin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, délestage, blackout, sobriété, et même col roulé : depuis plusieurs mois, les Français sont bercés, pour ne pas dire inondés, d’un verbatim anxiogène. Cela fait craindre, dans l’immédiat, un passage difficile de l’hiver et des factures énergétiques qui explosent. Et cela interroge sur les raisons profondes d’une telle situation.

Reconnaissons que personne ne prêtait vraiment attention aux comparatifs de coût de l’électricité, historiquement très favorables à notre pays, qui montraient régulièrement un rapport d’un à trois, par exemple, avec nos voisins allemands. Encore moins nombreux étaient ceux qui s’intéressaient de près à la raison de ce différentiel important pour la commercialisation des électrons si essentiels à notre vie de tous les jours. Il a fallu la violence d’une crise énergétique sans précédent, ou presque, pour comprendre le mécanisme infernal dans lequel la France s’est fourvoyée.

Chacun a bien compris maintenant que l’électricité pouvait être produite par différents moyens : nucléaire, hydraulique, éolien, photovoltaïque, biomasse, gaz, pétrole et charbon. De l’option choisie dépendent le coût de la production et son impact environnemental, chaque pays faisant son choix en fonction de potentiels propres et de données géopolitiques parfois anciennes. C’est particulièrement vrai sur notre continent.

Ainsi, l’Allemagne a hérité d’un approvisionnement en gaz russe, relativement bon marché, mais très émetteur de CO2, tout en s’appuyant sur des centrales à charbon au bilan écologique inversement proportionnel au rendement économique.

De son côté, la France s’est orientée dès les années 1950 vers le nucléaire, très bon marché et très faiblement carboné, contribuant progressivement à assurer sa souveraineté dans le domaine.

En quelque sorte, chacun avait choisi sa stratégie pour composer son mix électrique, sans solliciter une quelconque autorisation auprès de l’Union européenne, tout en s’associant pour construire un réseau européen de l’électricité, sorte de solidarité communautaire pour assurer une disponibilité d’un bout à l’autre du continent. Voilà planté le décor de la proposition de résolution qui nous est proposée par le groupe CRCE aujourd’hui. J’en partage plusieurs éléments, mais force est de constater que cette initiative rate sa cible pour deux raisons : une confusion dans l’analyse et un biais idéologique.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Il n’est pas judicieux de remettre en cause le mécano énergétique que j’ai décrit. Ce marché unique de l’énergie est en plein accord avec les principes fondamentaux de la construction européenne. On peut même admettre que cela constitue un certain équilibre dans un réseau ainsi interconnecté, du fait de logiques différentes dans la production faisant appel à des sources d’approvisionnement diversifiées.

Mais c’est ailleurs que le bât blesse : marché unique ne signifie pas tarification unique ! À quel moment avons-nous accepté de fixer nos coûts de production sur ceux, nettement moins avantageux, de pays certes partenaires, mais qui doivent pouvoir assumer seuls leurs propres stratégies ? À quel moment a-t-on accepté de lier les destins électriques de pays aux orientations divergentes en se basant sur les moins vertueux ?

S’il y a bien une chose que l’on n’attend pas de la construction européenne, c’est qu’elle mette à mal des stratégies industrielles nationales ou qu’elle sacrifie un avantage concurrentiel. C’est pourtant exactement ce qui a été scellé, certes de manière discrète, mais néanmoins sournoise, avec la tarification européenne de l’énergie.

En indexant le coût de l’électricité sur celui du gaz, au motif qu’il s’agirait de la dernière énergie capable de produire notre électricité en cas de pénurie, on bafoue complètement notre souveraineté, savamment construite par le président Pompidou dans les années 1970. C’est un peu comme si le prix des agrumes était indexé sur le coût de production dans les pays baltes au seul motif qu’il s’agirait d’une main-d’œuvre plus facilement mobilisable en dernier recours, sans considération particulière quant à la météo dans ces pays. C’est absurde !

Ce mécanisme de calcul intègre le coût sur le marché de gros, soumis à de fortes fluctuations depuis l’automne 2021, et de manière encore plus aiguë depuis le conflit en Ukraine, dont l’une des conséquences est l’envolée du prix du gaz, liée à l’arrêt de l’approvisionnement russe. De surcroît, ce tarif calculé n’est absolument pas capé, d’où des cours instantanés totalement délirants jusqu’à 2 000 euros le mégawattheure ! Cette situation n’est d’ailleurs pas sans rappeler les prêts structurés, dits toxiques, qui ont tant mis en difficulté les collectivités locales ayant fait confiance à une formule basée sur la parité entre l’euro et dollar, laquelle ne devait en aucun cas pouvoir s’inverser… Jusqu’à la crise des subprimes.

M. Gérard Longuet le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Certes, soyez tranquilles, le président Macron a bien identifié le problème et promis de convaincre ses collègues européens de revenir sur ce mécanisme, à l’instar de l’Espagne et du Portugal, qui ont atteint cet objectif avec moins d’emphase, mais bien plus d’efficacité…

Pour quel résultat à ce jour ? Le communiqué du dernier Conseil européen est impressionnant : « Le mécanisme de correction du marché sera automatiquement activé si “l’événement de correction du marché” suivant se produit :

« - le prix Title Transfer Facility (TTF) à un mois dépasse 180 euros le mégawattheure pendant trois jours ouvrables ;

« - le prix TTF à un mois est supérieur de 35 euros au prix de référence du gaz naturel liquéfié (GNL) sur les marchés mondiaux pendant les trois mêmes jours ouvrables. » §C’est une vraie prouesse technocratique !

Il faut vraiment en finir avec cette tarification absurde qui piétine toute politique nationale, aussi judicieuse soit-elle. Imaginez un peu, mes chers collègues, si jamais nos dirigeants avaient continué sur la voie pompidolienne, nous serions non pas les rois du pétrole, mais les empereurs de l’électricité, et notre modèle énergétique s’imposerait vraisemblablement à l’ensemble du continent européen !

J’en viens au biais d’ordre idéologique de nos collègues du groupe CRCE s’agissant de leur analyse sur le caractère concurrentiel de ce marché de l’énergie. Sans doute nostalgiques d’une économie totalement administrée, qui n’a pourtant pas, à travers l’histoire mondiale, rencontré le succès escompté, vous accablez le caractère libéral du marché européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Mais, en vérité, c’est seulement le mécanisme de l’Arenh qui est en cause, à savoir livrer à des fournisseurs une partie de la production de l’opérateur historique au prix concurrentiel de l’électricité d’origine nucléaire, quasiment sans aucune contrepartie et sans aucun algorithme de réajustement en fonction de la conjoncture.

La véritable ouverture à la concurrence consisterait à permettre à des producteurs de proposer leurs propres tarifs de fourniture, dans une logique d’optimisation des coûts complets, dont les bénéficiaires seraient en définitive les consommateurs. Nous sommes très loin de ce schéma, qui, d’ailleurs, ne vous conviendrait sans doute pas davantage.

Si nous partageons plusieurs constats sur les conséquences de la tarification européenne pour nos concitoyens, le groupe Les Républicains ne votera pas cette proposition de résolution, pour les raisons que je viens d’évoquer.

Néanmoins, conscient du travail qu’il faut absolument engager pour changer ce mécanisme absurde, je conclus par cette devise du camarade Lénine, que vous partagerez certainement : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin. »

Mme Éliane Assassi s ’ esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je ne suis pas certain que ce soit de Lénine !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lagourgue

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise énergétique que nous traversons nous fragilise considérablement. Nos ménages sont fortement impactés, nos entreprises et tout le tissu entrepreneurial sont menacés.

La compétitivité de notre pays et, plus largement, celle de l’Union européenne seront fortement affectées. Il est impératif que l’Union sorte de sa dépendance aux énergies fossiles, en provenance particulièrement de la Russie. À ce titre, le plan REPowerEU est un outil intéressant. Il repose sur un triptyque simple : faire en sorte d’effectuer des économies d’énergie, diversifier nos sources d’approvisionnement en énergie et, surtout, produire notre énergie de manière propre.

Que ce soit le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dont nous avons discuté l’an dernier et qui en est à l’étape de la commission mixte paritaire, ou le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, que nous examinerons en séance publique la semaine prochaine, nous devons aller vite et être efficaces. Ces textes ne sont que le début, et notre groupe est déjà tourné vers les prochaines échéances : un projet de loi énergie-climat et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

L’Union européenne est incontournable quand il s’agit d’énergie. N’oublions pas que c’est une compétence partagée entre l’Union européenne et les États membres. Un paquet vert se met en place au fur et à mesure depuis 2019, traduisant une volonté de transition écologique. La transition énergétique en fait partie.

Des réponses arrivent également concernant la crise actuelle, malgré des difficultés visibles lors des conseils européens tout au long de l’année 2022. Le 22 décembre dernier, un règlement dit « d’urgence » établissant un cadre en vue d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables a été publié au Journal officiel de l ’ Union européenne. Le texte est d’application directe pour les dix-huit prochains mois.

Le travail des États membres de concert avec l’Union européenne constitue une véritable valeur ajoutée. Le marché intérieur européen de l’énergie est une force, mais il n’est pas abouti, et la réforme structurelle annoncée est plus que nécessaire. Tout d’abord, parce que si les craintes sont fortes pour cet hiver, elles le sont tout autant pour les hivers prochains. Ensuite, parce que le système doit être mieux adapté.

C’est pourquoi nous ne sommes pas d’accord avec le point 12 de cette proposition de résolution, qui évoque « l’échec » de l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie. Au-delà de l’interconnexion, ce marché a des avantages importants pour la France, puisqu’il permet de ne pas manquer d’énergie et de revendre l’énergie que nous produisons.

Cette année est particulière pour nos installations nucléaires, mais n’oublions pas, à l’heure où l’on travaille à leur relance, que nous revendons aussi beaucoup sur le marché européen de l’énergie.

Je salue l’implication du Gouvernement sur le principe du découplage du prix du gaz et du prix de l’électricité. Notre groupe soutient ce découplage et l’appelle de ses vœux depuis plusieurs mois. De manière générale, nous soutenons la réforme du marché européen de l’énergie. Mais ce que notre groupe ne souhaite absolument pas, c’est une sortie de fait de ce marché : les difficultés seraient alors bien plus grandes !

Le point relatif aux barrages hydrauliques est crucial, et notre groupe a une position claire. Nous avons encore, lors des dernières questions d’actualité au Gouvernement du mois de décembre, exprimé notre souhait de voir ce dossier évoluer et certaines situations se débloquer, comme la création de stations de transfert d’énergie par pompage (Step).

Hier matin, en audition devant la commission des affaires économiques, Mme la ministre a été transparente sur la volonté de stratégie avec le nouveau patron d’EDF pour aborder les négociations à venir avec la Commission européenne. L’hydroélectricité fait partie de notre avenir et de notre souveraineté. Elle est gage de notre indépendance énergétique.

Cependant, pour toutes les raisons évoquées précédemment – en particulier, leur point de vue divergent sur les solutions face au marché européen de l’énergie –, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires ne peuvent pas voter en faveur de cette proposition de résolution.

M. André Gattolin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Le vidéaste Heu?reka a tenté d’expliquer le marché commun européen de l’électricité, auquel, soyons francs, presque personne ne comprend rien, pas même le ministre de l’économie, qui oscille entre approximations et contre-vérités !

Là où une vidéo de vulgarisation dure généralement quelques dizaines de minutes, il a fallu à notre vidéaste quatre vidéos et plus de trois heures trente d’explications pour venir à bout du marché de l’électricité.

Je vais tenter d’exprimer notre position sur ce débat central. Je remercie nos collègues du groupe CRCE d’avoir demandé l’inscription de cette proposition de résolution à l’ordre du jour de notre assemblée.

À l’époque, il était possible de croire que le mécanisme de libéralisation permettrait d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables (EnR), totalement délaissées par EDF, enfermé dans sa stratégie du tout nucléaire, dont les limites sautent chaque jour un peu plus aux yeux. Vingt ans plus tard, force est de constater que le compte n’y est pas.

Le marché européen était censé offrir le meilleur prix au consommateur. Au lieu de cela, comme le prix est commun et comme les opérateurs refusent de faire tourner leurs centrales à perte, il instaure, de fait, un prix unique basé sur le coût de production de la dernière centrale mobilisée, le plus cher du continent.

Le marché était censé favoriser la multiplication des producteurs-fournisseurs d’énergie, particulièrement en matière de renouvelable : il a essentiellement créé des fournisseurs qui ne produisent rien et se « gavent » sur le dos du contribuable grâce aux tarifs réglementés et à l’Arenh.

Pour le développement de la production d’EnR notamment, les règles de marché étant structurellement inadaptées, l’État a eu recours à des contrats de long terme à prix garanti avec les opérateurs. D’une manière générale, ouvrir à la concurrence les monopoles naturels et multiplier les acteurs privés utilisant la même infrastructure publique unique est une curieuse idée dont on a vu toutes les limites avec le rail. Il faudra – hélas ! – encore quelques années à certains pour s’en apercevoir.

Pour l’électricité, qu’il faut à chaque instant produire dans des quantités suffisantes, mais sans surplus, multiplier les acteurs privés avant tout soucieux de leurs marges sur un réseau interconnecté reliant une trentaine de pays relève tout simplement de l’inconscience.

Résultat des courses : une spéculation débridée et des tarifs totalement déconnectés des coûts de production. C’est encore une fois l’État, à coups de bouclier tarifaire, qui vient amortir cette inconséquence. L’échec est complet : à part quelques libéraux dogmatiques confinant au fanatisme, tout le monde le concède !

Malgré quelques réticences, les États membres ont enfin décidé de restructurer le marché unique de l’électricité. Mais ni la proposition de la Commission de plafonner à 200 euros par mégawattheure les prix d’achat aux producteurs disposant des centrales les moins chères ni la proposition française de développer des contrats à long terme publics ou privés ne semblent à ce stade en mesure de protéger les consommateurs de la volatilité des prix ou de sécuriser les investissements nécessaires à la transition énergétique.

Ces propositions ne sont pas à la hauteur de l’attente des artisans, boulangers en tête, qui voient leurs factures multipliées par trois, quatre ou cinq. Elles ne sont pas davantage à la hauteur de l’attente des 12 millions de nos compatriotes en situation de précarité énergétique, de nos industriels, qui menacent de délocaliser, ou de nos collectivités, qui sont obligées d’augmenter les impôts locaux.

Elles ne sont également pas à la hauteur de l’urgence de la transition énergétique, qui demande de la visibilité à moyen et long termes pour tous les acteurs.

Seule la puissance publique est en mesure de réguler les prix payés par les consommateurs en harmonisant les coûts très variables d’un type de production à l’autre et de planifier les investissements nécessaires à la transition. L’énergie n’est pas une marchandise comme les autres ; c’est un bien commun dont la fourniture à prix régulé doit être garantie.

C’est le sens de la proposition des écologistes lors de l’élection présidentielle de remettre à plat des directives européennes.

Je précise au passage que contrairement à ce que veut bien raconter le ministre, suspendre ou sortir du marché commun de l’électricité, ce n’est certainement pas mettre un terme à la solidarité ou au commerce d’électricité entre pays européens, qui existait avant et existera après le marché unique.

Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

C’est le sens également de notre proposition de renationaliser EDF pour en faire le bras armé de la transition énergétique, de notre volonté de conserver les barrages hydroélectriques dans le giron public et de notre proposition de loi visant à créer un service public des énergies renouvelables. Le groupe écologiste partage les principaux objectifs de cette résolution.

En rappelant son attachement viscéral au respect de la règle commune européenne, il demande au Gouvernement de plaider avec force à Bruxelles pour une remise à plat totale des mécanismes concurrentiels. Dans ces conditions, il apporte son soutien à cette proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE. – M. Franck Montaugé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion que nous avons là est très importante sur le fond.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Je tiens à remercier celui qui en est à l’origine, notre collègue Fabien Gay, fin connaisseur et vigie sur ces questions, car il touche là à un sujet sensible. Je souscris à certains des constats qu’il dresse concernant les déficiences de l’organisation actuelle du marché de l’électricité, ses abus et la nécessité de le réformer.

Au-delà des imperfections liées à la manière dont nous avons procédé, en France, à la libéralisation, pour nous conformer aux directives européennes ouvrant les secteurs de la production et de la fourniture d’électricité à la concurrence, rappelons que, si les prix de l’énergie ont atteint des sommets en 2022, c’est essentiellement en raison de l’agression de l’Ukraine par la Russie et de l’utilisation par cette dernière de l’approvisionnement en gaz comme une arme de guerre. La flambée des prix du gaz qui en a découlé s’est répercutée sur le prix de l’électricité produite dans les centrales et, par ce biais, sur les prix de l’électricité en général.

La corrélation entre le prix du gaz et le prix de l’électricité, due au principe de la préséance économique, ou merit order, fondé sur le coût marginal de la dernière source de production mobilisée – le gaz, en l’occurrence –, n’est pas étrangère à l’actuelle flambée des prix. Le gouvernement français a été l’un des premiers à militer pour une réforme de ce mécanisme, dans le sens d’une décorrélation du prix du gaz de celui de l’électricité sur le marché européen.

S’il existe des raisons objectives de critiquer ce mécanisme de fixation du prix de l’électricité au niveau européen, c’est précisément parce que la question de la sécurité des approvisionnements énergétiques a, trop souvent, été mise sous le tapis ces dernières années.

Nous avons ainsi privilégié un coût de l’énergie et, surtout, de l’électricité, le plus bas possible à court terme, au détriment d’une vision à plus long terme d’une meilleure indépendance énergétique de notre continent. Nous avons facilité la consommation au détriment des investissements dans la production d’électricité, car ceux-ci créent, évidemment, un coût final plus élevé.

Certains sont tentés, comme le font les auteurs de cette proposition de résolution, d’en attribuer la responsabilité à l’Europe et à la libéralisation du marché de l’électricité.

On oublie cependant que nous en avons beaucoup bénéficié, à l’échelon national, jusqu’à la guerre en Ukraine et que le mécanisme de la préséance économique a aussi largement contribué au développement des énergies renouvelables.

On oublie également que nombre des dysfonctionnements constatés aujourd’hui proviennent de la manière dont nous avons géré la libéralisation du secteur, essentiellement au profit des distributeurs d’électricité plutôt qu’au profit des producteurs.

La loi Nome, adoptée par le Parlement français en 2010, est loin d’avoir rempli ses objectifs en matière de diversification de l’offre de production et a même entraîné certains effets spéculatifs, justement dénoncés par notre collègue Fabien Gay.

Par ailleurs, je veux rappeler ici que nous étions fort peu nombreux dans cet hémicycle voilà sept ans, soit deux ans à peine après l’invasion de la Crimée, à nous opposer à la construction du gazoduc Nord Stream 2, qui accroissait significativement notre dépendance énergétique à la Russie.

En revanche, au même moment, la commission des affaires européennes du Sénat s’était fermement opposée – la seule voix discordante était la mienne… – à une proposition de décision du Parlement européen et du Conseil qui, au nom de la sécurité d’approvisionnement de l’Union européenne en gaz naturel, obligeait les États membres à soumettre ex ante à la Commission, pour évaluation et suivi, tous leurs projets d’accords intergouvernementaux d’achat de gaz avec des États non-membres de l’Union.

Il faut donc bien travailler à une réforme rapide du marché européen de l’électricité. L’Union ouvrira, dans quelques jours, une consultation publique à ce sujet. Je vous invite d’ailleurs à y participer, car les Français sont souvent trop peu présents face à des Allemands vingt fois plus nombreux…

Sourires sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Un projet de législation européenne devrait en découler au printemps. La secrétaire d’État chargée des affaires européennes, que nous avons auditionnée ce matin en commission des affaires européennes, nous l’a confirmé : cette réforme tendra à faire baisser les prix et à les rendre moins volatils sans sacrifier la transition énergétique, notamment en faisant en sorte que le principe de préséance économique prenne en compte les coûts réels de production de l’électricité.

Oui, il faut mieux réguler le marché de l’électricité. En revanche, non, il ne faut pas sortir le système électrique des mécanismes concurrentiels et du système européen ! Les conséquences directes et indirectes d’un « Frexit énergétique » seraient extrêmement graves pour notre pays.

En effet, si la France n’a pas subi de délestage le mois dernier, ce n’est pas seulement parce que notre consommation électrique a diminué, c’est surtout parce que nous avons importé de l’électricité grâce à l’interconnexion des réseaux et à l’existence d’un marché de gros garantissant des prix corrects.

MM. Fabien Gay et Jean-Claude Tissot protestent.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Je vous invite, chers collègues, à étudier de près la situation énergétique du Royaume-Uni, qui reste interconnecté, mais a quitté le marché européen de l’électricité, et procède à des achats de gré à gré à des prix particulièrement élevés. Voilà qui pourrait vous convaincre que le dispositif envisagé dans cette proposition de résolution est une fausse bonne solution.

Vous l’aurez compris, le groupe RDPI votera contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Fabien Gay applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je remercie nos collègues du groupe CRCE d’avoir inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée cette proposition de résolution.

Indéniablement – tous nos compatriotes en vivent les difficultés, dans leur quotidien ou dans leurs entreprises –, le marché européen de l’électricité n’a pas répondu aux objectifs initiaux qui lui étaient assignés.

Le principe de la concurrence libre et non faussée n’a pas diminué le prix de l’électricité. Il alimente l’inflation et n’a en rien permis de lutter contre la précarité énergétique. En France, il a même conduit à l’affaiblissement d’EDF, le plus important énergéticien d’Europe et l’un des premiers au monde. À dessein, ou faute de pilotage stratégique de la part l’État, actionnaire majoritaire, EDF a été sacrifiée sur l’autel de la concurrence. Ce qui fonctionnait jusque-là et participait grandement de notre souveraineté industrielle nationale a été déconstruit et affaibli.

Je le rappelle, le critère d’évaluation de la réussite du développement du marché était non pas le prix ni la qualité du service, mais la quantité et la proportion de l’électricité vendue par des fournisseurs alternatifs à EDF.

Or ces fournisseurs alternatifs n’ont jamais respecté l’obligation initiale qui leur était faite de produire par leurs propres moyens de l’électricité. Du négoce, du commerce ! Ils achètent et ils revendent, pour une proportion importante à un prix administré, via le mécanisme de l’Arenh dont on sait la destruction de valeur qu’il a causée pour l’entreprise nationale EDF.

Tout cela pour en arriver, bien avant l’agression russe de l’Ukraine, à une envolée croissante des prix, alimentée par une crise de l’offre et des pratiques de spéculation qui ont largement enrichi les traders des marchés de l’énergie. Si certains consommateurs se sont appauvris et ont plongé dans la difficulté, d’autres acteurs en ont fait leur richesse.

Rien de ces surplus spéculatifs créés par le marché ne s’est perdu. En revanche, nos concitoyens, nos artisans, nos entreprises – TPE, PME et ETI –, les collectivités locales et jusqu’à nos grands groupes industriels, dont les électro-intensifs, en ont payé et en payeront encore longtemps les conséquences financières au risque, pour beaucoup, d’une plus grande précarité ou de la perte de leur outil de travail.

Nous sommes pris entre, d’un côté, les États-Unis, qui mettent en œuvre leur très patriotique acte de réduction de l’inflation, et la Chine, dont la politique de l’offre est financée par l’État, le tout dans un total déni des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ou de ce qu’il en reste.

Dans ce contexte extrêmement préoccupant, qu’attendons-nous du Gouvernement, non pour résoudre les difficultés de l’instant, auxquelles il apporte quelques solutions conjoncturelles, mais pour répondre aux problèmes structurels du marché de l’électricité ? C’est la question que soulève cette proposition de résolution, dont nous partageons totalement les constats.

L’électricité n’est pas un bien marchand comme un autre. Elle est d’abord, plus que tout autre produit, au cœur de la civilisation, et elle le sera plus encore avec le temps, eu égard aux transitions que doit opérer notre société pour être au rendez-vous climatique de la neutralité carbone en 2050.

On la retrouve de l’alimentation aux transports, en passant par l’habitat. Elle est absolument partout, comme le sont depuis plus de deux siècles les énergies fossiles. Ne se stockant pas à grande échelle, elle nécessite un ajustement parfait et permanent entre la production et la consommation. En définitive, l’électricité est un bien commun, et doit être appréhendée comme telle.

Tout d’abord, ce qui est aujourd’hui hors du marché doit le rester, ainsi des concessions hydrauliques.

La régulation encore existante doit être préservée. C’est le cas des tarifs réglementés de vente (TRV), qui doivent être élargis au-delà du seuil de 36 kilovoltampères.

De plus, comme nous le demandent tous – je dis bien « tous » – les entrepreneurs, les contrats d’approvisionnements doivent répondre à deux objectifs à conjuguer : visibilité à moyen et à long terme et stabilité des prix dans le temps. Les prix doivent être indépendants du marché des énergies fossiles.

La proposition de résolution invite à extraire le marché de l’électricité de la concurrence. Nous pensons que, si cette option doit être privilégiée, des régulations spécifiques doivent aussi être envisagées.

À chaque fois que nous interrogeons le Gouvernement sur ses propositions de réforme structurelle du marché, qu’il défend au sein des instances européennes, aucun début un tant soit peu concret de réponse ou d’orientation ne nous est apporté. Madame la ministre, prenez vos responsabilités pour défendre l’intérêt général des Français à Bruxelles, et passez enfin des déclarations d’intention à la négociation !

Faites-nous part dès aujourd’hui des options de réforme structurelle que vous entendez porter dans l’intérêt de la France comme de l’Union européenne !

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà plus de quinze mois que la folle envolée des prix de l’énergie déstabilise le pouvoir d’achat des Européens et des Français, asphyxie les budgets de nos communes et menace la vie économique de nos entreprises.

Et depuis quinze mois, économistes, experts et ministres – à commencer par Bruno Le Maire, ici même, à plusieurs reprises – s’accordent sur un point : il y a un problème avec l’organisation actuelle du marché européen et la fixation des prix de l’électricité.

Or, depuis quinze mois, rien ne se passe. Avec cette proposition de résolution, nous vous proposons d’envoyer un signal fort pour dire : « Ça suffit ! La France ne veut plus du système actuel de fixation des prix. »

En réalité, le problème est structurel. La hausse a été forte et continue bien avant la guerre en Ukraine. La déstabilisation récente n’a fait que révéler des failles profondes, liées aux mécanismes de libéralisation et de privatisation, qui ont enfermé les marchés gazier et électrique dans des logiques concurrentielles court-termistes. L’organisation du marché – market design – inventée par strates successives par les instances européennes a imposé une concurrence artificielle contraire à la rationalité économique du secteur de la production et de la distribution de l’énergie.

Le prétendu marché européen de l’électricité n’est en rien homogène, puisque les mix de production relèvent toujours de la compétence des États membres. Pour notre part, nous visons un mix nucléaire-EnR pour décarboner l’électricité. En conséquence, les coûts de productions et de transition diffèrent d’un État à l’autre.

De plus, faute d’un mécanisme unique de fixation des prix et des tarifs liés à ces coûts réels, le secteur européen de l’électricité est un florilège de réglementations, de contrats et d’échanges toujours plus complexes, le tout pour protéger le trading.

Enfin, s’il n’est évidemment pas question, comme l’a dit Fabien Gay, de mettre fin aux interconnexions, que nous pouvons gérer sur la base de règles définies aisément, nous constatons tous que seule une part mineure de l’énergie produite est échangée sur le marché de gros. Il est souhaitable que cette part demeure, pour favoriser la stabilisation de notre approvisionnement. Pourtant, c’est ce marché minoritaire qui est responsable de l’emballement spéculatif et inflationniste mettant aujourd’hui en danger les particuliers et les entreprises.

Ainsi, l’envolée récente des prix de gros de l’électricité en Europe reflète la réalité non pas de l’ensemble des échanges, mais seulement de ceux qui se réalisent sur les bourses. Seul le marché de court terme fixe le prix alors qu’en France, moins d’un tiers des échanges d’électricité s’y font. Les autres résultent de contrats de long terme avec l’État pour les énergies renouvelables, ou via l’Arenh pour le nucléaire historique…

Dans ces conditions, la règle de la dernière centrale appelée, loin d’optimiser le système électrique, est devenue la source de sa déstabilisation.

C’est pourquoi la sortie de ces mécanismes concurrentiels, sans rapport avec les réalités industrielles de la production, est urgente. Il est impératif non seulement de décorréler le prix de l’électricité de celui du gaz, mais aussi d’organiser la sortie de ces mécanismes pour revenir à une politique tarifaire basée sur les coûts de production, et non en fonction d’acteurs parasites ne cherchant qu’à tirer profit de ces mécanismes contraires à l’intérêt général.

Cette sortie est d’autant plus indispensable qu’une stabilité retrouvée des prix, plus conforme à nos coûts de production, est indispensable. Il s’agit tant de garantir la souveraineté industrielle nécessaire à la sécurité de notre approvisionnement, que de planifier les investissements massifs supposés par la décarbonation. Sans vision de long terme, nous allons dans le mur. Or ce marché est organisé sur le court terme spéculatif. Nous ne pouvons plus accepter que ce bien universel essentiel soit confisqué par des logiques de profit aveugle.

La volatilité des prix obère les investissements dans le système électrique, ainsi que ceux nécessaires à la transformation écologique. Elle dilapide les fonds publics dans des boucliers tarifaires, qui créent autant de trous qu’ils n’en bouchent, tout en continuant à financer des acteurs spéculatifs, alors que la garantie d’un prix stable réglementé offrirait à tous, particuliers, entreprises et collectivités locales, une meilleure sécurité.

Nous proposons, vous le savez, de revenir à un monopole public capable d’évaluer les coûts marginaux à long terme de ses différentes unités de production, ayant la maîtrise de son programme d’appel.

Une chose est sûre : l’expérience a démontré que le principe de concurrence entre fournisseurs d’électricité n’a rien apporté de bon aux usagers, quels qu’ils soient.

Si nous n’opérons pas ce changement, toutes vos inventions – entre autres : plafonnement du prix du gaz et des recettes des producteurs inframarginaux, accords d’achat d’énergie (power purchase agreements, PPA) – constitueront des rustines, mais ne régleront rien.

Vous allez sanctuariser le principe de la prétendue concurrence libre et non faussée tout en passant votre temps à inventer de perpétuelles distorsions à ce principe, financées soit sur fonds publics, soit par transferts artificiels entre acteurs du marché. C’est aberrant, coûteux et inefficace.

Chers collègues, le Parlement doit reprendre la main et taper du poing sur la table des négociations européennes, toujours aussi opaques, comme nous aurions dû le faire depuis longtemps sur le refus de la mise en concurrence des barrages hydroélectriques.

Notre proposition est là pour cela. Vous pouvez vous en saisir !

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Éliane Assassi applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier les auteurs de cette proposition de résolution, qui nous offrent l’occasion, après avoir débattu des tarifs réglementés pour les collectivités en décembre, d’aborder une nouvelle fois les problématiques du marché européen de l’énergie.

Mon collègue Franck Montaugé a exprimé les nombreuses aberrations de ce marché, qui, bien loin de réaliser ses promesses de réduction des factures des consommateurs, n’aura servi qu’à la spéculation et à la multiplication de fournisseurs alternatifs.

Il a également insisté sur la nécessité de considérer l’électricité comme un bien commun devant être décorrélé des logiques du marché. Madame la ministre, si vos promesses de restructuration d’EDF aboutissent, ne perdez pas de vue ce principe fondamental pour nos concitoyens et pour l’intérêt général.

Les textes, nationaux ou européens, devant répondre à la crise énergétique, passent les uns après les autres, mais ils ne sont que des rustines ne répondant aucunement aux tendances structurelles et aux graves dysfonctionnements du marché européen de l’énergie. Les mesures du Gouvernement restent profondément ancrées dans cette logique de marché et ne permettent que d’en combler les insuffisances par de l’argent public.

Comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de résolution, la remise en cause d’une politique tarifaire décidée par l’État et l’abandon des coûts de production comme élément de la base de calcul des prix de l’électricité au profit d’un prix formé sur le marché expliquent l’impasse dans laquelle nous nous trouvons actuellement.

Pendant ce temps-là, les consommateurs finaux, particuliers et professionnels, continuent de subir l’explosion de leurs factures, qui se répercute directement sur leur budget du quotidien et sur leurs coûts de production.

Je pense également aux collectivités territoriales, qui, depuis de nombreux mois, réalisent des efforts importants pour réduire leur consommation et ainsi tenter de préserver les budgets qu’elles ont votés.

Ainsi, quand le marché devient obsolète, pour reprendre les mots de votre collègue Bruno Le Maire, et que les conséquences sont majeures pour nos concitoyens, il est du devoir du Gouvernement et des pouvoirs publics de réfléchir immédiatement à la refonte ou à la sortie de ce système.

Madame la ministre, pour que les négociations européennes avancent enfin, entendez et prenez en considération les différents textes de lois et de résolutions examinés par la chambre haute du Parlement.

À ce sujet, les récents exemples de l’Espagne et du Portugal, qui ont eu l’autorisation de déroger aux règles européennes pour fixer les prix de l’énergie en fonction de leur propre mix énergétique, sont particulièrement intéressants. Cela a fait baisser les factures d’électricité des Espagnols et des Portugais de 10 % à 20 %. La spécificité géographique de ces pays justifie certainement ces adaptations, mais cette dérogation temporaire prouve que ce sont le marché et les interconnexions qui tirent les prix vers le haut.

Alors que notre mix énergétique se base très largement sur nos capacités nucléaires et sur les énergies renouvelables, que nous espérons voir se multiplier dans les années à venir, il est de notre intérêt de demander une dérogation similaire pour tirer profit de nos choix énergétiques.

Pour cela, un opérateur énergétique fort et disposant de capacités d’investissements est indispensable. Pourtant, les doutes continuent de planer sur les évolutions futures du groupe EDF. Madame la ministre, pouvez-vous nous dire où en sont les négociations sur son avenir ? Le dispositif de l’Arenh va-t-il enfin être revu et adapté aux réalités des coûts de production ?

Enfin, nous adhérons au constat des auteurs de cette proposition de résolution sur la nécessité de ne pas soumettre les concessions hydroélectriques à l’ouverture à la concurrence.

Cette proposition de résolution, que nous voterons, doit donc être entendue comme un appel à relancer activement les négociations européennes sur le marché de l’énergie. Il est particulièrement dommage que la présidence française du Conseil de l’Union européenne n’ait pas permis d’avancer sur le sujet.

Même si certains points de cette résolution mériteraient d’être un peu nuancés, notamment pour permettre des négociations avec nos partenaires européens, nous approuvons pleinement l’objectif de sortie du système électrique des mécanismes concurrentiels.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de cette proposition de résolution, qui m’offre l’occasion d’intervenir auprès de vous sur les enjeux d’organisation et de concurrence dans le marché électrique. Il me semble indispensable de la lire au regard du contexte dans lequel nous nous trouvons et de ses implications sur le système électrique français.

Le contexte immédiat, c’est tout d’abord celui d’une crise climatique et d’une crise énergétique sans précédent depuis plus de quarante ans. Cette crise sur la sécurité d’approvisionnement m’a conduite à prendre des mesures exceptionnelles pour passer l’hiver dans les meilleures conditions – plan de sobriété, sécurisation de nos importations et de nos interconnexions et augmentation des marges de manœuvre sur les moyens de production d’électricité existants – notamment votées par votre assemblée cet été. Je rappelle que la sécurisation de nos importations est aussi liée au bon fonctionnement du marché européen de l’électricité. Lorsqu’on prétend en sortir, on pose la question de ce bon fonctionnement.

La crise touche également les prix de marché, puisqu’ils sont passés de 50 euros par mégawattheure en 2020 à plus de 500 euros par mégawattheure au second semestre 2022, avec même un pic dépassant les 1 000 euros par mégawattheure au moment où les consommateurs anticipaient des ruptures d’approvisionnement, intégrant cette prime de risque dans les coûts.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Nous connaissons tous les effets de ces hausses historiques pour les Français, les entreprises et les collectivités locales. C’est pourquoi le Gouvernement a pris un engagement très clair : nous ne laisserons tomber personne !

C’est aussi la raison pour laquelle nous avons pris des mesures exceptionnelles pour protéger le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité de notre économie : bouclier et amortisseur électricité, plafonnement du prix de l’électricité pour les TPE nécessitant une forte puissance, baisse de la fiscalité et guichet d’aide aux électro-intensifs.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour financer ces mesures, une contribution sur les rentes inframarginales prélevée sur les énergéticiens dont les bénéfices augmenteraient de façon importante du fait de la hausse des prix. Finalement, tout cela est très logique : la rente revient au consommateur.

Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Toutefois, ce contexte appelle une réponse systémique : je vous rejoins, monsieur le sénateur Gay, sur ce point, mais sur ce point seulement. C’est bien la raison pour laquelle je défends, face à mes homologues européens, une position forte au nom de la France : celle d’une refonte équilibrée du marché européen de l’électricité.

Cependant, je veux être claire : nous ne souhaitons pas sortir du marché européen de l’électricité. Ne cédons pas aux fausses bonnes idées, car ce sont toujours les plus nocives pour notre pays. Ainsi, nous devons préserver les avantages actuels du marché, dans l’intérêt des consommateurs et de la lutte contre le réchauffement climatique.

Le marché de l’électricité est, avant tout, un marché physique, où circulent des électrons. Il doit être efficace, ce qui présente l’avantage d’éviter les coupures liées aux déséquilibres entre l’offre et la demande. En termes physiques, il n’y a pas de différence entre un électron espagnol, allemand ou français – je ne parle pas du bilan carbone – et cela n’a rien à voir avec les voitures, Ferrari ou Peugeot, que vous avez mentionnées.

Le deuxième avantage de ce marché, c’est la capacité à importer et à exporter l’électricité de manière juste et selon un principe de solidarité. Nous en avons plusieurs fois eu besoin, l’année dernière et les années précédentes, et nous ne nous sommes alors pas plaints du fait que ce marché ne fonctionnait finalement pas si mal.

Un troisième avantage est une efficacité incitant à investir dans la production d’énergie décarbonée, tout en abaissant notre consommation.

Enfin, je rappelle l’extinction, fin 2025, de l’Arenh. Vous le savez, ce mécanisme a été central dans notre système électrique, jouant un rôle important de protection du consommateur résidentiel et pour la compétitivité industrielle. Il a permis à tous les Français d’accéder à l’énergie nucléaire à un coût très compétitif.

M. Fabien Gay proteste vivement.

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Agnès Pannier-Runacher

Cela étant, nous le savons, ce mécanisme présente des défauts bien identifiés.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Tout d’abord, la concurrence n’a pas développé les capacités attendues de production. Ensuite, le prix, initialement fixé selon le coût théorique de production du nucléaire, n’a pas été revalorisé avec l’inflation, réduisant de fait les marges de manœuvre d’EDF. Corriger ces défauts est un enjeu de la réflexion en cours sur le marché européen.

La Commission européenne a annoncé qu’elle travaillait désormais en ce sens. Une proposition législative européenne est attendue pour le premier semestre 2023, à l’occasion du conseil des ministres de l’énergie.

Pour entrer dans le détail de votre proposition de résolution, le principal enjeu auquel nous faisons face est celui de la hausse de la production d’énergies décarbonées. J’entends qu’il faut découpler l’électricité des énergies fossiles, mais, alors que nous dépendons aux deux tiers d’énergies fossiles qui ne sont pas présentes sur notre territoire, il faut accepter une logique de marché, l’alternative étant une logique de pénurie.

Dans ce cadre, nous devons maximiser cette production décarbonée avec une meilleure organisation de marché, concurrentielle ou plus régulée en fonction des spécificités des technologies. Pour les nouvelles énergies renouvelables, la concurrence baisse les coûts de production et met les porteurs de projets au défi de produire au coût le plus bas, dans le champ des contraintes de service public que nous imposons dans les appels d’offres. Cela nous permet de développer des projets photovoltaïques, d’éolien terrestre et d’éolien marin, pour une électricité à moins de 100 euros par mégawattheure, un coût largement compétitif.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Pour être précise, ils sont compris entre 60 euros et 80 euros par mégawattheure.

Pour le nucléaire, la question de la concurrence, comme vous le savez, se pose différemment compte tenu de l’historique et de la spécificité du parc nucléaire français, ainsi que du fait qu’il n’y a qu’une technologie de réacteur de forte puissance en Europe. Je tiens ici à saluer tous les salariés de la filière : ce sont leurs efforts, conjugués à ceux de tous les Français dans la sobriété énergétique, qui nous permettent de réussir le passage de l’hiver.

En tout état de cause, je réaffirme notre attachement à l’exploitation par EDF du parc nucléaire dans une logique intégrée. Ce parc est un atout unique : il n’a pas été construit dans une logique concurrentielle, et il doit jouer, dans notre système, un rôle durablement singulier.

J’en viens à la question de l’hydraulique. Comme vous le savez, nous sommes, depuis des années, engagés dans un contentieux avec la Commission européenne. Celle-ci souhaite que nous rouvrions la concurrence les concessions échues. Tel n’est pas notre souhait, au regard des enjeux spécifiques à l’eau : la production électrique et son rôle crucial dans le système électrique global, le soutien à l’étiage, l’irrigation et l’eau potable, sans oublier les besoins de l’agriculture et d’autres activités.

En ce qui concerne ensuite les marchés de gros de l’électricité, l’urgence est de permettre aux consommateurs ou aux fournisseurs de sécuriser à long terme un prix de l’électricité qui soit défini à l’avance et basé sur les coûts de production réels.

Cela réduirait la volatilité des prix facturés au client, donnerait de la visibilité aux producteurs et leur permettrait de prendre des risques.

Plusieurs outils concourent aujourd’hui à l’atteinte de cet objectif de sécurité. Nous promouvons déjà, pour toutes les énergies et en particulier pour les énergies renouvelables, dans le cadre du projet de loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables, les contrats de vente directe d’électricité ou PPA. Ces derniers rencontrent – vous le savez – un certain succès en Europe.

Les contrats pour différence sont également très répandus pour les énergies renouvelables, en France comme à l’étranger.

À plus court terme, en revanche, les marchés de gros jouent un rôle utile dans l’ajustement physique du marché.

Restent enfin les marchés de la fourniture d’énergie, qui ont été ouverts à la concurrence en 2012 et qui semblent être le point focal de notre discussion.

Plusieurs grandes questions peuvent être posées sur l’opportunité de la mise en concurrence sur ces marchés.

A-t-elle permis de favoriser le développement de capacités de production d’énergie décarbonée ? Je l’ai dit : le constat est très mitigé.

Marques d ’ ironie sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

A-t-elle contribué à réduire le prix de l’énergie ? Oui en l’absence de tension sur le marché ; non dès lors qu’un choc s’est produit, celui de la crise en Ukraine et de l’utilisation du gaz russe comme arme de guerre.

On peut noter en revanche que la marge dégagée par l’activité de fourniture est demeurée relativement stable, contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là.

La concurrence a-t-elle ensuite favorisé le développement de types d’offres innovantes en direction des clients ? Sans doute oui, mais de façon très hétérogène.

Nouvelles marques d ’ ironie sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

La question de la concurrence sur le marché de détail de l’électricité renvoie également à celle des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE). Les Français sont profondément attachés au principe des tarifs régulés.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

C’est la raison pour laquelle vous les avez supprimés !

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Le Gouvernement les a défendus énergiquement au cours du précédent quinquennat.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Avec succès, que ce soit devant les juridictions françaises ou, à l’échelle européenne, dans le cadre du paquet énergie propre.

Les tarifs réglementés sont une reconnaissance du fait que l’électricité est un bien de première nécessité pour les ménages et les très petites entreprises. Ils constituent une offre universelle, dont peuvent bénéficier tous les consommateurs, sans condition de ressources ou de solvabilité. Ils sont enfin une référence tarifaire utile pour se repérer dans le marché et comparer les offres.

Nous continuerons à les défendre, parce qu’ils protègent les consommateurs. Je rappelle d’ailleurs qu’ils nous permettent aujourd’hui de proposer de l’électricité aux ménages et aux très petites entreprises au prix le plus bas d’Europe.

M. Fabien Gay proteste.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Protéger le consommateur, c’est s’assurer que son fournisseur, quel qu’il soit, prenne ses responsabilités. C’est s’assurer qu’il se couvre quand il s’engage sur le long terme, qu’il prend des engagements de production, qu’il participe au déploiement du mix décarboné dont nous aurons besoin demain. En fin de compte, c’est s’assurer que les fournisseurs anticipent les défis des dix prochaines années, de sorte que nous ne soyons pas pris au dépourvu.

Mais c’est aussi leur garantir des prix qui couvrent les coûts complets de notre système énergétique, sans marges excessives ni rentes de situation.

Dans ces conditions, on peut se demander si la future régulation ne devrait pas fixer un cadre minimum à la politique de couverture, afin que cette dernière repose davantage sur des signaux-prix prévisibles à long terme.

Cela reviendrait à modifier le cadre concurrentiel du marché de la fourniture d’électricité, au bénéfice d’une plus grande résilience.

La concurrence entre fournisseurs serait certes maintenue, mais elle s’exercerait à armes égales et les fournisseurs seraient tenus de prendre leur part dans leur production et dans les charges de service public.

Là où le gouvernement en place en 2010 avait fixé des obligations fortes à EDF sans véritablement les contrebalancer par de nouveaux devoirs pour ses concurrents, nous équilibrerions ces droits et ces devoirs.

Ces quelques éléments me semblent montrer sans aucune ambiguïté qu’une réponse sur le principe de la concurrence dans notre système électrique ne peut pas être simpliste, au risque d’être grossièrement inexacte.

Elle me semblerait tout aussi imparfaite qu’une doxa idéologique qui revendiquerait la concurrence pour la concurrence.

La question porte non pas tant sur le bien-fondé de la concurrence, mais sur la création d’un cadre de marché dans lequel le jeu de la concurrence permettrait d’atteindre nos objectifs communs de politique publique de long terme, au meilleur coût pour la collectivité et pour les citoyens.

C’est bien la feuille de route que je me suis fixée à la tête de ce ministère. C’est la position que je défendrai dans les discussions du texte que proposera la Commission européenne au premier semestre de 2023.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à ne pas voter cette proposition de résolution.

M. André Gattolin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La discussion générale est close.

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946,

Vu le principe à valeur constitutionnelle de continuité du service public consacré par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979,

Vu le code de l’énergie, en particulier le titre Ier du livre Ier ;

Vu la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ;

Vu la programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2023,

Vu le socle européen des droits sociaux approuvé par le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne le 17 novembre 2017,

Vu le protocole n° 26 sur les services d’intérêt général, annexé au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’article 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, relatif aux compétences de l’Union européenne en matière d’énergie ;

Vu l’article 106 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, relatif aux aides accordées par les États ;

Vu la proposition de règlement du Conseil relatif à un instrument d’urgence en matière d’électricité et à une contribution de solidarité du secteur des combustibles fossiles ;

Considérant que l’échec de l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie en matière de coûts pour les usagers, de sécurité d’approvisionnement et d’indépendance énergétique n’est plus à démontrer ;

Considérant l’augmentation continue de la précarité énergétique qui touche désormais en France près de douze millions de personnes ;

Considérant que l’augmentation continue des prix de l’électricité a fragilisé notre tissu industriel ;

Considérant que les tarifs réglementés de vente de l’électricité, avec l’inclusion de composantes « marché » de plus en plus importantes, ne répondent pas à leurs objectifs premiers ;

Considérant que l’accès à l’énergie a été reconnu comme un service essentiel intégré à la proclamation interinstitutionnelle sur le socle européen des droits sociaux du 13 décembre 2017 ;

Propose au Gouvernement d’exclure explicitement les barrages hydrauliques de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession ;

Propose au Gouvernement d’exclure explicitement dans notre pays le secteur de l’énergie des mécanismes concurrentiels et de promouvoir une nouvelle conception du marché de l’énergie au service de l’intérêt général au niveau européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 109 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 17 janvier 2023 :

À quatorze heures trente et le soir :

Désignation des dix-neuf membres de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique ;

Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur le thème « Le développement d’une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert » ;

Projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (procédure accélérée ; texte de la commission n° 237, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à quinze heures cinquante -cinq .