Intervention de Guillaume Gontard

Réunion du 12 janvier 2023 à 14h30
Sortir le système électrique des mécanismes concurrentiels — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard :

Le vidéaste Heu?reka a tenté d’expliquer le marché commun européen de l’électricité, auquel, soyons francs, presque personne ne comprend rien, pas même le ministre de l’économie, qui oscille entre approximations et contre-vérités !

Là où une vidéo de vulgarisation dure généralement quelques dizaines de minutes, il a fallu à notre vidéaste quatre vidéos et plus de trois heures trente d’explications pour venir à bout du marché de l’électricité.

Je vais tenter d’exprimer notre position sur ce débat central. Je remercie nos collègues du groupe CRCE d’avoir demandé l’inscription de cette proposition de résolution à l’ordre du jour de notre assemblée.

À l’époque, il était possible de croire que le mécanisme de libéralisation permettrait d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables (EnR), totalement délaissées par EDF, enfermé dans sa stratégie du tout nucléaire, dont les limites sautent chaque jour un peu plus aux yeux. Vingt ans plus tard, force est de constater que le compte n’y est pas.

Le marché européen était censé offrir le meilleur prix au consommateur. Au lieu de cela, comme le prix est commun et comme les opérateurs refusent de faire tourner leurs centrales à perte, il instaure, de fait, un prix unique basé sur le coût de production de la dernière centrale mobilisée, le plus cher du continent.

Le marché était censé favoriser la multiplication des producteurs-fournisseurs d’énergie, particulièrement en matière de renouvelable : il a essentiellement créé des fournisseurs qui ne produisent rien et se « gavent » sur le dos du contribuable grâce aux tarifs réglementés et à l’Arenh.

Pour le développement de la production d’EnR notamment, les règles de marché étant structurellement inadaptées, l’État a eu recours à des contrats de long terme à prix garanti avec les opérateurs. D’une manière générale, ouvrir à la concurrence les monopoles naturels et multiplier les acteurs privés utilisant la même infrastructure publique unique est une curieuse idée dont on a vu toutes les limites avec le rail. Il faudra – hélas ! – encore quelques années à certains pour s’en apercevoir.

Pour l’électricité, qu’il faut à chaque instant produire dans des quantités suffisantes, mais sans surplus, multiplier les acteurs privés avant tout soucieux de leurs marges sur un réseau interconnecté reliant une trentaine de pays relève tout simplement de l’inconscience.

Résultat des courses : une spéculation débridée et des tarifs totalement déconnectés des coûts de production. C’est encore une fois l’État, à coups de bouclier tarifaire, qui vient amortir cette inconséquence. L’échec est complet : à part quelques libéraux dogmatiques confinant au fanatisme, tout le monde le concède !

Malgré quelques réticences, les États membres ont enfin décidé de restructurer le marché unique de l’électricité. Mais ni la proposition de la Commission de plafonner à 200 euros par mégawattheure les prix d’achat aux producteurs disposant des centrales les moins chères ni la proposition française de développer des contrats à long terme publics ou privés ne semblent à ce stade en mesure de protéger les consommateurs de la volatilité des prix ou de sécuriser les investissements nécessaires à la transition énergétique.

Ces propositions ne sont pas à la hauteur de l’attente des artisans, boulangers en tête, qui voient leurs factures multipliées par trois, quatre ou cinq. Elles ne sont pas davantage à la hauteur de l’attente des 12 millions de nos compatriotes en situation de précarité énergétique, de nos industriels, qui menacent de délocaliser, ou de nos collectivités, qui sont obligées d’augmenter les impôts locaux.

Elles ne sont également pas à la hauteur de l’urgence de la transition énergétique, qui demande de la visibilité à moyen et long termes pour tous les acteurs.

Seule la puissance publique est en mesure de réguler les prix payés par les consommateurs en harmonisant les coûts très variables d’un type de production à l’autre et de planifier les investissements nécessaires à la transition. L’énergie n’est pas une marchandise comme les autres ; c’est un bien commun dont la fourniture à prix régulé doit être garantie.

C’est le sens de la proposition des écologistes lors de l’élection présidentielle de remettre à plat des directives européennes.

Je précise au passage que contrairement à ce que veut bien raconter le ministre, suspendre ou sortir du marché commun de l’électricité, ce n’est certainement pas mettre un terme à la solidarité ou au commerce d’électricité entre pays européens, qui existait avant et existera après le marché unique.

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