Intervention de André Gattolin

Réunion du 12 janvier 2023 à 14h30
Sortir le système électrique des mécanismes concurrentiels — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Je tiens à remercier celui qui en est à l’origine, notre collègue Fabien Gay, fin connaisseur et vigie sur ces questions, car il touche là à un sujet sensible. Je souscris à certains des constats qu’il dresse concernant les déficiences de l’organisation actuelle du marché de l’électricité, ses abus et la nécessité de le réformer.

Au-delà des imperfections liées à la manière dont nous avons procédé, en France, à la libéralisation, pour nous conformer aux directives européennes ouvrant les secteurs de la production et de la fourniture d’électricité à la concurrence, rappelons que, si les prix de l’énergie ont atteint des sommets en 2022, c’est essentiellement en raison de l’agression de l’Ukraine par la Russie et de l’utilisation par cette dernière de l’approvisionnement en gaz comme une arme de guerre. La flambée des prix du gaz qui en a découlé s’est répercutée sur le prix de l’électricité produite dans les centrales et, par ce biais, sur les prix de l’électricité en général.

La corrélation entre le prix du gaz et le prix de l’électricité, due au principe de la préséance économique, ou merit order, fondé sur le coût marginal de la dernière source de production mobilisée – le gaz, en l’occurrence –, n’est pas étrangère à l’actuelle flambée des prix. Le gouvernement français a été l’un des premiers à militer pour une réforme de ce mécanisme, dans le sens d’une décorrélation du prix du gaz de celui de l’électricité sur le marché européen.

S’il existe des raisons objectives de critiquer ce mécanisme de fixation du prix de l’électricité au niveau européen, c’est précisément parce que la question de la sécurité des approvisionnements énergétiques a, trop souvent, été mise sous le tapis ces dernières années.

Nous avons ainsi privilégié un coût de l’énergie et, surtout, de l’électricité, le plus bas possible à court terme, au détriment d’une vision à plus long terme d’une meilleure indépendance énergétique de notre continent. Nous avons facilité la consommation au détriment des investissements dans la production d’électricité, car ceux-ci créent, évidemment, un coût final plus élevé.

Certains sont tentés, comme le font les auteurs de cette proposition de résolution, d’en attribuer la responsabilité à l’Europe et à la libéralisation du marché de l’électricité.

On oublie cependant que nous en avons beaucoup bénéficié, à l’échelon national, jusqu’à la guerre en Ukraine et que le mécanisme de la préséance économique a aussi largement contribué au développement des énergies renouvelables.

On oublie également que nombre des dysfonctionnements constatés aujourd’hui proviennent de la manière dont nous avons géré la libéralisation du secteur, essentiellement au profit des distributeurs d’électricité plutôt qu’au profit des producteurs.

La loi Nome, adoptée par le Parlement français en 2010, est loin d’avoir rempli ses objectifs en matière de diversification de l’offre de production et a même entraîné certains effets spéculatifs, justement dénoncés par notre collègue Fabien Gay.

Par ailleurs, je veux rappeler ici que nous étions fort peu nombreux dans cet hémicycle voilà sept ans, soit deux ans à peine après l’invasion de la Crimée, à nous opposer à la construction du gazoduc Nord Stream 2, qui accroissait significativement notre dépendance énergétique à la Russie.

En revanche, au même moment, la commission des affaires européennes du Sénat s’était fermement opposée – la seule voix discordante était la mienne… – à une proposition de décision du Parlement européen et du Conseil qui, au nom de la sécurité d’approvisionnement de l’Union européenne en gaz naturel, obligeait les États membres à soumettre ex ante à la Commission, pour évaluation et suivi, tous leurs projets d’accords intergouvernementaux d’achat de gaz avec des États non-membres de l’Union.

Il faut donc bien travailler à une réforme rapide du marché européen de l’électricité. L’Union ouvrira, dans quelques jours, une consultation publique à ce sujet. Je vous invite d’ailleurs à y participer, car les Français sont souvent trop peu présents face à des Allemands vingt fois plus nombreux…

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