Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je remercie nos collègues du groupe CRCE d’avoir inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée cette proposition de résolution.
Indéniablement – tous nos compatriotes en vivent les difficultés, dans leur quotidien ou dans leurs entreprises –, le marché européen de l’électricité n’a pas répondu aux objectifs initiaux qui lui étaient assignés.
Le principe de la concurrence libre et non faussée n’a pas diminué le prix de l’électricité. Il alimente l’inflation et n’a en rien permis de lutter contre la précarité énergétique. En France, il a même conduit à l’affaiblissement d’EDF, le plus important énergéticien d’Europe et l’un des premiers au monde. À dessein, ou faute de pilotage stratégique de la part l’État, actionnaire majoritaire, EDF a été sacrifiée sur l’autel de la concurrence. Ce qui fonctionnait jusque-là et participait grandement de notre souveraineté industrielle nationale a été déconstruit et affaibli.
Je le rappelle, le critère d’évaluation de la réussite du développement du marché était non pas le prix ni la qualité du service, mais la quantité et la proportion de l’électricité vendue par des fournisseurs alternatifs à EDF.
Or ces fournisseurs alternatifs n’ont jamais respecté l’obligation initiale qui leur était faite de produire par leurs propres moyens de l’électricité. Du négoce, du commerce ! Ils achètent et ils revendent, pour une proportion importante à un prix administré, via le mécanisme de l’Arenh dont on sait la destruction de valeur qu’il a causée pour l’entreprise nationale EDF.
Tout cela pour en arriver, bien avant l’agression russe de l’Ukraine, à une envolée croissante des prix, alimentée par une crise de l’offre et des pratiques de spéculation qui ont largement enrichi les traders des marchés de l’énergie. Si certains consommateurs se sont appauvris et ont plongé dans la difficulté, d’autres acteurs en ont fait leur richesse.
Rien de ces surplus spéculatifs créés par le marché ne s’est perdu. En revanche, nos concitoyens, nos artisans, nos entreprises – TPE, PME et ETI –, les collectivités locales et jusqu’à nos grands groupes industriels, dont les électro-intensifs, en ont payé et en payeront encore longtemps les conséquences financières au risque, pour beaucoup, d’une plus grande précarité ou de la perte de leur outil de travail.
Nous sommes pris entre, d’un côté, les États-Unis, qui mettent en œuvre leur très patriotique acte de réduction de l’inflation, et la Chine, dont la politique de l’offre est financée par l’État, le tout dans un total déni des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ou de ce qu’il en reste.
Dans ce contexte extrêmement préoccupant, qu’attendons-nous du Gouvernement, non pour résoudre les difficultés de l’instant, auxquelles il apporte quelques solutions conjoncturelles, mais pour répondre aux problèmes structurels du marché de l’électricité ? C’est la question que soulève cette proposition de résolution, dont nous partageons totalement les constats.
L’électricité n’est pas un bien marchand comme un autre. Elle est d’abord, plus que tout autre produit, au cœur de la civilisation, et elle le sera plus encore avec le temps, eu égard aux transitions que doit opérer notre société pour être au rendez-vous climatique de la neutralité carbone en 2050.
On la retrouve de l’alimentation aux transports, en passant par l’habitat. Elle est absolument partout, comme le sont depuis plus de deux siècles les énergies fossiles. Ne se stockant pas à grande échelle, elle nécessite un ajustement parfait et permanent entre la production et la consommation. En définitive, l’électricité est un bien commun, et doit être appréhendée comme telle.
Tout d’abord, ce qui est aujourd’hui hors du marché doit le rester, ainsi des concessions hydrauliques.
La régulation encore existante doit être préservée. C’est le cas des tarifs réglementés de vente (TRV), qui doivent être élargis au-delà du seuil de 36 kilovoltampères.
De plus, comme nous le demandent tous – je dis bien « tous » – les entrepreneurs, les contrats d’approvisionnements doivent répondre à deux objectifs à conjuguer : visibilité à moyen et à long terme et stabilité des prix dans le temps. Les prix doivent être indépendants du marché des énergies fossiles.
La proposition de résolution invite à extraire le marché de l’électricité de la concurrence. Nous pensons que, si cette option doit être privilégiée, des régulations spécifiques doivent aussi être envisagées.
À chaque fois que nous interrogeons le Gouvernement sur ses propositions de réforme structurelle du marché, qu’il défend au sein des instances européennes, aucun début un tant soit peu concret de réponse ou d’orientation ne nous est apporté. Madame la ministre, prenez vos responsabilités pour défendre l’intérêt général des Français à Bruxelles, et passez enfin des déclarations d’intention à la négociation !
Faites-nous part dès aujourd’hui des options de réforme structurelle que vous entendez porter dans l’intérêt de la France comme de l’Union européenne !