En ce qui concerne les points de consensus, je partage globalement l'analyse de la Cour des comptes sur le niveau des dépenses locales et sur leur évolution. Il y a notamment eu toute une série de transferts de compétences ou de modifications structurelles de l'organisation, qu'il convient de souligner.
Le premier constat partagé est lié à l'augmentation des ratios d'autonomie financière et à la diminution des ratios d'autonomie fiscale. C'est un point clé. Les ratios d'autonomie financière, c'est un problème de dénominateur : la réduction drastique de la dotation globale de fonctionnement (DGF) augmente l'autonomie financière. Mais le fond du sujet, qui doit conduire notre réflexion, c'est la diminution de l'autonomie fiscale. François Rebsamen l'a rappelé, c'est un vieux rêve pour un certain nombre de ministères... Pour autant, il s'agit d'un point essentiel dans la construction même de la décentralisation et dans la façon de faire vivre une République décentralisée.
Au-delà de l'aspect technique du ratio entre autonomie financière et autonomie fiscale se pose une question politique : la capacité du bloc communal ou des élus locaux à infléchir les politiques publiques et à appeler l'impôt pour mettre en oeuvre les choix opérés. On nous oppose parfois le modèle allemand, qui est un modèle par dotation. Mais je rappelle que la chambre haute allemande ne joue pas le même rôle sur la question de la visibilité des dépenses ni en matière de cadrage des finances publiques locales. Il est essentiel pour nous de redonner une forme d'autonomie fiscale aux collectivités locales.
Le deuxième point de consensus extrêmement important est la visibilité. Les collectivités du bloc communal ont cette particularité de porter à la fois les services publics du quotidien et 70 % des investissements publics : écoles, routes, réseaux d'eau et d'assainissement, transports en commun, etc. La plupart de ces investissements ont pour caractéristique de nécessiter du temps long. Or, quels que soient les gouvernements, nous apprenons toujours au dernier moment - à la fin du mois de décembre - comment vont évoluer les finances l'année suivante, au 1er janvier... Cette dissymétrie temporelle pose un problème majeur.
Trois paramètres devraient fonder notre réflexion collective : la lisibilité - le fait que le système fiscal soit compréhensible par le contribuable est un enjeu démocratique -, la prévisibilité et la responsabilité. Comme l'AMF a eu l'occasion de le souligner à de très nombreuses reprises, on ne peut se satisfaire d'un système dans lequel celui qui décide ne finance pas, car cela entraîne une confusion démocratique.
La question de la responsabilité est politique et financière : politique parce qu'elle implique que le citoyen puisse identifier celui qui porte telle ou telle politique publique et financière car elle implique que dès lors qu'une politique a été transférée ou que des normes ont été imposées, celles-ci fassent l'objet pour leur mise en oeuvre d'un financement de celui qui a en a pris la décision. La responsabilité que j'invoque pour les collectivités locales, je la revendique aussi pour le Gouvernement. Tout cela pose la question du pilotage des finances publiques : nous appelons de nos voeux à la fois une loi de programmation dédiée aux collectivités locales et la création d'une instance de contrôle. Je partage les mêmes réserves que François Rebsamen sur les hautes autorités indépendantes, dont on ne sait finalement plus de qui elles sont l'émanation ni quelle est leur indépendance réelle. En revanche, j'ai confiance en une instance qui émanerait des élus de la République pour s'assurer de la qualité de la construction financière dans la relation entre les collectivités territoriales et l'échelon central.
Une telle instance pourrait résulter de la fusion du CFL et du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN). Elle serait l'émanation des collectivités territoriales.