Intervention de Victorin Lurel

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 13 octobre 2022 : 1ère réunion
Audition de Mme Huguette Bello présidente du conseil régional de la réunion dans le cadre de l'étude de la délégation sur l'évolution institutionnelle outre-mer

Photo de Victorin LurelVictorin Lurel :

Nous avons un problème de méthode.

La lettre envoyée par le Gouvernement propose donc une revue générale des politiques publiques. Cette revue aura lieu sur la loi Élan, sur la loi Littoral, sur une potentielle forme d'autonomie pour la politique maritime, sur la rénovation énergétique, sur la réglementation thermique ou encore sur les questions agricoles.

L'État et un grand nombre d'élus pensent qu'il faut avant tout améliorer les politiques publiques, dans le cadre institutionnel existant, avant d'envisager une révision constitutionnelle. Quel est l'état d'esprit des élus et de l'opinion à La Réunion ? Dans quelle direction souhaitent-ils aller ?

En 2003, une consultation préalable a eu lieu pour recueillir l'assentiment de la population. Le « non » à l'assemblée unique fut massif en Guadeloupe - on m'a alors traité de conservateur. Mais je persiste. Aujourd'hui, la Martinique et la Guyane n'en veulent plus ! Il faut donc évoluer. Soit, dans le cadre du droit commun - on améliore l'existant grâce à la revue générale des politiques publiques - soit l'on change de régime législatif.

Une autre voie possible est de modifier la Constitution, mais il faut savoir si les élus sont prêts à se pencher sur la question. Mme Bello dit que l'on peut faire mieux dans le cadre existant. L'essentiel est la délégation des compétences au département et à la région, mais dans un cadre assoupli, élargissant le champ des possibles. Demander leur avis à la population et aux élus, c'est la meilleure façon d'enterrer le dossier. Il faut avant tout trouver un consensus entre élus, sans pour autant éloigner les populations. Ensuite, nous pourrons modifier la Constitution.

Si un département veut rester tel quel, c'est son choix ; mais le périmètre constitutionnel sera élargi et assoupli, offrant plus de choix et de libertés, pour définir son propre régime législatif.

J'ai dit au président François Hollande que l'égalité transcendait les statuts. Je me méfie de la conception française de l'autonomie, qui consiste à dire que si l'on veut plus d'autonomie, il faut payer. Restons prudents, Mme Bello a raison. Toutefois, je dis aux élus qu'il ne faut pas avoir peur d'une révision constitutionnelle. Une fois la révision des politiques publiques effectuée, il faudra se préparer à convaincre nos populations que ce changement, respectueux de la subsidiarité, sera bénéfique.

Le Gouvernement et la majorité sénatoriale nous ont déjà « fait le coup ». Une proposition de loi portée par Mathieu Darnaud, dans son article 6, visait à améliorer la rédaction des articles 73 et 74 de la Constitution. C'était déjà une avancée par rapport à l'existant. Le problème reste l'interprétation restrictive qu'a le Conseil constitutionnel de l'adaptation. Par exemple, quand François Mitterrand a voulu supprimer les cantons en 1982, on lui a dit non ; il a ensuite fallu modifier la Constitution. Le Gouvernement est très frileux, et il compte sur nos divisions. Résultat : au Sénat, ce fameux article 6 a été retiré en séance.

Nous devons modifier les articles 73 et 74. Ensuite, les collectivités seront libres de choisir, et donc de ne pas modifier leur statut si elles le souhaitent. De plus, une consultation préalable des populations aura lieu, et nous arrêterons de prendre des décisions à l'aveugle. Si l'on conditionne une révision constitutionnelle à une révision générale des politiques publiques et à un consensus préalable entre élus, on nous refera « le même coup » et l'on nous demandera de nous entendre au préalable entre nous. Le Gouvernement profitera de nos positions divergentes pour retirer le texte.

Je me bats pour une révision constitutionnelle. Je veux aller plus loin dans la notion d'adaptation. Je veux plus de responsabilités et une augmentation des dotations aux outre-mer, compte tenu du long retard qui est le nôtre, depuis toujours. Ce combat demande un minimum d'unité. Si l'on se déchire sur la révision constitutionnelle en laissant des démagogues faire croire que ce serait l'antichambre de l'indépendance, on ne réussira rien et le Gouvernement nous renverra à nos divisions et à nos peurs.

Madame Bello, quel est l'état du débat public et de l'opinion à La Réunion ?

Je souhaite que l'on ouvre le champ des possibles. Ensuite, nous aurons dix ou quinze ans de combats à mener pour convaincre nos opinions de changer la donne, tout en respectant le principe de subsidiarité. J'appelle à la confiance : les élus doivent travailler ensemble, et ne braquons pas nos opinions. Le président Emmanuel Macron n'a pas la majorité parlementaire à lui tout seul. Il nous faut nous mettre d'accord a minima, pour sortir d'une interprétation restrictive de l'adaptation par le Conseil constitutionnel. Saisissons cette chance unique.

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