Chers collègues, nous reprenons ce matin nos auditions dans le cadre de la préparation du rapport de la délégation sur la gestion des déchets dans nos outre-mer. Nos deux rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, effectuent un travail d'investigation considérable et ont souhaité un éclairage particulier sur les aspects sanitaires de cette problématique. Nous entendrons donc successivement :
· au nom de la Direction générale des outre-mer (DGOM), M. Stanislas Alfonsi, adjoint au sous-directeur des politiques publiques et Mme Delphine Colle, chef du bureau de l'écologie, du logement, du développement et de l'aménagement durables (BELDAD) ;
· pour la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), MM. Philippe Bodenez, chef du service des risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des pollutions diffuses et Jean-François Ossola, adjoint de la cheffe de la planification et de la gestion des déchets ;
· pour la Direction générale de la santé (DGS), Mme Caroline Paul, chef du bureau environnement extérieur et produits chimiques et M. François Klein, chef de la mission outre-mer.
Nos rapporteures vous ont transmis leurs questions. Les personnes concernées par cette problématique sont souvent en situation de précarité. Outre les pathologies et les contaminations directes, nous sommes aussi préoccupés par la pollution de l'air, de l'eau et du sol. N'oublions pas non plus les enjeux spécifiques à chaque territoire, comme la gestion des déchets à la suite des essais nucléaires en Polynésie ou les déchets issus de l'exploitation minière en Nouvelle-Calédonie et en Guyane.
La Délégation sénatoriale aux outre-mer a engagé mardi dernier un cycle d'auditions sur les perspectives d'évolution institutionnelle outre-mer. Je vous rappelle que notre objectif est double : d'une part, faire un tour d'horizon des souhaits d'évolution dans les territoires ultramarins, souhaits qui se sont notamment exprimés dans l'Appel de Fort-de-France le 17 mai dernier ; d'autre part, mûrir la réflexion sur une éventuelle révision des dispositions constitutionnelles relatives aux outre-mer, à l'occasion de l'élaboration du prochain cadre institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
Pour cette réflexion, nous bénéficions du rapport précurseur du président Michel Magras, publié en 2020 : Différenciation territoriale outre-mer, quel cadre pour le sur-mesure ?
Nous avons également l'éclairage des juristes de l'Association des juristes en droit des outre-mer (AJDOM), que nous avons rencontrés le 29 juin dernier.
Pour notre deuxième audition, nous accueillons ce matin, en visioconférence, une des signataires de l'Appel de Fort-de-France, Mme Huguette Bello, présidente du conseil régional de La Réunion.
Madame la présidente, nous vous remercions chaleureusement de votre disponibilité. Je vais vous céder la parole pour un exposé liminaire d'une dizaine de minutes, sachant qu'un questionnaire vous a été adressé au préalable pour préparer cette audition.
Nous souhaitons bien entendu vous entendre sur la fameuse disposition du cinquième alinéa de l'article 73 de la Constitution, dit « amendement Virapoullé ».
Monsieur le président, nous nous sommes déjà vus à la fin du mois de mai dans le cadre d'une audition plus générale. C'est toujours pour nous un plaisir de venir rendre compte au Sénat et à sa délégation aux outre-mer. Aujourd'hui, les questions portent sur la thématique des déchets et sur la dimension sanitaire de cette politique publique. Nous sommes accompagnés par la DGPR et par la DGS. Compte tenu de la technicité des questions qui nous ont été transmises et de leur lien avec la santé ou la prévention des risques, nous considérons que la DGOM interviendra moins que nos autres collègues.
La DGS répondra à la première question, qui porte sur les aspects généraux, les pathologies et les contaminations. Elle traitera également la deuxième question relative aux actions de sensibilisation, ainsi que la troisième question, relative à la prolifération des nuisibles. La quatrième question, qui porte sur les mesures de la qualité des eaux et des sols, sera prise en charge par la DGOM et la DGPR. La DGS, la DGPR et la DGOM répondront à la cinquième question, relative aux déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI), ainsi qu'à la sixième question, afférente à la filière responsabilité élargie des producteurs (REP). La septième question, relative aux adaptations réglementaires, sera traitée par la DGS et la DGPR. La huitième question, qui porte sur les déchets radioactifs issus des essais nucléaires en Polynésie, sera prise en charge par la DGPR. La neuvième question, relative à la Nouvelle-Calédonie et à la Guyane, sera traitée par la DGPR et la DGS. Enfin, la DGPR répondra à la dixième question, relative à l'incinération des déchets.
Pour répondre à ces questions très techniques, les directions « métiers » sont davantage en première ligne que la DGOM. Je vous propose de céder la parole aux collègues de la DGS pour la première question.
Je vous remercie de prendre le temps de considérer la position de la région Réunion sur ce sujet d'importance qu'est l'avenir institutionnel des outre-mer. Nous sommes la région ultramarine la plus importante sur le plan démographique, puisque nous comptons presque 870 000 habitants. Les difficultés sont intenses, sachant que 40 % de notre population vit en dessous du seuil de pauvreté.
Vous nous avez fait parvenir un certain nombre de questions ; nous tâcherons d'y répondre avec sincérité.
Ce bilan est celui de soixante-seize ans de départementalisation, depuis la loi du 19 mars 1946 et des 40 ans de la régionalisation issue des lois de décentralisation. C'est un bilan extrêmement riche, globalement positif, marqué par des progrès évidents dans de nombreux domaines, tels que la santé, l'éducation, la formation, l'élévation du niveau de vie, les infrastructures, les acquis sociaux ; mais un bilan caractérisé aussi par un « mal-développement » se traduisant par un chômage structurel , la persistance d'inégalités criantes, et une part importante de la population vivant sous le seuil national de pauvreté, et l'absence de perspectives pour une grande partie de la jeunesse pourtant formée et diplômée.
Le sentiment d'insatisfaction se lit lors des élections par l'importance de l'abstention et des votes contestataires. Si l'on considère les résultats de la dernière élection présidentielle, il est manifeste que les populations ne se reconnaissent plus dans les décisions prises à l'échelon national. À cet égard, il paraît primordial de rendre effectives les dispositions de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « loi 3DS ». Il s'agit d'impliquer plus fortement les citoyens dans l'action publique, et de donner la latitude nécessaire aux collectivités sur l'ensemble de leurs domaines de compétence. Il y va de l'efficacité de l'action publique.
Les exemples de décalage entre les aspirations et les besoins du territoire d'une part, et les limites des politiques menées, d'autre part, sont manifestes. Ce phénomène est récurrent dans de nombreux secteurs, à l'instar des normes de construction inadaptées au bâti tropical. La loi Littoral du 3 janvier 1986 s'applique aux 19 communes de l'île ayant une frange littorale, y compris les parties situées dans Les Hauts. Cela suscite de nombreuses difficultés au risque même de remettre en cause les actions favorables à un aménagement équilibré et respectueux de l'environnement comme à Mafate.
De plus, l'application de l'article 42 de la loi Élan du 23 novembre 2018 impose d'identifier des formes d'habitats existants dans les schémas de cohérence territoriale (Scot) et les plans locaux d'urbanisme (PLU). Or si ces espaces sont classés en zone urbaine, la demande de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Deal) pourrait engendrer des problèmes de compatibilité entre ces documents, ainsi qu'avec les schémas d'aménagement régional si ces zones urbaines n'y sont identifiées. La loi a prévu des dérogations pour la Corse (PADDUC), mais pas pour nos régions (SAR).
L'application de l'objectif « zéro artificialisation nette » fixé par la loi Climat et résilience du 22 août 2021 sera délicate sur un terrain insulaire très contraint et à forte croissance démographique. Nous sommes également classés au patrimoine mondial, nous avons un parc national et nous devons préserver les espaces agricoles, l'avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) étant par ailleurs requis. Les plans de prévention des risques (PPR) gèlent aussi de nombreuses possibilités. Il est donc très compliqué de compenser les besoins d'extension.
Autre exemple, dans le domaine de la coopération régionale et de l'action internationale, où l'État ou l'Union européenne concluent des accords de coopération avec des pays de notre environnement des accords sans que nous y soyons associés. Nos capacités juridiques d'agir dans ce domaine ne sont pas à la hauteur de l'ambition que nous portons : une véritable politique de co-développement régional.
Une autre illustration, dans les conditions actuelles, l'impossibilité pour la région de porter une grande politique maritime. La Réunion est le navire amiral de la France dans l'océan Indien. Pourtant, l'État exerce une compétence exclusive sur les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et dans le domaine de la pêche, l'ensemble des compétences reviennent à l'Union européenne, sans que la région ne soit associée.
Souhaiterions-nous exercer des compétences normatives ? À l'inverse, voulons-nous en restituer à l'État ?
Dans tous les domaines cités, il serait souhaitable que la région puisse disposer de compétences normatives.
Je pourrais citer d'autres exemples : s'agissant de l'économie, nous devrions pouvoir agir en matière de régulation pour éviter les situations de position dominante ou de monopole caractéristiques d' « économies de comptoir » Pour l'énergie, La Réunion ne dispose pas du diagnostic de performance énergétique, comme en France continentale (norme nationale) ou encore comme en Martinique et en Guadeloupe (norme locale validée par habilitation).
Nous avons aussi été désignés pour déployer le service d'accompagnement à la rénovation énergétique, repris sous la marque France Rénov'. Une méthodologie adaptée au contexte local a été élaborée, afin de réaliser les diagnostics énergétiques des logements. La région Réunion devrait avoir la possibilité de valider un diagnostic de performance énergétique (DPE) spécifique pour le territoire, comme l'appelle de ses voeux la Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics (FRBTP). Il serait nécessaire d'y inclure l'installation de panneaux en photovoltaïques en autoconsommation. Dans le même ordre d'idées, on pourrait envisager de modifier la réglementation thermique, acoustique et aération (RTAA-DOM) pour les constructions neuves avec l'installation obligatoire de panneaux photovoltaïques en autoconsommation.
A contrario, l'État doit assumer pleinement ses compétences pour la continuité territoriale, afin de garantir l'égalité de traitement entre les territoires, comme cela a été réalisé en Corse et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette intervention est d'autant plus légitime que la région Réunion est la région la plus éloignée de la France hexagonale.
Quelle appréciation portons-nous sur la prise en compte des spécificités ou des souhaits des outre-mer lors de l'élaboration des lois et décrets ?
Il existe un vrai décalage entre la proclamation au plus haut niveau de l'État du « réflexe outre-mer » et la réalité législative. Deux textes récents ont fait l'impasse sur nos territoires : la loi du 16 août 2022 portant sur des mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat et le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. L'archipel France est encore une vue de l'esprit pour les services centraux !
La révision constitutionnelle de 2003 ne semble pas encore aller de soi, et ce n'est qu'au prix d'une énergie démesurée que l'on peut parfois rectifier le tir - par voie d'amendements. L'adaptation des normes nationales par la voie des ordonnances est de moins en moins acceptable et acceptée. Il faut une véritable prise de conscience sur le fait qu'une absence de réflexion normative en amont entraîne de lourdes conséquences au détriment de nos territoires. Pour y remédier, il faut associer systématiquement le ministère des outre-mer et les exécutifs locaux à l'élaboration des normes. Il convient d'appliquer automatiquement l'article 73 de la Constitution en rendant obligatoire la justification de l'absence d'adaptation.
Pour conclure sur ce point, les lois d'orientation ou de programmation relatives aux outre-mer doivent prendre en compte notre véritable diversité. La refondation que nous réclamons requiert de conjuguer au pluriel la fabrique de la loi pour les outre-mer.
Je tiens à préciser que c'est précisément cette logique plurielle qui sous-tend l'Appel de Fort-de-France. La refondation que nous appelons de nos voeux n'implique pas, comme par le passé, une réponse unique mais doit au contraire se traduire dans les multiples expressions élaborées par chacun des territoires.
Un passage au principe de spécialité législative serait-il souhaitable ?
La Réunion dispose d'un statut d'identité législative « renforcée » qui est spécifique. Le cinquième alinéa de l'article 73 écarte en effet la possibilité pour La Réunion de légiférer sur habilitation du Parlement. Il pourrait être intéressant d'expérimenter le principe de spécialité législative, dans un certain nombre de domaines comme par exemple pour la politique énergétique, le logement ou en matière de lutte contre l'illettrisme, à partir du moment où cette expérimentation est encadrée par une habilitation.
Quelle appréciation porter sur les mécanismes qui permettraient de solliciter des habilitations à adopter les normes dans les domaines de compétence de l'État ?
Le cinquième alinéa de l'article 73, qui occupe le champ politique réunionnais depuis quinze ans, est devenu l'objet de fantasmes et l'instrument d'arrière-pensées électorales. Ouvrir à La Réunion la faculté de pouvoir dicter des normes comme cela est reconnu à la Guyane, à la Martinique et à la Guadeloupe relève d'une approche pragmatique, parfaitement dans l'esprit du principe de différenciation étendu désormais au niveau national. À mon avis, le sujet doit se concentrer plutôt sur les moyens de rendre plus opérationnel le dispositif. La puissance que l'on prête à ce dispositif dépasse, et de loin, sa véritable portée et a totalement laissé de côté ses imperfections qui ne sont pourtant pas minces.
La lourdeur de la procédure et le coût élevé de l'ingénierie sont bien connus. Autre difficulté de taille : contrairement à un transfert de compétence, l'habilitation ne s'accompagne pas de ressources financières nécessaires à sa mise en oeuvre. Le projet de réforme constitutionnelle de 2018 avait prévu des améliorations à cet égard.
Aux termes du second alinéa de l'article 73 de la Constitution, le conseil régional de La Réunion dispose d'une faculté d'adaptation des lois et des règlements dans les matières relevant de ses compétences. Toutefois, aucune initiative n'a été prise en ce sens. C'est la raison pour laquelle nous pensons que les marges de manoeuvre offertes par cet article n'ont pas été épuisées. Nous sommes favorables à l'optimisation de toutes les facultés offertes par l'article 73.
Jusqu'à présent, aucune collectivité de La Réunion n'a eu recours à l'expérimentation prévue au quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution. Ce dispositif de droit commun est très peu utilisé en raison de des conditions de sortie au bout de cinq ans ; généralisation ou abandon. La suppression par la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, de cette alternative ( « généralisation de l'expérimentation ou abandon » ) renforcera peut-être l'attractivité de l'expérimentation. Il faut néanmoins noter que le Conseil d'État avait déjà admis dans un arrêt récent de 2019 que pour les outre-mer, les expérimentations pouvaient être pérennisées. Nous envisageons d'y recourir afin de lutter contre l'illettrisme, qui se maintient à un niveau élevé dans notre île.
À propos du bon fonctionnement des institutions réunionnaises, je crois que l'organisation des institutions dans une région monodépartementale exige une concertation permanente entre tous les acteurs. La qualité du dialogue est essentielle ; entre les collectivités entre elles, et entre elles et l'État. À cet égard, la conférence territoriale de l'action publique (CTAP) est un bon outil. Elle sera d'ailleurs réunie le 2 décembre prochain.
Vous m'interrogez également sur la pertinence de créer une collectivité unique. La région monodépartementale a suscité des interrogations et des critiques. Mais force est de constater qu'à l'épreuve des faits, La Réunion est parvenue à une répartition cohérente des compétences, allant parfois au-delà de ce qui était prévu par les textes, grâce à un exercice volontaire d'harmonisation des compétences. La loi NOTRe du 7 août 2015 a également contribué à une clarification nécessaire des compétences respectives de chaque collectivité. Certes, des marges de progrès existent, mais la dynamique actuelle ne passe pas nécessairement par une modification de l'architecture institutionnelle. En janvier 2028, la compétence agricole sera transférée au conseil régional, la région assumera ainsi une responsabilité globale dans le domaine économique.
Parallèlement, la situation sociale hors norme de La Réunion est une réalité qui doit être prise en compte et qui confère au niveau départemental toute sa légitimité.
Lors de chaque transfert de compétence se pose la question des moyens et de leur dynamisme. Les routes nationales ont été transférées au conseil régional en 2008. Or, au moment du transfert, certaines d'entre elles ne répondaient pas du tout aux normes de sécurité. Il s'agit de la route du littoral, de la route du cap la Houssaye et de la route de Cilaos (RN5). Cela représente un coût financier très lourd pour notre collectivité. En outre, des problèmes persistent. L'État estime ainsi qu'il conserve un droit de regard sur la gestion des routes nationales : ce fut le cas au moment de l'ouverture de la nouvelle portion de la route du littoral.
La déconcentration est le problème de l'État. Il me paraît utile que les préfets puissent adapter leurs décisions aux réalités locales, comme lors de la crise sanitaire.
Il va de soi que le statut à la carte prôné au plus haut niveau de l'État par Jacques Chirac en 2000 dans son discours au Palais des Congrès de Madiana en Martinique est appelé à connaître de nouveaux développements. Depuis la révision constitutionnelle de 2003, il n'existe plus de distinction binaire entre les articles 73 et 74 de la Constitution : il y aurait donc une certaine logique que le droit coïncide avec la réalité. Toutefois, il faut être prudent sur cette question et examiner au préalable toutes les conséquences d'une telle évolution, notamment au niveau européen. Ce travail doit sortir du cénacle des spécialistes pour s'élargir à tous les citoyens. Faisons preuve de pédagogie afin d'écarter les postures démagogiques.
Pour ma part, je considère qui si fusion de ces articles devait avoir lieu, elle devrait garantir l'identité institutionnelle propre de chaque collectivité, et, pour La Réunion, son statut de département et de région.
Préciser le sens des notions de différenciation et de responsabilisation clarifierait les termes du débat.
La différenciation désigne la faculté de mettre en oeuvre des politiques publiques adaptées à la diversité des territoires. Elle recouvre la possibilité pour une ou plusieurs collectivités d'exercer des compétences dont ne disposent pas toutes les collectivités de même catégorie. La responsabilisation désigne la faculté pour une collectivité d'adopter des normes à son territoire.
La notion d'autonomie recouvre quant à elle la possibilité pour une collectivité d'adopter des normes sans habilitation. L'habilitation marque la frontière entre ces notions.
Nous souhaitons que le cinquième alinéa de l'article 73 de la Constitution soit supprimé, étant entendu que des améliorations doivent être apportées à la procédure actuellement prévue par cet article. Assurer l'avenir d'un territoire et d'une société exige de passer par la différenciation. L'uniformité des règles présente plus de risques que d'avantages. Ce n'est d'ailleurs plus l'apanage des outre-mer : le droit commun se transforme peu à peu en un droit différencié. Cette réalité rejoint les propos du général de Gaulle qui déclarait en 1968 que « l'effort multiséculaire de centralisation, qui fut longtemps nécessaire pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui étaient successivement rattachées, ne s'impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de la puissance économique de demain ».
Outre les possibilités que celle-ci ouvrirait, la suppression du cinquième alinéa de l'article 73 de la Constitution présenterait également une portée symbolique : elle signifierait que les Réunionnais ont confiance en eux-mêmes, que nous croyons à notre capacité collective d'agir pour les intérêts propres de La Réunion et des Réunionnais.
C'est finalement donner plus de force à notre statut de département et de région.
Je pense que la population aspire à une plus grande efficacité de l'action publique. Tous les acteurs reconnaissent qu'une nouvelle étape de notre développement est nécessaire pour faire face aux nouveaux défis. L'autonomie énergétique, la transition écologique, la sécurité alimentaire, l'insertion dans notre environnement géo-économique sont des objectifs partagés. Nous devons discuter de notre projet de développement : ceux qui veulent polémiquer sur les questions institutionnelles font diversion. La région Réunion vient d'engager la révision du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) en vue de définir ce que nous intitulons « La Nouvelle Économie ». Il s'agir de bâtir La Réunion de 2030. Ce sont les exigences du développement qui appelleront les moyens juridiques et financiers nécessaires à l'adoption d'une approche pragmatique, et non l'inverse.
Mesdames et Messieurs les sénatrices et les sénateurs, la DGS vous remercie de pouvoir s'exprimer sur les enjeux sanitaires liés aux déchets dans les outre-mer. Nous constatons tout d'abord que l'impact sanitaire lié aux déchets est similaire à celui rencontré sur l'ensemble du territoire français, mais que les risques s'en trouvent augmentés dans nos outre-mer en raison des difficultés rencontrées dans la gestion des déchets.
Quels sont ces risques et quelles sont les pathologies de contamination constatées ? Tout d'abord, des déchets sont abandonnés dans l'espace public, ce qui engendre des conséquences sanitaires manifestes, qui impactent les populations. L'abandon de déchets, notamment les gros électroménagers et les véhicules hors d'usage (VHU) favorisent la prolifération d'espèces nuisibles, potentiellement vectrices de maladies transmissibles aux populations. Les déchets favorisent la rétention d'eau stagnante, la constitution de gîtes larvaires et entraînent le développement de moustiques vecteurs de différentes maladies (chikungunya, dengue, paludisme, etc.). Ces situations favorisent aussi la prolifération de rongeurs, porteurs de maladies telles que la leptospirose.
Plus généralement, l'abandon de déchets entraîne une dégradation de l'environnement proche des populations, notamment de la qualité des eaux superficielles et souterraines destinées à la consommation. La qualité de l'air est également impactée, en termes de nuisances olfactives, et suite au brûlage régulier de déchets à proximité des habitations. Une enquête effectuée à La Réunion montre que 86 % des Réunionnais pensent que les déchets dégradent les sols et 83 % perçoivent les conséquences négatives pour leur santé. Pour autant, les consignes émises par les autorités sont rarement respectées.
À Mayotte et ailleurs, plusieurs maladies sont favorisées par l'abandon de déchets : le paludisme, la dengue avec des épidémies successives, la leptospirose - qui revient régulièrement en Martinique, en Guyane et à Mayotte -, qui peut générer des conséquences très graves. La leptospirose entraîne notamment de nombreuses hospitalisations. En Guyane, une centaine de cas est comptabilisée chaque année. Le taux est 70 fois supérieur à celui de la France hexagonale.
Des maladies hydriques sont également favorisées par l'abandon de déchets, notamment la typhoïde et l'hépatite A. À Mayotte, 14 cas de typhoïde ont été dénombrés en 2021. Entre 50 et 100 cas d'hépatite A s'y ajoutent. À Mayotte, l'Agence régionale de santé (ARS) engage de nombreuses actions de veille, de prévention et de traitement des déchets pour limiter ces impacts sanitaires. Ces actions sont menées dans le cadre de la lutte anti-vectorielle (gîtes larvaires) et prennent la forme d'interventions directes et de moyens mis en oeuvre pour identifier les gîtes à risque dans les décharges sauvages, dans les véhicules hors d'usage, dans les stocks de pneus et dans l'électroménager abandonné. L'ARS accompagne aussi les associations et les collectivités pour leurs actions de lutte contre les déchets, généralement dans le cadre de chantiers d'insertion.
En Martinique, différents incendies ont frappé des sites recevant des déchets en 2021. L'ARS est beaucoup intervenue auprès du syndicat en charge du traitement des déchets, afin de limiter les risques sanitaires induits. En outre, des interrogations portent sur les déchets issus des sargasses. Ainsi, des incertitudes demeurent sur les conséquences sanitaires du dégazage, en particulier les émissions d'ammoniac.
Une problématique porte aussi sur les déchets verts, à La Réunion et à Saint-Pierre-et-Miquelon notamment. Par ailleurs, le plomb est une autre source de contamination, notamment à La Réunion, à la suite de l'abandon de batteries de voitures ou de batteries à usage industriel. Nous avons constaté des regroupements de cas de plombémie et de saturnisme infantile autour de zones de précarité dans lesquelles des batteries avaient été abandonnées. Les dépôts sauvages de batteries ont également pris des proportions importantes en milieu urbain, à La Réunion, à Mayotte et en Guyane. Des pollutions diffuses ultérieures sont à craindre.
J'aborde la seconde question. Les ARS effectuent des actions de sensibilisation des populations aux risques sanitaires liés aux déchets. Les différents territoires mettent en oeuvre des plans régionaux santé-environnement, qui comprennent tous un volet de sensibilisation à la question des déchets. À titre d'illustration, l'ARS Guadeloupe a organisé de nombreuses réunions d'information sur le sujet de l'enlèvement des véhicules hors d'usage. À Mayotte, le plan 2020-2024 comprend de nombreuses actions de sensibilisation. Au final, ces différentes actions ont pour but de réduire la production de déchets à la source et de résorber les dépôts sauvages. En la matière, nous n'obtenons pas toujours les résultats souhaités.
En Guyane, les différents acteurs sont également sensibilisés à cet enjeu, en lien avec des associations telles que la Croix-Rouge pour des projets d'assainissement. L'ARS a financé un projet « Wash » dont l'objectif est de faire monter en compétence les habitants des zones isolées ou précaires sur la bonne gestion de leurs points d'eau et des déchets.
J'ai déjà répondu à la troisième question, relative à la prolifération des nuisibles. Nous avons constaté, lors des enquêtes environnementales relatives aux cas de leptospirose ou de dengue, des problèmes sanitaires liés à la mauvaise gestion des déchets. Pour autant, il est difficile d'isoler la cause.
En ma qualité de chef du service des risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des pollutions diffuses, je peux m'appuyer sur une sous-direction en charge de l'économie circulaire et des déchets et sur une sous-direction en charge des enjeux de santé-environnement. Le conseil national de l'économie circulaire nous permet de discuter avec l'ensemble des parties prenantes, techniques ou politiques. La présidence de ce conseil reste néanmoins à pourvoir depuis les dernières élections législatives.
Notre service assure la cohérence entre la gestion des déchets et la prise en compte des impacts environnementaux de certaines pratiques. Nous menons plusieurs actions pour réduire l'impact d'une gestion des déchets déficiente sur les épidémies de dengue transmises par des moustiques. Ainsi, s'agissant des véhicules hors d'usage, dans lesquels les insectes peuvent pulluler, nous avons mis en place un plan de reprise des véhicules hors d'usage par les constructeurs automobiles. Ce plan permet de faire financer par ces derniers la reprise de véhicules hors d'usage. À ce jour, 21 437 véhicules hors d'usage ont été repris, dont 9 000 en Martinique, 4 000 en Guadeloupe, 6 000 à La Réunion, 400 à Mayotte et 2 000 en Guyane. Ces véhicules ont été récupérés dans l'espace public, mais nous avons récemment adopté des dispositions permettant de renforcer la prise en charge de ces véhicules dans des zones privées. De plus, un dispositif de police inscrit à l'article L.541-3 du code de l'environnement permet, lorsque le propriétaire d'un véhicule hors d'usage ne satisfait pas à l'obligation de remettre son véhicule à une filière agréée, de se substituer à celui-ci et de venir faire enlever le véhicule, afin de le déposer au centre VHU.
Nous avons également renforcé les obligations législatives et réglementaires, afin de faciliter la prise en charge de ces véhicules. À l'époque, nous estimions que 60 000 véhicules étaient concernés. Aujourd'hui, nous en sommes donc au tiers et le plan de reprise des véhicules hors d'usage se poursuit.
Une autre disposition figure dans la loi et vise à faire du sujet des véhicules hors d'usage un objet des filières dites à responsabilité élargie des producteurs (REP). Ainsi, à compter du 1er janvier 2023, une filière à responsabilité élargie des producteurs doit être mise en place pour les véhicules, dans laquelle les constructeurs financent ou traitent directement les véhicules hors d'usage. Jusqu'à présent, le système était équilibré financièrement dans l'Hexagone, mais ne l'était pas dans les territoires d'outre-mer ; notre objectif est d'harmoniser les règles qui s'appliqueront dans la collecte et la gestion des véhicules hors d'usage, dans l'Hexagone comme en outre-mer. À l'époque de l'adoption de la loi, en 2020, nous nourrissions des inquiétudes particulières pour les outre-mer. Nous avons donc favorisé le développement des éco-organismes dans les territoires d'outre-mer. Lorsque le taux de collecte, de tri ou de valorisation de déchets dans une filière REP est inférieur à la moyenne nationale, les éco-organismes doivent renforcer leurs financements pour permettre un retour à la normale dans la collecte et la valorisation des déchets.
Nous avons également mis en place une filière REP dans le domaine des piles et accumulateurs, incluant les batteries de voiture. Cette filière est imposée par la Commission européenne. Les deux éco-organismes chargés de cette collecte doivent déployer des plans de prévention et de gestion des déchets spécifiques aux outre-mer, afin de rattraper le retard pris.
Enfin, les pneumatiques sont des gîtes larvaires. En 2020, nous avons fait voter un article de loi prévoyant la réintégration des pneumatiques dans la législation relative aux filières REP. Jusqu'à présent, au niveau des producteurs, le volontariat était de mise dans la collecte des pneumatiques. Nous travaillons sur les textes d'application de la loi, afin de disposer d'une filière REP pour la reprise des pneumatiques. En outre, la loi de 2020 permet désormais d'impliquer les éco-organismes dans la gestion des dépôts sauvages. Lorsqu'un dépôt sauvage est repéré, il est désormais possible de demander aux éco-organismes de financer la reprise de ces déchets au prorata de la composition des déchets.
Globalement, la gestion des déchets en outre-mer présente une difficulté intrinsèque : le manque de disponibilité de filières de traitement et de valorisation des déchets. Ce manque de filières industrielles rend nécessaire l'acheminement des déchets vers l'Hexagone.
Dans certains cas, il serait possible de développer des filières locales, notamment dans le domaine de la surveillance et du contrôle. Les incendies survenus dans des décharges en Martinique entre octobre 2021 et janvier 2022 sont liés aux difficultés de gestion, l'incinérateur étant alors à l'arrêt. Ils ont produit des fumées qui ont pu exposer les riverains à des substances toxiques. Lorsque les services de la préfecture ont voulu réaliser des analyses, il a été difficile de mobiliser les laboratoires du Réseau des intervenants en situation post-accidentelle (Ripa) dans un délai inférieur à dix jours. Nous devons donc renforcer la disponibilité des laboratoires dans les territoires d'outre-mer ou faire venir plus rapidement des laboratoires pour effectuer des prélèvements et des analyses. L'association de contrôle de la qualité de l'air locale, Madininair, ne disposait pas non plus des moyens permettant d'effectuer des mesures dans la zone des incendies. Nous devons ainsi travailler non seulement sur les filières de gestion, mais aussi sur les moyens déployés en réaction à des accidents.
Concernant l'incinération, le débat est propre à la France. Cela s'explique par le fait que durant une longue période, les incinérateurs de déchets n'étaient pas conformes à leurs arrêtés d'exploitation, ce qui a généré des craintes au sein de la population. Le domaine de l'incinération est aujourd'hui l'un des plus contrôlés et des plus suivis. Les incinérateurs doivent respecter les dispositions de la directive européenne sur les effluents industriels. Cette directive prévoit périodiquement une mise à jour des réglementations techniques applicables sur l'ensemble du territoire européen. Nous avons donc récemment mis à jour l'arrêté ministériel du 12 janvier 2021 sur ce sujet. De nouveaux paramètres en sortie d'incinérateurs ont ainsi été fixés. En outre, de nouvelles techniques de dépollution à la sortie des cheminées sont régulièrement imposées. Dans ce contexte, les règles s'appliquent dans l'Hexagone comme dans les outre-mer.
S'agissant des déchets de soins à risque infectieux, deux types de traitement coexistent : l'incinération et la banalisation. Ce second procédé permet d'éliminer les bactéries présentes dans les déchets avant leur remise aux filières d'enfouissement locales. Dans les Antilles, 823 tonnes de déchets de soins à risque infectieux ont été incinérées dans ces conditions en 2021.
En outre, le soutien à l'éco-organisme chargé de la collecte des déchets de soins à risque infectieux chez les particuliers a été renforcé. L'année dernière, le taux de collecte des déchets de soins à risque infectieux s'établissait à 82 % dans l'Hexagone et à 75 % dans les outre-mer ; un rattrapage progressif est mis en place dans les outre-mer, notamment en Guyane où le taux n'est que de 40 %. À ce titre, des campagnes de communication sont menées. Enfin, la procédure de renouvellement de l'agrément de l'éco-organisme est en cours. Celui-ci devra notamment transmettre, d'ici à mi 2023, un plan de prévention et de gestion des déchets en outre-mer. Nous attendons des progrès en la matière, notamment en Guyane.
Concernant les sargasses, la DGOM a mis en place un plan interministériel de lutte contre les sargasses en 2022. Selon la DGPR, il est impératif de renforcer la stratégie de broyage des sargasses collectées en mer. En effet, lorsque celles-ci sont à terre, elles sont très difficiles à gérer, car elles sont chargées en métaux lourds, en chlordécone et en sel. Nous travaillons avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) pour sécuriser les stockages qui posent problème aujourd'hui, afin d'éviter les émanations d'hydrogène sulfuré.
S'agissant des déchets miniers, une réglementation européenne de 2006 a été transposée en France en 2010 par un décret et plusieurs arrêtés ministériels. L'un de ces arrêtés porte sur les installations de stockage de déchets miniers.
Pour rappel, plusieurs activités minières coexistent. L'exploitation alluvionnaire par procédé mécanique génère surtout des déchets inertes avec une toxicité faible. Le danger survient lorsque l'exploitation se déroule dans un cadre illégal avec l'emploi de mercure pour faciliter l'extraction de l'or. Des plans ont été mis en place avec la Gendarmerie nationale pour démanteler les camps de mineurs illégaux en Guyane, c'est un travail de Pénélope. Par ailleurs, sur ce territoire, une unité légale de traitement du minerai n'est pas alluvionnaire et génère des résidus miniers après traitement chimique. Ces résidus sont d'une part les stériles miniers, qui représentent d'importants volumes non toxiques, et d'autre part les résidus miniers post-traitement chimique du minerai. Ceux-ci peuvent contenir des métaux lourds ou des substances qui ont été utilisées dans le cadre du traitement chimique de ces minerais. En Guyane, nous disposons d'une installation de stockage de ces déchets miniers. Celle-ci est soumise à un arrêté préfectoral et doit répondre aux conditions définies dans l'arrêté qui transpose la directive européenne sur les stockages. Les enjeux portent sur la stabilité des stockages (digues) et sur les substances chimiques pouvant émaner des stockages. Sur ce second point, des prélèvements sont régulièrement effectués afin de s'assurer de l'absence de contamination de l'environnement.
La Nouvelle-Calédonie est l'autre territoire marqué par une activité minière conséquente. Trois grandes usines de traitement y sont implantées, dont deux usines pyrométallurgiques et une usine hydrométallurgique. Les compétences en matière de contrôle appartiennent aux provinces ou à la Nouvelle-Calédonie. Le traitement des déchets est effectué de manière industrielle, à travers des parcs à stériles miniers et des stockages de résidus miniers. Plusieurs initiatives ont été lancées pour évaluer l'impact sanitaire de ces déchets sur les populations locales. À titre d'illustration, une initiative portée par la Direction des mines de Nouvelle-Calédonie (DIMENC), vise à mesurer le niveau d'imprégnation des populations locales à un certain nombre de polluants qui peuvent être émis par l'activité minière tels que le nickel, le chrome, le cobalt et le manganèse. Une surexposition éventuelle des populations riveraines est également recherchée. Aujourd'hui, des études sont menées pour déterminer si les rejets liés aux activités minières peuvent être à l'origine de pathologies. En tout état de cause, ces activités font l'objet de dispositions de contrôles. L'exploitation du nickel peut conduire à des émanations de poussières ; des travaux sont en cours pour les limiter.
S'agissant des déchets nucléaires en Polynésie française, la France a procédé à des expérimentations nucléaires entre 1966 et 1996 dans le centre d'expérimentation du Pacifique situé dans les atolls de Mururoa et de Fangataufa. Des déchets ont été immergés entre 1966 et 1976 dans cette zone, mais aussi au large de l'atoll d'Hao. Certains déchets ont été stockés sur place dans des puits à Mururoa. Les quantités de déchets figurent à l'inventaire national de l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. 4 192 m3 de déchets de haute activité, les déchets les plus dangereux, ont été générés à l'occasion de ces expérimentations. Les déchets de moyenne activité à vie longue représentent un volume dix fois supérieur à celui-ci et sont également stockés dans des puits. Ces déchets sont placés sous la responsabilité du ministère de la Défense. En 1996, la France a demandé une mission d'expertise à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour déterminer la soutenabilité des choix de stockage des déchets dans les atolls. À l'époque, les experts n'avaient pas soulevé de préoccupations majeures. Ils ont indiqué que la poursuite de la surveillance n'était pas nécessaire. Néanmoins, la surveillance de ces atolls a été maintenue.
La diplomatie est une compétence régalienne de l'État. Toutefois, l'environnement géoéconomique mérite que l'on s'interroge sur cette question. La Réunion est en Afrique d'un point de vue géographique, mais notre histoire est française.
Nous avons créé des relations profondes avec nos voisins, notamment Madagascar, ou encore le Mozambique et l'Afrique du Sud. Plutôt que d'importer des produits en provenance du Brésil, privilégions les relations avec les pays de notre zone géographique. Notre zone économique exclusive (ZEE) couvre une surface de 2,2 millions de kilomètres carrés. Toutes les grandes puissances sont présentes dans l'océan Indien.
La question d'accorder des compétences diplomatiques aux collectivités comme la nôtre mérite d'être posée. Dans le domaine de la coopération régionale et internationale, des accords sont conclus sans nous. Nos capacités juridiques en la matière ne sont pas à la hauteur de nos ambitions. Nous souhaitons construire une politique de co-développement régionale.
Monsieur le président, les interventions de la DGS et de la DGPR ont largement répondu au questionnaire. Je cède la parole à Delphine Colle pour évoquer la question relative à Wallis-et-Futuna.
chef du bureau de l'écologie, du logement, du développement et de l'aménagement durables (BELDAD). - Cette question porte sur la mesure de la qualité des eaux et des sols dans les secteurs des anciennes décharges non contrôlées ou sujettes à précautions. À Wallis, la lentille d'eau douce fait l'objet d'un suivi régulier par le territoire, sur l'ensemble de l'île. Au centre d'enfouissement technique de Wallis, un piézomètre permet de suivre la qualité de l'eau du site. Des analyses sont régulièrement réalisées sur le territoire par le laboratoire d'analyse des eaux du territoire. Ces analyses sont toutefois limitées aux paramètres bactériologiques et physico-chimiques. Elles démontrent l'absence de pollution. En outre, des campagnes d'analyse plus globales sont menées à intervalles réguliers et transmises en Nouvelle-Calédonie. La dernière campagne, qui remonte à 2018, fait état de l'absence de difficulté particulière, que ce soit en termes de composition chimique des eaux souterraines ou en termes bactériologiques. À l'inverse, à proximité des dépôts, les sols sont contaminés en surface sur 50 cm de profondeur par des hydrocarbures, des métaux et des composés industriels. Cette pollution superficielle n'affecte pas les eaux souterraines.
À Futuna, aucune nappe phréatique et aucune ressource en eau superficielle ne se trouvent à proximité du centre d'enfouissement.
La Réunion est une région ultrapériphérique (RUP), comme la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique ou Mayotte. Si nous devions envisager la fusion de ces deux articles 73 et 74, il faudrait le faire avec la plus grande prudence.
La présidente de région a répondu de manière très exhaustive, je l'en remercie. Elle a été très claire sur la pédagogie dont il faut faire preuve, pour ne pas faire peur aux citoyens, tout comme sur sa volonté de préserver les deux collectivités.
Dans l'Hexagone, on parle d'un grand choc de décentralisation. Un tel choc serait-il possible pour La Réunion ? La conférence territoriale va-t-elle en ce sens ? Sur les normes en matière d'habitat ou sur l'autonomie énergétique, les outre-mer ne sont pas pris en compte, alors que nous pourrions développer le solaire, énergie la moins chère, ou l'éolien en mer. Nous sommes à côté de la plaque en matière d'énergies renouvelables dans le grand débat national.
Je vous remercie pour vos exposés exhaustifs, qui ont couvert les questions que nous vous avions adressées. La dimension sanitaire est fondamentale et fait partie intégrante du sujet de la gestion des déchets. L'état dans lequel se trouvent certains sites présente un impact sanitaire avéré sur les populations.
Je reviens sur la question de la gestion des déchets radioactifs en Polynésie française. Je rappelle en outre que les risques climatiques actuels viennent réveiller certaines pollutions historiques. Les déchets immergés et les déchets enfouis doivent faire l'objet d'un suivi, car aucune étanchéité ne peut être garantie. Des difficultés sanitaires peuvent en découler. Dans mon département, les systèmes dits « étanches » n'ont pas résisté et une pollution aérienne à l'arsenic a été déplorée. L'abandon des suivis sanitaires, pour des raisons nécessairement financières, est donc à proscrire.
Nous n'avons pas évoqué l'élimination des pièces anatomiques. Les élus des territoires d'outre-mer confrontés à ces enjeux ne savent pas toujours comment agir vis-à-vis de ces déchets très particuliers. Certains d'entre eux sont traités dans des conditions très insatisfaisantes, faute de solutions locales. Parfois, ils sont acheminés d'un territoire à un autre, de Mayotte vers La Réunion par exemple. Nous devons être en mesure de préconiser, dans notre rapport, des mesures harmonisées ou adaptées.
Cette décentralisation est inscrite dans notre projet de développement. Nous rejoignons ainsi les aspirations des régions de l'Hexagone. Ce qui nous importe, c'est notre projet de développement : nous avons tant à faire en matière énergétique. La conférence territoriale nous aidera à mieux échanger, même si les discussions se passent déjà bien entre la région et le département.
La région reprendra en 2028 la compétence économique du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), en bonne intelligence avec le département.
Merci, Mesdames et Messieurs, pour vos propos détaillés. Le problème de la collecte et du traitement des déchets ne peut pas s'envisager sans l'aspect sanitaire. Selon vous, convient-il d'envisager des adaptations réglementaires ou législatives, le cas échéant dans le cadre d'expérimentations dans certains territoires, pour traiter les pièces anatomiques ? Certains territoires sont dépourvus d'Unité de valorisation énergétique (Uve), d'incinérateurs ou de crématoriums. Quelles sont les solutions envisageables pour traiter ce problème très sensible et éthiquement exigeant ?
Le budget des outre-mer s'élève à 2 milliards d'euros. Or, sur l'ensemble du budget, les outre-mer toucheraient en tout 21 milliards d'euros. L'important ne serait-il pas de se concerter sur ces 21 milliards, avec les présidents de toutes les collectivités ? Nous souhaitons une vraie lisibilité. Nous n'avons aucune perspective claire sur les questions essentielles que sont le logement, les normes, l'économie, l'éducation ou la santé. Ce manque de cohérence représente une vraie négligence à l'égard des parlementaires et des élus des outre-mer.
Certains déchets d'origine humaine, les pièces anatomiques d'origine humaine (PAOH), doivent être incinérés. Lorsqu'il n'existe pas d'incinérateur, un autre système doit être mis en place. En Guyane, ces déchets sont enfouis par des sociétés funéraires. Le préfet de Guyane a émis un arrêté pour permettre cet enfouissement dérogatoire. D'une manière générale, les déchets d'activités de soins sont de types variés et englobent notamment les déchets chimiques, les déchets radioactifs, les déchets biologiques à risque infectieux et les déchets coupants ou piquants. Chaque déchet doit être traité et nous menons un travail de révision d'un guide de 2009 destiné à expliquer comment gérer tous ces déchets. Dans la mise à jour conduite avec les ministères de l'environnement et de l'outre-mer, nous tiendrons compte des expérimentations. Une expérimentation est en cours et doit permettre de valoriser la matière issue des déchets d'activité de soins à risques infectieux (DASRI) désinfectés, et non plus de seulement les détruire ou les enfouir. Plusieurs projets sont présentés et passent par France Expérimentation. Nous espérons avoir finalisé la première partie de ce guide au début de l'année prochaine.
Je partage cet excellent constat.
Concernant le milieu hospitalier, des marchés publics encadrent les réseaux de traitement des effluents. De manière générale, la gestion des déchets fonctionne mieux lorsqu'un incinérateur est présent sur le territoire. Quelques filières permettent de faire revenir dans l'Hexagone certains déchets, nucléaires notamment.
Par ailleurs, vous avez évoqué la question du plomb. Celui-ci est présent dans certaines anciennes peintures, lorsque celles-ci n'ont pas été refaites. Des cas de saturnisme ont été identifiés. Récemment, en Guadeloupe, après le passage de la tempête Fiona, l'ARS a émis une communication de qualité sur la leptospirose. Quelques cas de cette maladie ont néanmoins été dénombrés.
En Guyane, les distances entre les communes sont très importantes, ce qui ne facilite pas la collecte des déchets issus des soins. Le rôle des infirmiers à domicile est donc fondamental, puisqu'ils font le lien entre les patients et les pharmacies. Certaines localités ne sont accessibles qu'en pirogue, ce qui renforce la complexité de la collecte.
La conférence des territoires se réunira le 2 décembre prochain, je m'en réjouis. Avant d'aborder tout débat institutionnel, les deux collectivités, associées aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et aux communes, doivent harmoniser leurs compétences pour proposer des actions essentielles répondant aux ambitions de nos territoires. Quelle sera la trame de cette conférence territoriale ?
Monsieur Klein, vous avez également évoqué la pollution des batteries que nous retrouvons régulièrement sur les bords des chemins. À l'inverse, nous n'y retrouvons jamais de bouteilles de gaz, car celles-ci sont consignées. Ne serait-il pas envisageable de prévoir une consigne pour les batteries ? Si la batterie usagée a une valeur, même minime, nous n'en retrouverons plus dans la nature.
Nous construirons l'ordre du jour tous ensemble. Deux points seront assurément abordés : le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) et la gestion des déchets.
Concernant les VHU, vous avez rappelé les textes applicables, notamment le code de l'environnement modifié en 2020, qui élargit la responsabilité des producteurs et les missions des éco-organismes vis-à-vis des dépôts sauvages de batteries et de voitures. Ma modeste expérience réunionnaise m'invite à penser que les particuliers, les communes et les communautés d'agglomération, voire les régions, sont les acteurs qui contribuent à l'enlèvement des véhicules usagés. À l'inverse, les vendeurs ou producteurs de voitures ne s'impliquent pas dans cette mission. Comment évaluez-vous l'effectivité de cette politique ? À La Réunion, cette évaluation ne doit pas être difficile, puisqu'une seule entreprise exerce un quasi-monopole dans la vente de véhicules. De même, pour les batteries, il importe de trouver une solution. À La Réunion, la majorité des batteries est récupérée par des acteurs privés et part à Madagascar par containers. De même, les pneus sont récupérés par des acteurs privés et n'encombrent plus la nature.
Pour information, à la suite du dîner qui s'est tenu à l'Élysée le 7 septembre dernier, des courriers vont être adressés aux exécutifs des différents territoires. Le Gouvernement souhaite travailler sur neuf chantiers : le retard indéniable des investissements, les questions environnementales, les aides au développement économique dans les territoires, l'ensemble des politiques de l'État passées au crible de leur efficacité et de la création de valeur, l'inadaptation des normes, l'insertion des territoires dans leur environnement régional, la culture et la mémoire, la fiscalité et, après ces huit thèmes, les institutions, si cela est nécessaire.
Ces thèmes rejoindront probablement ceux de la conférence territoriale.
Je vous remercie pour vos questions portant sur l'efficacité des dispositifs que nous mettons en place. S'agissant de la proposition de consigne des batteries, nous avons échangé avec les compagnies maritimes, qui subissent une désorganisation après la crise sanitaire. Certaines d'entre elles ne souhaitent plus transporter des déchets dangereux. Dans ce contexte, l'idée de la consigne est intéressante et mérite d'être étudiée. Certains professionnels tels que Norauto proposent d'ores et déjà un bon d'achat pour une nouvelle batterie, lorsqu'une batterie usagée leur est restituée.
Pour contrôler la bonne application du plan VHU, nos agents sont sur place et constatent les faits. De manière générale, pour qu'un véhicule soit éligible à ce plan, la police doit être intervenue de manière à constater la présence du véhicule de manière illégale sur le domaine public ou sur le domaine privé. Nous pouvons revenir vers les autorités locales pour connaître les actes pris, avant de récupérer le véhicule et l'amener vers la filière adaptée. Une association de constructeurs officie localement dans chaque département d'outre-mer. Les taux de collecte sont les plus importants dans les territoires dans lesquels ces associations sont les plus développées. Un retard important a donc été pris en Guyane, où l'association ne s'est pas encore suffisamment développée.
Il manque un dixième point, celui de l'énergie ; à moins qu'il ne soit inclus dans le second point sur les questions environnementales.
À La Réunion, vous pouvez appeler la police municipale lorsque vous voyez un véhicule hors d'usage. Cependant, celle-ci manque de moyens et jusqu'à quatre mois peuvent s'écouler avant qu'il soit enlevé. Il arrive donc fréquemment qu'en cas de dépôt sauvage de déchets, les citoyens contactent leurs élus. Au final, j'ai du mal à croire que 6 000 véhicules hors d'usage ont été récupérés à La Réunion et je m'interroge sur vos sources.
La police municipale ne dispose pas des moyens techniques et économiques pour récupérer les véhicules hors d'usage. L'enlèvement de ces véhicules est désormais financé par les constructeurs.
En 2028, vous envisagez que la région assume la compétence agricole. Se pose cependant le problème des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), c'est-à-dire du transfert du foncier et des dotations accordées à ces sociétés d'aménagement foncier pour qu'elles puissent jouer pleinement leur rôle.
La question de la souveraineté alimentaire est essentielle. Elle est liée au foncier disponible et à la question du chômage, qui pourrait être résorbé si les jeunes pouvaient travailler la terre.
J'en viens aux transports. Les inquiétudes sur l'offre assurantielle sont vives, et les transporteurs craignent des complications importantes. Les mesures sur le climat et en faveur des véhicules propres mettent en difficulté les transporteurs pour candidater à des marchés publics.
Nous devons lever les freins à notre développement. Que prévoyez-vous en ce sens ?
Enfin, se pose la question de l'avis conforme des commissions de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Avez-vous prévu des actions pour changer les choses ?
Qu'est-ce qu'une pollution diffuse ? En outre, un moustique n'est pas un déchet, mais peut être le produit d'un déchet. Que devient la politique anti-vectorielle dans les outre-mer ? Sanofi avait mis au point un vaccin anti-dengue. Pouvez-vous m'éclairer à ce sujet ? Ce vaccin a été essayé aux Philippines et des enfants de trois ans sont décédés. Que devient ce vaccin ? Où en est la recherche ?
Par ailleurs, la Guadeloupe comptait une usine d'élimination des DASRI. Or cette usine a fait faillite. Où les DASRI de la Guadeloupe sont-ils traités aujourd'hui ? Où sont-ils envoyés ? De même, que deviennent les pneus de la Guadeloupe ?
Monsieur Bodenez, vous avez exposé l'état de la législation. Quelle est la réalité de la gestion des déchets ? Quels en sont les financements ? En Guadeloupe, les constructeurs ne participent pas du tout financièrement à l'enlèvement des véhicules hors d'usage, au contraire de la Région Guadeloupe. Une filière des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) a été constituée, mais l'État ne s'y implique pas. L'État n'est présent que pour fixer les normes et assurer la police administrative, et non pour proposer des moyens.
S'agissant de la responsabilité élargie, je ne vois pas de trace de l'éco-participation. Les associations de recyclage fonctionnent grâce aux bonnes volontés locales, et non avec des fonds de l'État. L'État devrait être plus présent dans les économies insulaires. Nous attendions plusieurs usines d'incinération en Guadeloupe, mais au final une seule devrait voir le jour, à l'est de l'île. Quelle est la position de l'État vis-à-vis du schéma adopté par le conseil régional de la Guadeloupe et vis-à-vis des offres du Syvade, le syndicat de Guadeloupe ?
J'attends des réponses concrètes à mes questions, au-delà de la législation que l'État s'efforce de faire respecter, malgré l'absence de moyens étatiques en faveur de la gestion des déchets.
Il est naturel que la région, en accord avec le département, gère le Feader. La souveraineté alimentaire nous tient particulièrement à coeur. La Réunion produit 70 % des fruits et légumes dont elle a besoin, ce qui est remarquable. La production locale représente 60 % du chiffre d'affaires de l'agroalimentaire des outre-mer. Pour atteindre l'autonomie alimentaire, selon l'Association pour le développement industriel de La Réunion (Adir), il nous manque 1 000 hectares. Nous avons les terres, mais il faudrait défricher.
Les États généraux de la mobilité auront lieu l'année prochaine. La Réunion compte 450 000 voitures et 28 000 immatriculations par an. Le transport en commun doit devenir populaire et attractif, mais ce n'est pas facile, car les personnes restent attachées à la voiture individuelle. Les transports sont gratuits pour les étudiants et les demandeurs d'emploi, et à l'avenir pour les travailleurs pauvres. Notre territoire est étroit, la question est d'importance.
La CDPENAF est emblématique des nécessaires adaptations à mettre en oeuvre. Nous travaillons actuellement sur le schéma d'aménagement régional. Le territoire est occupé à 42 % par un parc national et des forêts, et 38 000 hectares sont consacrés à l'agriculture. La situation n'est pas simple. Il faut associer les citoyens aux discussions, en évitant toute démagogie.
Je remercie les représentants de l'État qui sont présents aujourd'hui, car ils s'efforcent de coordonner des politiques complexes sur les territoires. Nous, sénateurs et sénatrices, représentons les collectivités et recherchons la cohérence dans la mise en application des réglementations récentes et futures. Dans le domaine de la santé, concernant la dengue, il ne sera plus possible de faire croire à un Réunionnais que nous étions en phase inter-épidémique de la dengue il y encore un an. J'attends beaucoup du ministère de la santé. Nous devons expliquer correctement les quatre phases progressives de la dengue. Des polémiques accompagnent le vaccin contre la dengue et celui contre le Covid. J'ai personnellement attrapé la dengue au stade 4 et j'ai failli décéder à l'hôpital. De nombreux Réunionnais sont morts de la dengue, et non du Covid. Les communications sur le sujet sont insuffisantes.
Madame, quel moment magnifique ! La France oublie parfois la richesse que représente son domaine maritime. Elle est la première puissance maritime d'Europe et la deuxième du monde. Les outre-mer font aussi la richesse de la France ; il faut que la France nous écoute plus, et nous écoute mieux.
Nous avons un problème de méthode.
La lettre envoyée par le Gouvernement propose donc une revue générale des politiques publiques. Cette revue aura lieu sur la loi Élan, sur la loi Littoral, sur une potentielle forme d'autonomie pour la politique maritime, sur la rénovation énergétique, sur la réglementation thermique ou encore sur les questions agricoles.
L'État et un grand nombre d'élus pensent qu'il faut avant tout améliorer les politiques publiques, dans le cadre institutionnel existant, avant d'envisager une révision constitutionnelle. Quel est l'état d'esprit des élus et de l'opinion à La Réunion ? Dans quelle direction souhaitent-ils aller ?
En 2003, une consultation préalable a eu lieu pour recueillir l'assentiment de la population. Le « non » à l'assemblée unique fut massif en Guadeloupe - on m'a alors traité de conservateur. Mais je persiste. Aujourd'hui, la Martinique et la Guyane n'en veulent plus ! Il faut donc évoluer. Soit, dans le cadre du droit commun - on améliore l'existant grâce à la revue générale des politiques publiques - soit l'on change de régime législatif.
Une autre voie possible est de modifier la Constitution, mais il faut savoir si les élus sont prêts à se pencher sur la question. Mme Bello dit que l'on peut faire mieux dans le cadre existant. L'essentiel est la délégation des compétences au département et à la région, mais dans un cadre assoupli, élargissant le champ des possibles. Demander leur avis à la population et aux élus, c'est la meilleure façon d'enterrer le dossier. Il faut avant tout trouver un consensus entre élus, sans pour autant éloigner les populations. Ensuite, nous pourrons modifier la Constitution.
Si un département veut rester tel quel, c'est son choix ; mais le périmètre constitutionnel sera élargi et assoupli, offrant plus de choix et de libertés, pour définir son propre régime législatif.
J'ai dit au président François Hollande que l'égalité transcendait les statuts. Je me méfie de la conception française de l'autonomie, qui consiste à dire que si l'on veut plus d'autonomie, il faut payer. Restons prudents, Mme Bello a raison. Toutefois, je dis aux élus qu'il ne faut pas avoir peur d'une révision constitutionnelle. Une fois la révision des politiques publiques effectuée, il faudra se préparer à convaincre nos populations que ce changement, respectueux de la subsidiarité, sera bénéfique.
Le Gouvernement et la majorité sénatoriale nous ont déjà « fait le coup ». Une proposition de loi portée par Mathieu Darnaud, dans son article 6, visait à améliorer la rédaction des articles 73 et 74 de la Constitution. C'était déjà une avancée par rapport à l'existant. Le problème reste l'interprétation restrictive qu'a le Conseil constitutionnel de l'adaptation. Par exemple, quand François Mitterrand a voulu supprimer les cantons en 1982, on lui a dit non ; il a ensuite fallu modifier la Constitution. Le Gouvernement est très frileux, et il compte sur nos divisions. Résultat : au Sénat, ce fameux article 6 a été retiré en séance.
Nous devons modifier les articles 73 et 74. Ensuite, les collectivités seront libres de choisir, et donc de ne pas modifier leur statut si elles le souhaitent. De plus, une consultation préalable des populations aura lieu, et nous arrêterons de prendre des décisions à l'aveugle. Si l'on conditionne une révision constitutionnelle à une révision générale des politiques publiques et à un consensus préalable entre élus, on nous refera « le même coup » et l'on nous demandera de nous entendre au préalable entre nous. Le Gouvernement profitera de nos positions divergentes pour retirer le texte.
Je me bats pour une révision constitutionnelle. Je veux aller plus loin dans la notion d'adaptation. Je veux plus de responsabilités et une augmentation des dotations aux outre-mer, compte tenu du long retard qui est le nôtre, depuis toujours. Ce combat demande un minimum d'unité. Si l'on se déchire sur la révision constitutionnelle en laissant des démagogues faire croire que ce serait l'antichambre de l'indépendance, on ne réussira rien et le Gouvernement nous renverra à nos divisions et à nos peurs.
Madame Bello, quel est l'état du débat public et de l'opinion à La Réunion ?
Je souhaite que l'on ouvre le champ des possibles. Ensuite, nous aurons dix ou quinze ans de combats à mener pour convaincre nos opinions de changer la donne, tout en respectant le principe de subsidiarité. J'appelle à la confiance : les élus doivent travailler ensemble, et ne braquons pas nos opinions. Le président Emmanuel Macron n'a pas la majorité parlementaire à lui tout seul. Il nous faut nous mettre d'accord a minima, pour sortir d'une interprétation restrictive de l'adaptation par le Conseil constitutionnel. Saisissons cette chance unique.
Je vais conclure cette table ronde en vous remerciant. À Saint-Pierre-et-Miquelon, il est aujourd'hui inacceptable que les pièces anatomiques ne soient pas détruites comme elles devraient l'être. Un amendement a été proposé pour permettre l'aquamation, mais il a été rejeté, probablement en raison de pressions subies par le Gouvernement de la part d'acteurs de l'inhumation et de l'incinération. Or Saint-Pierre-et-Miquelon ne compte pas d'incinérateur et il est parfois compliqué, surtout en « période Covid », d'envoyer les pièces anatomiques au Canada. J'interpellerai officiellement le Gouvernement sur ce sujet. Une équipe de la DGPR s'est rendue sur place et a échangé avec les autorités locales.
Pour faire écho à la brillante intervention de mon collègue, je souhaiterais faire une proposition, sous réserve d'obtenir l'accord de l'ensemble de mes collègues. Avant que ce rapport très important ne soit publié, ne pourrait-on réunir les deux délégations aux outre-mer - de l'Assemblée nationale et du Sénat ? Nous pourrions ainsi aboutir à une proposition commune et éviter que des positions clivantes ne soient utilisées contre nos populations.
Ces échanges sont très utiles pour nous tous, afin de donner plus de force à la région. Tout débat serein sur les institutions est impossible à La Réunion eu égard aux préoccupations électoralistes. Notre horizon va bien plus loin, jusqu'en 2030 ou 2040. J'ajoute que ce sont aussi les exigences du développement qui appelleront d'éventuels moyens juridiques et financiers. Dans une approche pragmatique, et non dogmatique, le principe de subsidiarité doit prévaloir.
Chers collègues, nous entamons la troisième et dernière partie de notre matinée avec un échange sur la mise en oeuvre des recommandations de notre délégation sur les risques naturels majeurs.
Je vous rappelle qu'à la suite du cyclone Irma en septembre 2017, la Délégation sénatoriale aux outre-mer avait consacré deux rapports très approfondis, en 2018 et 2019, à ce sujet dans lesquels nos 4 rapporteurs (Victoire Jasmin, Mathieu Darnaud, Jean-François Rapin, Abdallah Hassani) avaient formulé 100 recommandations.
Cinq ans après Irma, et suite au passage de la tempête Fiona sur la Guadeloupe, il nous a semblé qu'un bilan était utile. Comme vous le savez, le Sénat a décidé de veiller davantage au suivi de ses travaux, dans le prolongement du groupe de travail conduit par notre collègue Pascale Gruny.
Après avoir auditionné les services de l'État le 7 juillet dernier, je vous propose, avec Victoire Jasmin qui est à mes côtés, et en excusant ses collègues qui ne peuvent être là ce matin, de saisir l'occasion de la Journée internationale pour la réduction des risques de catastrophe, fixée chaque année au 13 octobre, pour dresser cet « inventaire ».
Les services de la Direction générale des outre-mer nous ont transmis un tableau que vous avez dû recevoir par mail et qui a été distribué sur table.
C'est la première fois que nous bénéficions d'un retour aussi précis des services de l'État sur nos travaux et je tiens à les remercier publiquement pour la qualité des réponses apportées.
Sur les 100 propositions, plus de 80 % ont reçu une réponse ou un éclairage sur les perspectives en cours. Certaines pistes ne sont plus pertinentes ou relèvent d'autres ministères que les outre-mer mais on peut estimer - me semble-t-il - que suite à nos suggestions le cadre d'intervention de la puissance publique s'est amélioré sur des points importants, comme l'utilisation du fonds Barnier, les moyens de la sécurité civile ou les systèmes d'alerte et d'information.
Ceci étant, les efforts doivent se poursuivre et j'ai souhaité avec Victoire Jasmin recueillir vos témoignages sur la réalité des situations sur le terrain.
La Direction générale des outre-Mer (DGOM) nous a transmis un tableau faisant un bilan général de la prise en compte des 100 propositions présentées dans les deux rapports d'information de notre délégation sur les risques naturels dans les outre-mer. Au mois de juillet dernier, l'audition des services de l'État avait permis un premier point d'étape sur les mesures prises. Le problème des sargasses avait particulièrement été évoqué. Le caractère régulier du phénomène a conduit à débloquer des financements et à faire travailler ensemble les services de l'État, les collectivités et les groupements. Les collectivités restent confrontées régulièrement à cet échouage, qu'elles récupèrent tant bien que mal, avec un vrai souci pour le stockage.
Le tableau transmis n'est pas complet mais 80% des propositions des rapports ont déjà obtenues une réponse. Je note avec satisfaction l'appui et le soutien des différents services de l'État, et particulièrement de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). C'est essentiel pour accompagner les collectivités territoriales et les autres partenaires. Il est également important que les collectivités travaillent en coordination, notamment parce que les documents d'information communale sur les risques majeurs (DICRIM) doivent être mis à jour régulièrement, ainsi que les plans communaux de sauvegarde (PCS), et les plans de prévention des risques naturels (PPRN). On l'a vu avec la tempête Fiona récemment, il est important qu'il y ait une importante réactivité. L'expérience des autres aléas de ce type n'est pas forcément identique, mais le fait d'avoir des documents préparés en commun, permet à chacun de se sentir impliqués.
Il faut également travailler sur l'acculturation, afin de mieux impliquer la population durant toute l'étape de prévention. Le fait de pouvoir permettre aux associations agréées de bénéficier du fonds Barnier est important. On l'a vu dernièrement avec Fiona, à Rivière-Sens où plusieurs associations forment au sauvetage.
Sur la question de l'exonération de l'octroi de mer portant sur les importations liées aux secours, avec la Croix Rouge par exemple, il faut continuer à travailler avec les collectivités responsables pour lever ce frein.
L'offre assurantielle est également un sujet important, car il y a beaucoup de personnes qui ne sont pas assurées. Il y a certes des personnes qui doivent choisir entre se nourrir et payer leur assurance. Mais il y a surtout un manque d'offres adaptées au territoire, pour les différents risques.
Dès que l'état de catastrophe naturelle est déclaré, il existe bien entendu des fonds de secours, mais ces fonds de solidarité ne sont pas inépuisables. La fréquence croissante des aléas divers fait que ces fonds vont s'épuiser plus rapidement. Il faut donc sensibiliser les populations à la nécessité de s'assurer, et travailler avec les assureurs pour qu'ils adaptent leurs offres à nos territoires.
La simplification de l'usage du fonds Barnier a permis de lever un frein pour les collectivités. Il y a également d'autres moyens de financement avec l'Agence française de développement (AFD), et le fonds exceptionnel d'investissement outre-mer (FEI).
Il faut aussi encore travailler sur les plans de continuité d'activité (PCA). On ne doit plus négliger les problématiques économiques, sociales et sécuritaires. Il est urgent de mettre en place une véritable communication avec les services de l'État, les EPCI et les communes, pour que les PCA associent ces différents partenaires.
Ces jours-ci, il y a certes des actions, comme les journées de prévention au Japon, qui sont mises en oeuvre afin de sensibiliser les populations aux différents risques naturels, mais ils manquent de proximité. Dans certaines communes, les maires et les EPCI doivent sensibiliser davantage les habitants aux risques naturels qui existent dans leur commune.
Je crois important aujourd'hui que l'on puisse organiser et mettre en oeuvre un centre régional de psycho-trauma, afin de mieux prendre en compte les patients. À Saint-Martin, la prise en charge psychologique de certains patients a été très difficile, car le psychologue le plus proche était à Saint-Barthélemy, ce qui nécessitait de prendre l'avion.
Il y a certes des améliorations dans le traitement des risques naturels, mais la problématique de l'eau persiste. Il y a des problèmes récurrents entre les EPCI et les délégataires.
Le risque d'incendie est aussi un sujet qui mérite toute notre attention. Les pompiers ont d'ailleurs alerté les autorités, et j'ai transmis un document au ministre délégué chargé des outre-mer. Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) est souvent sollicité, mais l'absence d'eau à certains endroits complique leur intervention. Les pompiers utilisent des moyens qu'ils ne devraient pas, et des incendies qu'ils pourraient maîtriser facilement, deviennent difficiles à gérer. Ce n'est pas un risque naturel à proprement parler, mais c'est une des conséquences des problématiques liées à la gestion de l'eau.
Voilà mes observations générales sur ce bilan, monsieur le président, je vous remercie.
Chers collègues, nous reprenons ce matin nos auditions dans le cadre de la préparation du rapport de la délégation sur la gestion des déchets dans nos outre-mer. Nos deux rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, effectuent un travail d'investigation considérable et ont souhaité un éclairage particulier sur les aspects sanitaires de cette problématique. Nous entendrons donc successivement :
· au nom de la Direction générale des outre-mer (DGOM), M. Stanislas Alfonsi, adjoint au sous-directeur des politiques publiques et Mme Delphine Colle, chef du bureau de l'écologie, du logement, du développement et de l'aménagement durables (BELDAD) ;
· pour la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), MM. Philippe Bodenez, chef du service des risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des pollutions diffuses et Jean-François Ossola, adjoint de la cheffe de la planification et de la gestion des déchets ;
· pour la Direction générale de la santé (DGS), Mme Caroline Paul, chef du bureau environnement extérieur et produits chimiques et M. François Klein, chef de la mission outre-mer.
Nos rapporteures vous ont transmis leurs questions. Les personnes concernées par cette problématique sont souvent en situation de précarité. Outre les pathologies et les contaminations directes, nous sommes aussi préoccupés par la pollution de l'air, de l'eau et du sol. N'oublions pas non plus les enjeux spécifiques à chaque territoire, comme la gestion des déchets à la suite des essais nucléaires en Polynésie ou les déchets issus de l'exploitation minière en Nouvelle-Calédonie et en Guyane.
Merci chère collègue, et merci à la DGOM d'être restée. Je remercie les services du ministère pour la transmission de ce tableau. Sur une centaine de propositions, 80 % ont déjà obtenues une réponse. Le reste, et vous l'avez indiqué, relève d'autres ministères. De notre point de vue, on peut considérer que le cadre d'intervention générale s'est amélioré.
Néanmoins, on nous avait annoncé une loi sur la prévention des risques naturels dans les outre-mer. Malheureusement, cela s'est résumé à quelques amendements dans la loi dite « 3DS ». C'est une déception, car le travail de la délégation a été très approfondi et constructif.
Je remercie nos rapporteurs et en particulier notre collègue Victoire Jasmin pour ce compte-rendu de suivi. Je pense en particulier à notre ancien collègue Guillaume Arnell, qui avait coordonné les travaux des deux rapports en 2018 et 2019 et qui a su mener à terme cette étude dont la délégation est particulièrement fière. Nous poursuivons régulièrement ce travail d'évaluation et de suivi qui montre l'utilité et la pertinence de nos recommandations.
Monsieur le président, nous nous sommes déjà vus à la fin du mois de mai dans le cadre d'une audition plus générale. C'est toujours pour nous un plaisir de venir rendre compte au Sénat et à sa délégation aux outre-mer. Aujourd'hui, les questions portent sur la thématique des déchets et sur la dimension sanitaire de cette politique publique. Nous sommes accompagnés par la DGPR et par la DGS. Compte tenu de la technicité des questions qui nous ont été transmises et de leur lien avec la santé ou la prévention des risques, nous considérons que la DGOM interviendra moins que nos autres collègues.
La DGS répondra à la première question, qui porte sur les aspects généraux, les pathologies et les contaminations. Elle traitera également la deuxième question relative aux actions de sensibilisation, ainsi que la troisième question, relative à la prolifération des nuisibles. La quatrième question, qui porte sur les mesures de la qualité des eaux et des sols, sera prise en charge par la DGOM et la DGPR. La DGS, la DGPR et la DGOM répondront à la cinquième question, relative aux déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI), ainsi qu'à la sixième question, afférente à la filière responsabilité élargie des producteurs (REP). La septième question, relative aux adaptations réglementaires, sera traitée par la DGS et la DGPR. La huitième question, qui porte sur les déchets radioactifs issus des essais nucléaires en Polynésie, sera prise en charge par la DGPR. La neuvième question, relative à la Nouvelle-Calédonie et à la Guyane, sera traitée par la DGPR et la DGS. Enfin, la DGPR répondra à la dixième question, relative à l'incinération des déchets.
Pour répondre à ces questions très techniques, les directions « métiers » sont davantage en première ligne que la DGOM. Je vous propose de céder la parole aux collègues de la DGS pour la première question.
Mesdames et Messieurs les sénatrices et les sénateurs, la DGS vous remercie de pouvoir s'exprimer sur les enjeux sanitaires liés aux déchets dans les outre-mer. Nous constatons tout d'abord que l'impact sanitaire lié aux déchets est similaire à celui rencontré sur l'ensemble du territoire français, mais que les risques s'en trouvent augmentés dans nos outre-mer en raison des difficultés rencontrées dans la gestion des déchets.
Quels sont ces risques et quelles sont les pathologies de contamination constatées ? Tout d'abord, des déchets sont abandonnés dans l'espace public, ce qui engendre des conséquences sanitaires manifestes, qui impactent les populations. L'abandon de déchets, notamment les gros électroménagers et les véhicules hors d'usage (VHU) favorisent la prolifération d'espèces nuisibles, potentiellement vectrices de maladies transmissibles aux populations. Les déchets favorisent la rétention d'eau stagnante, la constitution de gîtes larvaires et entraînent le développement de moustiques vecteurs de différentes maladies (chikungunya, dengue, paludisme, etc.). Ces situations favorisent aussi la prolifération de rongeurs, porteurs de maladies telles que la leptospirose.
Plus généralement, l'abandon de déchets entraîne une dégradation de l'environnement proche des populations, notamment de la qualité des eaux superficielles et souterraines destinées à la consommation. La qualité de l'air est également impactée, en termes de nuisances olfactives, et suite au brûlage régulier de déchets à proximité des habitations. Une enquête effectuée à La Réunion montre que 86 % des Réunionnais pensent que les déchets dégradent les sols et 83 % perçoivent les conséquences négatives pour leur santé. Pour autant, les consignes émises par les autorités sont rarement respectées.
À Mayotte et ailleurs, plusieurs maladies sont favorisées par l'abandon de déchets : le paludisme, la dengue avec des épidémies successives, la leptospirose - qui revient régulièrement en Martinique, en Guyane et à Mayotte -, qui peut générer des conséquences très graves. La leptospirose entraîne notamment de nombreuses hospitalisations. En Guyane, une centaine de cas est comptabilisée chaque année. Le taux est 70 fois supérieur à celui de la France hexagonale.
Des maladies hydriques sont également favorisées par l'abandon de déchets, notamment la typhoïde et l'hépatite A. À Mayotte, 14 cas de typhoïde ont été dénombrés en 2021. Entre 50 et 100 cas d'hépatite A s'y ajoutent. À Mayotte, l'Agence régionale de santé (ARS) engage de nombreuses actions de veille, de prévention et de traitement des déchets pour limiter ces impacts sanitaires. Ces actions sont menées dans le cadre de la lutte anti-vectorielle (gîtes larvaires) et prennent la forme d'interventions directes et de moyens mis en oeuvre pour identifier les gîtes à risque dans les décharges sauvages, dans les véhicules hors d'usage, dans les stocks de pneus et dans l'électroménager abandonné. L'ARS accompagne aussi les associations et les collectivités pour leurs actions de lutte contre les déchets, généralement dans le cadre de chantiers d'insertion.
En Martinique, différents incendies ont frappé des sites recevant des déchets en 2021. L'ARS est beaucoup intervenue auprès du syndicat en charge du traitement des déchets, afin de limiter les risques sanitaires induits. En outre, des interrogations portent sur les déchets issus des sargasses. Ainsi, des incertitudes demeurent sur les conséquences sanitaires du dégazage, en particulier les émissions d'ammoniac.
Une problématique porte aussi sur les déchets verts, à La Réunion et à Saint-Pierre-et-Miquelon notamment. Par ailleurs, le plomb est une autre source de contamination, notamment à La Réunion, à la suite de l'abandon de batteries de voitures ou de batteries à usage industriel. Nous avons constaté des regroupements de cas de plombémie et de saturnisme infantile autour de zones de précarité dans lesquelles des batteries avaient été abandonnées. Les dépôts sauvages de batteries ont également pris des proportions importantes en milieu urbain, à La Réunion, à Mayotte et en Guyane. Des pollutions diffuses ultérieures sont à craindre.
J'aborde la seconde question. Les ARS effectuent des actions de sensibilisation des populations aux risques sanitaires liés aux déchets. Les différents territoires mettent en oeuvre des plans régionaux santé-environnement, qui comprennent tous un volet de sensibilisation à la question des déchets. À titre d'illustration, l'ARS Guadeloupe a organisé de nombreuses réunions d'information sur le sujet de l'enlèvement des véhicules hors d'usage. À Mayotte, le plan 2020-2024 comprend de nombreuses actions de sensibilisation. Au final, ces différentes actions ont pour but de réduire la production de déchets à la source et de résorber les dépôts sauvages. En la matière, nous n'obtenons pas toujours les résultats souhaités.
En Guyane, les différents acteurs sont également sensibilisés à cet enjeu, en lien avec des associations telles que la Croix-Rouge pour des projets d'assainissement. L'ARS a financé un projet « Wash » dont l'objectif est de faire monter en compétence les habitants des zones isolées ou précaires sur la bonne gestion de leurs points d'eau et des déchets.
J'ai déjà répondu à la troisième question, relative à la prolifération des nuisibles. Nous avons constaté, lors des enquêtes environnementales relatives aux cas de leptospirose ou de dengue, des problèmes sanitaires liés à la mauvaise gestion des déchets. Pour autant, il est difficile d'isoler la cause.
En ma qualité de chef du service des risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des pollutions diffuses, je peux m'appuyer sur une sous-direction en charge de l'économie circulaire et des déchets et sur une sous-direction en charge des enjeux de santé-environnement. Le conseil national de l'économie circulaire nous permet de discuter avec l'ensemble des parties prenantes, techniques ou politiques. La présidence de ce conseil reste néanmoins à pourvoir depuis les dernières élections législatives.
Notre service assure la cohérence entre la gestion des déchets et la prise en compte des impacts environnementaux de certaines pratiques. Nous menons plusieurs actions pour réduire l'impact d'une gestion des déchets déficiente sur les épidémies de dengue transmises par des moustiques. Ainsi, s'agissant des véhicules hors d'usage, dans lesquels les insectes peuvent pulluler, nous avons mis en place un plan de reprise des véhicules hors d'usage par les constructeurs automobiles. Ce plan permet de faire financer par ces derniers la reprise de véhicules hors d'usage. À ce jour, 21 437 véhicules hors d'usage ont été repris, dont 9 000 en Martinique, 4 000 en Guadeloupe, 6 000 à La Réunion, 400 à Mayotte et 2 000 en Guyane. Ces véhicules ont été récupérés dans l'espace public, mais nous avons récemment adopté des dispositions permettant de renforcer la prise en charge de ces véhicules dans des zones privées. De plus, un dispositif de police inscrit à l'article L.541-3 du code de l'environnement permet, lorsque le propriétaire d'un véhicule hors d'usage ne satisfait pas à l'obligation de remettre son véhicule à une filière agréée, de se substituer à celui-ci et de venir faire enlever le véhicule, afin de le déposer au centre VHU.
Nous avons également renforcé les obligations législatives et réglementaires, afin de faciliter la prise en charge de ces véhicules. À l'époque, nous estimions que 60 000 véhicules étaient concernés. Aujourd'hui, nous en sommes donc au tiers et le plan de reprise des véhicules hors d'usage se poursuit.
Une autre disposition figure dans la loi et vise à faire du sujet des véhicules hors d'usage un objet des filières dites à responsabilité élargie des producteurs (REP). Ainsi, à compter du 1er janvier 2023, une filière à responsabilité élargie des producteurs doit être mise en place pour les véhicules, dans laquelle les constructeurs financent ou traitent directement les véhicules hors d'usage. Jusqu'à présent, le système était équilibré financièrement dans l'Hexagone, mais ne l'était pas dans les territoires d'outre-mer ; notre objectif est d'harmoniser les règles qui s'appliqueront dans la collecte et la gestion des véhicules hors d'usage, dans l'Hexagone comme en outre-mer. À l'époque de l'adoption de la loi, en 2020, nous nourrissions des inquiétudes particulières pour les outre-mer. Nous avons donc favorisé le développement des éco-organismes dans les territoires d'outre-mer. Lorsque le taux de collecte, de tri ou de valorisation de déchets dans une filière REP est inférieur à la moyenne nationale, les éco-organismes doivent renforcer leurs financements pour permettre un retour à la normale dans la collecte et la valorisation des déchets.
Nous avons également mis en place une filière REP dans le domaine des piles et accumulateurs, incluant les batteries de voiture. Cette filière est imposée par la Commission européenne. Les deux éco-organismes chargés de cette collecte doivent déployer des plans de prévention et de gestion des déchets spécifiques aux outre-mer, afin de rattraper le retard pris.
Enfin, les pneumatiques sont des gîtes larvaires. En 2020, nous avons fait voter un article de loi prévoyant la réintégration des pneumatiques dans la législation relative aux filières REP. Jusqu'à présent, au niveau des producteurs, le volontariat était de mise dans la collecte des pneumatiques. Nous travaillons sur les textes d'application de la loi, afin de disposer d'une filière REP pour la reprise des pneumatiques. En outre, la loi de 2020 permet désormais d'impliquer les éco-organismes dans la gestion des dépôts sauvages. Lorsqu'un dépôt sauvage est repéré, il est désormais possible de demander aux éco-organismes de financer la reprise de ces déchets au prorata de la composition des déchets.
Globalement, la gestion des déchets en outre-mer présente une difficulté intrinsèque : le manque de disponibilité de filières de traitement et de valorisation des déchets. Ce manque de filières industrielles rend nécessaire l'acheminement des déchets vers l'Hexagone.
Dans certains cas, il serait possible de développer des filières locales, notamment dans le domaine de la surveillance et du contrôle. Les incendies survenus dans des décharges en Martinique entre octobre 2021 et janvier 2022 sont liés aux difficultés de gestion, l'incinérateur étant alors à l'arrêt. Ils ont produit des fumées qui ont pu exposer les riverains à des substances toxiques. Lorsque les services de la préfecture ont voulu réaliser des analyses, il a été difficile de mobiliser les laboratoires du Réseau des intervenants en situation post-accidentelle (Ripa) dans un délai inférieur à dix jours. Nous devons donc renforcer la disponibilité des laboratoires dans les territoires d'outre-mer ou faire venir plus rapidement des laboratoires pour effectuer des prélèvements et des analyses. L'association de contrôle de la qualité de l'air locale, Madininair, ne disposait pas non plus des moyens permettant d'effectuer des mesures dans la zone des incendies. Nous devons ainsi travailler non seulement sur les filières de gestion, mais aussi sur les moyens déployés en réaction à des accidents.
Concernant l'incinération, le débat est propre à la France. Cela s'explique par le fait que durant une longue période, les incinérateurs de déchets n'étaient pas conformes à leurs arrêtés d'exploitation, ce qui a généré des craintes au sein de la population. Le domaine de l'incinération est aujourd'hui l'un des plus contrôlés et des plus suivis. Les incinérateurs doivent respecter les dispositions de la directive européenne sur les effluents industriels. Cette directive prévoit périodiquement une mise à jour des réglementations techniques applicables sur l'ensemble du territoire européen. Nous avons donc récemment mis à jour l'arrêté ministériel du 12 janvier 2021 sur ce sujet. De nouveaux paramètres en sortie d'incinérateurs ont ainsi été fixés. En outre, de nouvelles techniques de dépollution à la sortie des cheminées sont régulièrement imposées. Dans ce contexte, les règles s'appliquent dans l'Hexagone comme dans les outre-mer.
S'agissant des déchets de soins à risque infectieux, deux types de traitement coexistent : l'incinération et la banalisation. Ce second procédé permet d'éliminer les bactéries présentes dans les déchets avant leur remise aux filières d'enfouissement locales. Dans les Antilles, 823 tonnes de déchets de soins à risque infectieux ont été incinérées dans ces conditions en 2021.
En outre, le soutien à l'éco-organisme chargé de la collecte des déchets de soins à risque infectieux chez les particuliers a été renforcé. L'année dernière, le taux de collecte des déchets de soins à risque infectieux s'établissait à 82 % dans l'Hexagone et à 75 % dans les outre-mer ; un rattrapage progressif est mis en place dans les outre-mer, notamment en Guyane où le taux n'est que de 40 %. À ce titre, des campagnes de communication sont menées. Enfin, la procédure de renouvellement de l'agrément de l'éco-organisme est en cours. Celui-ci devra notamment transmettre, d'ici à mi 2023, un plan de prévention et de gestion des déchets en outre-mer. Nous attendons des progrès en la matière, notamment en Guyane.
Concernant les sargasses, la DGOM a mis en place un plan interministériel de lutte contre les sargasses en 2022. Selon la DGPR, il est impératif de renforcer la stratégie de broyage des sargasses collectées en mer. En effet, lorsque celles-ci sont à terre, elles sont très difficiles à gérer, car elles sont chargées en métaux lourds, en chlordécone et en sel. Nous travaillons avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) pour sécuriser les stockages qui posent problème aujourd'hui, afin d'éviter les émanations d'hydrogène sulfuré.
S'agissant des déchets miniers, une réglementation européenne de 2006 a été transposée en France en 2010 par un décret et plusieurs arrêtés ministériels. L'un de ces arrêtés porte sur les installations de stockage de déchets miniers.
Pour rappel, plusieurs activités minières coexistent. L'exploitation alluvionnaire par procédé mécanique génère surtout des déchets inertes avec une toxicité faible. Le danger survient lorsque l'exploitation se déroule dans un cadre illégal avec l'emploi de mercure pour faciliter l'extraction de l'or. Des plans ont été mis en place avec la Gendarmerie nationale pour démanteler les camps de mineurs illégaux en Guyane, c'est un travail de Pénélope. Par ailleurs, sur ce territoire, une unité légale de traitement du minerai n'est pas alluvionnaire et génère des résidus miniers après traitement chimique. Ces résidus sont d'une part les stériles miniers, qui représentent d'importants volumes non toxiques, et d'autre part les résidus miniers post-traitement chimique du minerai. Ceux-ci peuvent contenir des métaux lourds ou des substances qui ont été utilisées dans le cadre du traitement chimique de ces minerais. En Guyane, nous disposons d'une installation de stockage de ces déchets miniers. Celle-ci est soumise à un arrêté préfectoral et doit répondre aux conditions définies dans l'arrêté qui transpose la directive européenne sur les stockages. Les enjeux portent sur la stabilité des stockages (digues) et sur les substances chimiques pouvant émaner des stockages. Sur ce second point, des prélèvements sont régulièrement effectués afin de s'assurer de l'absence de contamination de l'environnement.
La Nouvelle-Calédonie est l'autre territoire marqué par une activité minière conséquente. Trois grandes usines de traitement y sont implantées, dont deux usines pyrométallurgiques et une usine hydrométallurgique. Les compétences en matière de contrôle appartiennent aux provinces ou à la Nouvelle-Calédonie. Le traitement des déchets est effectué de manière industrielle, à travers des parcs à stériles miniers et des stockages de résidus miniers. Plusieurs initiatives ont été lancées pour évaluer l'impact sanitaire de ces déchets sur les populations locales. À titre d'illustration, une initiative portée par la Direction des mines de Nouvelle-Calédonie (DIMENC), vise à mesurer le niveau d'imprégnation des populations locales à un certain nombre de polluants qui peuvent être émis par l'activité minière tels que le nickel, le chrome, le cobalt et le manganèse. Une surexposition éventuelle des populations riveraines est également recherchée. Aujourd'hui, des études sont menées pour déterminer si les rejets liés aux activités minières peuvent être à l'origine de pathologies. En tout état de cause, ces activités font l'objet de dispositions de contrôles. L'exploitation du nickel peut conduire à des émanations de poussières ; des travaux sont en cours pour les limiter.
S'agissant des déchets nucléaires en Polynésie française, la France a procédé à des expérimentations nucléaires entre 1966 et 1996 dans le centre d'expérimentation du Pacifique situé dans les atolls de Mururoa et de Fangataufa. Des déchets ont été immergés entre 1966 et 1976 dans cette zone, mais aussi au large de l'atoll d'Hao. Certains déchets ont été stockés sur place dans des puits à Mururoa. Les quantités de déchets figurent à l'inventaire national de l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. 4 192 m3 de déchets de haute activité, les déchets les plus dangereux, ont été générés à l'occasion de ces expérimentations. Les déchets de moyenne activité à vie longue représentent un volume dix fois supérieur à celui-ci et sont également stockés dans des puits. Ces déchets sont placés sous la responsabilité du ministère de la Défense. En 1996, la France a demandé une mission d'expertise à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour déterminer la soutenabilité des choix de stockage des déchets dans les atolls. À l'époque, les experts n'avaient pas soulevé de préoccupations majeures. Ils ont indiqué que la poursuite de la surveillance n'était pas nécessaire. Néanmoins, la surveillance de ces atolls a été maintenue.
Monsieur le président, les interventions de la DGS et de la DGPR ont largement répondu au questionnaire. Je cède la parole à Delphine Colle pour évoquer la question relative à Wallis-et-Futuna.
chef du bureau de l'écologie, du logement, du développement et de l'aménagement durables (BELDAD). - Cette question porte sur la mesure de la qualité des eaux et des sols dans les secteurs des anciennes décharges non contrôlées ou sujettes à précautions. À Wallis, la lentille d'eau douce fait l'objet d'un suivi régulier par le territoire, sur l'ensemble de l'île. Au centre d'enfouissement technique de Wallis, un piézomètre permet de suivre la qualité de l'eau du site. Des analyses sont régulièrement réalisées sur le territoire par le laboratoire d'analyse des eaux du territoire. Ces analyses sont toutefois limitées aux paramètres bactériologiques et physico-chimiques. Elles démontrent l'absence de pollution. En outre, des campagnes d'analyse plus globales sont menées à intervalles réguliers et transmises en Nouvelle-Calédonie. La dernière campagne, qui remonte à 2018, fait état de l'absence de difficulté particulière, que ce soit en termes de composition chimique des eaux souterraines ou en termes bactériologiques. À l'inverse, à proximité des dépôts, les sols sont contaminés en surface sur 50 cm de profondeur par des hydrocarbures, des métaux et des composés industriels. Cette pollution superficielle n'affecte pas les eaux souterraines.
À Futuna, aucune nappe phréatique et aucune ressource en eau superficielle ne se trouvent à proximité du centre d'enfouissement.
Je vous remercie pour vos exposés exhaustifs, qui ont couvert les questions que nous vous avions adressées. La dimension sanitaire est fondamentale et fait partie intégrante du sujet de la gestion des déchets. L'état dans lequel se trouvent certains sites présente un impact sanitaire avéré sur les populations.
Je reviens sur la question de la gestion des déchets radioactifs en Polynésie française. Je rappelle en outre que les risques climatiques actuels viennent réveiller certaines pollutions historiques. Les déchets immergés et les déchets enfouis doivent faire l'objet d'un suivi, car aucune étanchéité ne peut être garantie. Des difficultés sanitaires peuvent en découler. Dans mon département, les systèmes dits « étanches » n'ont pas résisté et une pollution aérienne à l'arsenic a été déplorée. L'abandon des suivis sanitaires, pour des raisons nécessairement financières, est donc à proscrire.
Nous n'avons pas évoqué l'élimination des pièces anatomiques. Les élus des territoires d'outre-mer confrontés à ces enjeux ne savent pas toujours comment agir vis-à-vis de ces déchets très particuliers. Certains d'entre eux sont traités dans des conditions très insatisfaisantes, faute de solutions locales. Parfois, ils sont acheminés d'un territoire à un autre, de Mayotte vers La Réunion par exemple. Nous devons être en mesure de préconiser, dans notre rapport, des mesures harmonisées ou adaptées.
Merci, Mesdames et Messieurs, pour vos propos détaillés. Le problème de la collecte et du traitement des déchets ne peut pas s'envisager sans l'aspect sanitaire. Selon vous, convient-il d'envisager des adaptations réglementaires ou législatives, le cas échéant dans le cadre d'expérimentations dans certains territoires, pour traiter les pièces anatomiques ? Certains territoires sont dépourvus d'Unité de valorisation énergétique (Uve), d'incinérateurs ou de crématoriums. Quelles sont les solutions envisageables pour traiter ce problème très sensible et éthiquement exigeant ?
Certains déchets d'origine humaine, les pièces anatomiques d'origine humaine (PAOH), doivent être incinérés. Lorsqu'il n'existe pas d'incinérateur, un autre système doit être mis en place. En Guyane, ces déchets sont enfouis par des sociétés funéraires. Le préfet de Guyane a émis un arrêté pour permettre cet enfouissement dérogatoire. D'une manière générale, les déchets d'activités de soins sont de types variés et englobent notamment les déchets chimiques, les déchets radioactifs, les déchets biologiques à risque infectieux et les déchets coupants ou piquants. Chaque déchet doit être traité et nous menons un travail de révision d'un guide de 2009 destiné à expliquer comment gérer tous ces déchets. Dans la mise à jour conduite avec les ministères de l'environnement et de l'outre-mer, nous tiendrons compte des expérimentations. Une expérimentation est en cours et doit permettre de valoriser la matière issue des déchets d'activité de soins à risques infectieux (DASRI) désinfectés, et non plus de seulement les détruire ou les enfouir. Plusieurs projets sont présentés et passent par France Expérimentation. Nous espérons avoir finalisé la première partie de ce guide au début de l'année prochaine.
Concernant le milieu hospitalier, des marchés publics encadrent les réseaux de traitement des effluents. De manière générale, la gestion des déchets fonctionne mieux lorsqu'un incinérateur est présent sur le territoire. Quelques filières permettent de faire revenir dans l'Hexagone certains déchets, nucléaires notamment.
Par ailleurs, vous avez évoqué la question du plomb. Celui-ci est présent dans certaines anciennes peintures, lorsque celles-ci n'ont pas été refaites. Des cas de saturnisme ont été identifiés. Récemment, en Guadeloupe, après le passage de la tempête Fiona, l'ARS a émis une communication de qualité sur la leptospirose. Quelques cas de cette maladie ont néanmoins été dénombrés.
En Guyane, les distances entre les communes sont très importantes, ce qui ne facilite pas la collecte des déchets issus des soins. Le rôle des infirmiers à domicile est donc fondamental, puisqu'ils font le lien entre les patients et les pharmacies. Certaines localités ne sont accessibles qu'en pirogue, ce qui renforce la complexité de la collecte.
Monsieur Klein, vous avez également évoqué la pollution des batteries que nous retrouvons régulièrement sur les bords des chemins. À l'inverse, nous n'y retrouvons jamais de bouteilles de gaz, car celles-ci sont consignées. Ne serait-il pas envisageable de prévoir une consigne pour les batteries ? Si la batterie usagée a une valeur, même minime, nous n'en retrouverons plus dans la nature.
Concernant les VHU, vous avez rappelé les textes applicables, notamment le code de l'environnement modifié en 2020, qui élargit la responsabilité des producteurs et les missions des éco-organismes vis-à-vis des dépôts sauvages de batteries et de voitures. Ma modeste expérience réunionnaise m'invite à penser que les particuliers, les communes et les communautés d'agglomération, voire les régions, sont les acteurs qui contribuent à l'enlèvement des véhicules usagés. À l'inverse, les vendeurs ou producteurs de voitures ne s'impliquent pas dans cette mission. Comment évaluez-vous l'effectivité de cette politique ? À La Réunion, cette évaluation ne doit pas être difficile, puisqu'une seule entreprise exerce un quasi-monopole dans la vente de véhicules. De même, pour les batteries, il importe de trouver une solution. À La Réunion, la majorité des batteries est récupérée par des acteurs privés et part à Madagascar par containers. De même, les pneus sont récupérés par des acteurs privés et n'encombrent plus la nature.
Je vous remercie pour vos questions portant sur l'efficacité des dispositifs que nous mettons en place. S'agissant de la proposition de consigne des batteries, nous avons échangé avec les compagnies maritimes, qui subissent une désorganisation après la crise sanitaire. Certaines d'entre elles ne souhaitent plus transporter des déchets dangereux. Dans ce contexte, l'idée de la consigne est intéressante et mérite d'être étudiée. Certains professionnels tels que Norauto proposent d'ores et déjà un bon d'achat pour une nouvelle batterie, lorsqu'une batterie usagée leur est restituée.
Pour contrôler la bonne application du plan VHU, nos agents sont sur place et constatent les faits. De manière générale, pour qu'un véhicule soit éligible à ce plan, la police doit être intervenue de manière à constater la présence du véhicule de manière illégale sur le domaine public ou sur le domaine privé. Nous pouvons revenir vers les autorités locales pour connaître les actes pris, avant de récupérer le véhicule et l'amener vers la filière adaptée. Une association de constructeurs officie localement dans chaque département d'outre-mer. Les taux de collecte sont les plus importants dans les territoires dans lesquels ces associations sont les plus développées. Un retard important a donc été pris en Guyane, où l'association ne s'est pas encore suffisamment développée.
À La Réunion, vous pouvez appeler la police municipale lorsque vous voyez un véhicule hors d'usage. Cependant, celle-ci manque de moyens et jusqu'à quatre mois peuvent s'écouler avant qu'il soit enlevé. Il arrive donc fréquemment qu'en cas de dépôt sauvage de déchets, les citoyens contactent leurs élus. Au final, j'ai du mal à croire que 6 000 véhicules hors d'usage ont été récupérés à La Réunion et je m'interroge sur vos sources.
La police municipale ne dispose pas des moyens techniques et économiques pour récupérer les véhicules hors d'usage. L'enlèvement de ces véhicules est désormais financé par les constructeurs.
Qu'est-ce qu'une pollution diffuse ? En outre, un moustique n'est pas un déchet, mais peut être le produit d'un déchet. Que devient la politique anti-vectorielle dans les outre-mer ? Sanofi avait mis au point un vaccin anti-dengue. Pouvez-vous m'éclairer à ce sujet ? Ce vaccin a été essayé aux Philippines et des enfants de trois ans sont décédés. Que devient ce vaccin ? Où en est la recherche ?
Par ailleurs, la Guadeloupe comptait une usine d'élimination des DASRI. Or cette usine a fait faillite. Où les DASRI de la Guadeloupe sont-ils traités aujourd'hui ? Où sont-ils envoyés ? De même, que deviennent les pneus de la Guadeloupe ?
Monsieur Bodenez, vous avez exposé l'état de la législation. Quelle est la réalité de la gestion des déchets ? Quels en sont les financements ? En Guadeloupe, les constructeurs ne participent pas du tout financièrement à l'enlèvement des véhicules hors d'usage, au contraire de la Région Guadeloupe. Une filière des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) a été constituée, mais l'État ne s'y implique pas. L'État n'est présent que pour fixer les normes et assurer la police administrative, et non pour proposer des moyens.
S'agissant de la responsabilité élargie, je ne vois pas de trace de l'éco-participation. Les associations de recyclage fonctionnent grâce aux bonnes volontés locales, et non avec des fonds de l'État. L'État devrait être plus présent dans les économies insulaires. Nous attendions plusieurs usines d'incinération en Guadeloupe, mais au final une seule devrait voir le jour, à l'est de l'île. Quelle est la position de l'État vis-à-vis du schéma adopté par le conseil régional de la Guadeloupe et vis-à-vis des offres du Syvade, le syndicat de Guadeloupe ?
J'attends des réponses concrètes à mes questions, au-delà de la législation que l'État s'efforce de faire respecter, malgré l'absence de moyens étatiques en faveur de la gestion des déchets.
Je remercie les représentants de l'État qui sont présents aujourd'hui, car ils s'efforcent de coordonner des politiques complexes sur les territoires. Nous, sénateurs et sénatrices, représentons les collectivités et recherchons la cohérence dans la mise en application des réglementations récentes et futures. Dans le domaine de la santé, concernant la dengue, il ne sera plus possible de faire croire à un Réunionnais que nous étions en phase inter-épidémique de la dengue il y encore un an. J'attends beaucoup du ministère de la santé. Nous devons expliquer correctement les quatre phases progressives de la dengue. Des polémiques accompagnent le vaccin contre la dengue et celui contre le Covid. J'ai personnellement attrapé la dengue au stade 4 et j'ai failli décéder à l'hôpital. De nombreux Réunionnais sont morts de la dengue, et non du Covid. Les communications sur le sujet sont insuffisantes.
Nous avons largement dépassé l'horaire prévu pour cette réunion. Nous vous adresserons donc les remarques et les questions qui ont été posées, afin que vous puissiez y répondre ultérieurement.
Je tiens à rassurer notre collègue Victorin Lurel. Une table ronde s'est tenue le 12 juillet dernier, en présence du Syvade notamment, sur les sujets qu'il soulève.
Je vais conclure cette table ronde en vous remerciant. À Saint-Pierre-et-Miquelon, il est aujourd'hui inacceptable que les pièces anatomiques ne soient pas détruites comme elles devraient l'être. Un amendement a été proposé pour permettre l'aquamation, mais il a été rejeté, probablement en raison de pressions subies par le Gouvernement de la part d'acteurs de l'inhumation et de l'incinération. Or Saint-Pierre-et-Miquelon ne compte pas d'incinérateur et il est parfois compliqué, surtout en « période Covid », d'envoyer les pièces anatomiques au Canada. J'interpellerai officiellement le Gouvernement sur ce sujet. Une équipe de la DGPR s'est rendue sur place et a échangé avec les autorités locales.
Nous relaierons ce sujet transversal. Celui-ci ne doit pas uniquement être porté par les autorités de Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, il touche à la dignité humaine.
Je vous remercie pour la clarté des propos. Nous vous ferons suivre les questions restées en suspens.
Chers collègues, nous entamons la troisième et dernière partie de notre matinée avec un échange sur la mise en oeuvre des recommandations de notre délégation sur les risques naturels majeurs.
Je vous rappelle qu'à la suite du cyclone Irma en septembre 2017, la Délégation sénatoriale aux outre-mer avait consacré deux rapports très approfondis, en 2018 et 2019, à ce sujet dans lesquels nos 4 rapporteurs (Victoire Jasmin, Mathieu Darnaud, Jean-François Rapin, Abdallah Hassani) avaient formulé 100 recommandations.
Cinq ans après Irma, et suite au passage de la tempête Fiona sur la Guadeloupe, il nous a semblé qu'un bilan était utile. Comme vous le savez, le Sénat a décidé de veiller davantage au suivi de ses travaux, dans le prolongement du groupe de travail conduit par notre collègue Pascale Gruny.
Après avoir auditionné les services de l'État le 7 juillet dernier, je vous propose, avec Victoire Jasmin qui est à mes côtés, et en excusant ses collègues qui ne peuvent être là ce matin, de saisir l'occasion de la Journée internationale pour la réduction des risques de catastrophe, fixée chaque année au 13 octobre, pour dresser cet « inventaire ».
Les services de la Direction générale des outre-mer nous ont transmis un tableau que vous avez dû recevoir par mail et qui a été distribué sur table.
C'est la première fois que nous bénéficions d'un retour aussi précis des services de l'État sur nos travaux et je tiens à les remercier publiquement pour la qualité des réponses apportées.
Sur les 100 propositions, plus de 80 % ont reçu une réponse ou un éclairage sur les perspectives en cours. Certaines pistes ne sont plus pertinentes ou relèvent d'autres ministères que les outre-mer mais on peut estimer - me semble-t-il - que suite à nos suggestions le cadre d'intervention de la puissance publique s'est amélioré sur des points importants, comme l'utilisation du fonds Barnier, les moyens de la sécurité civile ou les systèmes d'alerte et d'information.
Ceci étant, les efforts doivent se poursuivre et j'ai souhaité avec Victoire Jasmin recueillir vos témoignages sur la réalité des situations sur le terrain.
La Direction générale des outre-Mer (DGOM) nous a transmis un tableau faisant un bilan général de la prise en compte des 100 propositions présentées dans les deux rapports d'information de notre délégation sur les risques naturels dans les outre-mer. Au mois de juillet dernier, l'audition des services de l'État avait permis un premier point d'étape sur les mesures prises. Le problème des sargasses avait particulièrement été évoqué. Le caractère régulier du phénomène a conduit à débloquer des financements et à faire travailler ensemble les services de l'État, les collectivités et les groupements. Les collectivités restent confrontées régulièrement à cet échouage, qu'elles récupèrent tant bien que mal, avec un vrai souci pour le stockage.
Le tableau transmis n'est pas complet mais 80% des propositions des rapports ont déjà obtenues une réponse. Je note avec satisfaction l'appui et le soutien des différents services de l'État, et particulièrement de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). C'est essentiel pour accompagner les collectivités territoriales et les autres partenaires. Il est également important que les collectivités travaillent en coordination, notamment parce que les documents d'information communale sur les risques majeurs (DICRIM) doivent être mis à jour régulièrement, ainsi que les plans communaux de sauvegarde (PCS), et les plans de prévention des risques naturels (PPRN). On l'a vu avec la tempête Fiona récemment, il est important qu'il y ait une importante réactivité. L'expérience des autres aléas de ce type n'est pas forcément identique, mais le fait d'avoir des documents préparés en commun, permet à chacun de se sentir impliqués.
Il faut également travailler sur l'acculturation, afin de mieux impliquer la population durant toute l'étape de prévention. Le fait de pouvoir permettre aux associations agréées de bénéficier du fonds Barnier est important. On l'a vu dernièrement avec Fiona, à Rivière-Sens où plusieurs associations forment au sauvetage.
Sur la question de l'exonération de l'octroi de mer portant sur les importations liées aux secours, avec la Croix Rouge par exemple, il faut continuer à travailler avec les collectivités responsables pour lever ce frein.
L'offre assurantielle est également un sujet important, car il y a beaucoup de personnes qui ne sont pas assurées. Il y a certes des personnes qui doivent choisir entre se nourrir et payer leur assurance. Mais il y a surtout un manque d'offres adaptées au territoire, pour les différents risques.
Dès que l'état de catastrophe naturelle est déclaré, il existe bien entendu des fonds de secours, mais ces fonds de solidarité ne sont pas inépuisables. La fréquence croissante des aléas divers fait que ces fonds vont s'épuiser plus rapidement. Il faut donc sensibiliser les populations à la nécessité de s'assurer, et travailler avec les assureurs pour qu'ils adaptent leurs offres à nos territoires.
La simplification de l'usage du fonds Barnier a permis de lever un frein pour les collectivités. Il y a également d'autres moyens de financement avec l'Agence française de développement (AFD), et le fonds exceptionnel d'investissement outre-mer (FEI).
Il faut aussi encore travailler sur les plans de continuité d'activité (PCA). On ne doit plus négliger les problématiques économiques, sociales et sécuritaires. Il est urgent de mettre en place une véritable communication avec les services de l'État, les EPCI et les communes, pour que les PCA associent ces différents partenaires.
Ces jours-ci, il y a certes des actions, comme les journées de prévention au Japon, qui sont mises en oeuvre afin de sensibiliser les populations aux différents risques naturels, mais ils manquent de proximité. Dans certaines communes, les maires et les EPCI doivent sensibiliser davantage les habitants aux risques naturels qui existent dans leur commune.
Je crois important aujourd'hui que l'on puisse organiser et mettre en oeuvre un centre régional de psycho-trauma, afin de mieux prendre en compte les patients. À Saint-Martin, la prise en charge psychologique de certains patients a été très difficile, car le psychologue le plus proche était à Saint-Barthélemy, ce qui nécessitait de prendre l'avion.
Il y a certes des améliorations dans le traitement des risques naturels, mais la problématique de l'eau persiste. Il y a des problèmes récurrents entre les EPCI et les délégataires.
Le risque d'incendie est aussi un sujet qui mérite toute notre attention. Les pompiers ont d'ailleurs alerté les autorités, et j'ai transmis un document au ministre délégué chargé des outre-mer. Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) est souvent sollicité, mais l'absence d'eau à certains endroits complique leur intervention. Les pompiers utilisent des moyens qu'ils ne devraient pas, et des incendies qu'ils pourraient maîtriser facilement, deviennent difficiles à gérer. Ce n'est pas un risque naturel à proprement parler, mais c'est une des conséquences des problématiques liées à la gestion de l'eau.
Voilà mes observations générales sur ce bilan, monsieur le président, je vous remercie.
Merci chère collègue, et merci à la DGOM d'être restée. Je remercie les services du ministère pour la transmission de ce tableau. Sur une centaine de propositions, 80 % ont déjà obtenues une réponse. Le reste, et vous l'avez indiqué, relève d'autres ministères. De notre point de vue, on peut considérer que le cadre d'intervention générale s'est amélioré.
Néanmoins, on nous avait annoncé une loi sur la prévention des risques naturels dans les outre-mer. Malheureusement, cela s'est résumé à quelques amendements dans la loi dite « 3DS ». C'est une déception, car le travail de la délégation a été très approfondi et constructif.
Je remercie nos rapporteurs et en particulier notre collègue Victoire Jasmin pour ce compte-rendu de suivi. Je pense en particulier à notre ancien collègue Guillaume Arnell, qui avait coordonné les travaux des deux rapports en 2018 et 2019 et qui a su mener à terme cette étude dont la délégation est particulièrement fière. Nous poursuivons régulièrement ce travail d'évaluation et de suivi qui montre l'utilité et la pertinence de nos recommandations.
Mes chers collègues, la Délégation sénatoriale aux outre-mer a engagé mardi dernier un cycle d'auditions consacré aux perspectives d'évolution institutionnelle des territoires ultramarins. Son double objectif est de recenser les souhaits desdits territoires et de nourrir la réflexion concernant la révision des dispositions constitutionnelles relatives aux outre-mer.
Certains territoires se sont déjà exprimés le 17 mai 2022 à travers l'Appel de Fort-de-France. Le rapport de 2020 de mon prédécesseur Michel Magras : « La différenciation territoriale outre-mer, quel cadre pour le sur-mesure ? » viendra nourrir la réflexion, ainsi que les travaux d'élaboration du prochain cadre institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Nous avons également eu une réunion le 29 juin dernier avec l'Association des juristes en droit des outre-mer (AJDOM).
Pour cette troisième audition, nous accueillons en présentiel - et tenons à le remercier pour sa réactivité et sa disponibilité - le président de l'Assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna, monsieur Munipoese Muli'aka'aka.
Monsieur le président, votre territoire a un statut très atypique et nous sommes heureux de vous donner la possibilité de vous exprimer sur le sujet. Je vous cède la parole pour un propos liminaire et vos réflexions sur les questions que nous vous avons adressées. Vous pourrez faire parvenir vos réponses écrites à la délégation ultérieurement. Micheline Jacques, co-rapporteur, et moi-même, en tiendrons compte dans le rapport que nous présenterons au Groupe de travail sur la décentralisation, groupe créé par le président Gérard Larcher, afin de répondre au besoin d'équilibre entre le pouvoir central et les collectivités locales.
Notre collègue Mikaele Kulimoetoke, sénateur de Wallis-et-Futuna, a demandé la parole pour un propos introductif.
Merci, Monsieur le président de nous accorder cet entretien et pour votre attention et votre bienveillance. J'espère que la séance sera constructive. Je sais que la délégation est à notre écoute pour évoquer librement nos souhaits. Rien ne remplace l'authenticité des discussions en présentiel.
Monsieur le président et messieurs les sénateurs, je vous présente mes salutations respectueuses et chaleureuses, ainsi qu'à vos collaborateurs et collaboratrices.
Nous sommes principalement venus à Paris pour présenter nos dossiers au ministre en charge des outre-mer. À l'écoute de votre introduction, nous constatons que vous souhaitez entrer dans le détail, sur la base du questionnaire qui nous a été remis. Nous réaffirmons notre volonté d'y répondre, mais avons besoin de davantage de temps pour le faire.
Nous avons souhaité vous rencontrer aujourd'hui en prévision de la visioconférence qui avait été programmée fin octobre. En réalité, nous sommes surtout venus vous écouter.
Soyez assuré que vous pourrez prendre le temps nécessaire pour répondre au questionnaire. Notre but est de savoir comment vous vivez le statut actuel de votre collectivité. En êtes-vous content ou souhaitez-vous évoluer ? Votre retour nous sera utile pour savoir si le Sénat doit accompagner le mouvement d'évolution, pour lequel certains territoires ont déjà marqué leur intérêt. L'évolution constitutionnelle de la Nouvelle-Calédonie annoncée par le président de la République pourrait être l'occasion d'une révision du cadre constitutionnel des outre-mer dans leur ensemble.
Nous sommes intéressés par votre ressenti : souhaitez-vous faire amender la loi de 1961 ou bien le statut qu'elle définit pour Wallis-et-Futuna vous convient-il ? Nous aimerions savoir si vous souhaitez acquérir ou récupérer des compétences, et si vous êtes satisfaits de la relation instaurée avec l'État.
Nous sommes intéressés par une évolution statutaire, mais nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer pour l'instant. Notre organisation coutumière, reconnue par la loi de 1961, est au centre de nos préoccupations actuellement. Nous devons organiser une consultation de toute la population ; nous ne pouvons donc pas vous donner une réponse ferme à ce sujet.
Monsieur le président, vous pouvez nous répondre en toute confiance. Nous souhaitons avant tout écouter et comprendre la situation et notamment savoir s'il existe ou non un sujet institutionnel sur votre territoire. Est-ce un sujet d'actualité, sans présumer des orientations possibles ? Nous n'avons pas d'idées préconçues et si des territoires veulent le statu quo, nous n'y voyons aucune objection. Nous vous accorderons à tous le temps de réfléchir et de vous concerter localement.
Je reformule : êtes-vous satisfait de la relation avec l'État ? Nous sommes les représentants des collectivités au Sénat et en cette qualité, nous nous intéressons à votre territoire pour mieux le connaître et le comprendre.
La part de la coutume est aussi un aspect que nous aimerions mieux cerner, car elle est importante dans l'organisation de Wallis-et-Futuna et c'est un des points les plus originaux. Notre rôle est de recenser et de comprendre, nous ne souhaitons pas imposer une quelconque vision. Nous voulons continuer à défendre les intérêts des outre-mer et souhaitons que le président du Sénat, Gérard Larcher, puisse appuyer au niveau national vos souhaits éventuels quand le temps sera venu.
Je donne la parole à Micheline Jacques, sénatrice de Saint-Barthélemy et co-rapporteur de notre étude sur les évolutions institutionnelles outre-mer.
Merci, monsieur le président, mes chers collègues.
Nous venons tous de territoires ultramarins et sommes attachés à nos coutumes et nos modes de vie. Je me suis déjà documentée au sujet de l'organisation de votre territoire, mais pouvez-vous nous l'expliquer plus en détail ? Quelles sont les relations entre l'organisation coutumière, l'État et le Conseil ? Quel est leur lien et quelles sont leurs responsabilités ?
Merci, madame la sénatrice. L'organisation de notre territoire est partagée entre quatre institutions : l'État, les chefs coutumiers, la religion et les élus.
Nous entretenons de bonnes relations avec l'État. Actuellement, son représentant remplit deux fonctions. Il représente à la fois le pouvoir exécutif et l'État, en sa qualité d'administrateur supérieur. Nous aimerions que la partie exécutive du territoire nous revienne. Comme indiqué auparavant, les quatre institutions doivent travailler sur ce sujet, afin de trouver un consensus et pouvoir se prononcer sur la question de l'évolution statutaire, dont l'orientation reste à définir.
Monsieur le président, mes chers collègues, je souhaite exprimer ma frustration, déjà évoquée lors de l'audition du ministre en charge des outre-mer, Jean-François Carenco, la semaine dernière.
Nous sommes la seule collectivité française d'outre-mer où le pouvoir exécutif est entre les mains du représentant de l'État, alors que la décentralisation a été amorcée depuis 1982 et que la révision constitutionnelle créant les collectivités d'outre-mer a été adoptée en 2003. Nous devons décider aujourd'hui de notre avenir institutionnel. Comme expliqué par le président Muli'aka'aka, le préfet a tous les pouvoirs aux îles Wallis-et-Futuna, malgré la concertation avec les chefferies coutumières, prévue par la loi de 1961.
L'Assemblée territoriale doit trouver un consensus et proposer des alternatives à cette situation où le pouvoir est concentré par une seule instance. Cette situation perdure, malgré le mécontentement de la population, puisque personne ne s'engage à faire avancer les choses. Tout le monde réclame une évolution, mais la situation stagne et s'enlise dans l'inaction. Notre rencontre, ce jour, est l'occasion de nous exprimer avec sincérité et de condenser l'essentiel de nos avis, afin de faciliter la décision finale.
En revanche, soumettre la question par referendum ne me paraît pas indispensable, dès lors que les choix auront été faits collectivement et qu'ils auront été expliqués à la population. Un référendum ferait perdre beaucoup de temps. Je ne souhaite pas que mes propos soient mal perçus. Mais je pense que les instances de direction et de gestion du territoire doivent prendre l'initiative et trancher, tout en s'assurant que la décision est comprise par la population.
Par la suite, il faudra entamer des discussions avec l'État français et concrétiser les résultats des négociations par des accords écrits, définissant le nouveau statut. Nous sommes la seule collectivité qui n'arrive pas à dépasser cette anomalie qui est la concentration des pouvoirs aux mains d'une seule autorité et nous sommes aussi la seule communauté avec des chefferies coutumières. Évoluer devient impératif.
Le Gouvernement est ouvert à la discussion et la délégation sénatoriale est à notre écoute, ainsi que de celles des autres territoires ultramarins, pour recueillir nos attentes. C'est une double opportunité que nous devons saisir sans attendre.
En effet, l'organisation particulière de Wallis-et-Futuna nécessite de trouver un équilibre, ce dont nous avons parfaitement conscience. Nous menons notre travail en interrogeant différents territoires ultramarins. Vous avez dû recevoir, monsieur le président, le courrier signé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer et le ministre délégué, expliquant la méthode qu'utilisera le Gouvernement pour mener des consultations avec chaque exécutif ultramarin. L'ensemble des thématiques soumises par les territoires sera analysé pour faire ressortir les points de blocage. Cette analyse débouchera sur des suggestions d'évolution adaptées aux problématiques locales. Cela peut se traduire par des amendements aux lois en vigueur, pas forcément celles régissant le statut des territoires mais celles qui concernent l'environnement ou l'énergie, par exemple. Si cela est jugé nécessaire, les articles 73 et 74 de la Constitution pourront également être modifiés.
Je vous rappelle que les réformes constitutionnelles en France interviennent tous les quinze ans environ, le processus est très long. Opter pour une évolution de statut devra être une décision mûrement réfléchie. Chaque territoire sera libre de s'exprimer, indifféremment du choix opéré.
Monsieur le président, vous avez dit être en phase de réflexion, j'en déduis qu'une évolution est envisageable. Votre rencontre du 7 septembre dernier avec monsieur le ministre Jean-François Carenco semble le suggérer. Votre sénateur Mikaele Kulimoetoke, était également présent à l'Élysée pour la rencontre avec le président de la République et la Première ministre, afin de parler de cette réflexion.
Je tiens à vous rassurer : les délais ne sont pas serrés. Le groupe de travail présidé par le président du Sénat doit conclure au mois de mars 2023. Nous avons donc suffisamment de temps pour collecter des informations complémentaires. Le Gouvernement lancera les concertations avec les collectivités par l'intermédiaire du préfet du territoire.
Monsieur le président de l'Assemblée territoriale, mes chers collègues, élus de Wallis-et-Futuna,
Je pense que le moment est opportun pour profiter de l'élan gouvernemental et accélérer notre réflexion. Nous devons décider si nous souhaitons une fusion des articles 73 et 74 de la Constitution. L'assouplissement du cadre constitutionnel nous permettra de réfléchir à tous les acquis ou prérogatives que nous pourrons réclamer, pour assumer à l'avenir la gestion de notre territoire.
Merci, monsieur le président et monsieur le sénateur.
Je comprends vos propos, monsieur le sénateur, mais comme indiqué auparavant, nous ne sommes pas en mesure de nous positionner ni de nous prononcer sur l'évolution statutaire de notre territoire. Nous avons besoin de temps pour traiter ce dossier. Nous souhaitons que les quatre composantes de notre territoire puissent se concerter pour prendre une décision.
En ma qualité d'ancien président de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, je tiens à vous rassurer au sujet de la fusion des articles 73 et 74 de la Constitution. Cette rédaction ne met pas en danger votre territoire, ne vous enlève pas d'acquis et ouvre des possibilités d'évolution de votre statut. Aujourd'hui, vous avez une autonomie administrative sur certains champs de compétences. Le ministre délégué chargé des outre-mer a été très prudent et a affirmé que l'évolution du statut ne se fera que si elle est nécessaire, et seulement si elle apporte aux territoires concernés de la valeur ajoutée en termes de développement économique et de cohésion sociale.
Nous ne réclamons pas des collectivités une feuille de route traçant leur évolution statutaire. Nous souhaitons pour l'instant obtenir leur ressenti. Nous voulons comprendre si la fusion des deux articles constitutionnels ouvre des perspectives aux territoires ultramarins et nous souhaitons leur laisser le choix de leur avenir.
Je vous remercie pour la franchise de vos propos. Nous avons bien compris que, à l'instar des autres territoires, vous avez besoin de temps pour vous prononcer et pour consulter localement. S'agissant d'un processus très long, le Gouvernement ne se prononcera sur une éventuelle révision que fin 2023, au moment où il faudra statuer sur la Nouvelle-Calédonie. Les décisions concernant les autres territoires seront prises ultérieurement, en fonction de leurs choix respectifs.
Nous avons constaté que, entre 2020 et 2022, les positions de plusieurs collectivités ont pu évoluer par rapport aux opinions exprimées en 2020. Il serait intéressant de comprendre pourquoi, puisque notre rôle est de vous accompagner en cas d'évolution.
Je vous remercie de vous être rendus disponibles à notre sollicitation de dernière minute. Il était important de vous rencontrer en personne pour ce premier contact. Nous sommes preneurs de tout commentaire concernant les questions qui vous ont été transmises et qui serviront à guider nos réflexions.