Un rapport vous sera transmis prochainement sur l'application de la loi de bioéthique. Celle-ci prévoyait 32 mesures d'application, 10 habilitations à légiférer par ordonnance et 6 rapports remis par le Gouvernement au Parlement. Les textes qui ont été traités en priorité concernaient l'AMP, à cause de l'importance du sujet. Le ministère et l'Agence de la biomédecine se sont concentrés sur la mise en place du comité de suivi et sur l'accès aux origines, qui était l'un des éléments phares de la loi.
Le retard pris dans la publication des décrets n'a pas eu de conséquences négatives, dans la mesure où la mise en oeuvre des dispositions n'a pas été bloquée. Une ordonnance sur les dispositions qui s'appliquent outre-mer vous sera soumise très prochainement. L'urgence était de prioriser le volet consacré à l'AMP, car la demande était importante.
Quant aux délais de prise en charge, le dernier comité de suivi s'est réuni en octobre 2022 et ses conclusions ont été rendues publiques. Les dons d'ovocytes avaient chuté en 2020, mais sont repartis à la hausse, de sorte qu'en 2021, on avait déjà rattrapé le niveau de 2019. La tendance se confirme en 2022. De plus, le délai d'accès aux dons est désormais stabilisé à vingt-deux mois, après avoir connu une dégradation.
Les dons de spermatozoïdes avaient chuté de 60 % en 2020. Toutefois, en 2021, le nombre de donneurs a été multiplié par deux, soit 600 contre 135 en 2020 et 317 en 2019, ce qui suffit pour répondre à toutes les attentes.
Les nouveaux publics représentent 60 % des 3 000 personnes en attente d'une AMP avec don de sperme, parmi lesquels les femmes seules sont majoritaires. Le délai moyen pour ce type d'AMP est de quatorze mois, légèrement supérieur à celui d'avant-crise. Nous sommes dans une phase de stabilisation dont nous espérons qu'elle se confirmera en 2023.
Pour ce qui est de la logique de priorisation des dossiers, un arrêté a prévu des règles précises, le principe étant de retenir la date d'entrée dans le processus. L'enjeu reste d'harmoniser les pratiques des centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humain (Cecos), pour garantir l'égalité d'accès de tous les publics.
Je ne dispose pas de toutes les données de comparaison au niveau européen sur les dons volontaires de gamètes. Les dons de spermatozoïdes posent moins de problèmes que ceux d'ovocytes. L'importation de gamètes restant interdite, il est important de garantir notre autosuffisance en la matière.
Le nombre de greffes a chuté de 25 % en 2020, mais il a rebondi de 20 % en 2021, ce qui a permis de retrouver le niveau de 2006. L'agence travaille à consolider ces données, qu'elle diffusera lors d'une conférence de presse au début du mois de février prochain. Celles pour 2022 sont rassurantes : elles montrent la résilience du système de soins, qui a su se mobiliser malgré les tensions hospitalières et les difficultés auxquelles il est confronté.
Les textes concernant la mobilisation des infirmiers en pratique avancée (IPA) pour les greffes sont en cours d'élaboration. Les IPA ont beaucoup de succès et je m'en réjouis, car j'ai beaucoup travaillé par le passé sur la notion de délégation de tâches. Toutefois, il faut réguler le dispositif, car notre système de soins manque actuellement d'infirmiers. L'enjeu est de trouver le bon niveau de définition du référentiel métier, car l'activité liée aux greffes reste une niche. Les infirmiers qui choisiront de se spécialiser dans ce domaine doivent pouvoir avoir accès à un parcours plus diversifié dans la suite de leur carrière s'ils le souhaitent.
Les crédits de recherche de l'agence auraient, semble-t-il, baissé mais cela reste à confirmer. Un gros travail doit être mené au niveau international. L'agence joue un rôle de fer de lance en Europe et nous travaillons à la doter du label de centre collaborateur de l'OMS. Nous devons favoriser son rayonnement et diffuser son savoir-faire en allant former des équipes à l'étranger. Cette priorité est inscrite dans le contrat d'objectifs et de performance (COP). Malgré des pratiques très différentes, des coopérations et des convergences sont possibles avec d'autres pays, notamment sur certains sujets éthiques.
Quant aux moyens de l'Agence de la biomédecine, ils ont augmenté au moment de la mise en oeuvre de la loi, ce qui arrive rarement. Cela a permis de recruter du personnel et de combler certains manques. L'enjeu du prochain COP sera de consolider encore ces moyens pour poursuivre l'application de la loi. Les comités de suivi sur l'AMP et le plan greffe permettront de vérifier si l'agence est en mesure d'accomplir toutes les missions qui lui ont été confiées.
La coopération de l'agence avec l'Établissement français du sang est un sujet récurrent, mais les deux entités ont des activités différentes. Même si elles ont en commun le don, leur pilotage et leur organisation ne sont pas les mêmes. La logique de l'agence est de pilotage opérationnel ; elle n'a pas pour objet la production de produits sanguins en tant que tels.
Pour ce qui est de l'harmonisation des délais d'attente pour l'AMP, le comité de suivi fait remonter les données région par région, de manière à ce que nous puissions ajuster les financements et équilibrer les moyens alloués aux centres qui seraient en difficulté. J'ai une expérience de pilotage de réseau, acquise dans les fonctions que j'exerçais pour l'assurance maladie : sans méconnaître les difficultés qui peuvent exister dans certains centres, il est possible de favoriser la transparence pour partager les bonnes pratiques entre les centres, dans une logique proactive d'émulation plutôt que de mise à l'index. Il faut être prudent dans une période où le système est en surtension.