Permettez-moi tout d'abord de vous adresser mes meilleurs voeux pour 2023. Que cette année vous apporte de nombreuses satisfactions, tant personnelles que professionnelles. Je ne doute pas qu'elle sera riche et chargée pour notre commission et j'ai une pensée particulière pour ceux d'entre nous qui solliciteront cette année le renouvellement de leur mandat.
Nous sommes réunis ce matin en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique qui prévoit l'audition par les commissions compétentes du Parlement des présidents, directeurs et directeurs généraux d'institutions visées à divers articles du même code avant leur nomination par l'exécutif.
Nous entendons Mme Marine Jeantet, candidate proposée aux fonctions de directrice générale de l'Agence de la biomédecine. Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat.
L'avis de vacance pour ce poste est paru au Journal officiel du 12 août 2022. La titulaire du poste, Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, n'ayant pas sollicité le renouvellement de son mandat, celui-ci a expiré à la fin du mois d'octobre 2022 ; depuis lors, le poste est vacant. Ce n'est que le 7 décembre 2022 que le Président Larcher a été saisi par la Première ministre de cette demande d'audition. Je ne peux que regretter les délais de prise de décision pour des nominations aussi importantes pour le bon fonctionnement de notre système de santé.
L'avis de vacance pour l'Agence nationale de santé publique, Santé publique France, a été publié le 27 juillet 2022 ; le poste est lui aussi vacant depuis la fin octobre sans que nous n'ayons été saisis à ce jour d'aucune demande d'audition. En pleine crise sanitaire, nous ne pouvons nous satisfaire d'une telle gestion des nominations et je le ferai savoir à Mme la Première ministre.
L'Agence de la biomédecine, établissement public administratif sous tutelle du ministre de la santé, a été créée par la loi de bioéthique du 6 août 2004. Notre assemblée est représentée au conseil d'orientation de l'agence par nos collègues Bernard Jomier et Patricia Schillinger.
L'agence est compétente dans les domaines de la greffe, de la reproduction, de l'embryologie et de la génétique humaines. Ses missions ont été complétées par la loi de bioéthique du 2 août 2021 en matière de procréation avec l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules, le développement de l'autoconservation des gamètes et la mise en oeuvre du registre des donneurs.
Notre commission attendait cette nomination avant de faire le point sur ce sujet des gamètes à la suite de la dernière loi de bioéthique.
J'ai demandé à la Cour des comptes de se pencher sur les missions de l'Agence de la biomédecine, à la suite des travaux conduits sur d'autres agences du système de santé.
Je vous laisse, Madame Jeantet, nous présenter votre parcours, que nous connaissons puisque vous avez été entendue à plusieurs reprises par notre commission dans le cadre de vos différentes fonctions. Nous souhaiterions surtout que vous nous exposiez les enjeux que vous identifiez pour l'agence et la façon dont vous entendez y répondre.
Je suis très honorée d'être entendue par le Sénat et j'espère que vous me donnerez votre confiance. Je vous adresse tous mes voeux pour cette nouvelle année.
L'Agence de la biomédecine est un établissement public administratif sous tutelle du ministère de la santé, créé par la loi du 6 août 2004, à la suite de l'Établissement français des greffes. Il concerne quatre grands domaines d'activité, qui ont en commun l'utilisation de produits du corps humain à des fins médicales et scientifiques : prélèvement de greffes d'organes et de tissus, prélèvement de cellules souches hématopoïétiques pour des greffes de moelle osseuse, assistance médicale à la procréation, diagnostic prénatal et embryologie, avec le travail sur les cellules souches embryonnaires... Ces domaines sont largement régis par les dispositions des lois de bioéthique, dont la dernière a été promulguée il y a 18 mois.
Compte tenu de ses missions extrêmement techniques et sensibles, l'agence bénéficie d'équipes avec une expertise multidisciplinaire de très haut niveau, que je salue : expertise médicale, scientifique, juridique, éthique, et en matière de systèmes d'information et de gestion des données. L'agence est reconnue nationalement et internationalement par les professionnels de santé, les chercheurs et les associations de patients et d'usagers.
Elle requiert des opérations vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Assurer la continuité de service pour la répartition des greffons nécessite une organisation logistique très pointue.
Sa gouvernance est originale et structurée : un conseil d'administration est présidé par le Pr Bay ; un conseil d'orientation, où siègent plusieurs parlementaires, est présidé par le Pr Guérin ; et le collège médical et scientifique comprend deux parties, une sur les greffes, l'autre sur l'embryologie et la procréation.
Nous débutons un nouveau cycle, avec la troisième révision de la loi de bioéthique votée en 2021. Ses dispositions sont claires, avec des avancées notamment sur la procréation médicalement assistée et de nombreuses clarifications. L'heure est à l'application concrète de cette loi.
Début 2022, le ministre de la santé a annoncé la révision des trois plans ministériels concernant l'agence. Il signera prochainement le nouveau contrat d'objectifs et de performance. Le cadre stratégique est très bien défini, reste à le mettre en oeuvre en fonction des moyens alloués.
Le quatrième plan greffe, que Mme Cortot-Boucher vous a présenté en juin, a pour objectif de relancer l'activité greffe, très impactée par le covid, avec une baisse de 25 % des transplantations en 2020. Il est nécessaire de relancer les prélèvements, alors que le taux de refus avait augmenté durant la pandémie. Nous devons sensibiliser davantage le public. Nous devons développer le don du vivant, méconnu, et sensibiliser notamment pour des dons de rein et de foie, à destination des enfants.
Cela passe par un meilleur déploiement territorial. Nous faisons le pari d'un changement de méthode, avec des objectifs nationaux qui seront adaptés aux spécificités locales, en lien avec les autorités régionales de santé (ARS). L'agence animera ce déploiement territorial avec ses correspondants régionaux.
Cela passera aussi par le recours à des infirmières en pratique avancée, une des réponses à la pénurie de personnel des hôpitaux, et qui améliorera la qualité du processus de greffe dans son ensemble - du recueil du consentement au suivi post-greffe - et redonnera du temps aux médecins.
Nous voulons promouvoir davantage le don, ce qui est une des missions que la loi confie à l'agence, afin d'agir sur les mentalités et augmenter le taux de prélèvement.
Le plan greffe bénéficie pour la première fois d'un financement dédié de 210 millions d'euros supplémentaires sur cinq ans, ce qui souligne l'implication du ministère de la santé.
Nous mettons en place le quatrième plan sur les greffes de moelle osseuse pour faciliter l'accès aux cellules souches hématopoïétiques, et pour sélectionner le meilleur greffon en fonction de la pathologie, de l'âge, du stade de la maladie et de l'urgence. Nous voulons augmenter le faible nombre de donneurs - 330 000 en France contre 9 millions en Allemagne. Alors que nous avions comme objectif 20 000 nouveaux donneurs par an, nous sommes sur la bonne pente avec déjà 24 000 donneurs en 2021. Nous voulons aussi diversifier les donneurs : il faut masculiniser le registre, car les dons faits par des femmes après une grossesse, qui immunise, sont de moins bonne qualité pour le receveur. Et il nous faut plus de dons de personnes issues de la diversité pour disposer de tous les phénotypes.
Pour réduire les délais de greffe, nous voulons optimiser les typages d'antigènes d'histocompatibilité (HLA) : on peut désormais s'inscrire en ligne, avant de recevoir un kit de prélèvement salivaire à faire à la maison. Cela évite la congestion du système de soins.
L'assistance médicale à la procréation avait fait l'objet de nombreux débats en 2021. Le secteur a été mis sous très forte tension, avec un afflux de demandes dépassant les anticipations. L'extension à de nouveaux publics, notamment des femmes seules, a rallongé les délais d'attente. Vous avez enclenché un véritable changement sociétal, mais nous ne savons pas encore s'il sera conjoncturel - une forme de rattrapage - ou structurel.
Notre objectif est de tendre vers l'autosuffisance nationale du don de gamètes. Nous avons augmenté le nombre de donneurs de gamètes mâles, mais devons améliorer l'objectif sur le don d'ovocytes. À cela s'ajoute la forte demande d'autoconservation de gamètes pour raisons non médicales, qui se confirme en 2022. L'agence a mis en place un comité national de suivi qui partage les informations, suit les évolutions et adapte le financement - le ministère a donné les moyens nécessaires.
Je suis aussi très attentive au dernier champ d'activité de l'agence, les consultations de génétique et les nouvelles techniques de diagnostic comme le séquençage génomique à très haut débit. Il faut aussi informer le public de manière neutre et rigoureuse sur les multiples tests en vente sur internet. Nous devons suivre attentivement les évolutions technologiques. Les activités de recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires mobiliseront également mon attention.
Je vais présenter mon parcours, que vous connaissez déjà. Je suis médecin de formation, spécialisée en santé publique, en raison de mon intérêt pour les politiques publiques et pour une approche pluridisciplinaire. J'ai réalisé une carrière variée, à la fois en administration centrale, territoriale, en cabinet, en établissement public et à l'inspection générale des affaires sociales (IGAS). En plus de mes compétences médicales et techniques, j'ai ainsi pu développer des compétences stratégiques, administratives, gestionnaires et juridiques.
J'ai commencé ma carrière dans les produits de santé, d'abord à l'Agence française des produits de santé, désormais Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), puis à la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole, et enfin au cabinet de Xavier Bertrand. Puis j'ai rejoint la direction de la sécurité sociale pour m'occuper du financement du système de soins, champ plus large qui comprenait la construction et le suivi de l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie (Ondam). Je me suis aussi occupé de l'expérimentation de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé, notamment les maisons de santé, que vous avez soutenue. J'ai ensuite intégré l'IGAS, où j'ai effectué de nombreuses missions dans le champ de la santé et de la protection sociale, avant de diriger la branche accidents du travail-maladies professionnelles - vous m'aviez entendue à ce moment-là. Depuis 2019, je m'occupe de la lutte contre la pauvreté et de la mise en place de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, dans une approche interministérielle et territorialisée.
La bioéthique m'a toujours passionnée : j'ai effectué mon premier stage d'externe en 1992 dans le service d'immunologie pédiatrique du Pr Fischer à l'hôpital Necker, où l'on procédait aux premières greffes de moelle osseuse, et réalisé deux maîtrises de génétique humaine et d'immunologie au moment où étaient votées les premières lois de bioéthique.
Désormais, le cadre stratégique et juridique de l'agence est bien posé. Il faut mettre en oeuvre ces orientations. Mon expérience hospitalière de praticienne et celle, plus administrative, acquise à la direction de la sécurité sociale et à l'IGAS, me permettront de comprendre les contraintes pesant sur les équipes et les établissements hospitaliers. La crise de l'hôpital m'obligera à être à l'écoute des professionnels de santé, coeur du réacteur de l'agence. Je souhaite aller très vite sur terrain pour les rencontrer et trouver des solutions dans ce contexte difficile, notamment pour réussir le déploiement territorial.
J'associerai aussi les associations de patients et d'usagers, les chercheurs et les médias. Le déploiement d'une démocratie sanitaire est l'une des priorités de l'agence, qui figure dans le contrat d'objectif et de performance proposé au ministre : c'est la condition sine qua non pour maintenir la confiance du public sur ces activités sensibles, dans une période où elles sont questionnées.
Je pense avoir déjà acquis cette expérience dans le cadre de mes activités actuelles, notamment en matière de lutte contre la pauvreté, où je travaille en lien étroit avec les associations. Cette coordination aurait été très utile dans la gestion de la crise covid, pour trouver des solutions concrètes permettant d'atténuer le choc sur les populations les plus vulnérables.
J'aurai à coeur de m'inscrire dans la continuité de l'action des directrices générales qui m'ont précédée et qui ont consolidé les valeurs de l'agence, celles d'équité, d'impartialité, de fiabilité, de transparence et de solidarité. Compte tenu de mon parcours, je crois pouvoir préserver cette expertise.
La loi de bioéthique a été votée il y a dix-huit mois. Où en est-on de sa mise en oeuvre ? En effet, le dernier rapport du Sénat sur le contrôle de l'application de la loi déplorait un certain nombre de lacunes. Des textes d'application restent-ils à finaliser en 2023 ?
Les demandes d'assistance médicale à la procréation (AMP) sont en hausse importante, émanant en particulier de femmes seules. Comment réduire les délais ? Existe-t-il à ce jour une priorisation de certains dossiers en fonction de l'âge des demandeuses ?
L'activité de greffe d'organes a été affectée par les effets de la crise sanitaire. Quelle est la situation actuelle ? Vous avez fait part de la volonté de relancer les greffes et de promouvoir le don du vivant, mais où en est-on exactement ? Les sommes engagées dans le plan ministériel pour le prélèvement de la greffe d'organes et de tissus pour 2022-2026 et les mesures prévues dans ce plan vous paraissent-elles réalistes, adaptées et suffisantes ?
Concernant les dons volontaires de moelle osseuse et d'ovocytes, constatez-vous des conséquences durables de la crise sanitaire ? Les niveaux de dons sont-ils comparables à ceux de nos voisins européens ?
Où en est le développement des deux autres plans ministériels relatifs pour l'un à la procréation, à l'embryologie et à la génétique humaine, pour l'autre au prélèvement et à la greffe de cellules souches hématopoïétiques ?
Les crédits consacrés par l'agence au financement de la recherche semblent diminuer. Quelles sont les perspectives et quelles seront vos priorités dans ce contexte ?
L'organisation de l'agence a récemment été revue, avec notamment le rapprochement du pôle recherche et de l'activité de coopération internationale. Des partenariats ont été noués avec le Sénégal, la Tunisie et la Moldavie. Qu'ont-ils apporté ? À moyen terme, quels sont vos projets en la matière ?
La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), présidé par René-Paul Savary a décidé, au sein de notre commission, de lancer un travail de contrôle sur les moyens des agences sanitaires. L'Agence de la biomédecine a-t-elle les moyens humains et financiers pour assurer ses missions ?
Enfin, le nombre des agences et leur superposition sont souvent critiqués dans le débat public. Comment concevez-vous la coordination entre l'Agence de la biomédecine et d'autres établissements comme l'Établissement français du sang dont nous avons récemment entendu les représentants en audition ?
L'essentiel des questions vient d'être posé. Peut-être pourrions-nous approfondir celle des greffes d'organes ? Le plan d'action présenté par le ministère de la santé et par l'Agence de la biomédecine vise un objectif de 6 700 à 8 300 greffes en 2026. Pour cela, il était question de mobiliser des infirmiers afin de mieux coordonner les prélèvements à l'hôpital et de développer les dons venant de donneurs décédés ou bien encore en vie. Auriez-vous des précisions sur ce sujet ?
Depuis le 1er janvier 2022, il est possible de conserver des gamètes pour raisons non médicales. Quelque 5 000 femmes ont réalisé les premières démarches en ce sens et plus de la moitié ont débuté ce parcours, mais l'accès reste très compliqué pour les femmes seules et les couples de femmes. Les délais de prise en charge s'allongent et varient en fonction des centres. Parfois, il faut attendre plus de trois ans, comme en Île-de-France et à La Réunion, contre six mois seulement dans d'autres régions. Comment réduire ces délais et faciliter l'accès au droit pour toutes les femmes ?
Un rapport vous sera transmis prochainement sur l'application de la loi de bioéthique. Celle-ci prévoyait 32 mesures d'application, 10 habilitations à légiférer par ordonnance et 6 rapports remis par le Gouvernement au Parlement. Les textes qui ont été traités en priorité concernaient l'AMP, à cause de l'importance du sujet. Le ministère et l'Agence de la biomédecine se sont concentrés sur la mise en place du comité de suivi et sur l'accès aux origines, qui était l'un des éléments phares de la loi.
Le retard pris dans la publication des décrets n'a pas eu de conséquences négatives, dans la mesure où la mise en oeuvre des dispositions n'a pas été bloquée. Une ordonnance sur les dispositions qui s'appliquent outre-mer vous sera soumise très prochainement. L'urgence était de prioriser le volet consacré à l'AMP, car la demande était importante.
Quant aux délais de prise en charge, le dernier comité de suivi s'est réuni en octobre 2022 et ses conclusions ont été rendues publiques. Les dons d'ovocytes avaient chuté en 2020, mais sont repartis à la hausse, de sorte qu'en 2021, on avait déjà rattrapé le niveau de 2019. La tendance se confirme en 2022. De plus, le délai d'accès aux dons est désormais stabilisé à vingt-deux mois, après avoir connu une dégradation.
Les dons de spermatozoïdes avaient chuté de 60 % en 2020. Toutefois, en 2021, le nombre de donneurs a été multiplié par deux, soit 600 contre 135 en 2020 et 317 en 2019, ce qui suffit pour répondre à toutes les attentes.
Les nouveaux publics représentent 60 % des 3 000 personnes en attente d'une AMP avec don de sperme, parmi lesquels les femmes seules sont majoritaires. Le délai moyen pour ce type d'AMP est de quatorze mois, légèrement supérieur à celui d'avant-crise. Nous sommes dans une phase de stabilisation dont nous espérons qu'elle se confirmera en 2023.
Pour ce qui est de la logique de priorisation des dossiers, un arrêté a prévu des règles précises, le principe étant de retenir la date d'entrée dans le processus. L'enjeu reste d'harmoniser les pratiques des centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humain (Cecos), pour garantir l'égalité d'accès de tous les publics.
Je ne dispose pas de toutes les données de comparaison au niveau européen sur les dons volontaires de gamètes. Les dons de spermatozoïdes posent moins de problèmes que ceux d'ovocytes. L'importation de gamètes restant interdite, il est important de garantir notre autosuffisance en la matière.
Le nombre de greffes a chuté de 25 % en 2020, mais il a rebondi de 20 % en 2021, ce qui a permis de retrouver le niveau de 2006. L'agence travaille à consolider ces données, qu'elle diffusera lors d'une conférence de presse au début du mois de février prochain. Celles pour 2022 sont rassurantes : elles montrent la résilience du système de soins, qui a su se mobiliser malgré les tensions hospitalières et les difficultés auxquelles il est confronté.
Les textes concernant la mobilisation des infirmiers en pratique avancée (IPA) pour les greffes sont en cours d'élaboration. Les IPA ont beaucoup de succès et je m'en réjouis, car j'ai beaucoup travaillé par le passé sur la notion de délégation de tâches. Toutefois, il faut réguler le dispositif, car notre système de soins manque actuellement d'infirmiers. L'enjeu est de trouver le bon niveau de définition du référentiel métier, car l'activité liée aux greffes reste une niche. Les infirmiers qui choisiront de se spécialiser dans ce domaine doivent pouvoir avoir accès à un parcours plus diversifié dans la suite de leur carrière s'ils le souhaitent.
Les crédits de recherche de l'agence auraient, semble-t-il, baissé mais cela reste à confirmer. Un gros travail doit être mené au niveau international. L'agence joue un rôle de fer de lance en Europe et nous travaillons à la doter du label de centre collaborateur de l'OMS. Nous devons favoriser son rayonnement et diffuser son savoir-faire en allant former des équipes à l'étranger. Cette priorité est inscrite dans le contrat d'objectifs et de performance (COP). Malgré des pratiques très différentes, des coopérations et des convergences sont possibles avec d'autres pays, notamment sur certains sujets éthiques.
Quant aux moyens de l'Agence de la biomédecine, ils ont augmenté au moment de la mise en oeuvre de la loi, ce qui arrive rarement. Cela a permis de recruter du personnel et de combler certains manques. L'enjeu du prochain COP sera de consolider encore ces moyens pour poursuivre l'application de la loi. Les comités de suivi sur l'AMP et le plan greffe permettront de vérifier si l'agence est en mesure d'accomplir toutes les missions qui lui ont été confiées.
La coopération de l'agence avec l'Établissement français du sang est un sujet récurrent, mais les deux entités ont des activités différentes. Même si elles ont en commun le don, leur pilotage et leur organisation ne sont pas les mêmes. La logique de l'agence est de pilotage opérationnel ; elle n'a pas pour objet la production de produits sanguins en tant que tels.
Pour ce qui est de l'harmonisation des délais d'attente pour l'AMP, le comité de suivi fait remonter les données région par région, de manière à ce que nous puissions ajuster les financements et équilibrer les moyens alloués aux centres qui seraient en difficulté. J'ai une expérience de pilotage de réseau, acquise dans les fonctions que j'exerçais pour l'assurance maladie : sans méconnaître les difficultés qui peuvent exister dans certains centres, il est possible de favoriser la transparence pour partager les bonnes pratiques entre les centres, dans une logique proactive d'émulation plutôt que de mise à l'index. Il faut être prudent dans une période où le système est en surtension.
Notre participation au conseil d'orientation de l'agence est très intéressante, notamment parce que la première partie de la réunion est consacrée à des échanges généraux sur des points d'actualité. L'application de la loi de bioéthique a largement nourri les débats dans la période récente. Dans ce cadre, les praticiens font remonter des préoccupations et des interrogations au législateur sur l'application de la loi, auxquelles nous pouvons parfois répondre en tant que parlementaires, mais pas toujours, car il s'agit parfois de textes réglementaires.
L'AMP donne constamment lieu à des difficultés dans l'application de la loi. Vous n'avez pas répondu à la question de savoir si l'agence avait les moyens de ses missions. Je vous rassure, aucun candidat n'y répond. Toutefois, pour ce qui est de l'AMP, il est clair que la réponse est non, ce qui explique en partie le retard pris dans la mise en oeuvre du texte.
Le problème est aussi celui des bornes d'âge et nous l'avions identifié au moment du vote de la loi. Pour ce qui est de la tranche supérieure, elles restent simples et ont été précisées par décret un mois après l'entrée en vigueur de la loi. En revanche, le Parlement a décidé de ne pas fixer de borne d'âge minimal. Or il arrive que de très jeunes femmes fassent une demande d'AMP. Tant que le législateur n'a pas fixé de borne d'âge minimal, l'arrêté ne peut pas prévoir de priorisation. Peut-on trouver une voie d'amélioration ou faut-il en rester là ? Certains praticiens déplorent une situation impossible, dès lors qu'une femme très jeune fait une demande d'AMP. Quelles évolutions envisagez-vous pour résoudre la difficulté ?
De manière plus générale, il est essentiel que le législateur puisse échanger avec l'Agence de la biomédecine, au-delà du conseil d'orientation et des différents rapports. Que comptez-vous faire pour favoriser la compréhension de la loi par les praticiens tout en incitant le législateur à procéder à certaines modifications que l'on estime nécessaires sur le terrain ?
Enfin, l'agence a été confrontée à de multiples contentieux au cours des dernières années, qui avaient pour objet de freiner ses recherches, notamment sur les cellules souches embryonnaires. L'un des objectifs de la loi était de lui fournir une sécurisation juridique supplémentaire et de limiter ces contentieux. Quel bilan tirez-vous du dispositif mis en place ?
Vous avez su nous rassurer sur la question des dons de gamètes, car je craignais que leur nombre chute en raison du droit d'accès aux origines. Ce n'est pas le cas.
Comment envisagez-vous la montée en charge des demandes d'AMP qui, me semble-t-il, risque de s'accroître encore ? Quelles adaptations faut-il envisager par rapport à un modèle qui repose sur les principes de gratuité du don et d'altruisme ? Avez-vous des chiffres sur le nombre de personnes qui se rendent dans d'autres pays de l'Union européenne ou bien hors de l'Union européenne pour une AMP ? Enfin qu'en est-il de l'évolution de la gestation pour autrui (GPA) dans les pays où elle est autorisée ?
Je souscris à ce qu'a dit Bernard Jomier sur le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine, qui est l'occasion de matinées de travail passionnantes, auxquelles j'ai pu participer avec notre collègue Gilbert Barbier.
Comme Olivier Henno, j'ai été surprise que la levée de l'anonymat, dans le cadre du droit d'accès aux origines, auquel j'étais favorable, n'ait pas provoqué un décrochage dans le nombre des dons de spermatozoïdes. On a constaté que dans les pays où ce droit s'appliquait le profil des donneurs changeait. Sans doute est-il trop tôt pour tirer des conclusions en France ?
Monsieur Jomier, vous n'êtes pas le premier à relayer les interrogations des praticiens sur la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions et sur le fait que des femmes jeunes et qui ne sont pas malades viennent demander une AMP. Le changement de paradigme est fort par rapport à l'activité de soins qu'ils pratiquaient jusqu'alors. Les réticences et les questionnements sont légitimes. Le débat n'est pas seulement au Parlement, mais il se poursuit aussi dans le milieu médical et dans la société tout entière.
Le rôle de l'agence est de favoriser les discussions avec les centres pour prendre en compte les remontées des praticiens, ainsi que les demandes des associations de patients. Nous pourrons lancer des groupes de travail sur ces sujets, qui contribueront à dédramatiser la situation et à clarifier les problèmes. L'agence ne peut pas décider d'une limite d'âge minimal, mais elle peut proposer d'éventuelles modifications législatives et réglementaires.
En ce qui concerne les recherches sur l'embryon, depuis dix-huit mois que la loi a été publiée, je n'ai pas constaté d'effet significatif du dispositif mis en place pour réduire le nombre des contentieux. Il faut laisser le temps à la situation d'évoluer et de se stabiliser. Toutefois, les contentieux permettent aussi de clarifier certaines dispositions.
Les AMP qui entrent dans le cadre de la loi et qui sont réalisées dans un pays de l'Union européenne sont prises en charge par l'assurance maladie et le comité de suivi en tient compte. L'activité à l'étranger reste importante pour des problèmes de délai, notamment lorsque les personnes qui souhaitent bénéficier de l'AMP atteignent la limite d'âge autorisé, la règle en France étant de prendre en compte la date de l'inscription dans la file d'attente.
À ma connaissance, on recense très peu d'AMP pratiquées hors de l'Union européenne et cela concerne surtout des cas particuliers liés à la famille.
En revanche, je n'ai pas de données sur la GPA, car celle-ci n'est pas autorisée en France et ne fait donc pas l'objet d'un suivi.
Nous vous remercions.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La commission désigne Mme Pascale Gruny rapporteur sur la proposition de loi n° 166 (2022-2023), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses.
La commission désigne Mme Laurence Rossignol rapporteure sur la proposition de loi n° 105 (2022-2023), présentée par M. Bernard Jomier et plusieurs de ses collègues, relative à l'instauration d'un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé.
La commission désigne Mme Jocelyne Guidez, M. Laurent Burgoa et Mme Corinne Féret rapporteurs de la mission d'information de la commission sur les troubles du neurodéveloppement.
La réunion est close à 10 h 05.