Intervention de Éric Lombard

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 janvier 2023 à 9h00
Audition de M. éric Lombard candidat proposé par le président de la république aux fonctions de directeur général de la caisse des dépôts et consignations et vote sur cette proposition de nomination

Éric Lombard, candidat proposé par le Président de la République pour exercer les fonctions de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations :

Je suis très honoré de vous présenter ma candidature au poste de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, puisque, le 8 décembre dernier, le Président de la République a proposé de me reconduire dans mes fonctions pour un second mandat. Je vous demande donc aujourd'hui de bien vouloir m'accorder votre confiance.

Comme l'a rappelé Albéric de Montgolfier, au-delà de la procédure prévue par l'article 13 de la Constitution, cette audition s'inscrit dans la relation fondamentale qui lie la Caisse des dépôts et consignations au Parlement, puisque celle-ci est placée « de la manière la plus spéciale sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative ». Croyez bien que cette relation avec le Parlement de la Nation s'exerce de manière forte et quotidienne au sein de notre institution.

Ce statut, unique à ce stade, se traduit dans notre gouvernance. Pendant cinq ans, la commission de surveillance a été présidée par Sophie Errante, puis par le sénateur Jérôme Bascher, que je remercie pour l'énergie et la compétence dont il a fait preuve. Depuis le mois de septembre dernier, le député Alexandre Holroyd lui a succédé.

J'ai veillé à vous rendre compte régulièrement de nos activités, comme le prévoit la loi Pacte, et mes collaborateurs sont très souvent venus vous exposer le suivi de nos travaux.

Puisqu'il s'agit d'établir un bilan, il me semble que la CDC est aujourd'hui plus forte et que son action est plus efficace au service des territoires et de l'économie.

Le premier objectif de mon action a été de rendre le rôle de la Caisse plus lisible auprès des élus ; c'est pourquoi nous avons créé, en mai 2018, la Banque des territoires, qui regroupe, depuis sa création, l'ensemble de notre expertise et de nos offres à destination des territoires. Grâce à l'implication de son directeur Olivier Sichel, la Banque des territoires est désormais le point d'entrée unique pour tous les élus, en zone rurale et dans les métropoles, dans l'Hexagone et dans les outre-mer. Son organisation est très fortement déconcentrée et décentralisée puisque plus de la moitié des décisions sont prises dans les régions, au plus près du terrain.

L'offre de la Banque des territoires est globale. Il y a tout d'abord de l'ingénierie, indispensable pour mener à bien un projet de développement, puis des investissements en capital et en fonds propres et enfin des investissements en prêts pour compléter les financements. Notre activité historique de prêteur sur les fonds d'épargne nous a ainsi permis d'accompagner les importantes mutations du logement social dans le cadre notamment de deux plans logement et de l'effort particulier fourni pour la rénovation thermique de notre parc. À cet égard, il faut mentionner l'action de notre filiale CDC Habitat, premier bailleur français, très engagée dans la rénovation des copropriétés dégradées.

Je profite de cette occasion pour redire mon attachement au financement par l'épargne réglementée. En effet, les fonds d'épargne constituent un modèle unique de transformation de l'épargne populaire, c'est-à-dire d'une épargne à court terme garantie, en prêts de très long terme, pouvant courir sur une durée allant jusqu'à quatre-vingts ans. En outre, les conditions d'accès à ces prêts sont les mêmes en tout point du territoire, ce qui en fait un outil massif d'égalité territoriale. En réalité, il s'agit de la seule action financière qui soit complètement équitable, quel que soit l'endroit où nous nous trouvions sur le territoire.

Les résultats de la création de la Banque des territoires sont tangibles. Depuis 2018, le volume des investissements réalisés en capital sur les territoires a triplé, atteignant l'année dernière un montant de 2 milliards d'euros. La confiance qu'inspire l'institution a entraîné, en outre, un fort effet de levier : quand nous investissons un euro, s'ajoutent aussitôt sept euros d'investissements privés, publics ou venant de l'Union européenne grâce au projet InvestEU. Enfin, le caractère complet de notre offre nous a permis de participer à des opérations importantes comme Action coeur de ville, qui bénéficie à 222 villes de métropole et des outre-mer, ou Petites Villes de demain, dans les zones rurales et les territoires d'industrie.

Le deuxième axe du renforcement de notre ancrage sur le territoire tient au rapprochement avec La Poste, qui a été autorisé par la loi Pacte en 2019 et réalisé en 2020. Grâce à lui, la CDC s'adosse à un réseau sans égal. Bien évidemment, en devenant actionnaire majoritaire de La Poste, nous nous sommes engagés à accompagner sa transformation et à nourrir de nombreuses coopérations stratégiques.

Cette opération, complétée par l'acquisition de la Société de financement local (SFIL), a fait de nous un grand pôle financier public, acteur majeur du financement de l'économie de notre pays. Nous disposons ainsi de 1 300 milliards d'euros de ressources qui se traduisent en autant d'engagements au service de l'ensemble des territoires - le chiffre est massif.

Depuis la création de ce grand pôle financier public, les rôles sont précisément répartis entre la Banque postale, la Banque des territoires, la SFIL, spécialisée dans le financement des collectivités locales et dans le financement export, ainsi que Bpifrance. Les rôles de ces différentes entités sont bien précisés et leur action est parfaitement segmentée de façon à éviter tout gaspillage de l'argent des Français.

Je suis également très attaché à notre action en matière de politique sociale, secteur dont j'ai cherché à renforcer la direction.

Nous gérons, en effet, la retraite d'un Français sur cinq au travers de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) et de l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec).

De plus, nous avons mis en oeuvre au cours du quinquennat précédent le dispositif « Mon compte formation » qui constitue une révolution dans l'accès à la formation professionnelle, dans la mesure où il contribue à sa massification - des millions de Français en ont bénéficié - et surtout à une meilleure équité. Alors qu'auparavant la formation professionnelle profitait surtout à des cadres masculins, elle bénéficie désormais majoritairement aux employés et aux ouvriers, à parité entre les hommes et les femmes.

Nous avons également été au rendez-vous des crises, en jouant notre rôle contracyclique. J'étais venu vous présenter notre contribution au plan de relance, pour un montant de 26,3 milliards d'euros en fonds propres. Nous avons tenu notre engagement, puisque, à la fin de l'année 2022, 80 % des sommes prévues étaient engagées et que nous nous apprêtons à finir la mise en oeuvre de ce plan. Nous tenions à ce que ces fonds soient engagés le plus rapidement possible pour soutenir notre économie.

Rien de cela n'aurait été possible sans l'engagement des femmes et des hommes de la Caisse des dépôts. Je veux devant vous les remercier et leur rendre hommage, car ce sont des personnes très professionnelles, qui oeuvrent sur le terrain tous les jours au service de l'intérêt général, avec talent, engagement et énergie. Elles font de la Caisse des dépôts ce qu'elle est.

Enfin, ce dynamisme a permis de dégager de bons résultats économiques, ce qui est essentiel pour une institution qui n'a pas d'actionnaires et qui est placée sous la protection du Parlement.

Nous avons dégagé en moyenne sur la période 2,5 milliards d'euros de résultat, compté après un équivalent d'impôt sur les sociétés que nous versons. Une tradition veut que nous versions à l'État une part de ce résultat, qui s'est élevée à 6 milliards d'euros, sur l'ensemble de la période, soit 1,5 milliard d'euros par an. La Caisse des dépôts est aussi un contributeur important au budget de l'État, et c'est un rôle citoyen qui nous honore.

À quoi servira ce second mandat, si vous décidez de me l'accorder ?

La solidité financière et la plus grande efficacité au service des territoires acquises grâce à cette transformation interne nous permettent de nous projeter dans les cinq prochaines années. Nous prévoyons d'investir 27,5 milliards d'euros, de manière à maintenir un rythme d'investissement au niveau de celui que nous avons connu pendant le plan de relance.

En effet, nous sommes convaincus que l'expertise, les moyens et la qualité des femmes et des hommes de la Caisse des dépôts nous permettront d'accompagner la transformation du pays autour de trois axes prioritaires : la transformation écologique, les souverainetés et la cohésion sociale et territoriale.

Pour ce qui est de la « transformation » écologique, c'est un mot que je préfère à celui de « transition », car, en réalité, c'est toute notre économie et toute notre vie sociale qu'il s'agit de transformer pour faire face au réchauffement climatique et à ses défis. Cette transformation sera source d'investissement et de bien-être pour nos concitoyens, de sorte qu'il faut l'appréhender dans un esprit positif.

Toutefois, les investissements devront être massifs. Depuis 2020, Bpifrance a déjà engagé 50 milliards d'euros, et nous comptons, dans la période 2023-2027, engager 80 milliards d'euros supplémentaires.

Parmi les secteurs qui en bénéficieront, il y a la rénovation thermique des bâtiments. En cinq ans, plus d'un million de mètres carrés de bâtiments publics ont ainsi été rénovés, ainsi que près de 190 000 logements sociaux. Le rythme doit néanmoins s'accélérer et, pour cela, nous mettons en place des outils, comme le service Prioréno, grâce auquel les élus pourront disposer du bilan énergétique des bâtiments de leur commune pour déterminer et planifier les rénovations à mener en priorité durant leur mandat, rénovations que nous pourrons financer sur les fonds d'épargne.

Les mobilités durables sont également concernées, notamment dans les transports publics. Ceux-ci doivent être ouverts au plus grand nombre, dans le plus de territoires possible, de façon totalement décarbonée. Aussi, nous finançons, avec le soutien de l'Union européenne, l'électrification des bus de la RATP, les bus à hydrogène de Dijon ainsi que les bus électriques de Brest. Demain, nous pourrions aussi être le financeur de nouvelles infrastructures, telles que les petites lignes ferroviaires sur l'ensemble des territoires ou les RER métropolitains.

Aux bornes du groupe, nous avons une filiale de transports publics, Transdev, qui a elle aussi engagé la décarbonation de son action.

Avec La Poste, nous avons créé des outils particuliers, comme Movivolt, pour accélérer le verdissement des flottes des entreprises, et Urby, pour développer la logistique décarbonée dans les métropoles.

En outre, la décarbonation des transports concerne aussi les transports individuels. Nous ferons ce que nous avons toujours fait pour développer les grandes infrastructures de notre pays, en finançant l'installation d'un réseau de bornes de recharge électrique. C'est important, même si cela ne sera pas forcément facile, notamment dans les zones rurales ou bien encore dans les copropriétés où le premier qui s'équipera ne voudra pas payer pour tout le monde. Pour traiter ce sujet particulier, nous avons mis en place une filiale dédiée, Logivolt, qui fonctionne très bien.

Malheureusement, comme vous le savez, les effets du réchauffement climatique sont déjà là et nous devons aussi accompagner l'adaptation des territoires les plus fragiles, comme les territoires littoraux et les territoires de montagne. Nous intégrons donc ce critère d'adaptation dans nos projets urbanistiques, ce dont témoignent, par exemple, ceux qui favorisent la réduction des îlots de chaleur dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou bien ceux qui portent sur la renaturation.

En effet, le réchauffement climatique accroît les risques pour la biodiversité. Nous avons donc développé une filiale CDC Biodiversité, qui fait de la compensation en matière de biodiversité, et nous veillons à exercer pleinement notre métier d'aménageur, métier qui est en voie de complète transformation. De fait, l'aménagement de nos villes et de nos campagnes doit changer radicalement pour respecter l'impératif écologique, pour réduire l'artificialisation des sols, ce qui est un défi pour nombre d'élus, et pour construire ce qu'on appelle « la ville sur la ville », en développant la « seconde vie du bâtiment ». Par exemple, au lieu de détruire un bâtiment et de le reconstruire, ce qui consomme beaucoup de ciment, on en garde les structures en béton. Je rappelle que si les cimentiers formaient un pays, ce serait le septième émetteur de carbone de la planète. On réalise donc une grande économie de CO2. Nous avons procédé ainsi à Villeurbanne, selon une méthode plus coûteuse, mais économe en carbone pour recréer des bâtiments qui sont passés du statut de vieux HLM à celui de bâtiments neufs à énergie positive. Nous accompagnons toutes ces nouvelles méthodes de construction et développement, car elles sont essentielles.

La sobriété foncière nous impose également de modifier l'organisation de l'espace urbain et nous avons pour projet de travailler sur les entrées de ville où l'on trouve de nombreux centres commerciaux qui, en réalité, sont moins prospères depuis que l'on a redynamisé les centres-villes et que le e-commerce s'est développé. Nous transformerons donc progressivement certains de ces espaces en nouveaux éléments de ville et nous remplacerons les parkings par des logements ou des lieux d'activité pour recréer de la diversité.

Toutefois, il n'y aura pas de transformation écologique sans une mutation profonde de notre système énergétique et le deuxième axe des priorités que nous nous fixons vise à développer notre souveraineté non seulement en matière énergétique, mais aussi en matière industrielle, numérique et financière.

Le contexte géopolitique que nous connaissons nous encourage à développer notre autonomie énergétique. Pour cela, la Caisse des dépôts peut jouer un rôle majeur, puisqu'elle est co-actionnaire des deux grands réseaux de transport d'énergie en France, Réseau de transport d'électricité (RTE) avec EDF et GRTgaz avec Engie. Plus largement, nous pouvons financer toutes les infrastructures lourdes de distribution qui restent à construire.

Nous sommes aussi un producteur d'énergie, notamment hydraulique, puisque nous sommes co-actionnaire de la Compagnie nationale du Rhône, et nous intervenons dans l'implantation de parcs éoliens en mer ou sur terre et de centrales photovoltaïques, comme celle de Labarde à Bordeaux, construite sur une ancienne décharge, sans artificialisation des sols, et qui est la plus grande centrale photovoltaïque établie en ville en Europe. Je cite aussi, dans le département de l'Oise, les travaux que nous menons sur la base aérienne de Creil, où nous installons des panneaux photovoltaïques sur une piste en béton, également sans artificialisation des sols. Au total, la Banque des territoires finance déjà la production de 8 gigawatts, soit plus que 13 % de la capacité de notre pays.

Nous sommes prêts à faire beaucoup plus pour financer les transitions, notamment en augmentant nos investissements à travers les fonds d'épargne, c'est-à-dire ceux du livret A, du livret de développement durable et solidaire (LDDS) ou du livret d'épargne populaire. Nous avons là un formidable outil de transformation, les encours de ces fonds étant de 500 milliards d'euros, dont 350 milliards d'euros gérés par la Caisse des dépôts. On peut y voir une sorte de grand emprunt permanent. Ces fonds seront mis à disposition des politiques énergétiques que vous déciderez, leur choix relevant, bien évidemment, du Parlement de la République.

L'indépendance énergétique va de pair avec la souveraineté industrielle. Certains esprits avaient fantasmé des entreprises sans usine, mais l'évolution du monde leur donne tort. Originaire d'un vieux département industriel, celui de l'Aube, ce fantasme m'est toujours paru irréaliste. L'industrie est la base du développement économique et territorial, mais il faut qu'elle soit décarbonée. La Caisse des dépôts est donc très engagée dans la réindustrialisation de notre pays, que nous devons moderniser. Cela passe par la réhabilitation des friches et la construction d'usines clé en main. Le ministre de l'économie et des finances vient de faire des annonces en matière d'industrie verte et nous accompagnerons l'action du Gouvernement pour verdir notre industrie.

À cet effet, nous pourrons être amenés à intervenir en soutien à nos grandes entreprises dans le secteur des déchets, comme nous l'avons fait, il y a quelques mois, auprès de Suez, dont nous avons repris 20 % du capital.

En matière de souveraineté numérique, beaucoup a été fait pour installer le très haut débit dans les territoires et nous l'avons financé. Cependant, le numérique passe aussi par les satellites. Nous avons soutenu le rapprochement d'Eutelsat avec le réseau de satellites OneWeb afin que l'Union européenne puisse détenir une constellation de satellites.

Le cloud est un autre domaine où la souveraineté est clé. Nous avons engagé un projet avec La Poste, Bouygues Telecom et Dassault Systèmes pour développer une solution française de cloud, lancée sous le nom de « Numspot ».

Enfin, pour développer notre souveraineté financière, nous participons depuis plusieurs années à la consolidation de l'ancrage européen et au développement d'Euronext, la grande place financière européenne.

Le troisième axe de nos priorités porte sur la continuation de notre action en faveur de la cohésion territoriale et sociale. En effet, pour être socialement juste la création de richesses doit être équitablement répartie sur les territoires et équitablement partagée entre les citoyens. Cette conviction irrigue l'action de la Caisse des dépôts depuis 1816 et la lutte contre les fractures territoriales et sociales est toujours notre ADN.

Nous poursuivrons donc notre engagement pour soutenir les politiques publiques en ce sens. Nous sommes l'un des acteurs importants de la deuxième phase du programme Action coeur de ville et nous continuerons d'oeuvrer dans le cadre du programme France 2030 à destination des quartiers de la politique de la ville qui est en train de se construire.

Pour garantir la cohésion sociale, il faut aussi répondre aux grands défis sanitaires et sociaux de notre temps, en particulier la prise en charge du grand âge et la dépendance.

Pour mener à bien ces chantiers, nous disposons des moyens nécessaires. En cinq ans, nous avons gagné en efficacité sous l'autorité vigilante de la commission de surveillance pour renforcer notre politique opérationnelle et pour veiller à mieux utiliser encore l'argent que les Français nous confient.

Notre pays est confronté à des défis d'ampleur historique, qu'il s'agisse de faire face aux effets du réchauffement climatique, aux crises internationales ou à la fragmentation du monde que nous constatons. La Caisse des dépôts a toujours été au rendez-vous pour relever ces grands défis, pour financer les transformations et les mutations et pour accompagner le développement de l'économie française sur l'ensemble des territoires de la République. Je prends l'engagement devant vous, si vous m'accordez votre confiance, de poursuivre ce mandat avec toute l'énergie et l'engagement dont je suis capable, en m'appuyant sur des équipes valeureuses que j'ai citées.

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