Je souhaite vous interroger sur certains sujets qui nous intéressent quant à l'action à venir de la Caisse des dépôts, ayant bien compris que vous étiez prêt à exercer votre mandat pour une période nouvelle avec une énergie non moins renouvelée. Cette audition intervient après cinq années, qui nous permettent de tirer un bilan de votre action. La singularité calendaire fait que votre prochain mandat sera limité à quatre ans compte tenu des règles d'âge de départ à la retraite.
S'agissant de votre bilan, au-delà des réalisations que vous avez rappelées, j'aimerais que vous reveniez plus particulièrement sur la politique salariale et managériale de la Caisse, ainsi que sur le modèle économique de la Banque des territoires, tel qu'il s'exerce depuis 2018.
En 2016, un référé de la Cour des comptes critiquait certains aspects de la politique salariale de la Caisse des dépôts, allant jusqu'à pointer certaines irrégularités. On parle aujourd'hui du mécanisme d'intéressement mis en place par la Caisse. Quelles ont été les actions engagées sous votre autorité pour que la valeur soit plus justement répartie et dans des proportions plus conformes aux attendus de la situation actuelle ?
Quant à la Banque des territoires, créée depuis moins de cinq ans, elle avait pour but de proposer un « point d'entrée » unique, pour reprendre votre expression, sans doute plus judicieuse que celle de « guichet unique ». Si certains d'entre nous ont constaté des améliorations, en matière de digitalisation, de simplification et de territorialisation de l'action de la Caisse, ne faudrait-il pas aller plus loin ? L'accompagnement des collectivités par la Banque des territoires doit être plus soutenu, plus souple et plus proche de tous les territoires. En effet, certains d'entre eux manquent d'ingénierie et tout simplement de moyens pour y recourir, ce qui nourrit un sentiment de déclassement et de fracture territoriale opposant les territoires les mieux dotés, les plus attractifs et les plus puissants, et les autres, qui ont pu subir la vague de désindustrialisation sans trouver les moyens de rebondir. Souvent, dans ces derniers territoires, les collectivités peinent à faire face aux frais qu'elles doivent supporter et aux contraintes qui pèsent sur elles. Comment envisagez-vous de remédier à ces difficultés ?
Ce constat complète celui de la Cour des comptes, qui estime dans un rapport récent que le modèle économique de la Banque des territoires est fragilisé par un trop faible examen de la valeur créée par les investissements et par des risques de chevauchement avec Bpifrance et La Poste. Même si vous nous avez expliqué que la répartition des rôles était désormais claire, des difficultés subsistent manifestement - la création est récente donc cela s'entend. En outre, l'on constate un niveau de marge insuffisant du fonds d'épargne pour couvrir les frais de gestion. Quel regard portez-vous sur cette situation ? Considérez-vous que des marges de progrès existent pour renforcer ce modèle ?
Pour ce qui est de l'avenir de la Caisse des dépôts, je souscris au modèle de transformation de la société que vous privilégiez par rapport à celui d'une transition. Toutefois, dans cette transformation, il faudra prendre en compte le phénomène de fracture et de fragmentation territoriales. Vous avez notamment mentionné les transports. Or, en la matière, l'accompagnement sera forcément différent selon qu'il s'agisse d'organiser un transport massif dans un espace urbain ou métropolitain, ou selon qu'il soit besoin de construire des solutions nouvelles pour faciliter l'accès au travail ou au centre urbain dans des territoires qui n'ont actuellement pas les moyens, ni financiers ni techniques, de garantir une offre de transport performante.
Quel doit être, selon vous, le rôle de la Caisse des dépôts pour permettre à notre pays et nos territoires de concilier un double enjeu de performance et de cohésion ? La performance doit être à la fois économique et écologique, car on favorisera sinon des dérives excessives et populistes autour de l'écologie, telles que celles qui se manifestent déjà aujourd'hui. L'enjeu est aussi celui de la cohésion. En matière sociale, vous avez mentionné le logement, qui est en effet un facteur important et même prioritaire à prendre en compte. Toutefois, la cohésion doit aussi être territoriale et la Caisse peut jouer un rôle important en cela, avec la nécessité que les collectivités territoriales ne supportent pas un coût qui pèse trop lourd dans leurs finances, notamment pour celles à dominante rurale.