Intervention de Éric Lombard

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 janvier 2023 à 9h00
Audition de M. éric Lombard candidat proposé par le président de la république aux fonctions de directeur général de la caisse des dépôts et consignations et vote sur cette proposition de nomination

Éric Lombard, candidat proposé par le Président de la République pour exercer les fonctions de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations :

Pour répondre à vos inquiétudes portant sur le risque de « chevauchement », les mandats des institutions financières du groupe sont clairs. De même qu'il existe un tribunal des conflits en matière judiciaire, nous avons aussi un organe comparable, qui réunit tous les trois mois les dirigeants de ces institutions, de manière à éviter toute querelle de frontière et à établir précisément le rôle de chacun. Cela fonctionne, car nous n'avons plus d'incidents de ce type.

Quant au foisonnement d'initiatives, il existe bel et bien. Je considère que nous pouvons jouer le rôle d'entrepreneur public - d'ailleurs, la plupart des élus le font -, dès lors que le cadre est clairement fixé. Nous sommes donc soumis à de nombreuses règles et doctrines, qui sont d'ordre éthique et qui garantissent une discipline financière très stricte. En outre, dans notre organisation, chaque équipe a un mandat précis, qui fait l'objet d'un suivi mois après mois, pour vérifier que les projets sont rentables, étant entendu que la valeur doit revenir aux territoires au moins autant qu'à la Caisse.

Depuis la loi Pacte, notre activité est supervisée par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) : l'armature de contrôles, extrêmement dense, comporte des contrôles internes, le contrôle périodique de l'audit, et les contrôles effectués par d'autres organismes, notamment la Cour des comptes.

Ce foisonnement d'initiatives représente une richesse et favorise le développement des territoires, dès lors qu'il est encadré ; il faut parfois interrompre des initiatives ne fonctionnant pas, car tel est le rôle d'un entrepreneur.

Monsieur le rapporteur général, la Cour des comptes avait émis il y a plus de cinq ans des recommandations assez sévères concernant notre politique salariale. Elles ont toutes été mises en oeuvre afin de les rendre conformes aux textes. La rentabilité de l'établissement est honorable ; l'accord d'intéressement porte sur 8 % de la masse salariale, alors que les textes nous permettent d'aller jusqu'à 20 %. Cet accord d'intéressement, négocié chaque année avec les partenaires sociaux, a pour objectif d'améliorer l'équité des rémunérations. Pour l'essentiel, les sommes versées sont identiques, quel que soit le salaire : en proportion, ces primes profitent donc aux plus bas salaires, ce qui correspond à une politique sociale plus juste. À cet égard, nous avons prioritairement versé la prime de pouvoir d'achat aux petits salaires, et nous n'en versons pas aux cadres dirigeants. Notre politique salariale vise à maintenir un parcours de carrière motivant tant pour nos agents publics que pour nos salariés privés, les salaires les moins élevés recevant une attention particulière.

Je ne prétends pas que nous sommes arrivés au bout du chemin concernant la simplification de la Banque des territoires, qui est aussi une plateforme numérique. Son site internet permet aux élus d'accéder à de nombreuses informations, notamment pour suivre localement l'évolution du commerce et de la consommation. J'ai voulu simplifier les procédures d'octroi de prêt : beaucoup sont désormais accordées numériquement, et donc plus simplement. La simplification reste un enjeu quotidien, car nous avons tendance à créer de la complication - j'ignore si le problème est spécifiquement français, s'il est lié aux institutions publiques, ou s'il est général. Le rôle des dirigeants, me semble-t-il, est de réduire cette tendance.

Respectueusement, je conteste l'évaluation des investissements par la Cour des comptes. J'ai souhaité que le coût du capital de la Banque des territoires soit beaucoup plus faible que celui d'un acteur privé. Nous sommes un acteur public, et la valeur doit aller aux territoires. Lorsqu'on nous présente un projet trop rentable, il y a un problème : soit le projet doit être traité par le privé, soit l'équilibre entre la part revenant au territoire et celle qui revient à l'investisseur n'est pas bon.

De plus, nous devons prendre les risques que les acteurs privés ne prennent pas. Parfois, ces risques se matérialisent par des pertes, fort peu nombreuses en réalité. Au contraire, en prenant le risque d'installer le très haut débit dans des territoires ruraux, nous avons constaté leur valeur considérable. En réalité, la Banque des territoires fait davantage tourner son portefeuille que par le passé, vend plus d'actifs créés, et ces cessions sont réalisées avec des plus-values élevées, qui valident souvent les options retenues.

Par ailleurs, le taux de marge des fonds d'épargne populaire que nous prêtons pour le compte de l'État répond à un équilibre. L'ensemble des fonds d'épargne représente 350 milliards d'euros, 330 milliards de ces ressources venant du livret A, du LDDS et du livret d'épargne populaire, contre 20 milliards d'euros de fonds propres. Ils sont intégralement investis, à hauteur de 190 milliards d'euros dans le logement social et l'action territoriale, le reste étant investi dans l'économie française. Nous veillons à ce que l'équilibre soit maintenu, en complicité avec la direction générale du Trésor, qui a la tutelle de ce bilan.

Monsieur le rapporteur général, vous avez raison, la hausse des taux, notamment du livret A, met ce bilan sous tension. Mais, par ailleurs, une protection est donnée aux actifs à l'aide d'un portefeuille de 50 milliards d'euros d'obligations indexées sur l'inflation européenne, qui va couvrir ces frais cette année. En réalité, la plupart des prêts basés sur le livret A sont indexés, puisque l'emprunteur paie le taux du livret A, plus une marge. Mais il s'agit bien d'un point d'attention, au moment où les taux remontent.

Enfin, nous sommes très sensibles à la question des fractures territoriales et des petites collectivités. Depuis cinq ans, nous avons demandé à nos directions régionales d'avoir des objectifs d'opérations non en volume, mais en nombre, pour nous assurer que le plus grand nombre de collectivités en bénéficie. Plus de 1 500 communes nouvelles ont ainsi eu accès à nos services.

Vous connaissez ces sujets mieux que beaucoup d'autres, les communes rurales de petite taille ne disposent pas des mêmes services que les métropoles. Le projet Petites Villes de demain veille ainsi à mettre à disposition des communes rurales de l'ingénierie intégralement financée par la Caisse des dépôts et consignations, à hauteur de 200 millions d'euros de subventions, soit une somme deux fois supérieure à celle qui est mobilisée pour le programme Action coeur de ville. Grâce à cela, conjointement avec les villes concernées, ce programme démarre en flèche : des spécialistes ont été recrutés pour accompagner le développement des communes rurales.

Tous les domaines sont concernés. Par exemple, à Consolation-Maisonnettes, au coeur d'une vallée du Doubs, nous avons installé le très haut débit auprès d'une abbaye où vivent trente-deux personnes. Peu de pays peuvent se permettre de telles installations... Concernant les transports publics dans les zones rurales ou les zones éparses, nous pouvons citer l'exemple de Fourmies, dans le Nord, où un garage collectif met à disposition des habitants des véhicules pour la journée. Nous accompagnons ce foisonnement d'initiatives : notre pays est incroyablement vivace et plein d'idées.

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