Intervention de Louis Mermaz

Réunion du 12 février 2009 à 10h45
Application des articles 34-1 39 et 44 de la constitution — Article 1er

Photo de Louis MermazLouis Mermaz :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat sur l'article 1er illustre bien la façon dont le Gouvernement se comporte depuis 2007.

Chaque fois qu’il nous annonce des réformes censées accroître les libertés, chaque fois qu’il affirme agir pour le bien du peuple et de la démocratie, il faut faire très attention, car un examen attentif des dispositions proposées nous montre que c’est exactement le contraire qui se produit. Et c’est vrai de tous les textes de loi, qu’il s’agisse de la réforme de l’audiovisuel, de celle des universités, de la prochaine loi électorale ou de la présente loi organique. Le Gouvernement fait de la communication, mais sa politique est rétrograde.

L’article 34-1 issu de la révision constitutionnelle de juillet dernier prévoit que les « assemblées peuvent voter des résolutions » – c’est très bien ! –, mais « dans les conditions fixées par la loi organique », ce qui est déjà mauvais signe ! Il précise : « Sont irrecevables » – cela commence bien ! – « et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard. » Voilà une possibilité aussitôt encadrée !

Avec le Gouvernement, d’un côté, et sa majorité, de l’autre, il ne reste plus beaucoup de libertés aux parlementaires, et pas seulement à ceux de l’opposition, encore que certains, dans la majorité, aient conservé leur libre expression, et c’est une bonne chose.

Nous n’en sommes qu’au début du débat, l’important reste à venir, à l’article 12 et, surtout, à l’article 13. En attendant, nous avons déjà un avant-goût de ce qui se prépare. Lors des débats sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, le droit pour les assemblées parlementaires de voter des résolutions a connu un examen extrêmement chaotique, de suppression en rétablissement, ce qui explique, au final, le détournement de son contenu par rapport à sa finalité initiale.

En effet, les conditions, précitées, qui ont été introduites à chaque étape de la renaissance du droit de résolution, supprimé par la Constitution en 1958, sont telles que ce droit, envisagé initialement pour restaurer la fonction tribunicienne du Parlement, est devenu un droit octroyé, sous conditions, par le Gouvernement. C’est lui qui jugera de sa recevabilité et de son inscription à l’ordre du jour. Les conditions d’application de cette procédure sont donc renvoyées à une loi organique, celle dont nous débattons depuis avant-hier.

Si l’on examine, parallèlement, l’article 50-1 de la Constitution, qui réserve au Gouvernement seul la prérogative d’accepter ou de refuser l’organisation d’un débat thématique – et dont on se souvient que la création, pour l’Assemblée nationale, ne valait qu’en contrepartie de la suppression de la procédure de résolution –, nous sommes loin d’assister au renforcement du rôle du Parlement et, surtout, de l’opposition.

Ces deux articles permettent au Gouvernement d’utiliser le Parlement, mais ne peuvent être considérés comme des moyens de renforcer véritablement les droits de ce dernier. Les conditions à remplir sont telles que l’on peut douter de l’intérêt réel de cette nouvelle procédure pour le Parlement. On ne peut pas y voir, à proprement parler, un droit nouveau, puisque celui-ci est soumis à une autorisation.

Lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle, l’Assemblée nationale a supprimé cet article 34-1. Le groupe socialiste du Sénat, comme la commission des lois et la commission des affaires étrangères, ont alors déposé des amendements tendant à son rétablissement, avec, cependant, une différence de taille : tout d’abord, nous ne renvoyions pas les conditions de vote à une loi organique, mais nous tranchions la question ; ensuite, nous ne spécifiions pas que les propositions de résolution mettant en cause, directement ou indirectement, la responsabilité du Gouvernement pouvaient être irrecevables. À nos yeux, il ne fallait pas poser de limites au vote de résolutions par le Parlement.

Il y aura toujours beaucoup de lieux en France où l’on pourra heureusement s’exprimer librement. Mais, avec une telle rédaction de l'article 34-1, le seul endroit où il sera vraiment difficile de se faire entendre jusqu’au bout, ce sera finalement le Parlement, tant la liberté de parole y sera organisée, encadrée, réduite. On le verra de nouveau bientôt avec l’article 13.

Cet article étant ce qu’il est, nous sommes bien obligés de revenir sur ce que nous avons dénoncé dès l’origine. Nous avons eu la sagesse de prévoir, dès l’été, ce qui se préparait, et nous y sommes. Il ne nous reste plus qu’à essayer d’éviter le pire en modifiant autant que faire se peut les articles 1er à 5 du projet de loi organique.

Nous proposerons donc, par une série d’amendements et de sous-amendements, d’encadrer, dans le temps, la possibilité pour le Gouvernement de soulever l’irrecevabilité.

Dans la mesure où nous refusons que le Gouvernement décide unilatéralement, nous souhaitons que, en cas de contestation lors du dépôt d’une proposition de résolution, quand il estime que sa responsabilité est mise en cause, il puisse y avoir un débat avec lui au sein de la conférence des présidents de l’assemblée saisie de la proposition de résolution. Nous ne faisons d’ailleurs pas courir un très grand risque au Gouvernement, puisque la majorité domine actuellement au sein de la conférence des présidents.

Dès le début, nous nous sommes élevés contre les restrictions posées par l’article 34-1 de la Constitution telle qu’elle a été révisée en juillet dernier. Ce qui se passe aujourd’hui nous confirme que nous avions raison d’être doublement prudents !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion