Intervention de Cécile Cukierman

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 18 janvier 2023 à 9h00
« éviter la panne sèche — Huit questions sur l'avenir de l'eau » - présentation du rapport d'information

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman, rapporteure :

Je vais vous présenter les propositions du rapport. La stratégie de sobriété devient indispensable face au changement climatique ; mais elle sera sans doute insuffisante. Mobiliser davantage la ressource en eau, tout en respectant les équilibres écologiques : voilà l'équation délicate à résoudre. Toutes les grandes civilisations ont fondé leur agriculture sur la gestion de l'eau. L'eau fait société ; elle est un objet politique.

Différentes techniques existent, comme le transfert d'eau. Le projet Aqua Domitia vise par exemple à alimenter l'est de l'Occitanie à partir du Rhône, mais ce projet est difficilement reproductible dans d'autres configurations hydrographiques. La recharge artificielle des nappes et la réutilisation des eaux usées doivent être encouragées. Dans les Pyrénées-Orientales, nous avons échangé avec le président de la communauté d'agglomération de Perpignan sur l'assainissement : plus de 60 % des eaux usées sont rejetées dans la mer. La désalinisation de l'eau de mer reste très coûteuse, notamment énergétiquement.

Les retenues d'eau existantes, notamment pour l'irrigation agricole, pourraient être modernisées. Pour les créations de nouvelles retenues, les débats sont parfois houleux. Retenir l'eau l'hiver quand elle est abondante, grâce à des réserves de substitution, est plus pertinent que de pomper l'eau l'été. La réglementation est très stricte et ne permet pas des stockages de confort. Les études d'impact sont très détaillées et les autorisations environnementales ne sont délivrées que s'il n'y a pas d'incidence sur l'environnement. Il faudra contrôler avec soin les conditions de fonctionnement de ces réserves et leur impact, mais disqualifier globalement le stockage de l'eau n'est pas fondé scientifiquement. Une analyse au cas par cas, territoire par territoire, est nécessaire pour s'assurer de la nécessité de créer de nouvelles retenues.

Les réserves multi-usages doivent être privilégiées, pour soutenir l'irrigation, tout en servant, par exemple, de base de loisirs, de réserve de pêche, voire de support à des installations de production d'énergie, à l'instar des panneaux photovoltaïques flottants de la Compagnie nationale du Rhône, au lac de la Madone.

Il va falloir faire preuve d'inventivité et faire fi de tout dogmatisme pour préserver l'environnement et ne pas cesser d'utiliser l'eau. Nous avons souhaité ne pas céder à l'écopessimisme, sans être naïfs face aux difficultés à venir.

Nous identifions deux scénarios : un scénario catastrophe, avec une baisse généralisée du niveau des nappes et une réduction des capacités d'irrigation, voire d'approvisionnement, impliquant des fermetures d'exploitations agricoles, des ruptures d'approvisionnement en eau potable et une dégradation des écosystèmes ; et un scénario plus vertueux, permettant une gestion de l'eau apaisée, grâce à une anticipation de la moindre disponibilité de la ressource estivale et des conflits d'usage, et un partage de la ressource. La réalité se situera probablement entre ces deux scénarios.

Les principales propositions du rapport sont les suivantes : permettre la construction de nouvelles retenues d'eau multi-usages, quand le service économique et environnemental rendu est positif ; prioriser les solutions fondées sur la nature pour le grand cycle de l'eau ; accélérer l'adaptation de l'agriculture aux tensions hydriques ; augmenter les moyens des agences de l'eau ; repolitiser les instances de gouvernance de l'eau ; encourager la recherche et développement (R&D) ; décentraliser davantage la décision publique en faisant confiance aux échelons locaux ; enfin, renforcer la pédagogie.

Ce rapport lance le débat. Erik Orsenna dit que l'eau est le miroir de nos sociétés. D'où cette exigence d'apaisement, pour éviter les conflits.

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