Les DROM-COM, Mayotte, La Réunion, les Terres australes et antarctiques françaises, la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, la Polynésie française et Clipperton, placent la France dans la situation rare d'exercer sa souveraineté sur des territoires insulaires distants de plusieurs milliers de kilomètres de ses littoraux continentaux. Seuls les États-Unis partagent cette situation, mais sans être considérés par les États océaniens comme appartenant à la « famille pacifique ».
La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont, pour leur part, devenues membres de plein droit du Forum des îles du Pacifique (FIP). C'est une étape essentielle pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française qui peuvent désormais construire des partenariats directs avec les pays et les États insulaires de la région. La reconnaissance des territoires indopacifiques français recouvre une autre facette avec l'appartenance du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) au Groupe Fer de lance mélanésien, fondé en 1988 pour soutenir l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie et regroupant désormais la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles Salomon, le Vanuatu, les Fidji et l'Indonésie autour d'un accord de coopération économique, renforcé par une volonté de solidarité inter-mélanésienne.
L'Indopacifique suit avec attention l'évolution du statut de la Nouvelle-Calédonie, et dans le même temps, les DROM-COM suscitent des projets d'investissement de compétiteurs stratégiques. Ainsi, en 2014, un investissement chinois sur l'atoll de Hao pour développer la perliculture a été repoussé car il était susceptible de donner à la Chine une influence et un poids conséquents. Les autorités de Polynésie française revendiquaient leur autonomie de décision en la matière.
Lors des auditions et déplacements effectués dans le cadre de la préparation de ce rapport, il est apparu que les élus des DROM-COM n'ont pas été consultés par le pouvoir exécutif métropolitain en amont de l'adoption de la stratégie ou, plus récemment, des déploiements des forces militaires sur leurs territoires dans le cadre de la stratégie indopacifique française. La stratégie française pour l'Indopacifique n'a donc pas été co-élaborée avec les autorités des DROM-COM. Les représentants des DROM-COM manifestent pourtant leur volonté d'être entendus avec la création, par l'assemblée de la Polynésie française en juin 2022, d'une mission d'information portant sur l'impact des stratégies de la France dans l'espace indopacifique sur les collectivités françaises de l'Océanie. De plus, les compétences élargies en matières économique et environnementale, voire dans le domaine des relations extérieures pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, rendent de fait indispensable un changement d'approche.
Il faut bâtir la stratégie indopacifique sur nos atouts ultramarins et mettre en place une délégation commune pour participer ensemble à des fora ou agora de l'Indopacifique, y compris au Groupe Fer de lance mélanésien.
Je souhaite enfin attirer l'attention sur l'impérieuse nécessité de renforcer nos forces dans les DROM-COM. L'intensification de la compétition stratégique dans l'Indopacifique nous oblige à élever le niveau d'équipement, à augmenter le nombre d'hommes déployés, et à mettre à niveau les infrastructures, tant pour nos militaires que pour leurs équipements. Nos ambitions indopacifiques ne seront crédibles qu'au prix de cet effort.