Intervention de Jean-Baptiste Blanc

Réunion du 2 février 2023 à 10h30
Action des collectivités territoriales en matière de politique du logement — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Jean-Baptiste BlancJean-Baptiste Blanc :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen du dernier projet de loi de finances, nous avons assez longuement débattu du développement des résidences secondaires et de ses effets sur le marché local de l’immobilier, en particulier sur les contraintes en termes d’accès au logement pour les résidents permanents.

Depuis 2010, on constate une augmentation assez nette du nombre des résidences secondaires : 16, 5 %, contre moins de 10 % pour les résidences principales. La proportion de résidences secondaires est particulièrement élevée sur le littoral atlantique et en Corse. Ce développement accentue la tension sur le marché du logement, surtout dans les territoires où la population est en augmentation, obligeant les personnes qui travaillent dans les communes touristiques à résider elles-mêmes de plus en plus loin.

Il faut toutefois se garder d’une vision uniforme selon laquelle le développement des résidences secondaires serait systématiquement défavorable aux résidents locaux : les résidences secondaires constituent aussi une source d’attractivité et d’enrichissement pour l’économie locale, en particulier là où la densité de population est moins importante.

Face à ce phénomène, la fiscalité locale a évolué significativement ces dernières années en défaveur des résidences secondaires par rapport aux résidences principales. Je rappellerai deux mesures.

En premier lieu, la taxe d’habitation des résidences principales a été progressivement supprimée. Depuis le 1er janvier 2023, elle ne s’applique qu’aux seules résidences secondaires, d’où son appellation de taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS).

En second lieu, la loi de finances pour 2023 a étendu le périmètre dans lequel s’applique la taxe sur les logements vacants et où les communes peuvent également appliquer une majoration de 5 % à 60 % de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Alors que ce périmètre se limitait auparavant à des zones tendues de plus de 50 000 habitants, la majoration de la THRS pourra désormais être décidée dans des communes situées dans des zones d’urbanisation plus petites, notamment dans celles où le taux de résidences secondaires est élevé.

La liste de ces communes n’est, certes, pas encore connue, car le décret d’application n’a pas encore été pris. Monsieur le ministre, peut-être serez-vous en mesure de nous apporter aujourd’hui des précisions sur le calendrier de ce décret.

Lorsque le nouveau zonage sera connu, des milliers de communes acquerront probablement la possibilité de majorer la THRS, précisément dans les zones visées par la présente proposition de loi.

Le développement des résidences secondaires est donc un phénomène avéré, qui doit être pris en compte dans les politiques du logement.

La proposition de loi que nous examinons, déposée par M. Ronan Dantec et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, constate ce phénomène et cherche à apporter à certaines catégories d’acteurs publics, à savoir les régions et les établissements publics fonciers locaux, les moyens d’accomplir leur mission en matière de politique du logement et d’aménagement. Je profite de l’occasion pour saluer la qualité du travail de Ronan Dantec et de nos échanges. Je salue également Daniel Breuiller.

Les deux articles sont similaires dans leur dispositif. Il s’agit de créer deux taxes additionnelles à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.

La première serait instituée au profit de la région, sur délibération du conseil régional ; c’est l’objet de l’article 1er. La seconde serait reversée aux établissements publics fonciers locaux et à l’office foncier de la Corse ; c’est l’objet de l’article 2.

Dans les deux cas, cela ne concerne pas l’ensemble du territoire : seules sont visées les zones dans lesquelles peuvent s’appliquer la taxe sur les logements vacants et la surtaxe de THRS, c’est-à-dire les zones tendues, notamment touristiques. En outre, la taxe de l’article 2 ne s’appliquerait que dans le périmètre des EPFL, c’est-à-dire sur une part très limitée du territoire national, car la plupart des territoires sont uniquement couverts par un EPFE, certains ne le sont d’ailleurs par aucun établissement public foncier ; nous savons tous qu’il existe des zones blanches et qu’il faudra s’attaquer à ce problème.

Le taux de chacune de ces taxes pourrait varier de 0 % à 25 % de la valeur locative, en fonction des délibérations du conseil régional ou du conseil d’administration de l’EPF.

Comme l’indique l’exposé des motifs, il s’agit d’abord de taxes de rendement, qui visent à apporter des ressources aux régions et aux EPFL. Ces taxes auraient-elles une influence sur les propriétaires de résidences secondaires ? C’est plus difficile à déterminer. On peut penser que beaucoup d’entre eux ne mettront pas en location de manière permanente un logement, simplement parce que le taux de taxation aura augmenté. Il est possible toutefois que certains fassent le choix d’acquérir une résidence secondaire dans une zone où ces taxes ne seront pas instituées, ce qui pourrait donc avoir un effet sur la politique de logement locale.

Or l’un des principaux obstacles que je vois à ces dispositions est celui de la mise en cohérence entre les autorités chargées de la compétence logement. Si l’État conserve une part essentielle dans la définition de la politique du logement, notamment des aides de guichet, la mise en œuvre locale de la politique du logement relève pour l’essentiel des communes et des intercommunalités, même si la loi NOTRe a attribué aux régions une compétence pour promouvoir « le soutien à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine ».

En outre, cette proposition de loi permettrait aux établissements publics fonciers (EPF) non seulement d’accroître leurs ressources, mais aussi – et c’est une nouveauté – de décider sur quelle catégorie de contribuables la ressource serait prélevée, en l’occurrence les propriétaires de résidences secondaires.

Je crains donc qu’il n’y ait un risque d’interférence ou de manque de cohérence dans la mise en œuvre de la politique du logement, car les régions et les EPF, d’une part, et les communes et intercommunalités, d’autre part, n’ont ni le même périmètre ni nécessairement les mêmes stratégies.

De surcroît, cette ressource n’est assortie d’aucune obligation d’utilisation. Par conséquent, rien ne garantit que le produit serait bien utilisé pour des actions en faveur de l’accès au logement. D’ailleurs, les régions ne sont pas demandeuses d’une telle ressource.

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