Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’intention de notre collègue Ronan Dantec, auteur de cette proposition de loi, est tout à fait louable. L’accès au logement, et en particulier la possibilité de demeurer dans sa commune de naissance, de vie ou d’attachement, est encore un enjeu majeur en France, en 2023.
Les questions de logement, quel que soit le point de vue que l’on adopte, sont extrêmement sensibles. On le voit cette semaine avec l’examen concomitant au Sénat de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite et du présent texte, la situation de certains locataires tout à fait licites étant elle aussi difficile.
La présente proposition de loi repose sur l’analyse de l’évolution du marché immobilier dans des zones moins touchées historiquement par la hausse des prix et par la « secondarisation », si vous me permettez ce dernier terme.
C’est un fait connu que l’afflux de populations à fort pouvoir d’achat dans un territoire donné tend à chasser les premiers occupants ou leurs descendants, souvent incapables de suivre financièrement. L’attachement à son territoire de naissance ou de jeunesse reste fort dans notre beau pays, malgré les bouleversements de la vie moderne. Je dirais même que plus la perte de repères est forte, plus, paradoxalement, le besoin d’enracinement est grand.
J’ajoute que le phénomène ne se limite pas aux zones côtières. Dans le Sud-Ouest, on est ainsi habitué à la présence, ancienne, de résidents d’origine britannique, souvent à fort pouvoir d’achat, même si le Brexit a rendu leur situation plus compliquée.
Les auteurs de la proposition de loi disent vouloir préserver le « droit de vivre dans le territoire de naissance et de vie », dans un contexte d’insuffisante régulation du marché du logement.
Nul doute que le marché immobilier souffre de défaillances. En témoignent les difficultés de mise en œuvre de l’encadrement des loyers dans les zones tendues. Par ailleurs, la spéculation immobilière et foncière est une réalité qui pèse lourdement sur beaucoup de nos concitoyens. Inversement, dans les territoires en perte d’attractivité, la revente d’un bien à prix raisonnable peut être difficile.
Pour autant, la réponse apportée dans la proposition de loi est-elle adéquate ? On peut en douter, dans la mesure où celle-ci prévoit de répondre à ces enjeux par la création de deux taxes supplémentaires.
Le texte prévoit d’abord le rétablissement d’une taxe régionale sur les résidences secondaires, dont l’objectif est de renforcer la capacité d’animation territoriale des régions en matière de logement, via des compétences, comme le développement économique, et des dispositifs existants, à l’instar des Sraddet.
La proposition de loi prévoit ensuite une taxe additionnelle à la THRS au profit des établissements fonciers d’État et locaux. Elle leur permettrait de préempter des biens immobiliers dans une optique de rééquilibrage territorial.
À l’instar du rapporteur, j’émets des réserves sur la création d’impôts nouveaux, la pression fiscale étant déjà forte de manière générale. Par ailleurs, on observe déjà l’augmentation des taxes foncières depuis la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales. Enfin, qui peut nous assurer que ces ressources serviront réellement à financer les politiques indiquées ?
Alors que la taxe d’habitation ne subsiste plus que sur les résidences secondaires, on a vu, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, les difficultés que rencontraient les collectivités afin d’articuler les taux des différentes taxes locales, taxe foncière et THRS.
Bref, le dispositif a le mérite de la simplicité. Par définition, il ne nécessite pas non plus de créer un gage, puisqu’on augmente déjà les recettes publiques. Toutefois, comme M. le rapporteur, il ne me paraît pas adapté en l’état. Ne tapons pas trop sur les propriétaires de résidence secondaire – les hausses des taxes pouvant atteindre, voire dépasser 50 % – alors qu’ils jouent un rôle majeur dans l’économie de nos territoires.
Pour ces différentes raisons, les membres du groupe du RDSE voteront en majorité contre cette proposition de loi.