Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi présentée par notre collègue Ronan Dantec. Je commence par saluer la qualité du travail réalisé par le rapporteur Jean-Baptiste Blanc.
La problématique du logement n’est pas nouvelle et occupe une grande partie de nos travaux. Le fait d’être logé, et surtout logé dans des conditions décentes, est non seulement un élément structurant à titre individuel, mais aussi un facteur de cohésion majeur pour notre pays, qui fait face à un manque de logements, avec un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande.
Dans les zones touristiques, le développement des résidences secondaires accroît encore les tensions. Je le vois dans les Hautes-Alpes, où la déconnexion entre le prix de l’immobilier et la réalité du marché entraîne des difficultés grandissantes pour les jeunes, mais aussi pour les élus : le maire d’une des communes de la station de Serre Chevalier ne peut pas accéder à la propriété dans sa propre commune !
Dans ce contexte, la facilité est de débattre, comme nous le faisons souvent, du recours au levier fiscal. La présente proposition de loi ne déroge pas à cette règle en ce qui concerne les résidences secondaires.
Depuis le 1er janvier 2023, à la suite de la suppression, regrettable, de la taxe d’habitation pour les résidences principales, la THRS s’applique de manière générale à des locaux qui, sans être occupés en tant que résidence principale, sont meublés et propres à l’habitation. Cela les distingue aussi bien des résidences principales que des logements vacants.
Il serait, me semble-t-il, utile que notre assemblée se penche un jour sur les conditions d’accompagnement fiscal de ces résidences meublées. L’une des idées proposées par des élus de la montagne serait de veiller à ce que les multipropriétaires de logements meublés soient dans l’obligation de louer une partie de leur patrimoine en résidence principale, afin d’obtenir un effet de levier sans pour autant pénaliser l’attractivité des résidences secondaires dans nos zones touristiques.
L’exposé des motifs du texte précise qu’il s’agit d’un « outil de reconquête de l’habitat en France ». Belle ambition ! Cette volonté politique, à laquelle notre groupe souscrit naturellement, est louable. Toutefois, les deux articles de cette proposition de loi ne semblent pas apporter une réponse adéquate à un problème dont l’étendue ne saurait se limiter aux résidences secondaires.
Tout d’abord – cela a été rappelé –, il est proposé de créer deux taxes additionnelles à la taxe d’habitation, dont l’une serait instituée au profit de la région. L’objectif serait d’accroître les marges de manœuvre du conseil régional dans la conduite de sa politique d’aménagement du territoire, notamment pour les EPF locaux et régionaux.
L’échelon régional n’est pourtant pas le plus pertinent sur la question du logement ; nous le vivons tous au regard de nos expériences municipales passées ou actuelles. Bien que les conseils régionaux disposent de la compétence pour promouvoir le soutien à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat, ils n’ont que peu investi – en tout cas, sur mon territoire – ce champ, qui relève historiquement du niveau communal et intercommunal. D’ailleurs, une grande partie des régions ne sont pas particulièrement désireuses d’instaurer une nouvelle fiscalité en la matière, comme l’a rappelé M. le rapporteur.
Le caractère facultatif de cette taxe additionnelle pose donc un problème : si certaines régions l’appliquaient et que d’autres y renonçaient, on assisterait à une concurrence fiscale difficile à évaluer, mais risquant d’accentuer les disparités entre territoires.
C’est pourquoi la taxation des résidences secondaires doit s’apprécier en fonction des territoires et des circonstances locales. Au sein même de mon département, il y a des communes avec peu ou pas de résidences secondaires, quand d’autres, plus touristiques, ont un taux de résidences secondaires dépassant 70 %.
Je rappelle aussi que la THRS demeure une source de revenus pour le bloc communal. C’est particulièrement vrai depuis que les communes situées dans les zones géographiques définies par l’article 232 du code général des impôts ont la possibilité de majorer la part leur revenant d’un pourcentage compris entre 5 % et 60 %. J’apprécie sur ce point les propos rassurants de M. le ministre, qui a dit tout à l’heure que, dès 2024, cette taxe pourrait être effectivement mobilisée, sous réserve que les délibérations aient été prises par les collectivités avant le mois d’octobre 2023.
Sur cette possibilité de majoration, un autre élément, mis en exergue par le rapporteur, a également retenu mon attention : le risque d’inconstitutionnalité des mesures proposées. Dans l’hypothèse où le conseil régional et l’EPF fixeraient les taux des deux taxes prévues par la présente proposition au taux maximum de 25 %, le taux de taxe d’habitation résultant de l’application de la proposition de loi serait au total de 86 % de la valeur locative. Dans une telle situation, le juge, constitutionnel ou administratif, pourrait considérer cette imposition comme confiscatoire, en violation du principe d’égalité devant les charges publiques.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera contre cette proposition de loi, mais appelle de ses vœux un traitement global de la problématique du logement. Accès à la propriété, lits froids, lits chauds, construction de logements sociaux… les sujets ne manquent pas !
Le futur examen de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de ZAN au cœur des territoires sera certainement l’occasion d’aborder en profondeur ces dossiers, du point de vue fiscal comme réglementaire. Il est en effet indispensable de reterritorialiser les objectifs de réduction de l’artificialisation nette des sols. Certaines associations proposent par ailleurs de conserver dans les zones les plus rurales un droit minimal de constructibilité par commune.
Monsieur le ministre, j’espère que le Gouvernement entendra ces propositions, pour élaborer une politique d’aménagement du territoire et de développement des logements équilibrée entre zones rurales et zones urbaines.