Madame la présidente, madame le rapporteur, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accueil du monde entier, autour des valeurs de l’olympisme : l’excellence, l’amitié, le respect ; des performances qui ont inspiré les générations futures et les ont poussées à aller, à leur tour, plus vite, plus haut, plus fort ; des infrastructures durablement améliorées et une première reconnaissance du sport féminin ; voilà ce que les Jeux de 1924 avaient légué à la France. C’était il y a presque cent ans.
Chacun le sait, en réinventant les Jeux de l’ère moderne, Pierre de Coubertin portait le rêve d’un événement capable d’une influence positive sur le cours du monde ; ces compétitions ont su s’affirmer au fil du temps comme d’exceptionnels moments de rapprochement entre les peuples.
Les Jeux ont été à l’origine d’exploits sportifs fascinants, d’émotions collectives à nulle autre pareille. Pour les pays hôtes, organiser et réussir les Jeux est donc un honneur conquis de haute lutte, une formidable opportunité, mais aussi, chacun le mesure, un immense défi.
Aujourd’hui, la France retrouve les jeux Olympiques pour la première fois depuis un siècle et accueille les jeux Paralympiques pour la première fois de son histoire.
C’est à Lausanne, il y a cinq ans, sous l’égide du Président de la République, que le rêve olympique et paralympique français est devenu vraisemblable ; c’est à Lima qu’il a pris réalité. La délégation française a forgé alors cet « esprit de Lima », un esprit d’unité qui a permis de poser les fondations des Jeux de Paris 2024 ; un esprit que nous ferons vivre.
Depuis lors, le travail acharné de l’ensemble des acteurs nous a permis d’entamer la dernière phase de notre préparation avec confiance. C’est sur ce socle que j’inscris, depuis huit mois, mon action à la tête du ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, sous l’autorité de la Première ministre.
Avec beaucoup de gratitude, je tiens à remercier ceux qui ont été les pionniers de cette conquête olympique collective. Je me tourne notamment vers vous, cher Patrick Kanner, mais je salue également les sénateurs qui contribuent à cette aventure collective et ceux qui, plus largement, portent, parfois depuis longtemps, la volonté de voir le sport mieux installé au cœur de notre société.
À ce titre, je tiens tout particulièrement à remercier la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, ainsi que son président, Laurent Lafon, pour sa vision et pour nos échanges, aussi exigeants que constructifs.
Notre équipe est au travail, autour du comité d’organisation et de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), avec Paris, la ville hôte, la région Île-de-France, le département de la Seine-Saint-Denis et la ville de Saint-Denis, ainsi que les 70 autres collectivités hôtes impliquées, de Lille à Marseille, de Châteauroux à Teahupo’o. S’y ajoute l’ensemble des ministères concernés, tous mobilisés et coordonnés par la délégation interministérielle aux jeux Olympiques et Paralympiques, dirigée par le préfet Michel Cadot.
Nous devons rendre toujours plus efficace le pilotage de ce projet, comme nous y appelle, à juste titre, le rapport récent de la Cour des comptes. Il nous faut, en effet, être à la hauteur de cet événement d’une immense envergure sportive, avec 15 000 athlètes, médiatique, avec plus de quatre milliards de téléspectateurs, et organisationnelle, avec l’équivalent de quarante-trois championnats du monde simultanés, avec 800 000 personnes à acheminer chaque jour, enfin avec le déploiement quotidien d’environ 50 000 membres des forces de sécurité publiques et privées.
J’ai l’habitude de dire que réussir les Jeux, c’est réunir un quatuor d’exigences : l’organisation la plus irréprochable possible ; des athlètes au meilleur de leur performance ; une vraie fête populaire pour tous les Français et dans tous les territoires ; enfin, un héritage utile et durable pour le pays.
Il doit en aller ainsi, notamment en Seine-Saint-Denis, département qui concentre plus de 80 % des investissements publics du projet, mais aussi dans toute la France, dont nous devons faire une nation sportive. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a d’ores et déjà choisi de faire de l’activité physique et sportive une grande cause nationale en 2024.
Cet événement doit refléter ce que nous sommes, ce que nous savons faire de meilleur, à travers plusieurs grands marqueurs.
La parité, d’abord : pour la première fois, à Paris, seront engagés dans les épreuves olympiques exactement le même nombre d’athlètes femmes et hommes.
La compacité, ensuite : 95 % des équipements prévus seront éphémères ou existent déjà, pour en finir avec le phénomène des éléphants blancs qui hantent encore certaines rues d’Athènes et de Rio.
L’exemplarité écologique : elle s’exprimera notamment au travers d’une division par deux des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux éditions précédentes.
La maîtrise des budgets : en dépit du contexte d’inflation que chacun connaît, elle demeure une condition clé de l’acceptabilité sociale des Jeux.
L’exigence sociale, enfin : 25 % des marchés sont réservés aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME) ; nous avons aussi pour objectif de proposer au total 2 millions d’heures d’insertion bénéficiant aux publics les plus éloignés de l’emploi.
Quant aux jeux Paralympiques de Paris, ils seront les plus grands de l’histoire et constituent, à ce titre, une occasion unique de changer le regard porté par notre société sur le handicap.
Pour nous permettre de finaliser ces Jeux et leur préparation, avec l’exigence, la précision et la fiabilité que vous attendez de nous, votre travail de législateur est un soubassement et même, parfois, un préalable indispensable.
C’est dans cet esprit que vous avez déjà adopté la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, afin de tenir les engagements de la candidature française, du Comité international olympique (CIO) et du contrat de ville hôte.
Aujourd’hui, à 549 jours d’une cérémonie d’ouverture inédite sur la Seine, nous sommes face à un compte à rebours implacable.
Avec l’ensemble des ministères et des partenaires impliqués, nous avons identifié les ajustements incontournables qu’il nous reste à adopter afin d’aller au bout de nos engagements et de nos besoins opérationnels pour la livraison et le bon déroulement des Jeux.
C’est tout l’objet du projet de loi que j’ai aujourd’hui l’honneur de défendre devant vous.
Permettez-moi d’en exposer les principaux objectifs.
Il s’agit, d’abord, de soigner et de porter secours. Il nous revient de créer, le temps des Jeux, un centre de santé au sein du village olympique et paralympique pour les athlètes et les personnes accréditées. Ce centre sera géré, dans un cadre simplifié, par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), sous le contrôle de l’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France. Grâce à un tel instrument, on évitera de peser sur les capacités de notre système de santé.
Dans le cadre d’une dérogation temporaire, nous allons autoriser les médecins étrangers accompagnant les fédérations internationales et les délégations olympiques à exercer en France, dans cette polyclinique. Nous comptons aussi étendre la liste des organismes habilités à former aux premiers secours, au-delà des associations agréées de sécurité civile.
Il nous faut ensuite – deuxième objectif de ce texte – promouvoir un sport sans dopage. Par ce texte, nous entendons maintenir la France à l’avant-garde de la lutte contre le dopage, où, en leur temps, mes prédécesseurs Marie-Georges Buffet, Jean-François Lamour et Valérie Fourneyron ont su la placer.
Il nous faut rester à ce niveau d’excellence et continuer de répondre à nos obligations internationales en la matière, édictées par l’Agence mondiale antidopage et découlant de la convention de l’Unesco, ratifiée par le Parlement.
Pour cela, nous devons non seulement étendre à la Polynésie française, où se dérouleront les épreuves de surf, les mesures essentielles de lutte contre le dopage en matière pénale, mais aussi ouvrir la possibilité de réaliser des analyses génétiques, comme cela a été fait à Pékin et à Tokyo, afin de déceler les fraudes qui ne peuvent l’être d’aucune autre façon et, ainsi, éviter qu’une faille, un point de fuite, dans notre édifice ne vienne en ruiner la crédibilité tout entière.
J’ai entendu vos inquiétudes sur ce sujet et nous en avons pris la mesure, en entourant ce dispositif de toutes les garanties nécessaires : information expresse des personnes concernées ; usage seulement en tout dernier recours, pour des situations et des finalités limitativement énumérées ; mise en œuvre au moyen d’échantillons anonymisés et promptement détruits, ne permettant ni identification, ni sélection, ni profilage des sportifs concernés.
Nous avons ainsi veillé à concilier au mieux les impératifs de l’éthique et de l’intégrité sportives, dans le respect de nos obligations internationales.
Notre troisième objectif au travers de ce texte est de protéger toutes les populations.
Le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, et moi-même sommes parfaitement lucides quant au fait que la réussite des Jeux est conditionnée à l’impérieuse nécessité d’en sécuriser chaque dimension. Cela concerne la protection des enceintes sportives, avec quatre cérémonies d’ouverture et de clôture, le relais de la flamme, mais également la préservation de l’ordre public et la prévention de la délinquance aux abords de tous nos sites, la cybersécurité, ou encore la gestion efficace des flux de personnes, depuis l’arrivée sur le territoire national jusqu’à nos métros, nos bus et nos RER.
Par le biais de ce projet de loi, nous entendons donc nous doter de moyens renforcés pour détecter plus rapidement et plus facilement, par la vidéoprotection, les risques graves – mouvements de foule, colis suspects, goulets d’étranglement dans les transports… –, mais aussi améliorer et fluidifier le contrôle à l’entrée des sites de compétition et de célébration.
Il importe de mieux coordonner les équipes mobilisées pour la sécurité dans les transports et d’assurer une unité de commandement des forces de sécurité pendant la période des Jeux.
Là aussi, nous avons entendu les questions posées sur la nature de certains dispositifs, comme le traitement par algorithme des images de vidéoprotection, qui continue de susciter des interrogations sur certaines travées de cet hémicycle.
Pour autant, nous souhaitons souligner que les très nombreuses garanties mises en place dans le cadre de cette expérimentation nous aideront à être au rendez-vous de la sécurité des Jeux tout en préservant les droits et les libertés de nos concitoyens, en parfaite conformité avec le droit européen de la protection des données.
Dans ce cadre, en suivant à la lettre les recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), nous avons défini une ligne claire : nous ne voulons pas de la reconnaissance faciale. Cette dernière ne nous paraît pas nécessaire en termes opérationnels et les autres dispositifs prévus dans ce chapitre du texte offriront un saut qualitatif dans la prévention et la lutte contre les troubles à l’ordre public.
En matière de sécurité, nous entendons enfin tirer tous les enseignements des événements survenus au Stade de France le 28 mai dernier et au stade Geoffroy-Guichard le lendemain.
Je salue, à cet égard, le travail réalisé par les deux commissions du Sénat qui ont analysé ces incidents, puis recommandé un ensemble d’améliorations dont nous avons tenu compte dans ce projet de loi.
Ainsi, nous souhaitons renforcer les sanctions individuelles prononcées par le juge judiciaire en cas d’entrée par force ou par fraude dans les enceintes, ou d’intrusion sans motif légitime sur l’aire de compétition.
De même, il vous est proposé de rendre systématiques les interdictions judiciaires de stade pour les infractions pénales les plus graves, par exemple l’introduction d’objets susceptibles de constituer une arme, les jets de projectiles, la provocation à la haine ou à la violence, ou encore l’incitation à la discrimination.
Vous connaissez et vous partagez ma détermination à lutter contre ces débordements détestables dans nos stades afin de garantir, en héritage de ces Jeux, un monde sportif sûr et des enceintes dans lesquelles la violence n’a plus sa place.
Le quatrième objectif de ce texte est de favoriser l’accessibilité des transports. Avec mon collègue Clément Beaune, nous avons jugé que, pour être au rendez-vous de l’exigence d’accessibilité des transports franciliens durant ces Jeux, il était nécessaire de passer de moins de 250 taxis adaptés aux personnes à mobilité réduite (PMR) à plus de 1 000. Pour cela, nous souhaitons permettre à titre expérimental au préfet de police de délivrer de nouvelles licences de taxi PMR dans des conditions simplifiées.
Notre cinquième objectif est de favoriser le potentiel économique dans les territoires. À ce titre, ce projet de loi doit d’abord nous permettre de respecter les engagements du contrat de ville hôte en matière publicitaire vis-à-vis des partenaires des Jeux, lors du relais de la flamme et du compte à rebours, tout en les conciliant avec l’exigence de protection de l’environnement.
L’activité commerçante doit aussi être en mesure de répondre à l’afflux de touristes, de spectateurs et de travailleurs. À cette fin, il vous est proposé de permettre aux préfets d’autoriser le commerce dominical entre le 1er juin et le 30 septembre 2024, sous réserve de l’accord des salariés concernés et de contreparties légales, après consultation des élus locaux, ainsi que des chambres consulaires.
Enfin, sixième et dernier objectif du texte, nous sommes attachés à conserver nos talents jusqu’aux Jeux. Il nous a paru indispensable de permettre aux équipes engagées depuis de nombreuses années dans cette aventure d’être mobilisées jusqu’au bout, via deux mesures relatives, pour l’une, à la limite d’âge et, pour l’autre, à l’avenir de la Solideo, appelée à se rapprocher de Grand Paris Aménagement.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, l’essentiel des dispositions que nous vous soumettons.
Nous avons veillé à définir, de manière claire et transparente, celles qui sont limitées au temps des Jeux ou qui ont un caractère expérimental – soit environ la moitié d’entre elles – et celles qui ont vocation à s’inscrire de façon pérenne dans l’héritage de l’événement et à bénéficier à d’autres manifestations culturelles ou festives, après les Jeux.
Au regard des échanges que nous avons eus ces dernières semaines et de l’esprit qui préside traditionnellement aux travaux de la chambre haute, je suis convaincue que vous partagerez notre vision d’un texte équilibré, utile, centré sur l’essentiel et protecteur des droits et des libertés, sans passer à côté des exigences d’innovation et de modernisation auxquelles nous sommes ponctuellement appelés.
Je veux en conclusion remercier vos rapporteurs, Mmes Agnès Canayer et Florence Lassarade, M. Claude Kern, pour la qualité de leurs analyses, de nos échanges et de leurs propositions sur ce texte.
Je veux aussi saluer les apports des travaux en commission : j’ai en particulier à l’esprit l’amélioration du cadre envisagé pour les analyses génétiques antidopage, le déploiement d’une billetterie nominative, dématérialisée et infalsifiable pour certaines compétitions sportives, ou encore l’ajustement le plus proportionné possible à la gravité des faits des mesures de lutte contre les violences dans les stades.
Tout au long de nos débats, je serai à votre écoute, avec la volonté d’améliorer ce projet de loi autant que cela sera nécessaire.
C’est la France qui, à la fin du XIXe siècle, a redonné naissance aux Jeux ; c’est elle qui, avec Alice Milliat, a inventé les Jeux féminins, mais aussi les jeux Olympiques d’hiver, ou encore le village des athlètes.
C’est donc dans la fidélité à cet esprit d’innovation que les Jeux de Paris 2024 vont dessiner une nouvelle référence olympique. Ils offriront une occasion unique de faire rayonner la France, une France ouverte sur le monde, audacieuse et responsable, assumant ses idéaux universels et son amour pour le sport.