Intervention de Agnès Canayer

Réunion du 24 janvier 2023 à 14h30
Jeux olympiques et paralympiques de 2024 — Discussion générale

Photo de Agnès CanayerAgnès Canayer :

Si toutes ces dispositions, souvent techniques, sont nécessaires à la réussite des jeux Olympiques, deux dispositifs nouveaux soulèvent cependant l’épineuse question du juste équilibre entre la recherche d’efficacité et la garantie des droits et libertés individuelles, que ce soit en matière de lutte contre le dopage ou de sécurisation des jeux.

La France s’est engagée avec force, depuis les années 1990, dans la lutte contre le dopage, essentielle pour assurer l’équité entre les sportifs et garantir leur santé. Afin d’obtenir l’organisation des Jeux de 2024, la France a promis de compléter son arsenal de mesures antidopage par l’introduction des tests génétiques, conformément aux engagements internationaux qu’elle avait pris en 2007.

Paradoxalement, alors que l’introduction du recours aux tests génétiques assure la mise en conformité du droit français avec le code mondial antidopage, l’article 4 du projet de loi, dans sa version initiale, ne devait s’appliquer que jusqu’au 31 décembre 2024. Mais comment accepter que les sportifs français ne puissent pas être soumis aux tests génétiques en France alors qu’ils y sont soumis partout ailleurs ?

En effet, ces tests sont aujourd’hui les seuls à permettre de confirmer la manipulation d’échantillons, d’écarter une suspicion de transfusion de sang homologue, de vérifier l’inexistence d’une mutation génétique rare conduisant à un taux d’érythropoïétine (EPO) supérieur à la moyenne, ou de détecter les manipulations génétiques qui permettent d’augmenter la performance.

C’est pourquoi la commission des lois a adopté un amendement tendant à réécrire l’article 4 de manière à inscrire dans le code du sport la possibilité de recourir aux tests génétiques pour les deux premières finalités précitées, en assortissant cette possibilité de garanties fortes, relatives notamment au caractère subsidiaire des tests, à l’anonymat des échantillons, à l’interdiction de connaître le patrimoine génétique entier de la personne testée, ainsi qu’au recours à l’identification ou au profilage du sportif.

Pour la vérification des manipulations génétiques qui font appel à la recherche d’ADN codant, la commission avait en revanche choisi la voie de l’expérimentation. Depuis lors, nous avons poursuivi nos échanges, notamment avec l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et l’International Testing Agency (ITA), qui nous ont affirmé que cette distinction posait des difficultés techniques et n’assortissait pas l’ensemble des tests des mêmes garanties.

C’est pourquoi je vous proposerai de pérenniser l’ensemble de ces tests tout en renforçant les garanties afférentes.

L’adoption des règles de lutte antidopage en Polynésie française fait l’objet de l’article 5, dont les dispositions, chère Lana Tetuanui, ont été enrichies par nos discussions avec la collectivité de Polynésie.

Surtout, l’ampleur des jeux Olympiques et Paralympiques impose de se doter d’une organisation irréprochable en matière de sécurité, d’autant que la menace terroriste est toujours élevée en France. À cela s’ajoutent deux risques majeurs : le risque cyber et le risque sanitaire. Par ailleurs, la sécurisation de la cérémonie d’ouverture en plein air complexifie la tâche.

Les premières estimations indiquent que les Jeux nécessitent la mobilisation de moyens quotidiens humains et matériels substantiels : entre 22 000 et 33 000 agents de sécurité privés, dont le recrutement pose d’ailleurs quelques difficultés, et 45 000 agents publics – forces de sécurité intérieure et armée.

L’acceptabilité des Jeux implique en outre qu’un équilibre soit trouvé entre les missions de sécurité liées aux Jeux et la permanence des autres mesures sur le reste du territoire.

L’utilisation des images prises par les caméras de vidéoprotection ou les drones doit être renforcée pour aider les forces de l’ordre à sécuriser les espaces publics ; trois articles y concourent.

La mise en conformité, prévue à l’article 6, des dispositions relatives à la vidéoprotection avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) renforce les garanties liées au traitement de données à caractère personnel ; la Cnil avait exprimé ce souhait.

L’expérimentation de l’utilisation de la vidéoprotection « intelligente » ou « augmentée », inscrite à l’article 7, est une innovation majeure, mais elle soulève de nombreuses interrogations en matière de libertés publiques, qu’il convient de mettre en balance avec les avancées opérationnelles permises par un tel dispositif, notamment pour les Jeux.

Le traitement par des algorithmes des images captées permettra de détecter et de signaler des événements prédéterminés susceptibles de menacer la sécurité des personnes. Il constituera un outil d’aide à la décision pour les forces de sécurité, qui pourront ainsi se concentrer sur l’action.

Cette innovation est d’ailleurs l’une des recommandations formulées par nos collègues Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Jérôme Durain dans leur rapport La reconnaissance biométrique dans l ’ espace public : 30 propositions pour écarter le risque d ’ une société de surveillance, adopté par la commission des lois le 10 mai dernier.

Réécrit après les avis du Conseil d’État et de la Cnil, l’article 7 instaure de nombreuses garanties à chaque étape de la mise en œuvre de ce dispositif.

La commission des lois du Sénat a considéré que ces garanties assuraient un équilibre satisfaisant entre la protection des droits et libertés et la plus grande opérationnalité en matière de sécurité. Elle a d’ailleurs souhaité sécuriser cette procédure en renforçant le contrôle assuré par la Cnil, tant dans la mise en œuvre du traitement que dans le suivi et l’évaluation de l’expérimentation.

Enfin, le criblage des fan zones et de tous les participants, ainsi que l’autorisation du recours aux scanners corporels à ondes millimétriques pour les gestionnaires d’enceintes sportives qui le souhaitent, assureront eux aussi une meilleure sécurisation des grands événements accueillis par la France.

Mes chers collègues, les jeux Olympiques et Paralympiques sont, tous les quatre ans, des événements sportifs singuliers dont la préservation du caractère festif justifie la mobilisation de moyens exceptionnels. Il faut que la France soit prête !

Les mesures contenues dans ce projet de loi, enrichi par le Sénat, nous dotent d’outils supplémentaires pour que la France réussisse cette épreuve unique et hors norme.

Le Sénat sera évidemment au rendez-vous pour s’assurer de l’application de la loi et du respect de son esprit.

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