Intervention de Marc-Philippe Daubresse

Réunion du 24 janvier 2023 à 14h30
Jeux olympiques et paralympiques de 2024 — Discussion générale

Photo de Marc-Philippe DaubresseMarc-Philippe Daubresse :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, parmi les vingt articles de ce projet de loi, trois enjeux se détachent particulièrement : la santé, la lutte contre le dopage et, surtout, la sécurité.

Le défi est de taille : c’est un événement d’une ampleur sans précédent pour notre pays, d’autant que – notre rapporteur l’a souligné précédemment – le comité d’organisation des Jeux a fait le pari un peu fou de poursuivre une idée ambitieuse, celle d’organiser une parade sur des embarcations qui parcourront au total six kilomètres sur la Seine, d’est en ouest, pour aboutir au Trocadéro, où se terminera la cérémonie.

Ce pari implique que l’on relève un défi, celui de garantir la sécurisation de cette cérémonie en plein air, qui pourrait réunir jusqu’à 600 000 spectateurs. Tel est bien le nœud du débat, comme on vient de l’entendre dire à l’instant.

Pour rappel, jusqu’à 45 000 membres des forces de l’ordre pourraient être mobilisés. Notre responsabilité est de leur donner tous les moyens pour lutter efficacement contre la menace terroriste dans le respect des libertés publiques.

Les articles 6 à 13 du projet de loi déploient les outils nécessaires sur ce sujet qui, à l’évidence, nécessite des moyens exceptionnels. En particulier, l’article 7 prévoit une innovation majeure pour le dispositif du maintien de l’ordre assisté par intelligence artificielle : il introduit dans le droit la possibilité d’avoir recours de manière expérimentale à ce que l’on qualifie de vidéosurveillance « intelligente » ou « augmentée », dispositif utilisant des algorithmes qui n’ont rien d’opaque afin d’identifier des situations potentiellement dangereuses, comme des mouvements de foule, l’objectif étant de gagner de précieuses minutes pour intervenir avant qu’un drame se produise.

Je tiens à affirmer tout le soutien de mon groupe à ce nouveau moyen mis à disposition de nos forces de sécurité, qui a obtenu l’aval de la Cnil et du Conseil d’État. Je veux ici saluer le ministère de l’intérieur et ses services, mais surtout le remarquable travail de notre rapporteur Agnès Canayer, qui a su renforcer les garanties apportées pour atteindre le bon équilibre, en précisant le contenu du dispositif par des amendements adoptés en commission.

Nous soutenons également la réécriture de l’article 4 en matière de tests génétiques, que notre rapporteur a exposée dans le détail.

Je souhaite que, au cours du débat, nous puissions également mieux prendre en compte les enjeux en matière de transport, notamment grâce aux propositions de notre collègue Philippe Tabarot, qui devraient se concrétiser dans une proposition de loi.

Cependant, comme ancien rapporteur de la loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, qui a pérennisé certaines mesures de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi Silt, il est de mon devoir d’attirer de nouveau l’attention sur le risque d’attentat qui plane sur cet événement.

En effet, d’ici au mois de juillet 2024, quelque 240 individus condamnés pour des faits de terrorisme seront sortis des prisons françaises. De l’aveu même du procureur national antiterroriste, un quart de ces personnes risque de récidiver dans les mois qui viennent : compte tenu de l’ampleur de l’événement, on peut nourrir de solides craintes.

Mes collègues Arnaud de Belenet et Jérôme Durain, rapporteurs de la mission d’information de la commission des lois sur la reconnaissance biométrique dans l’espace public, et moi-même nous sommes déplacés à Nice et à Londres afin d’évaluer les innovations réalisées avant les Jeux de Londres et de définir les conditions dans lesquelles nous pourrions développer, à titre exceptionnel, un système utilisant la reconnaissance biométrique en temps réel et garantissant une protection maximale tout en écartant, bien évidemment, tout risque de développement d’une société de la surveillance à la chinoise.

Madame la ministre, vous nous avez dit tout à l’heure que vous ne jugiez pas nécessaire de recourir à la reconnaissance faciale, même dans un cadre proportionné et uniquement pour cet événement exceptionnel. Ayant moi-même exercé des fonctions gouvernementales, je mesure le poids de votre responsabilité ; mais j’ai aussi été rapporteur de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, ainsi que de la loi pérennisant certains dispositifs antiterroristes, et corapporteur de la mission d’information que je viens de mentionner. Or, après avoir auditionné tous les acteurs concernés et les défenseurs des libertés publiques, auxquelles je suis comme vous très attaché, après avoir entendu les représentants du ministère de l’intérieur britannique et avoir évalué leur retour d’expérience après les JO de Londres, permettez-moi de vous dire que je suis convaincu pour ma part du contraire.

De fait, à l’issue de cette mission d’information, dont les conclusions ont été largement adoptées par notre commission des lois, nous avons formulé trente propositions déclinées selon trois axes principaux. Nous préconisions notamment, en matière de reconnaissance faciale, de définir collectivement un cadre comprenant des lignes rouges pour écarter tout risque d’atteintes aux libertés publiques, une méthodologie claire, par la voie expérimentale, et un régime exigeant et indépendant de contrôle renforçant singulièrement les pouvoirs de la Cnil.

Bien évidemment, nous rejetons en bloc l’idée selon laquelle l’État pourrait avoir recours de manière usuelle à ce dispositif ou pourrait le pérenniser pour contrôler la population. Notre idéal français de liberté et d’égalité et les sociétés du Big Brother qui se développent en Asie sont évidemment antinomiques. Toutefois, nous reconnaissons l’intérêt d’une telle technologie si elle est utilisée dans un cadre proportionné et exceptionnel, de manière très encadrée et très évaluée, et pour des événements hors du commun.

C’est en ce sens que, dans la proposition 22 du rapport de ladite mission d’information, nous ouvrions la voie à la possibilité d’expérimenter cette reconnaissance biométrique pour les besoins du renseignement dans le cadre d’événements exceptionnels comme ceux dont il est question aujourd’hui.

Nous proposions de créer un cadre juridique expérimental permettant, par exception et de manière strictement subsidiaire, le recours ciblé et limité dans le temps à des systèmes de reconnaissance biométrique sur la voie publique, en temps réel, sur la base d’une menace préalablement identifiée et à des fins de sécurisation de grands événements. Le dispositif aurait un caractère strictement subsidiaire, son déploiement serait autorisé a priori et contrôlé a posteriori par une autorité dont nous proposons qu’elle soit la Cnil, le nombre de caméras serait proportionné et l’on prévoirait la minimisation des données utilisées et leur sécurisation, une supervision humaine systématique, une traçabilité des usages et bien d’autres garanties que je ne développerai pas ici.

En effet, ce n’est pas au détour d’un simple amendement sur ce projet de loi, dont l’écriture doit être techniquement affûtée pour rester dans le cadre constitutionnel et respecter les prescriptions de la Cnil et des instances européennes, que nous pourrons avoir un débat serein et argumenté. Je l’avais dit au ministre de l’intérieur Gérald Darmanin : ce débat aurait plutôt dû se tenir dans le cadre de l’élaboration de la Lopmi, ce qui nous aurait permis de procéder à toutes les auditions et de recueillir tous les avis nécessaires.

Je vous annonce donc que, avec mon collègue Arnaud de Belenet, nous déposerons une proposition de loi sur ce sujet

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