Intervention de Guy Benarroche

Réunion du 24 janvier 2023 à 14h30
Jeux olympiques et paralympiques de 2024 — Discussion générale

Photo de Guy BenarrocheGuy Benarroche :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour étudier un texte dont le but affiché est d’adapter notre arsenal juridique, du code du sport au code de la sécurité intérieure, afin de garantir une organisation fluide et sereine des jeux Olympiques de l’an prochain. Cependant, ce projet de loi va bien au-delà.

Comme l’a souligné mon collègue Thomas Dossus, notre groupe voit en ce texte une tentative sécuritaire à peine voilée, pérenne et dangereuse. Ainsi, onze des dix-neuf mesures présentes dans sa version initiale créent de nouvelles dispositions ou modifient des dispositions existantes de façon durable : pour une loi officiellement dédiée à un événement temporaire, cela peut nous alerter.

Les mesures de sécurité disproportionnées de ce projet de loi cachent de réelles atteintes aux droits des personnes et s’inscrivent bien au-delà du temps des Jeux.

Le déploiement de la vision sécuritaire et le recours massif, presque indifférencié, à la vidéosurveillance, le tout augmenté de mécanismes algorithmiques dangereux et potentiellement mis à disposition d’autres opérateurs ultérieurement, y compris non nationaux, soulèvent de nombreuses questions.

Au-delà de ce point lié à l’ambition d’une surveillance démesurée, plusieurs éléments – dont certains ne sont pas même abordés – du texte nous paraissent problématiques. Malgré la dimension sécuritaire du projet de loi, seul l’aspect technologique de la surveillance de masse semble trouver grâce aux yeux de ce gouvernement, qui ne montre, par exemple, que peu d’ambition en matière de lutte contre les cyberattaques.

Les auditions et les inquiétudes remontées du terrain ont, entre autres, mis en avant les carences liées au recours à des prestataires privés pour les événements olympiques. Les collectivités sont inquiètes et rien dans ce texte ne semble à même de les rassurer.

La vie et les autres activités sportives et culturelles continueront pendant ces Jeux. Pour sécuriser ces divers événements, les organisateurs risquent de souffrir non seulement d’un surcoût malvenu, mais aussi d’une certaine précipitation et de formations insuffisantes.

Se pose aussi la question du report de charge sur de nombreuses polices municipales : les fan zones des villes hôtes autres que Paris seront-elles sécurisées par la police nationale ? Pour les festivals et le monde de la culture, la dépense supplémentaire est particulièrement importante.

L’orientation massive des jeunes vers des formations réduites au minimum en raison des délais pour répondre à un besoin temporaire ne s’inscrit pas dans la durée. Qu’adviendra-t-il une fois les compétitions terminées ? Cette situation est révélatrice d’une vision manifestement très court-termiste de l’héritage en termes d’emploi.

Ces formations retiendront-elles les leçons du fiasco du Stade de France ? Mais je sais, madame la ministre, qu’il est difficile de tirer des leçons d’une situation qui, selon le Gouvernement, a été bien gérée…

Il est bon aussi de rappeler que la Cour des comptes avait, dès 2018, souligné les « manquements déontologiques » liés au Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps).

L’emploi et le droit du travail ne sont clairement pas au cœur de la réflexion qui sous-tend ce projet de loi. Prenons l’exemple de la modification injustifiée des règles d’ouverture dominicale : sous prétexte d’une temporalité courte et de la volonté de bénéficier d’un pic de consommation, le Gouvernement ouvre la porte à de nouvelles dérogations au droit du travail. Le recours au bénévolat est, lui aussi, très problématique, tout autant que le recours au secteur privé ou la concentration des moyens des forces de sécurité nationale, qui posent également la question du respect du droit du travail.

La Cour des comptes estime qu’il faudrait employer 22 000 à 33 000 agents de sécurité privée par jour pour sécuriser l’ensemble des épreuves. Ces chiffres dépassent largement les capacités disponibles dans les entreprises de la région et du pays. La question de la formation et du recrutement de ces agents n’a pas été anticipée.

Le spectre de l’expérience londonienne et de l’explosion des coûts n’est pas si éloigné. Cela nous amène au triste héritage financier et budgétaire que dessine ce texte. Ainsi, le dernier rapport de la Cour des comptes alerte clairement sur un budget qui n’est toujours pas connu et qui, selon elle, n’est pas « précisément établi ».

Les conséquences sont tout aussi inconnues sur les finances publiques locales, particulièrement en cas de perturbation : à ce jour, les villes ne disposent d’aucun chiffre réel ni d’aucune prévision en cas de baisse des recettes de billetterie – pour cause d’épidémie, par exemple.

L’héritage de ces Jeux, au centre des préoccupations affichées du comité d’organisation, n’est pas davantage environnemental, malgré les annonces et les efforts locaux. À Marseille, par exemple, sans le travail de la ville, l’ambition et les actions pour la préservation et la reconstitution de l’écosystème marin en bord de mer n’auraient pas été les mêmes.

Ce texte est à l’image des tentatives de ces dernières années d’ériger la surveillance de masse en clé de sécurité et de justifier les renoncements aux libertés individuelles et collectives par des arguments sécuritaires.

Cette vision, surtout lorsqu’elle tente de s’habiller des habits consensuels du bon déroulement des jeux Olympiques, est une farce, tout comme le titre de ce projet de loi, que nous proposons d’ailleurs de changer.

Nous ne sommes pas dupes et nous proposerons de recentrer le texte sur ce que devrait être son objet, à savoir l’encadrement des Jeux, plutôt qu’une dérive sécuritaire pérenne au détriment des droits des citoyens.

Aussi, faute de modifications significatives, particulièrement sur la temporalité de l’application des mesures qui y figurent, notre groupe votera contre ce projet de loi.

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