Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ces jeux Olympiques auraient pu, auraient dû donner lieu à un élan exceptionnel en faveur d’une politique sportive ambitieuse et populaire.
La loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France n’y a malheureusement pas répondu et ce nouveau texte n’apportera rien en la matière. Pis, celui-ci semble servir de soupape au Gouvernement pour prendre un certain nombre de dispositions restreignant les libertés individuelles et collectives et appelées à s’appliquer de façon pérenne.
Ce projet de loi aurait pu être l’occasion d’un débat positif sur la méthode à adopter pour que la prochaine Coupe du monde de rugby ou les jeux Olympiques de Paris constituent un héritage économique et social vertueux pour la population.
Au-delà de la performance de nos athlètes et de la bonne tenue de l’événement en matière de sécurité et de transport, ces Jeux ne seront une réussite que s’ils permettent de casser les barrières sociales, territoriales et liées aux handicaps entre les usagers et la pratique sportive.
Et comment concevoir un héritage économique pour nos collectivités en matière d’équipements alors même qu’elles peinent à soutenir leur vie associative ou à maintenir ouverts leurs équipements existants du fait de la hausse des coûts de l’énergie ?
Que l’on se comprenne bien : je suis résolument pour la tenue de ces jeux Olympiques dans notre pays. La promotion faite au sport d’élite ne me gêne pas et les bonnes performances de nos athlètes nous honoreront.
Ainsi, à défaut d’un héritage social, nous devrons nous satisfaire d’un héritage sécuritaire des Jeux. Loin de nous l’idée de négliger la sécurité de millions de femmes et d’hommes venus assister aux festivités, mais les dérogations apportées au droit commun en matière de droit des justiciables risquent de saper l’élan populaire que doit amener cet événement mondial.
L’un des objectifs de ce texte est de légaliser la vidéosurveillance algorithmique. Or celle-ci a tout autant recours que la reconnaissance faciale à l’analyse biométrique, autrement dit à la détection de corps pour repérer ou identifier une personne.
Étape par étape, la population est préparée à devoir accepter ces nouvelles technologies, sous couvert de leur caractère exceptionnel et limité dans le temps, alors même que ce gouvernement a la fâcheuse tendance d’inscrire de manière pérenne dans le droit commun des dispositions relevant de l’état d’exception.
La Cnil, la Ligue des droits de l’homme ou encore le Conseil d’État se sont aussi fait l’écho de cette préoccupation, exprimée par l’ensemble des membres de mon groupe. Je pense, madame la ministre, que ces réserves méritent que l’on s’y penche de plus près.
Ce texte de loi, en sus de n’apporter aucune garantie supplémentaire de bonne gestion de l’événement pour les supporters dans les stades, s’inscrit dans une ligne du tout sécuritaire qui nous semble contre-productive. Nos amendements tendent à corriger cette orientation, notamment en matière de pointage. En effet, nous estimons nécessaire de proportionner cette mesure au regard du comportement de la personne.
S’agissant de la pyrotechnie, les supporters, partout dans le monde, utilisent des torches et des fumigènes pour animer les tribunes. Bien qu’elle soit interdite, cette pratique perdure. Or la répression a des effets opposés à ceux qui sont attendus, puisqu’elle conduit les supporters à une utilisation encore plus dangereuse.
Par ailleurs, cette gestion sécuritaire s’illustre aussi par le recours de 25 000 à 30 000 agents de sécurité privée dont les prérogatives seront étendues en vue des Jeux. Sachant qu’il faudrait recruter et former 25 000 agents en dix-huit mois, la « probable insuffisance de la sécurité privée », soulignée récemment par la Cour des comptes, est un doux euphémisme.
Dans ce contexte d’un manque criant de ressources humaines dans la filière de sécurité privée, nous serons particulièrement vigilants à ce qu’il n’y ait aucune complaisance à l’égard du travail dissimulé ou du recours aux travailleurs sans-papiers.
Faute d’une préparation sérieuse, nous en sommes amenés à devoir faire appel aux réserves de la police, de la gendarmerie et des armées. Entre les festivals de musique annulés, faute d’agents de sécurité publique et de membres des forces armées assurant le maintien de l’ordre public, je peine à distinguer l’horizon d’une quelconque communion populaire lors de ces Jeux.
S’agissant d’impréparation, je pourrais aussi rappeler les promesses de cet exécutif, qui s’est engagé à répondre de manière décarbonée aux besoins de mobilité induits par les Jeux. Elles auront du mal à être tenues, sachant que seul le prolongement de la ligne 14 du métro sera prêt à temps. Là encore, l’acceptabilité des Jeux devrait en sortir malmenée.
En raison tant des restrictions aux libertés individuelles et collectives qu’il emporte que de ses manques criants en matière de politique sportive et de l’absence de mesures concrètes sur l’héritage des Jeux, nous ne pourrons voter ce texte.