Intervention de Loïc Hervé

Réunion du 1er février 2023 à 14h30
Droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse — Discussion générale

Photo de Loïc HervéLoïc Hervé :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir afin d’examiner, pour la deuxième fois en trois mois – sans compter les nombreux textes déposés sur les bureaux respectifs de nos deux assemblées –, une nouvelle proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse.

Sur l’initiative de notre collègue députée Mathilde Panot, ce texte, après avoir été réécrit, fut adopté par l’Assemblée nationale en première lecture à une très large majorité le 24 novembre 2021.

Quelques semaines auparavant, la proposition de loi constitutionnelle de notre collègue Mélanie Vogel nous était présentée. Elle prévoyait, outre l’interruption volontaire de grossesse, d’inscrire également dans le « marbre » constitutionnel la garantie du droit à la contraception.

Je tiens à remercier notre rapporteur, Agnès Canayer, qui, dans la continuité de son précédent rapport, a de nouveau fait preuve d’une grande sagesse dans la manière d’aborder ce sujet délicat, à la fois politique et sociétal, renvoyant aux convictions intimes et à l’histoire de chacun et chacune d’entre nous.

La genèse de cette multiplication de textes, c’est bien évidemment l’actualité américaine ou plutôt l’actualité d’une juridiction, la Cour suprême des États-Unis. C’est cette actualité qui nous conduit à examiner en si peu de temps deux propositions de loi ayant le même objectif.

En effet, le 24 juin 2022, l’arrêt Dobbs v. Jackson Women ’ s Health Organization venait opérer une modification de l’arrêt Roe v. Wade du 22 janvier 1973. Ce dernier avait fondé une protection fédérale, sous le contrôle de la Cour suprême, du droit à l’avortement sur le fondement du quatorzième amendement de la Constitution des États-Unis, lequel dispose notamment qu’aucun État « ne privera quiconque de la vie, de la liberté ou de la propriété, sans procédure légale régulière ». Désormais, il appartient à chaque État fédéré américain de légiférer sur l’interdiction ou non du recours à l’interruption volontaire de grossesse.

Ai-je besoin, mes chers collègues, de vous rappeler la première partie de l’article 1er de notre Constitution ? « La France est une République indivisible […] » : cela signifie que notre pays n’est pas une fédération, que le législateur national dispose d’une plénitude de compétences et que les lois sont les mêmes pour l’ensemble de nos concitoyens, partout sur le territoire national. Je ne vois donc là aucune comparaison possible avec le texte de la Constitution américaine.

Comme notre rapporteur nous l’a rappelé en commission des lois, notre arsenal juridique est suffisamment solide concernant l’IVG. En témoigne la loi du 17 janvier 1975 portée par Simone Veil, alors ministre de la santé, relative à l’interruption volontaire de la grossesse. Ses dispositions n’ont jamais cessé d’être renforcées par le législateur – allongements successifs des délais, élargissement des praticiens pouvant pratiquer des IVG, etc. – et confortées par le juge constitutionnel.

Au-delà de cette intégration pleine et entière dans notre patrimoine juridique, auquel le Sénat est fortement attaché, force est de constater aujourd’hui qu’aucun parti, y compris aux extrêmes de l’échiquier politique, n’a jamais appelé à remettre en cause le principe de l’IVG. On peut d’ailleurs en trouver une illustration dans le vote de l’Assemblée nationale, le 24 novembre : pas moins de 38 députés du groupe Rassemblement national ont voté l’inscription de ce droit dans la Constitution.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion