Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte examiné ce matin permet de mettre en lumière un phénomène particulièrement prégnant dans de très nombreux points de notre territoire. Le constat que vous établissez, monsieur Dantec, est d’une grande clarté et d’une grande justesse.
L’inflation des prix de l’immobilier, alimentée notamment par la multiplication des résidences secondaires, crée un problème d’accès au logement pour les Français qui, parfois depuis des générations, vivent dans ces villes, dans ces départements, dans tous les lieux touchés par ce phénomène, en particulier dans la région qui est la vôtre, monsieur le sénateur.
Les chiffres de l’Insee en attestent : la tendance s’est accélérée au cours de la dernière décennie. Depuis 2010, le nombre de résidences secondaires a augmenté de 16, 5 %, contre moins de 10 % pour les résidences principales. Même si les résidences secondaires représentent environ un logement sur dix, il faut être attentif à la dynamique à l’œuvre.
La multiplication des résidences secondaires ne concerne pas uniquement le sud de la France. Elle touche aussi la côte Atlantique et les agglomérations de grandes métropoles comme Lyon, Toulouse ou encore Bordeaux.
Le Gouvernement partage donc une grande partie de votre diagnostic, monsieur le sénateur. Les tensions sur les prix sont incontestables et certaines communes, certains quartiers sont devenus inaccessibles pour des gens qui doivent alors déménager pour aller vivre plus loin – plus loin de leur travail, plus loin des lieux dans lesquels ils sont parfois nés, plus loin de lieux auxquels ils sont profondément attachés –, et ce d’autant que ces zones, souvent touristiques, se dévitalisent en ne connaissant plus que des habitats intermittents à mesure que les résidences secondaires deviennent prépondérantes.
Cette proposition de loi pose ainsi des questions sérieuses, et de très nombreux parlementaires ou élus locaux se retrouvent sans doute dans le constat que vous faites.
Pour y répondre, monsieur le sénateur, vous proposez des mesures de nature fiscale. Sans conteste, la fiscalité et, plus largement, l’incitation financière ont leur rôle à jouer, mais en complément d’autres instruments, car cela ne suffira pas pour tout résoudre.
De manière générale, la Gouvernement a la conviction que l’on ne peut pas régler tous les problèmes de notre pays par une accumulation de taxes et que nous devons collectivement veiller à ne pas multiplier les prélèvements sur nos compatriotes en cette période. Qui plus est, les résidences secondaires ne sont pas forcément détenues par les plus aisés : l’Insee estime que 34 % des propriétaires de résidences secondaires sont dans le dernier décile de revenus.
Concrètement en effet, ce texte propose de créer deux nouvelles taxes additionnelles à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, dont les recettes bénéficieraient respectivement aux régions et aux établissements publics fonciers, qu’ils soient d’État ou locaux. Ces taxes s’appliqueraient dans les zones géographiques en tension qui conditionnent déjà la possibilité, pour les communes, d’appliquer une majoration de la THRS.
La première taxe serait instituée sur délibération du conseil régional, qui pourrait en fixer le taux dans une fourchette comprise entre 0 % et 25 % de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires applicable dans la commune concernée. La seconde obéit à un mécanisme similaire, mais serait instituée au profit des établissements publics fonciers.
Le Gouvernement ne peut pas soutenir une telle proposition, pour plusieurs raisons.
D’abord, le Gouvernement est très attentif à maîtriser la pression fiscale dans notre pays. Or, monsieur le sénateur, vous proposez un cumul d’impositions qui pourrait d’ailleurs être considéré comme confiscatoire par le juge constitutionnel. En effet, une même assiette fiscale – en l’occurrence, la valeur locative cadastrale d’un bien – se verrait appliquer une succession de taxes et de majorations avec, au final, un taux d’imposition global à des niveaux extrêmement élevés.
À titre d’illustration, le taux d’imposition pour les résidences secondaires situées à Grenoble pourrait atteindre plus de 84 %. Nous doutons que le Conseil constitutionnel puisse valider cela.
En outre, le type de fiscalité que vous proposez existe déjà largement, puisque les établissements publics fonciers, par exemple, perçoivent déjà des taxes spéciales d’équipement (TSE), réparties sur les impôts fonciers, dont la THRS.
La TSE est fixée par les établissements publics fonciers locaux en fonction de leurs engagements financiers, dans la limite de 20 euros par habitant. En pratique, il demeure une marge significative sous ce plafond, car le montant moyen de la TSE est aujourd’hui de 11 euros sur l’ensemble du territoire.
En termes de financement des établissements fonciers, nous estimons donc que des marges existent, sans qu’il faille créer de nouveaux prélèvements.
Ensuite, monsieur le sénateur, l’outil que vous recherchez existe déjà. Nous avons beaucoup avancé sur ces sujets dans le cadre de la dernière loi de finances.
Tout d’abord, je veux rappeler qu’en 2023 – le Gouvernement s’en félicite –, la taxe d’habitation est intégralement supprimée pour la résidence principale, mais continue de s’appliquer sans aucune forme d’allègement pour les résidences secondaires. Cette réforme crée donc un différentiel de fiscalité qui permet de rendre fiscalement bien plus attractive l’occupation d’un logement en tant que résidence principale.
Surtout, dans le cadre de la loi de finances pour 2023, nous avons renforcé les marges de manœuvre dont disposent les communes pour imposer les résidences secondaires. Sur l’initiative du député Xavier Roseren, dont la proposition a été approuvée par le Sénat, la définition des zones tendues a été complétée pour intégrer pleinement les communes touristiques dans le champ de cet outil en cas de tensions.
C’est un levier extrêmement puissant. Dans les zones en tension, les logements vacants sont automatiquement imposés à la taxe sur les logements vacants (TLV) après un an de vacance, et les conseils municipaux peuvent décider d’instituer une majoration de la cotisation de THRS comprise entre 5 % et 60 %.
J’ajoute que, toujours dans cette optique de résorption de la non-occupation des logements, la dernière loi de finances a aussi augmenté d’un tiers les taux de la TLV. À compter de 2023, les taux de cette taxe sont portés à 17 % la première année et à 34 % dès la deuxième, contre respectivement 12, 5 % et 25 % jusqu’à présent.
Ce sont des outils extrêmement puissants. À titre d’exemple, appliquer la majoration à hauteur de 60 % représente en moyenne un montant d’impôt de 536 euros pour un appartement.