Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage le constat sur lequel se fonde cette proposition de loi présentée par Ronan Dantec. Il est en effet primordial d’agir pour aider les collectivités locales à contenir les excès de la transformation accélérée de l’habitat dans certaines zones tendues.
Au Pays basque, par exemple, les résidences secondaires représentent désormais 15 % du nombre total des logements, et près de la moitié dans certaines communes du littoral. Quelque 900 résidences secondaires apparaissent chaque année, dont 600 étaient auparavant habitées de manière permanente. Cela produit une récente et spectaculaire raréfaction de l’offre de logements en location durable et une dangereuse crise du logement, aux ramifications politiques préoccupantes.
Cette croissance exponentielle des résidences secondaires s’appuie sur celle des locations saisonnières, qui permettent aux acheteurs des premières d’intégrer le rapport des secondes dans leur montage financier.
Les conséquences sont alarmantes : flambée des prix de l’immobilier, envolée des loyers à l’année et multiplication des locations précaires – souvent illégales – sur dix mois, pour libérer les logements aux beaux jours. Cette spirale infernale éloigne les ménages toujours plus des centres urbains. Ses premières victimes sont les jeunes, les personnes les plus fragiles, les plus isolés, les étudiants, les apprentis, les familles modestes.
Dans ce contexte, les vingt et une communes basques classées en zone tendue ont, depuis plusieurs années déjà, mis en place la procédure de changement d’usage, et la majoration maximale de 60 % du taux de la THRS est partout appliquée, indépendamment des sensibilités politiques des municipalités. Cela n’a pas suffi. Voilà pourquoi la communauté d’agglomération du Pays basque expérimentera dès le 1er mars un système de compensation obligeant, pour tout bien mis sur le marché de location saisonnière, à mettre un bien nouveau sur le marché à l’année. La mesure est drastique. Résorbera-t-elle pour autant la crise du logement ? Je ne le crois pas.
Cette crise est bien plus globale et complexe. Elle pousse les élus de tous bords à chercher des solutions.
La proposition de loi que nous examinons prévoit de taxer, au profit des régions et des EPFL. Certes, il est toujours alléchant de créer une taxe additionnelle et d’en attribuer le produit aux collectivités territoriales. Je ne doute pas qu’elles en feront bon usage et je reconnais que ce texte pose le sujet.
Mais raisonnons-nous. Si l’issue de cette crise passait uniquement par la création de taxes supplémentaires, celle-ci aurait été aisément résolue. Bien sûr, monsieur le rapporteur, le besoin de recettes existe. Mais je suis convaincu que la réponse passe d’abord par la production de logements locatifs aidés et l’accession sociale à la propriété. Or, et particulièrement dans ces territoires, au-delà de la raréfaction du foncier et de la hausse de son prix, la production de logements devient insoutenable pour les bailleurs sociaux. Ceux-ci sont en effet affaiblis à la fois par l’augmentation du coût des matériaux de construction et par la réduction de leurs fonds propres. À force de leur avoir fait les poches, ils sont désormais confrontés à l’inflation sans avoir la capacité d’assurer l’équilibre des opérations.
Dans ces territoires, nous devons chercher un nouveau modèle de financement du logement social. Cela nous renvoie au sujet des zonages et des plafonds d’accès au bail réel solidaire et au bail réel immobilier. Il faut apporter une réponse à la frange des classes moyennes qui ne peut plus accéder à la propriété et qui se trouve peu à peu évincée de ces territoires.
Nous devons aussi nous pencher sur les avantages fiscaux dont bénéficient encore les locations saisonnières par rapport aux locations à l’année, et que le Gouvernement a conservés, malgré nos votes dans cette assemblée, par l’usage du 49.3. La limite du nombre de jours de location saisonnière autorisés pour les résidences principales ou secondaires est également un sujet à explorer. La procédure de changement d’usage ne devrait plus être une simple formalité, mais s’appuyer sur un véritable agrément, pour donner la main aux maires en leur permettant d’exercer un réel contrôle.
Toutes ces pistes renvoient à la responsabilité de l’État qui, dans ces territoires, devrait être animateur et stratège, et non prescripteur permanent de normes et censeur impitoyable. C’est à lui de rétablir les conditions qui permettront de relancer la construction, de créer une offre équilibrée de logements locatifs et d’accession sociale à la propriété, afin de restaurer des parcours résidentiels aujourd’hui figés.