Cet article a été inséré à l’Assemblée nationale après l’adoption en commission d’un amendement du Gouvernement.
La disposition en cause subordonne la poursuite du séjour à la condition que les intéressés ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale français.
Ce faisant, cette mesure tend à vider de sa substance le droit au séjour de moins de trois mois des ressortissants de l’Union européenne, pourtant reconnu par le droit communautaire.
Elle remet en cause, par là même, les missions d’accueil et d’hébergement d’urgence exercées par un certain nombre d’associations. Sont expressément visés ici les Roumains et les Bulgares !
Selon le droit communautaire, tous les citoyens de l’Union européenne peuvent se déplacer librement sur le territoire des autres États membres sans qu’aucune condition, autre que celle d’être en possession de son passeport ou de sa carte d’identité en cours de validité, leur soit opposable.
Quand bien même cette condition ne serait pas remplie, il est prévu par l’article 5, paragraphe 4, de la directive de 2004, que « l’État membre concerné accorde à ces personnes tous les moyens raisonnables afin de leur permettre d’obtenir ou de se procurer, dans un délai raisonnable, les documents requis ou de faire confirmer ou prouver par d’autres moyens leur qualité de bénéficiaires du droit de circuler et de séjourner librement, avant de procéder au refoulement ».
En aucun cas la notion de « charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale » en France ne saurait être un motif nécessaire et proportionnel pour limiter la liberté fondamentale de circulation dont jouit un citoyen de l’Union.
Certes, l’article 14 de la directive visée laisse penser que les États membres seraient en droit de mettre fin à cette liberté pendant les trois premiers mois de séjour si les personnes concernées deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de cet État. Néanmoins, la notion de « charge déraisonnable » reste très encadrée par le droit communautaire.
Dans les textes comme dans la jurisprudence, cette notion est en effet très contraignante pour l’État qui l’invoque.
Ainsi, dans ce même article 14 de la directive on peut lire : « Le recours au système d’assistance sociale par un citoyen de l’Union ou un membre de sa famille n’entraîne pas automatiquement une mesure d’éloignement ».
Cela signifie, vous en conviendrez, que le seul recours au système d’assistance sociale ne constitue pas une charge déraisonnable !
Au-delà, cet article nous paraît très dangereux en ce qu’il véhicule l’idée selon laquelle les étrangers ne viendraient en France que pour abuser des droits sociaux.
Je me contenterai de dire que cette affirmation est complètement démentie par les faits et par les textes : l’accès aux droits sociaux pour les ressortissants communautaires est en effet subordonné à une présence sur le territoire français de plus de trois mois de manière ininterrompue.
Tel est le sens de cet amendement.