Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France subit depuis le début des années 2000 une détérioration continue de sa balance commerciale, avec un déficit écrasant évalué à 84, 7 milliards d’euros en 2021.
Cette situation est particulièrement inquiétante. Elle l’est d’autant plus que la crise énergétique actuelle est marquée par un grave dysfonctionnement du marché énergétique européen, qui s’est traduit par une envolée historique des prix du gaz et de l’électricité. Les dernières estimations font état d’un déficit qui pourrait atteindre plus de 150 milliards d’euros.
Il est nécessaire de trouver rapidement une solution aux défaillances du marché européen de l’énergie, qui plombent aujourd’hui la compétitivité de nos entreprises et grèvent le budget de nos services publics, de nos collectivités et de nos ménages.
L’électricité que nous produisons en France est pourtant l’une des plus compétitives en Europe. Alors que la spéculation se déchaîne sur les marchés de gros, nos entreprises et notre tissu industriel ne peuvent pas directement profiter de cette compétitivité.
Si les prix de l’électricité continuent d’augmenter, nous pourrions faire face à une nouvelle vague de délocalisations et de désindustrialisation. Alors que les États-Unis ont lancé un programme protectionniste au travers de l’Inflation Reduction Act (IRA), l’Union européenne hésite encore à protéger de manière vigoureuse le peu qui lui reste de son industrie !
Sans un grand plan d’aide pour la décarbonation de notre économie, l’Union européenne peinera à atteindre ses objectifs, ce qui pourrait la mettre à la merci du secteur des nouvelles technologies, dominé principalement par les firmes sino-américaines.
Le repli sur soi n’est pas la solution, mais l’Union européenne doit prendre la mesure des phénomènes de reflux de la mondialisation et adopter une approche plus pragmatique et en phase avec les enjeux de la transition écologique.
Notre dépendance aux importations chinoises ne concerne plus seulement les produits de faible valeur ajoutée. Force est de constater que la Chine a désormais investi le marché des produits de haute technologie. Cette dépendance n’est pas spécifique à la France, puisqu’elle touche aussi nos partenaires européens et les États-Unis.
Lorsque la Chine a commencé à les concurrencer sur ce segment, les États-Unis ont réagi auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en dénonçant, d’une part, l’utilisation du statut de pays en voie de développement, et, d’autre part, les nombreuses subventions et protections que la Chine déployait pour son tissu industriel.
Comme par le passé, les nations qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu sont celles qui ont réussi à protéger leur économie des règles du libre-échange.
C’est se méprendre que de continuer de penser que l’on résoudra le problème du déficit commercial en diminuant le coût du travail. Cette course à la déflation salariale a maintes fois montré son inefficacité. Elle serait d’autant plus inopportune que nous sommes dans un contexte de retour de l’inflation, dont l’origine est principalement énergétique.
La solution pourrait être ailleurs. Les effets de bord d’un capitalisme devenu incontrôlé, avec des délocalisations en nombre, ont appauvri les couches populaires les plus tributaires des secteurs industriels marchands et ont sapé la confiance collective envers les décideurs publics et privés.
Cette confiance est pourtant primordiale, afin d’engager les nécessaires et colossaux investissements qu’exigent les changements climatiques.
Monsieur le ministre, le Pacte vert pour l’Europe, présenté comme une réponse aux incursions protectionnistes sino-américaines, sera-t-il suffisamment important pour remettre sur pied une industrie digne de ce nom, permettant à l’Union européenne de gagner en autonomie stratégique ? Rien n’est moins sûr, à notre sens.
En tout cas, le Gouvernement devra trouver rapidement la réponse à cette question, tant elle conditionne le retour à l’équilibre de notre commerce extérieur.