Monsieur le président, monsieur le ministre de l’agriculture – et de la souveraineté alimentaire, nous aurons l’occasion de vous le rappeler aujourd’hui ! –, mes chers collègues, le rapport que j’ai conduit avec mes collègues Laurent Duplomb et Serge Mérillou expose, à partir de cinq produits – la pomme, la tomate, le blé, le lait et les poulets –, les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de notre pays, puis propose quelques solutions.
Je comparerai la situation de l’agriculture à celle du nucléaire français : à force de maudire un système et une façon de produire, en établissant des règles et en votant des lois doctrinaires et non réalistes, le glissement vers l’impasse était inexorable. En vingt ans, nous sommes passés du deuxième rang mondial des exportateurs à un déficit de production, si l’on excepte les vins et spiritueux. Les agriculteurs baissent les bras, comme EDF le fait depuis dix ans.
Nous avons beaucoup discuté ces dernières semaines de souveraineté énergétique : celle-ci est indispensable, mais tout aussi nécessaire, et peut être encore davantage, est la puissance agricole d’un pays, qui plus est lorsque celui-ci a longtemps été qualifié de « grenier de l’Europe ».
À ce titre, je remercie la commission des affaires économiques et sa présidente, Sophie Primas, d’avoir bien voulu inscrire à l’ordre du jour un débat sur les conclusions de notre rapport sur la compétitivité de la ferme France, document transpartisan qui, une fois encore, tire la sonnette d’alarme sur la compétitivité de notre agriculture et sur sa capacité à exporter ses productions comme à nourrir la population.
Les constats de ce rapport ne font, hélas, pas dans l’originalité, puisque cela fait maintenant une vingtaine d’années que le Sénat alerte sur la pente descendante qu’emprunte notre agriculture. En 2015, déjà, nous discutions une proposition de loi de notre ancien collègue Jean-Claude Lenoir sur la compétitivité de l’agriculture française.
Pourtant, chaque année qui passe contribue à aggraver les déséquilibres maintes fois identifiés, si bien que, monsieur le ministre, il devient impérieux d’agir.
Notre rapport a mis en avant un certain nombre de facteurs contribuant à éroder, voire à miner, la compétitivité de notre modèle français.
Parmi quatre facteurs, j’en citerai deux : premièrement, la hausse des charges des producteurs, en raison des coûts de la main-d’œuvre, des surtranspositions ou encore d’une fiscalité trop lourde ; deuxièmement, la productivité en berne résultant du manque d’investissements, principalement dans l’agroalimentaire et dans l’élevage, pour des raisons que nous ne connaissons que trop bien au Sénat.
Résultat, nos exportations implosent et nos paysans désespèrent : près d’un tiers des légumes sont importés et les deux tiers des fruits le sont également. Et que dire des poulets, lorsque près de la moitié de ceux qui sont consommés dans notre pays ne sont pas français. Ne sommes-nous plus capables d’offrir à nos compatriotes des produits agricoles de grande consommation accessibles à tous ?
Face à ces constats alarmants, nos recommandations n’ont pas vocation à rester lettre morte. Je crois, monsieur le ministre, que vous souscrivez non seulement à nombre des constats, mais aussi à nombre des solutions préconisées dans ce rapport. Travaillons donc ensemble à inverser cette tendance mortifère pour nos agriculteurs, notre compétitivité, nos concitoyens et notre pays.
Vous engagerez-vous, avec le Sénat, à la vigilance la plus absolue quant aux surtranspositions ? Je ne peux pas ne pas penser aux betteraviers, qui, les premiers en Europe et dans le monde, ont dû se passer de produits indispensables, en l’état actuel des connaissances et de la recherche, à leurs cultures.
Quand pérenniserez-vous pour de bon les travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE), pour sauver la filière fruits et légumes ?